5 décembre 2015

Le Coin de la Conjoncture du 5 décembre 2015

 

Et de quoi sera fait 2016 pour la zone euro ?

2015 s’achève, les espoirs mis dans l’alignement des planètes avec comme soleil le quantitative easing de la Banque Centrale Européenne n’ont pas été complètement transformés. L’effet de la baisse des taux a été surestimé tout comme ont été sous-estimées les conséquences du ralentissement de l’économie chinoise et des récessions brésilienne et russe.

Pour 2016, les économistes espèrent, pour la zone euro, une accélération de la croissance. Le FMI prévoit une progression du PIB de 1,6 % quand table sur 1,8 % et la Commission européenne sur 1,7 %. Le consensus parie de son côté sur 1,7 % de croissance l’année prochaine.

Compte tenu du retard de croissance accumulé ces dernières années, la logique voudrait que l’Europe soit au début d’un cycle de croissance à moins qu’elle ne soit entrée dans une stagnation à la japonaise. Pour le moment, les pessimistes l’emportent sur les optimistes. Plusieurs facteurs qui ont été favorables à la croissance cette année pourraient se retourner l’année prochaine.

Depuis 2014, la zone euro a profité d’une baisse des cours du pétrole de 40 %. Cette diminution a permis une amélioration substantielle du pouvoir d’achat des ménages. Néanmoins, en 2016, le pétrole devrait au mieux se stabiliser, au pire remonter vers 60 euros. Cette légère progression du prix du baril devrait favoriser le retour de l’inflation autour de 1 %. Dans un premier temps, cette très légère reprise de l’inflation devrait réduire le pouvoir d’achat des ménages d’autant plus que les entreprises ne devraient pas modifier leur politique salariale.

Le maintien d’un baril plutôt bon marché ne devrait pas permettre aux pays exportateurs de renouer avec une croissance dynamique. Cela pénalisera les exportations allemandes.

En 2015, la zone euro a bénéficié également de la dépréciation de la monnaie commune, près de 15 % en un an par rapport au dollar. Cette dépréciation a permis à l’Europe d’améliorer sa compétitivité prix à l’exportation au moment même où le commerce international était impacté par le ralentissement chinois. En 2016, une légère déprécation est encore possible mais elle sera de moindre ampleur que celle de ces douze derniers mois. D’autres pays sont, par ailleurs, engagés dans une bataille des changes, le Japon, la Chine…

L’Europe compte sur le redressement des pays émergents afin d’accroître ses exportations. Or, il est n’est pas impossible que le ralentissement soit plus long que prévu et que le rebond n’intervienne que vers 2017 voire au-delà. La croissance chinoise des prochaines années sera plus domestique et recourra moins aux importations que dans le passé.

La zone euro espèrera que la croissance américaine se maintienne autour de 2,5-3 %. En l’état, il est difficile de prévoir l’impact du relèvement des taux directeurs de la FED. Certains considèrent, par ailleurs, que l’économie américaine a déjà atteint le sommet de son cycle de croissance et qu’elle pourrait connaître un ralentissement. D’autres sont plus optimistes considérant que le taux d’activité peut encore s’améliorer et que les gains de productivité peuvent s’accroître.

Au sein de la zone euro, l’Allemagne peut-elle jouer le rôle de locomotive grâce à la progression de sa demande intérieure ? Les augmentations salariales et l’arrivée de plus de 800 000 migrants pourraient favoriser légèrement la consommation. L’Allemagne devrait, en revanche, être pénalisée à l’exportation tant du fait du ralentissement du commerce international que par la détérioration de sa compétitivité.

La planche de salut pour la zone euro ne peut provenir qu’en son sein. Tous les regards seront braqués sur l’investissement qui depuis des années fait défaut même dans les pays qui connaissent les meilleurs résultats comme en Allemagne. Jusqu’à maintenant, malgré la baisse des taux, l’investissement demeure en panne certainement en raison à la fois de l’absence de perspectives claires et de la non saturation des capacités de production.

En 2016, la question de la sortie éventuelle du Royaume-Uni de l’Union européenne créera un halo d’incertitudes.

