Le Coin des tendances du 8 octobre 2016 – Education – les Français grognons
Les Français boudeurs à tort ou à raison
De sondage en sondage, les Français expriment leur pessimisme, leur rejet de la mondialisation et du capitalisme. Si tout va mal, c’est bien connu c’est la faute à Voltaire et à Rousseau mais surtout aux responsables politiques. D’année en année, la défiance qui est une tradition nationale tend à s’accroître. La France compte 66 millions de sélectionneurs de l’équipe de football et de Présidents de la République mais peu souhaitent réellement occuper les postes concernés. Nous sommes 66 millions de commentateurs, de spectateurs plus ou moins engagés pour reprendre Raymond Aron.
Quelques raisons légitimes d’insatisfaction
Le premier mal qui ronge la France, c’est son chômage et en particulier celui des jeunes. Ce sous-emploi concerne essentiellement les non-diplômés traduisant un problème de formation. À la différence des pays d’Europe du Nord, la France compte un plus grand nombre de jeunes de 15 à 25 ans du fait d’un taux de fécondité qui est resté plus élevé.
Le maintien d’un fort taux de chômage dans les pays d’Europe du Sud n’est pas lié au coût du travail. En effet, entre la Grèce et la France, les coûts du travail sont différents tout comme les niveaux de productivité. Notre pays a un coût du travail et une productivité comparables à ceux des pays d’Europe du Nord ; en revanche, son économie est avant tout tertiaire ; l’industrie ayant fortement reculé ces dernières années. Le cycle économique que nous avons connu depuis une vingtaine d’années était essentiellement industriel. Les pays émergents ont importé des biens d’équipement, des machines-outils et des produits industriels de luxe comme les voitures allemandes. La France a fortement souffert car peu présente sur ce type de biens. Les pays émergents ont, en outre, concurrencés sur les créneaux de gammes moyennes nos productions.
Pour gagner quelques points de parts de marché, pour rétablir les taux de marge des entreprises, les politiques d’allègement des salaires (charges comprises) peuvent être nécessaire mais ne changent pas la donne. Ces politiques sont anti-coopératives au niveau européen et pèsent sur la croissance en restreignant la consommation. Si en France, les salaires des actifs ayant un emploi n’ont pas réellement diminué (même si plusieurs années de contraction du pouvoir d’achat ont été enregistrées), en revanche, ceux des nouveaux entrants sont plutôt orientés à la baisse. Le salaire net d’un jeune diplômé a peu évolué sur trente ans ce qui est assez inquiétant soit sur le niveau de formation, soit sur la productivité du travail. Certes, il faut prendre en compte, durant cette période l’ensemble des coûts liés à l’emploi qui s’est fortement accru.
La nouvelle composition du marché du travail explique cette stagnation des salaires nets. Si plus de 85 % des salariés sont en CDI, les nouveaux entrants (jeunes ou demandeurs d’emploi) passent par les cases du CDD, de l’intérim ou des stages (90 %). Par ailleurs, le nombre d’indépendants augmente avec le développement des plateformes collaboratives (Uber, Airbnb, etc.). Enfin, une proportion importante d’emplois est créée par des PME qui proposent des rémunérations moindres que celles offertes par les grandes entreprises. Tout cela comprime l’évolution de la masse salariale et concourt à un marché du travail à plusieurs vitesses.
Les Français sont d’autant plus amers qu’ils ont le sentiment d’une forte dégradation de leur niveau de vie, dégradation que les statistiques ne traduisent pas. Il en résulte une incompréhension à l’égard des pouvoirs publics et une pénétration accrue des thèses « complotistes ».
Pourquoi le ressenti diffère-t-il des résultats statistiques ?
Notre ressenti se construit par l’accumulation d’images en provenance du passé qui subissent les effets du temps. Il y a une déformation de nos souvenirs et de ceux qui nous sont relatés. Ainsi, nous embellissons les années 60 voire les années 80 en oubliant de prendre en compte les progrès techniques et sociaux qui ont été accomplis depuis ces périodes soi-disant bénies des dieux.
L’illusion monétaire a, tout à la fois, généré un sentiment d’enrichissement et, a grandement facilité pour les baby-boomers la constitution d’un patrimoine immobilier à crédit. La faible inflation de ces dernières années modifie les repères et est assez mal intégrée dans nos comportements quotidiens.
