23 janvier 2025

Tendances – taux d’intérêt – gaz naturel

Taux d’intérêt : équations impossibles

Les rendements des obligations d’État sont orientés à la hausse. Ceux des obligations du Trésor américain à dix ans atteignent désormais à 4,7 %. Les Bunds allemands offrent 2,6 %, contre près de 2 % en décembre. Les rendements des obligations japonaises longtemps nuls sont de nouveau en territoire positif. Au Royaume-Uni, les rendements des obligations d’État ont récemment atteint près de 5 %, leur plus haut niveau depuis 2008. La hausse des rendements est une mauvaise nouvelle pour les Etat car elle rime avec augmentation du service de la dette. Cette hausse a tendance à se répercuter sur les autres emprunteurs ce qui n’est pas une bonne nouvelle surtout pour l’Europe en proie à une stagnation.

Les banques centrales des pays occidentaux ont engagé un processus de baisses de leurs taux directeurs, mais l’économie réelle, surtout en Europe, n’a pas réagi à ce stimuli. Les coûts d’emprunt des entreprises et des ménages ont à peine diminué. Dans la zone euro, le taux d’intérêt sur les nouveaux prêts aux entreprises a baissé de moins d’un point de pourcentage. Un consommateur britannique espérant emprunter 10 000 £ doit accepter en moyenne un taux de 6,75 %. Aux États-Unis, le taux d’un prêt hypothécaire fixe sur 30 ans est proche de 7 %, après avoir augmenté d’un point de pourcentage au cours des derniers mois. Le maintien de taux relativement élevés marque un changement profond par rapport à la période prépandémique quand les taux avoisinaient zéro.

Le maintien de taux d’intérêt élevés s’expliquent par la persistance des craintes inflationnistes et par des besoins en capitaux importants tant de la part du secteur public que du secteur privé. Dans un monde où les prix à la consommation augmentent rapidement, les investisseurs exigent des rendements obligataires plus importants, à la fois parce qu’ils s’attendent à ce que les taux directeurs des banques centrales restent élevés plus longtemps et afin de compenser l’érosion anticipée du pouvoir d’achat du principal. De nombreux facteurs incitent à la prudence en ce qui concerne l’évolution de l’inflation. Au sein des dix premières économies mondiales, les salaires nominaux augmentent de 4,5 % par an. Compte tenu des faibles gains de productivité, la hausse des salaires pourrait contribuer à celle des prix à la consommation dans les prochains mois. Sans la zone euro, des signes indiquent que la croissance des salaires s’accélère. Les investisseurs estiment que les banques centrales veilleront à éviter tout retour de l’inflation et ajusteront par voie de conséquence leur politique monétaire. Celle-ci devrait être moins accommodante que prévu.

Les incertitudes sur l’évolution de l’inflation se sont renforcées avec le retour de Donald Trump à la Maison blanche. Les mesures contre l’immigration et les droits de douane sont susceptibles de favoriser la hausse des prix. Dans le même temps, la guerre commerciale qui pourrait résulter de la hausse des droits de douane pourrait provoquer un choc déflationniste mondial.

Les investisseurs sont dubitatifs en ce qui concerne la croissance économique. Le discours dominant oscille entre deux extrêmes. Certains investisseurs s’inquiètent des conséquences de la démondialisation et du ralentissement de l’économie chinoise. D’autres pensent que les réformes de Donald Trump, notamment la réduction des formalités administratives et des impôts, stimuleront la croissance. Une hausse de la productivité grâce à l’Intelligence artificielle est espérée. L’effet de tous ces scénarii contradictoires augmente la prime de terme sur les obligations d’État.

Les politiques budgétaires menées par les différents gouvernements ne favorisent pas une décrue des taux. En 2025, les gouvernements du G7 devraient enregistrer un déficit budgétaire moyen de 6 % du PIB, ce qui est inhabituellement élevé en période de chômage faible. Le financement de ces déficits nécessite l’émission d’importants volumes d’obligations. Les États-Unis devraient en émettre pour environ 2 000 milliards de dollars (soit 7 % du PIB) cette année. Les pays de la zone euro devraient émettre pour plus de 500 milliards d’euros, soit environ 3 % du PIB, dont 300 milliards d’euros pour la France. De nombreux acteurs du marché craignent que la trajectoire budgétaire américaine ne soit pas tenable sur la durée en particulier si les réductions d’impôt promises par Donald Trump se concrétisent. La conséquence serait alors une hausse des taux d’intérêt. Des recherches menées par la banque Goldman Sachs suggèrent que chaque augmentation d’un point de pourcentage du ratio déficit/PIB augmente les rendements à long terme d’environ 20 points de base. La fin des opérations de rachats d’obligations par les banques centrales compliquent le financement des Etats impécunieux. Ces dernières années, les banques centrales ont absorbé selon les Etats de 25 à 40 % des émissions. L’arrêt de cette pratique impose que les investisseurs prennent le relais. Les taux d’intérêt sont poussés à la hausse également par la multiplication des tensions géopolitiques et commerciales. La prime de risque devrait poursuivre son augmentation avec les provocations de Donald Trump.