 Quand le Japon rêve en grand

Le Japon a enregistré deux trimestres successifs de repli de son PIB traduisant son entrée en récession. L’archipel nippon est touché par le ralentissement des pays émergents d’Asie qui se surajoute à la langueur traditionnelle de son économie. Le Japon doit faire face à une contraction automatique de sa demande intérieure, sa population diminuant de 250 000 personnes par an.

Certes, les derniers résultats économiques sont encourageants. La production industrielle a augmenté pour le deuxième mois d’affilé en octobre et la croissance des ventes au détail a dépassé les attentes. Les ventes au détail ont elles augmenté de 1,8 % sur 12 mois à fin octobre, bien plus que le pourcentage de 0,8 % attendu. De ce fait, les experts nippons prévoient une sortie de la récession au quatrième trimestre avec une amélioration des ventes de biens électroménagers en fin d’année.

Pour se sortir de la crise, les autorités japonaises sont toujours tentées de recourir à l’arme budgétaire et à l’arme du taux de change. Actuellement, il y a un concours entre la Chine, le Japon et la zone euro pour accélérer la dépréciation de leur monnaie respective.

Par ailleurs, le Japon compte sur l’entrée en vigueur du Partenariat trans-pacifique (PTP). Cet espace de libre-échange rassemble 12 pays du pourtour du Pacifique représentant 40 % du PIB mondial. L’accord de libre-échange a été signé le 5 octobre et doit faire l’objet de ratification dans chacun des Etats concernés.

Pour le gouvernement japonais, le PTP est un maillon clef de la reprise économique. Il fait partie du plan visant à porter le PIB nippon à 600 000 milliards de yens (4 540 milliards d’euros), contre 491 000 milliards de yens (3 715 milliards d’euros).

Le Japon souhaite par ailleurs négocier des accords de libre-échange avec la Chine et la Corée du Sud, voire avec l’Union européenne. Le Japon a longtemps négligé les accords de libre échange du fait qu’il disposait d’importants excédents commerciaux. Depuis Fukushima, le Japon enregistre des déficits commerciaux et tente de relancer ses exportations. Elle essaie de s’intégrer au mieux dans le système des échanges internationaux. Le Premier Ministre japonais entend forcer les entreprises nippones très verticales à multiplier les coopérations internationales. La victoire d’Apple, une société qui place le marketing et qui achète des brevets sur tous les continents sur Sony, une compagnie intégrée qui jusqu’à une date récente voulait maîtriser toutes les chaines de production impose un changement de modèle.

La Corée du Sud, l’autre grand concurrent asiatique, réalise 36 % de son commerce international dans le cadre d’accords de libre-échange quand ce taux n’est que de 20 % au Japon. La culture protectionniste du Japon reste relativement forte notamment dans le domaine agricole ce qui rend compliquée la négociation d’accord commercial. C’est pourquoi le Premier Ministre japonais espère que la ratification du PTP facilitera l’adoption de réformes structurelles composantes essentielles de son programme économique.

Un effort tout particulier serait demandé à l’agriculture japonaise qui représente 1,2 % du PIB national. Néanmoins, le ministère de l’agriculture a dû accepter que la mise en place d’une assurance garantissant aux exploitants affectés par le PTP, 80 % à 90 % de leurs revenus.

Le Japon attend des retombées positives, de cet accord, pour le secteur de l’automobile. Les taxes sur les véhicules japonais exportés aux Etats-Unis s’élèvent à 2,5 %. Leur disparition sera étalée sur vingt-cinq ans. Le système de tarif préférentiel pour les modèles assemblés avec des pièces produites dans les pays du PTP a été jugé insuffisant par les constructeurs japonais. La proportion des pièces à inclure a été fixée à 55 % quand Tokyo espérait 30 %, car les constructeurs nippons s’approvisionnent dans des pays non membres du PTP, comme la Chine, la Corée du Sud ou la Thaïlande.

