9 juin 2018

Le Coin de la Conjoncture du 9 juin 2018

Sécurité sociale, un retour à l’équilibre impressionnant ou impressionniste ?

Selon le dernier rapport de la Commission des Comptes de la Sécurité sociale, la Sécurité sociale serait en passe de revenir à l’équilibre après 17 années consécutives de déficit. Le retour de la croissance y est pour beaucoup tout comme les augmentations des prélèvements obligatoires.  Selon les auteurs du dernier rapport de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale, le déficit ne devrait être que de 300 millions d’euros cette année faisant suite au déficit de 5,1 milliards d’euros en 2017. Pour 2019 et 2020, des excédents de respectivement de 3,3 milliards d’euros 7,7 milliards d’euros sont attendus.

Une réduction toute relative du déficit en 2017

Le déficit 2017 du régime général et du Fond de Solidarité Vieillesse (FSV) a atteint 5,1 milliards d’euros. Pour le seul régime général, il a été de 2,2 milliards d’euros, soit 1,9 milliards d’euros de moins qu’en 2016. Cette amélioration est en partie technique du fait du transfert à la Caisse Nationale d’Assurance maladie de 900 millions d’euros en provenance du FSV. Le résultat est moins bon que celui escompté dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018. Le déficit prévisionnel avait été fixé à 1,6 milliard d »euros.

La branche maladie a terminé l’année 2017 avec un déficit supérieur à 4 milliards d’euros. La branche famille est proche de l’équilibre avec un déficit de 200 millions d’euros, situation qu’elle n’avait pas connue depuis 2007. En 2017, la branche accident du travail – maladie professionnelle a dégagé un excédent, de 1,1 milliards d’euros. La branche assurance vieillesse a enregistré un solde positif de 1,8 milliards d’euros. Le déficit du Fond de Solidarité Vieillesse (FSV) s’est établi à 2,9 milliards d’euros, à un niveau qui reste élevé mais en amélioration de 700 millions d’euros par rapport à 2016. Le solde cumulé de la branche vieillesse et du FSV s’améliore pour atteindre -1,1 milliard d’euros en 2017 contre -2,8 milliards d’euros en 2016.

Le solde des autres régimes de base de sécurité sociale s’effrite légèrement en 2017. L’excédent des régimes des indépendants a été de 200 millions d’euros. Le solde de la CNAVPL s’est contracté passant de 600 à 300 millions d’euros. Le régime des exploitants agricoles reste en déficit stable à 200 millions d’euros. Le déficit de l’ensemble des régimes de base, y compris le régime général, s’établit à 1,9 milliard d’euros en amélioration de 1,5 milliard d’euros par rapport à 2016.

2018, le retour annoncé des excédents

Pour 2018, la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale prévoit que la Sécurité sociale dégage un excédent de 2,5 milliards d’euros. Avec le FSV dont la perte serait de 2,8 milliards d’euros, les comptes de la Sécurité sociale ne seraient déficitaires qu’à hauteur de 300 millions d’euros. Ce résultat est entaché d’une incertitude à hauteur de 600 millions d’euros lié à un problème de compensation par l’État du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) créé en LFSS 2017 au bénéfice des employeurs de l’économie sociale qui ne bénéficient pas du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Dans l’hypothèse où cette compensation ne serait pas versée, le déficit cumulé du RG et du FSV s’établirait à 900 millions d’euros, mais resterait en forte baisse par rapport à 2017. Le solde 2018 s’améliorerait néanmoins de 1,9 milliard d’euros par rapport à la prévision de la LFSS pour 2018.

L’écart entre la prévision de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (-2,2 milliard d’euros) et celle du mois de juin s’explique par une augmentation des recettes de 2,8 milliard d’euros.

Les recettes devraient, en effet, augmenter pour le régime général de 3,8 % quand les dépenses ne progresseraient que de 2,2 %. 50 % de l’accroissement des dépenses sont liées à la santé. Les prestations vieillesse augmenteraient de 2,9 % en raison de la fin de montée en charge du décalage de l’âge légal de la retraite, couplée à une revalorisation en moyenne annuelle (+0,6 %) plus élevée. Revalorisées de 0,8 % en moyenne annuelle, les prestations familiales progresseraient à nouveau légèrement en 2018 (+0,3%).

La branche maladie devrait être proche de l’équilibre (- 500 millions d’euros après un déficit de 4,9 milliards d’euros en 2017). Elle retrouverait ainsi un niveau de solde comparable à celui de 1999. La branche famille devrait dégager un excédent de 800 millions d’euros en amélioration d’un milliard d’euros par rapport à 2017.

