5 mai 2018

Le Coin de la Conjoncture du 5 mai 2018

Le rythme de croisière n’empêche pas la houle

La Commission de Bruxelles a rendu public ses prévisions économiques du printemps. Elle juge que la croissance est relativement solide permettant un réel assainissement des comptes publics. La zone euro devrait être capable de tenir un rythme de croissance de 2 % avec un petit affaiblissement prévu pour 2019 compte tenu des limites des capacités de production et de l’évolution des gains de productivité.

Sans le mentionner explicitement, la Commission de Bruxelles laisse entendre que, le 23 mai prochain, la France quittera la liste des pays à déficit excessif. Néanmoins, cette sortie ne marque pas la fin du chemin de croix car la France entrera dans la catégorie des États membres tenus de réduire leur déficit structurel (calculé indépendamment des aléas conjoncturels). Si le déficit public devrait s’abaisser à 2,3 % du PIB en 2018 contre 2,6 % l’année dernière, la situation des finances publiques compte parmi les plus dégradés de l’Union. En effet, le solde public au sein de la zone euro devrait être de +0,6 % du PIB cette année contre +0,7 % du PIB en 2017. La dette publique française à la différence de celle de la majorité des États membres n’a pas commencé son repli. Elle devrait simplement se stabiliser, en 2018, entre 96 et 97 % du PIB.

Si la Commission de Bruxelles constate avec plaisir le retour du déficit public français en-dessous de 3 % du PIB, elle demeure circonspecte sur les effets réels des réformes engagées. L’amélioration française est avant tout la conséquence d’une réelle embellie économique. La croissance s’est élevée à 2,4 % dans l’Union européenne et la zone euro en 2017 soit le taux le plus élevé de ces dix dernières années. En 2018, elle est attendue à 2,3 %. La Commission de Bruxelles prévoit un effritement de la croissance pour 2019 (2 %).

La Commission de Bruxelles dans ses prévisions de printemps pointe plusieurs menaces. La politique de l’administration américaine pourrait, à ses yeux, conduire à une surchauffe entraînant une hausse des taux d’intérêt. La crainte d’une montée du protectionnisme est également prise au sérieux. Les commissaires européens souhaitent que les États membres poursuivent leur modernisation avec un effort accru en matière d’investissement tout en constituant des réserves pour faire face à un éventuel choc économique.

 

La renationalisation de l’euro

La mise en œuvre de la monnaie unique s’inscrit dans le prolongement du marché commun de 1957 et du marché unique, en 1986. Dès 1969, Raymond Barre et Pierre Werner, à la demande de la Commission de Bruxelles, établissent un plan visant à instituer une union économique et monétaire avant 7 ans. La mise en place d’une union monétaire commune est jugée indispensable en raison de la déliquescence du système monétaire de Bretton Woods, qui aboutit à la fin de la convertibilité du dollar le 15 août 1971. Les fluctuations monétaires freinent et complexifient les échanges au sein de l’Union européenne et obligent, lors des dévaluations et des réévaluations, à l’instauration de montants compensatoires agricoles. En effet, les produits agricoles bénéficient de mécanismes de prix garantis qui sont altérés par les variations de change. Pour neutraliser les modifications des cours des monnaies européennes, un système de compensation fut introduit. La mise en place de l’euro fut accélérée tout à la fois par les progrès du marché unique et par la chute du mur de Berlin. L’euro constituait une réponse économique à l’intégration croissante des économies européennes et une réponse politique à la réunification allemande, cette dernière concrétisant la position dominante de notre voisin au sein de l’Union.

L’introduction de l’euro fut un succès technique indéniable, la disparition des monnaies nationales s’est effectuée sans réels problèmes. Certes, certains mirent en avant le caractère inflationniste de la substitution de l’euro au franc même si dans les faits, aucune étude ne l’a confirmé. Les pays d’Europe du sud furent les grands gagnants du déploiement de l’euro en bénéficiant de taux d’intérêt beaucoup plus faibles qu’auparavant. La Grèce, l’Espagne et le Portugal connurent une expansion soutenue de 1999 à 2008. Aux côtés d’une Europe commerciale s’est construite une Europe financière. Un double flux s’était alors développé ; les pays industriels exportèrent leurs biens dans les pays du Sud dont les déficits commerciaux croissants étaient financés par les excédents des premiers. Ce mécanisme fonctionna durant plus de dix ans. La crise des dettes souveraines mis un terme à ce processus.

Depuis 2012, les marchés financiers des pays de la zone euro se sont « renationalisés » en raison de leur segmentation et de l’arrêt de la mobilité des capitaux entre les pays de la zone euro. La détention des actifs financiers de chaque pays de la zone euro est assurée de plus en plus par les résidents du pays.

Dans tous les pays de la zone, la part des non-résidents a reculé. De même, les investisseurs institutionnels détiennent de moins en moins de titres étrangers. La politique de rachats de la Banque Centrale Européenne a accentué la tendance. Les dettes publiques sont aujourd’hui soit détenues par des résidents, soit par la BCE.