Le partenariat pacifique ne pourra pas à lui seul sortir le Japon de la déflation. Néanmoins, il démontre que les pays de l’arc pacifique s’organisent économiquement pour créer le premier espace commercial du Monde. Ce projet devrait inciter l’Europe à accélérer la négociation commerciale avec les Etats-Unis et à améliorer le fonctionnement de son marché intérieur.

Brésil, rien ne va plus !

Le Brésil s’enfonce dans la récession. La proximité des Jeux Olympiques ne change rien à la donne. Le Brésil doit faire face à une inflation générée par la dépréciation de sa monnaie et par l’augmentation des salaires. Le pays est, par ailleurs, confronté à une dégradation des termes de l’échange et à une fuite de capitaux.

Le Brésil, au-delà de la récession, doit faire face à une crise politique de grande ampleur. Une demande de destitution de la présidente brésilienne, a été déposée par trois juristes, dont un ancien membre fondateur du Parti des travailleurs (PT) de Dilma Rousseff. Cette demande a été validée par le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha. Le motif de cette procédure est la présomption de maquillage, par les services de la Présidence, des comptes publics en 2014 et 2015 dans le but de minimiser l’ampleur de la crise économique. L’issu de cette demande est incertaine mais elle se surajoute aux effets délétères des scandales financiers qui frappent la Présidente. La légitimité de la Présidente Dilma Rousseff est, depuis de nombreux mois, entamée en raison du scandale de corruption au sein du groupe pétrolier public Petrobras.

Par rapport au troisième trimestre 2014, le PIB du Brésil, la première économie latino-américaine, a reculé de 4,5 %. L’économie brésilienne s’est contractée de 1,7 % au troisième trimestre par rapport à la période avril-juin, un chiffre qui amplifie la récession dans laquelle est plongé le pays, la pire depuis 25 ans.

Cette crise commence à avoir des retentissements en chaine, déficit budgétaire, augmentation du chômage et de la pauvreté, crise politique…. Les finances de l’Etat se tendent de plus en plus avec la raréfaction des recettes fiscales. La Présidente brésilienne a annoncé le gel de 10 milliards de reals (2,5 milliards d’euros) de dépenses publiques. Sur les économies à réaliser, le gouvernement est confronté à l’hostilité du Parlement. Le Gouvernement peine, de ce fait à restaurer la confiance des investisseurs. Les agences de notation commencent à dégrader à nouveau les notes du Brésil.

Tous les indicateurs sont dans le rouge. Ainsi, les investissements ont baissé de 15,0 % sur un an sur la période juillet-septembre. La chute des cours pétrolier pèse sur l’investissement de Pétrobas qui pourrait se contracter de 40 %  sur la période 2015-2019.

L’industrie continue de souffrir du manque d’infrastructures et de main d’œuvre qualifiée, qui se traduit par une hausse plus rapide des coûts au détriment de la productivité. Sur le plan externe, le commerce extérieur reste pénalisé par la baisse durable du prix des matières premières, du minerai de fer notamment, et de la baisse de la demande chinoise.

Si le déficit de la balance des comptes courants se réduit, cela est avant tout lié à la diminution des importations provoquée par la récession. La baisse des prix des matières premières réduit, en revanche, la valeur des exportations qui est également touchée par la dépréciation de la monnaie.

Les exportations agricoles devraient néanmoins être en progression, du moins en volume, du fait des bonnes récoltes d’oléagineux, de céréales et de légumineuses.

La dépréciation du real face au dollar améliore la compétitivité des exportations vers les Etats-Unis mais les autres monnaies des pays de l’Amérique latine se sont également fortement dépréciées accentuant la concurrence.

La consommation des ménages a reculé de 1,5 % par rapport au deuxième trimestre. Le taux de chômage au Brésil, à 7,9 % en octobre, est au plus haut depuis six ans et les prix à la consommation ont progressé de près de 10 % en 12 mois.

Il y a dans ces conditions de véritables risques sociaux durant les Jeux Olympiques ce pourrait conduire les autorités à assouplir la politique budgétaire avec comme conséquence une accélération de l’inflation et des sorties de capitaux. Le Brésil a de fortes chances d’être dans les prochains mois sur la corde raide.