Des taux d’intérêt à long terme plus élevés fragilisera les Etats endettés, ralentira les investissements des entreprises et des ménages. Elle freinera la transition écologique. Les banques centrales seront de plus sous la pression des pouvoirs publics qui exigeront tout à la fois une maitrise de l’inflation, une hausse de la croissance et des moyens pour financer leur politique….

Le gaz naturel liquéfié : le nouvel or bleu

En 2022, quand l’Union européenne a décidé de ne plus importer de gaz en provenance de gaz naturel de Russie et de s’orienter vers le gaz liquéfié, de nombreux observateurs ont prédit des pénuries et une envolée durable des prix. Or, l’hiver 2022/2023 comme les suivants n’ont pas donné lieu à des coupures de gaz ou d’électricité. Les prix de ces deux énergies après avoir battu des records sont revenus à des niveaux plus raisonnables. Les Etats-Unis et quelques autres pays producteurs ont réussi à palier contre toute attente en quelques mois au retrait du gaz naturel russe en multipliant les livraisons de gaz liquéfié. Cette prouesse a été rendue possible par la construction dans des temps records de terminaux gaziers capables d’absorber de grande quantité de gaz naturel.

L’entreprise Venture Global ; basé en Virginie aux Etats-Unis, a révolutionne le secteur de la production et de la distribution du gaz naturel liquéfié (GNL) ainsi que du pétrole en utilisant des équipements modulaires et évolutifs fabriqués en usine quand ces concurrents privilégiaient des structures sur mesure. Il y a une dizaine d’année, cette entreprise a réduit de moitié le temps de construction d’un terminal GNL. Elle a été choisie par de nombreux compagnies pétrolières et gazières comme le groupe Shell, un grand pétrolier britannique. Avec l’inauguration prochaine de son deuxième terminal d’exportation en Louisiane, Venture Global  deviendra la deuxième plus grande entreprise exportatrice de GNL aux Etats-Unis. Son poids est amené à s’accroître dans les prochaines années en raison du poids croissant de cette énergie au niveau mondial. Pour faire face à ses besoins d’investissement, Venture Global a déjà levé plus de 54 milliards de dollars. La capitalisation de l’entreprise qui a décidé d’être cotée à Wall Street fin janvier, pourrait rapidement dépasser plus de 100 milliards de dollars, soit plus que celle de BP.

Venture Global dispose d’une réelle avance technologique et peut compter sur la progression de la demande en gaz naturel jugé moins polluant que le fioul et le charbon. Les entreprises technologies fortement consommatrices d’énergie, notamment pour l’alimentation des serveurs, se tournent de plus en plus vers le gaz. Les centrales à gaz offrent plusieurs avantages, leur fiabilité et leur capacité à délivrer de l’énergie quel que soit le temps. Le dernier facteur jouant en faveur des actions de Venture Global est la décision de Donald Trump de lever les contraintes réglementaires pesant sur l’exploration et l’exploitation des gisements de gaz et de pétrole aux Etats-Unis.

L’engouement pour le gaz naturel liquéfié n’est pas sans limite. La multiplication des gisements pourrait provoquer un excès d’offre. La transition écologique suppose une sortie des énergies carbonées et donc du gaz naturel dont le bilan écologique est médiocre. Le gaz est composé à 95 % de  méthane qui a un pouvoir de réchauffement global 84 fois supérieur à celui du CO₂ sur 20 ans. Lors de l’extraction, 2 à 3 % du méthane produit part dans l’atmosphère sous forme de fuite. Le processus de liquéfaction du gaz consomme une part importante de l’énergie du gaz extrait ;de 10 à 25 % de l’énergie initiale est ainsi perdue. Le transport du GNL nécessite des méthaniers réfrigérés, contribuant à des émissions supplémentaires, en moyenne 2,7 kg de CO₂ par MWh transporté. La regazéification dans les terminaux consomme de l’énergie, émettant environ 1,5 à 2 kg de CO₂ par MWh.

Le bilan écologique  du GNL est donc contrasté. Il émet émet environ 50 % moins de CO₂ que le charbon pour produire la même quantité d’énergie. Toutefois, si les fuites de méthane atteignent 3 % ou plus, le bénéfice climatique disparaît par rapport au charbon. Le GNL émet environ 30 % moins de CO₂ que le pétrole par unité d’énergie produite. En 2023, la consommation mondiale de GNL a atteint 396 millions de tonnes (source : International Gas Union). Cette consommation a entraîné l’émission d’environ 1 150 millions de tonnes de CO₂, sans inclure les fuites de méthane.