Cette « renationalisation » des marchés financiers des pays de la zone euro est préjudiciable à l’économie de la zone euro. Elle ne contribue pas à une allocation optimale de l’épargne. Les agents des pays excédentaires, les Allemands, les Néerlandais, par exemple, préfèrent investir à faibles taux, au sein de leur pays que prendre le risque d’investir au sein de pays à plus fort potentiel économique que les leurs. La monnaie unique est cantonnée à un rôle d’instrument d’échanges. Cette situation contredit un des objectifs de l’Union Monétaire qui est d’assurer la libre circulation des capitaux au sein des États membres. L’aversion aux risques a pour conséquence une moindre croissance au sein de la zone euro. Ainsi, la demande des pays d’Europe du Sud n’a pas, en 2017, retrouvé le niveau atteint en 2007. Pour l’Italie, le Portugal et la Grèce, elle est même inférieure à celui de 2002.

Cette renationalisation a, en revanche, un avantage. Elle limite la survenue d’une crise des balances des paiements courants. En effet, les résidents sont, par nature, moins sujets à vendre les actifs de leur pays. De ce fait, la répétition d’une crise sur le style de celle de 2011/2012 avec la Grèce déclenchée avec les ventes par les épargnants d’actifs des pays périphériques de la zone euro vers ceux au cœur de la zone euro, est moins probable.

Malgré tout, les inconvénients l’emportent sur les avantages. L’idée d’une meilleure circulation de l’épargne est avancée notamment par le Président de la République française qui souhaite la création d’un budget de la zone euro. L’Allemagne et les pays d’Europe du Nord, sont plutôt réticents par crainte qu’il se traduise par un endettement croissant des pays d’Europe du Sud et une incitation au laxisme budgétaire.

Un quart des salaires bruts pour l’État et les régimes sociaux

En 2017, les salariés de l’OCDE n’ont perçu que 75 % de leurs salaires bruts. Selon le rapport sur la taxation des salaires publié par l’organisation internationale, le taux moyen net d’imposition des personnes physiques (TUMPP) s’est établi à 25,5 % au sein des États membres.

L’OCDE souligne que les taux moyens d’imposition ont augmenté dans 20 des 35 pays membres, en raison des hausses de salaires et des augmentations de taux. La progressivité des systèmes d’imposition a abouti automatiquement à une augmentation de la pression fiscale. Dans 13 pays, les taux d’imposition ont néanmoins baissé. Ils sont restés inchangés dans deux pays : au Chili et en Hongrie. Le taux moyen à l’échelle de la zone OCDE, calculé pour une personne célibataire sans enfant percevant le salaire moyen, est demeuré stable ces dernières années, mais les moyennes par pays varient entre moins de 15 % au Chili, en Corée et au Mexique et plus de 35 % en Allemagne, en Belgique et au Danemark.

En 2017, les taux moyens nets d’imposition des personnes physiques les plus élevés applicables à un travailleur célibataire sans enfant rémunéré au salaire moyen sont ceux appliqués par la Belgique (40,5 %), l’Allemagne (39,9 %) et le Danemark (35,8 %), et les taux les plus bas ceux appliqués par le Chili (7 %), le Mexique (11,2 %) et la Corée (14,5 %). La moyenne de l’OCDE est restée stable à 25.5 %.

Les TMNIPP les plus élevés applicables aux familles avec deux enfants comptant un seul apporteur de revenu rémunéré au salaire moyen sont enregistrés en Turquie (25,9 %) et au Danemark (25,3 %). Les taux les plus faibles ont été enregistrés en République tchèque (0,7 %), au Canada et en Irlande (1,2 % pour les deux pays). En Pologne, le TMNIPP est négatif (-4,8 %) car les prestations en espèces excèdent les impôts et les cotisations sociales.

Exprimé en pourcentage des coûts de main-d’œuvre (montant total des impôts sur le coût du travail acquittés par les salariés et les employeurs, minoré des prestations familiales pour l’employeur), le « coin fiscal » est en recul depuis 2012 au sein de l’OCDE. En 2017, les coins fiscaux moyens les plus élevés pour les travailleurs célibataires sans enfant percevant le salaire national moyen étaient ceux affichés par la Belgique (53,7 %), l’Allemagne (49,7 %), l’Italie (47,7 %) et la France (47,6 %). Les taux les plus bas ont été enregistrés au Chili (7 %), en Nouvelle-Zélande (18,1 %) et au Mexique (20,4 %). La moyenne de l’OCDE s’établit à 35,9 %.

Le coin fiscal moyen pour une famille avec enfants comptant un seul apporteur de revenu ressort à 26,1 % en 2017. La France avec un ratio de 39,4 % obtient le niveau le plus élevé suivis de la Belgique, de la Finlande, de la Grèce, de l’Italie et de la Suède. En ce qui concerne cette catégorie, les taux les plus bas sont constatés en Nouvelle-Zélande (6,4 %), au Chili (7,0 %) et en Suisse (9,1 %).