Le nouveau paradigme : on s’enrichit par la baisse des prix et par l’emprunt
Aujourd’hui, les gains de pouvoir d’achat se réalisent non pas par l’augmentation des revenus mais par les diminutions de prix et par la baisse du taux des crédits.
Dans l’immobilier, les prix ont peu baissé depuis 2008 après avoir doublé en vingt ans. Mais, en prenant en compte les coûts des nouvelles normes de construction, les prix auraient dû connaître, pour le neuf ou le réhabilité, des hausses de plus de 10 %. Tel n’a pas été le cas ; les entreprises du bâtiment ont réalisé des gains de productivité et ont réduit leurs marges.
Les gains générés par la baisse des taux d’intérêt ne sont pas négligeables. Cette dernière améliore le pouvoir d’achat des emprunteurs. Selon certaines simulations, la chute des taux d’intérêt aurait amélioré le pouvoir d’achat de 28 % par rapport à 2011. Selon les villes, les acquéreurs de biens immobiliers peuvent accroître leur surface de 5 à 20 mètres carrés.
Cette capacité accrue d’achat de biens immobiliers ne concerne que ceux qui peuvent accéder à la propriété, c’est-à-dire ceux qui disposent d’un capital suffisant. Pour de nombreux ménages, le prix élevé de l’immobilier constitue une forte contrainte.
Les ménages français ont le sentiment que leur niveau de vie diminue car la part des dépenses sur lesquelles ils n’ont pas totalement prises augmentent. Par ailleurs, la société de la communication et de l’information sollicite, en permanence, le consommateur. Il faut, en outre, souligner qu’Internet favorise l’envie et la frustration.
Les Français face à la contrainte des dépenses pré-engagées
Les dépenses pré-engagées représentent près de 30 % de leurs dépenses. Leur forte progression, ces dernières années, a été d’autant plus vivement ressentie que les revenus ont faiblement augmenté et que les prélèvements obligatoires se sont accrus.
Les « dépenses contraintes » ou « pré-engagées » sont celles qui sont dues par les ménages par contrat ou au titre d’un abonnement.
Elles comprennent :
- Les dépenses liées au logement (y compris, dans le cas de la comptabilité nationale, les loyers imputés), ainsi que celles relatives à l’eau, au gaz, à l’électricité et aux autres combustibles utilisés dans les habitations ;
- Les services de télécommunications ;
- Les frais de cantine ;
- Les services de télévision (redevance télévisuelle, abonnements à des chaînes payantes);
- Les assurances (hors assurance-vie) ;
- les services financiers (y compris, dans le cas de la comptabilité nationale, les services d’intermédiation financière indirectement mesurés.
En 65 ans, les dépenses engagées par rapport à l’ensemble des dépenses de consommation ont été multipliées par deux. La montée en puissance du logement explique, en grande partie cette évolution, même si des années 80 à 90, le poids des dépenses de télécommunication et d’information (abonnement télé + internet = téléphone) a augmenté. Il est à noter que depuis 2010, ces dépenses se réduisent du fait de la forte concurrence sur ce secteur.
Des jeunes moins sévères que leurs aînés
Un récent sondage de BVA pour France active montre que les jeunes sont majoritairement confiants dans l’avenir mais qu’ils ne sont pas satisfaits de la situation du pays.
55 % des jeunes interrogés aimeraient créer ou reprendre une entreprise. 6 % d’entre eux l’ont même déjà fait. L’indépendance est la valeur qui attire le plus les entrepreneurs potentiels (49 %), ainsi que le fait de faire de sa passion son métier (39 %) ou encore, tout simplement, de gagner plus d’argent (34 %).
Parmi ceux qui ne souhaitent pas se lancer dans la création ou la reprise d’entreprise, 46 % trouvent que c’est trop incertain, 42 % n’ont pas les moyens financiers et 36 % n’ont pas d’idée particulière. Seuls 9 % ont peur de ne pas être suffisamment épaulés et 15 % ne sauraient pas comment s’y prendre (plusieurs réponses possibles à la question étaient admises).