Le solde cumulé de la branche vieillesse et du FSV se dégraderait en 2018 tout en restant excédentaire. Les dépenses de la branche vieillesse du régime général connaîtraient une hausse de 3 %. Cette hausse s’expliquerait quasi exclusivement par les prestations sociales qui y contribueraient pour 2,8 points. Cette progression s’expliquerait par la fin du décalage de l’âge légal de départ en retraite : à partir de 2018, il sera de 62 ans pour la première génération entière, celle née en 1956, et les flux de départ ne seront désormais plus freinés à ce titre. En outre, les pensions ont été revalorisées de 0,6 % quand elles avaient été gelées durant plusieurs années.En 2018, les recettes progresseraient de 2,6 %. Les produits de cotisations augmenteraient légèrement moins vite (+3,6 %) que la masse salariale du secteur privé (+3,9 %), du fait notamment d’une moindre progression de la masse salariale plafonnée (+3,5 %). De plus, ils ne bénéficieraient plus des hausses de taux dont la montée en charge est désormais achevée. Après une hausse de 5,1 % en 2017, les cotisations seraient donc ralenties mais contribueraient encore pour 2,3 points à l’évolution des produits en 2018.

Un excédent précaire qui n’efface pas les années de perte

Le retour aux excédents est imputable à l’accroissement de la masse salariale et à l’augmentation de la CSG. Les recettes sont très sensibles à l’évolution de l’emploi. Or, en 2017, plus de 250 000 emplois ont été créés. Pour 2018, 200 000 créations sont attendues. Les recettes sont en forte hausse du fait des augmentations décidées par le passé (cotisations retraite) et en raison de la hausse de la CSG dont l’assiette est bien plus large que celle des cotisations auxquelles elle se substitue.

En 2018, le rendement de la CSG nette serait de 124,8 milliards d’euros en hausse de 25,2 % par rapport à 2017. Cette hausse résulte de l’augmentation du taux de 1,7 point en contrepartie de la suppression de certaines cotisations sociales dans le cadre de la mesure en faveur du pouvoir d’achat des actifs salariés. L’augmentation de 1,7 point du taux de CSG s’applique à l’ensemble des revenus d’activité, du capital, des jeux, ainsi qu’à la majorité des revenus de remplacement (à l’exception des allocations chômage, des indemnités journalières et des pensions assujetties à taux réduit). Elle génère un supplément de rendement de 22,5 milliards d’euros, dont 16,1 milliards d’euros sur l’activité, 4,3 milliards d’euros sur les revenus de remplacement et 2 milliards d’euros sur le capital. Compte tenu de l’évolution naturelle de la CSG, le gain net est de 5 à 6 milliards d’euros contribuant ainsi à l’excédent de la Sécurité sociale.

Les dépenses de protection sociale continuent à augmenter du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation des coûts en particulier pour la branche maladie. Le sous-investissement de ces dernières années devrait conduire en particulier dans les hôpitaux à un surcroît de dépenses rendues incontournables. Par exemple, le nouvel hôpital d’Ajaccio dont l’ouverture est prévue en 2019 doit vendre au préalable les terrains de l’ancien hôpital pour disposer de son équipement technique. Les équipements n’avaient pas été budgétés.

Les dépenses maladie ont déjà augmenté de 3,5 % en 2017, soit plus rapidement que prévu et cela malgré une sévère régulation budgétaire. Pour 2018, les auteurs du rapport de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale estiment que les dépenses relevant de l’ONDAM augmenteront conformément à la prévision de 2,3 %, ce qui est peu crédible

L’ensemble des prestations vieillesse des régimes alignés progresserait de 3,0 %, après 1,9 % en 2017. Cette hausse s’expliquant essentiellement par l’achèvement du recul de l’âge légal de départ, qui se stabilise à 62 ans à partir de 2017. Les flux de départ à la retraite pour les seuls salariés du régime général s’élèveraient ainsi à      659 000, en hausse de 5,4 % (après +2,9 % en 2017).

Tout retournement de conjoncture accompagné d’une diminution du nombre des créations d’emploi pourrait assez rapidement peser sur les résultats de la Sécurité sociale.

Depuis 1996, la Sécurité sociale a accumulé 260 milliards d’euros de dette dont plus de 120 restent encore à financer. De ce fait, la situation comptable, une fois retranchés les facteurs conjoncturels et financiers, reste fragile.

 

À qui profite la croissance ?

Depuis 2017, les vingt premières puissances économiques ont renoué avec la croissance. Aux États-Unis, l’économie est en expansion depuis neuf ans, ce qui constitue son plus long cycle de croissance jamais enregistré.

La croissance de ces dernières années repose en grande partie sur les faibles taux d’intérêt et sur la contraction du prix de l’énergie. Le relâchement de la rigueur budgétaire depuis trois ans a également favorisé son retour.