49 % des jeunes interrogés sont confiants pour l’avenir et 27 % sont optimistes sur le plan personnel. Pour ce qui est de l’aspect professionnel, ces proportions sont respectivement de 43 % et de 22 %. Malgré cette confiance et cet optimisme, la jeunesse estime que la société évolue dans un sens négatif à 69 % et 79 % pensent qu’un autre modèle économique et social est possible.
La génération des moins de 30 ans a le sentiment d’être plus individualiste (69 %), plus pessimiste (63 %) et plus désenchantée (53 %) que celle de ses parents. Pour autant, elle pense qu’il est plus facile de s’exprimer (53 %), plus difficile de se mettre à son compte (48 % plus difficile, 20 % autant) et plus difficile de réussir sur un plan professionnel (64 % plus difficile, 20 % autant).
Nb. Enquête réalisée auprès d’un échantillon représentatif de jeunes interrogés par Internet du 2 au 13 septembre 2016. Échantillon de 1002 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 à 29 ans. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, profession de l’individu, catégorie d’agglomération et région
Les enseignants sont des enseignantes qui vieillissent
Le monde de l’enseignement est de plus en plus féminisé et de plus en plus âgé. Plusieurs pays sont confrontés à des problèmes de recrutement. La faiblesse de la rémunération, les faibles possibilités d’évolution et la détérioration de l’image du métier d’enseignant sont mis en avant pour expliquer la crise des vocations. Les déséquilibres au niveau de la composition du corps professoral s’expliquent par la pyramide des âges et par les contraintes financières. La diminution du nombre d’élèves dans les pays d’Europe réduit les besoins en enseignants. Les gouvernements limitent le remplacement des professeurs partant à la retraite ce qui accélère d’autant le vieillissement.
L’enseignement de plus en plus assuré par les femmes
En 2014, sur un total de 5,7 millions dans l’enseignement primaire et secondaire, 4 millions sont, au sein de l’Union européenne, des femmes. Au niveau de l’enseignement primaire, sur les 2,1 millions de personnes travaillaient en qualité d’enseignant du primaire, 85 % sont des femmes (1,7 million d’enseignantes). Dans les établissements du secondaire, qui incluent tant le premier cycle que le deuxième cycle sur 3,6 millions d’enseignants, 64% (2,3 millions) étaient des femmes.
En 2014, le personnel enseignant au niveau primaire était majoritairement féminin dans tous les États membres de l’UE. La proportion d’enseignantes atteignait 90 % dans 11 États membres, les plus forts pourcentages étant relevés en Lituanie, en Hongrie, en Slovénie (97 % chacune) ainsi qu’en Italie (96 %). La répartition était moins déséquilibrée au Danemark (69 %), en Grèce (70 %) et au Luxembourg (75 %).
Dans les écoles du secondaire également, les femmes étaient majoritaires parmi les enseignants dans tous les États membres. Toutefois, la répartition était, à ce niveau, plus équilibrée qu’au niveau primaire, les proportions s’échelonnant de 51 % aux Pays-Bas, à 83 % en Lettonie.
En France, 83 % des enseignants dans le primaire sont des femmes. Pour le secondaire, ce taux est de 60 %.
Un vieillissement accéléré de la population enseignante
Pour le primaire, au sein de l’Union européenne, 32 % des enseignants ont plus de 50 ans quand 11 % ont moins de 30 ans.
La moitié des enseignants du primaire en Italie (53 %) ont plus de 50 ans. Cette proportion est de 42 % en Allemagne. Ce taux n’est que de 25 % en France. Ce décalage est évidemment la conséquence d’une population plus jeune en France et de la poursuite des recrutements.
Pour le secondaire, la proportion d’enseignants âgés de 50 ans ou plus était de 38 % et celle de jeunes enseignants de moins de 30 ans plus faible. Les proportions les plus élevées étaient relevées en Italie (58 %) ainsi qu’en Estonie (50 %), suivies de la Lettonie (49 %), de la Bulgarie et de l’Allemagne (48 % chacune). En revanche, on comptait, proportionnellement, moins d’enseignants de cette tranche d’âge à Malte (15 %), au Royaume-Uni (25 %), au Luxembourg (26 %) et en Pologne (27 %). En France, ce taux est de 32 %.