S’il est communément admis que la croissance, depuis le début du siècle, est inégalitaire en favorisant plus le capital que le travail, qu’en est-il réellement ? Entre les grands pays, existe-t-il des différences de partage des fruits de la croissance ? Les États sont-ils les grands gagnants de la croissance de ces dernières années en raison du maintien à des niveaux historiquement bas des taux d’intérêt ? Une grande partie de la réduction des déficits publics est imputable à la diminution de la charge de la dette. En France, cette dernière a doublé de 1997 à 2017, mais le paiement des intérêts est resté relativement stable sur la période. Sur ces huit dernières années, la baisse est de près de 8 milliards d’euros. La baisse des intérêts a permis aux États d’Europe du Sud de desserrer la contrainte de la dette. En 2017, la croissance a permis à de nombreux États et aux régimes sociaux de réduire leurs déficits. La France en est un parfait exemple. Le passage du déficit public en-dessous des 3 % du PIB en est la traduction. Par ailleurs, en générant des emplois, la croissance diminue les besoins en dépenses sociales (chômage) et entraîne un supplément de recettes. Ces créations d’emplois conduisent également à un accroissement des revenus pour les ménages et donc indirectement des impôts. La croissance a un effet positif sur les entreprises en augmentant leurs ventes, leurs profits, ce qui peut amener à une meilleure rémunération des actionnaires et à une augmentation de l’investissement. Aux États-Unis, en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne, à qui la reprise économique a-t-elle profité ? États, entreprises, salariés, actionnaires ?

Aux États-Unis, le PIB s’est accru de près de 11 % depuis 2014. Cette croissance a avant tout profité aux entreprises. L’État n’a pas réellement réduit son déficit public qui, en trois ans, s’est accru d’un point. Il devrait être de 4 % du PIB en 2018. La croissance a été fortement créatrice d’emploi avec un taux de chômage désormais inférieur à 4 %. Après avoir augmenté entre 2010 et 2014, les profits avant dividendes après taxes et intérêts des entreprises stagnent depuis quatre ans. La réforme fiscale de Donald Trump devrait changer la donne du moins en 2018 et 2019. Si le taux d’autofinancement recule, en revanche, les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté et sont à un niveau jamais enregistré depuis 10 ans. Depuis 2014, les salaires progressent moins vite que les gains de productivité.

En Allemagne, la croissance, depuis le début de 2014, a été utilisée pour réduire le déficit public, accroître les salaires (qui augmentent plus vite que la productivité) et l’emploi. Depuis 2014, le PIB s’est accru de 8 points. En cinq ans, l’excédent budgétaire a augmenté de 0,8 point de PIB. Les profits avant dividendes, avant taxes et intérêts sont en baisse. En revanche, l’investissement est orienté à la hausse. Les dividendes versés aux actionnaires sont de 2014 à 2017 plutôt en hausse. Si de 2014 à 2016, les salaires progressaient moins vite que la productivité, c’est l’inverse depuis. L’emploi, lors de cinq dernières années a progressé de 5 % avec un taux de chômage qui est passé de 5,1 à 3,4 %.

En France, la reprise économique a été moins forte qu’en Allemagne. Le PIB a progressé de 6 %. Le déficit budgétaire qui était de 4 % du PIB en 2014 est repassé en-dessous de la barre des 3 % en 2017. Si les salaires à la différence des autres États européens ont été peu affectés par la Grande Récession, ils ne progressent que faiblement depuis trois ans. Le CICE et le pacte de responsabilité ont contribué à l’amélioration des résultats des entreprises. Ce processus semble s’être arrêté en 2017. Les dividendes versés par les entreprises représentent 2,2 % du PIB et sont sur moyenne période assez stables. L’investissement qui s’était fortement contracté après la crise a connu une forte progression l’année dernière. Les créations d’emploi ont été élevées en 2017. Depuis 2014, le nombre d’emplois en France s’est accru de 3 % mais le chômage n’a baissé que de 1,5 point.

En Espagne, la hausse du PIB (+11 points depuis 2014) a été utilisée pour réduire le déficit public qui s’est contracté de 3 points en cinq ans. Les entreprises ont privilégié l’investissement qui a augmenté de 20 % de 2014 à 2018. L’emploi sur la même période a progressé de 10 %, le taux de chômage passant de 25 à 16,8 %. Les salaires ont augmenté, en revanche, moins vite que la productivité.

Les gouvernements italiens ont utilisé la faible croissance (augmentation du PIB de 4 % en cinq ans) pour réduire le déficit public, Ce dernier est passé de 3 à 2 % du PIB. Les salaires réels ont augmenté comme la productivité, la profitabilité est à peu près stable. Le taux de chômage est resté stable quand le nombre d’emploi s’est accru de 3,5 %.

Les cinq pays étudiés ont donc profité de la croissance pour réduire leur déficit public à l’exception des États-Unis. L’Allemagne est la seule à enregistrer des gains de salaire importants. Tous les pays connaissent une augmentation de l’emploi même si cette hausse est intervenue dans des proportions différentes. La progression de l’investissement dans les cinq pays est plutôt encourageante car pouvant contribuer à une augmentation de la croissance potentielle.