13 juin 2025

Coin des tendances – automobile – Donald Trump – femmes

L’obsession du rééquilibrage de Donald Trump

Le rééquilibrage de l’économie mondiale constitue le fil rouge de la politique économique de Donald Trump. À ses yeux, la Chine doit produire moins et consommer davantage, tandis que les États-Unis doivent emprunter le chemin inverse : produire plus en se réindustrialisant. L’ultime étape logique serait que les Américains consomment moins, ce qui constituerait une véritable révolution.

Au sein de l’administration républicaine, des voix s’élèvent en faveur de la frugalité. Scott Bessent, secrétaire au Trésor, appelle à « une réduction de la consommation ». Donald Trump, plus imagé, évoque une Amérique où les enfants n’auraient plus trente poupées, mais deux. J.D. Vance, le vice-président, résume la doctrine : « Un million de grille-pain bon marché ne vaut pas un seul emploi manufacturier américain. 

L’idée selon laquelle les États-Unis vivent au-dessus de leurs moyens n’est pas nouvelle. Depuis des décennies, la gauche critique l’ultra-consumérisme. Dans les années 2000, certains économistes dénonçaient une société dépendante du crédit bon marché. En 2010, Glenn Hubbard, figure républicaine, et Peter Navarro — alors démocrate, futur architecte de la doctrine commerciale de Trump — plaidaient déjà pour une hausse du taux d’épargne national.

Le déficit commercial, reflet du déficit d’épargne

Quand un pays consomme davantage qu’il ne produit, il doit emprunter à l’étranger. Ces flux financiers sont la contrepartie directe du déficit commercial que Donald Trump dénonce. La face cachée des conteneurs remplis de biens débarquant dans les ports américains, ce sont les achats de bons du Trésor ou d’actions d’entreprises du S&P 500 par des non-résidents. Réduire le déficit commercial revient donc à restreindre ces flux financiers. Pour maintenir un niveau élevé d’investissement, le taux d’épargne doit augmenter. Or, le taux d’épargne brut des États-Unis plafonne à 17 % du PIB, contre 23 % en moyenne dans l’OCDE. L’investissement, lui, atteint environ 22 % du PIB. Ce différentiel, de l’ordre de 5 points, est actuellement comblé par des capitaux étrangers, à hauteur de 1 300 milliards de dollars en 2023. Aux États-Unis, la consommation représente 81 % du PIB, administrations publiques comprises — un record au sein du G7, à l’exception du Royaume-Uni.

Ce recours aux capitaux étrangers a conduit à une progression de la dette extérieure nette des États-Unis, qui atteint désormais 90 % du PIB — un chiffre qui ferait vaciller la confiance dans n’importe quel autre pays. Longtemps, les États-Unis en ont tiré avantage : ils bénéficiaient de produits importés à bas coût et finançaient leur déficit public par l’émission de titres faiblement rémunérateurs. Dans le même temps, les Américains détenaient des actions d’entreprises à forte rentabilité. Ce différentiel a été qualifié de « privilège exorbitant », hérité du statut du dollar comme monnaie de réserve mondiale.

La fin du confort financier ?

Au troisième trimestre 2024, les États-Unis ont versé davantage de revenus à leurs créanciers étrangers qu’ils n’en ont perçus — donnant partiellement raison à Donald Trump. Les déficits commerciaux appauvrissent les Américains. En théorie, un déficit courant chronique finit par ronger la richesse d’un pays, comme une famille dépensière s’appauvrit face à un voisin économe. Une crise de change brutale  n’est pas impossible si les investisseurs perdent confiance dans la solvabilité du pays. Jusqu’à présent, les États-Unis ont échappé aux conséquences de leur déficit structurel courant. Ils ont pu compter sur l’épargne mondiale, ainsi que sur l’apport de l’administration centrale. Même lors de la crise financière, le dollar s’est apprécié — preuve que les investisseurs continuaient à placer leurs liquidités aux États-Unis. En période de crise, la devise américaine demeure une valeur refuge.

Les États-Unis peuvent-ils s’affranchir des lois économiques classiques ? Selon Maurice Obstfeld, ex-économiste en chef du FMI, le déficit courant est assimilable à un solde primaire public négatif : les pouvoirs publics doivent, à tout le moins, maintenir l’illusion d’un retour à l’équilibre. Peter Hooper, économiste de la Deutsche Bank, évoque un « mal chronique » qui pourrait, à terme, remettre en cause la suprématie américaine. Joseph Gagnon, du Peterson Institute, note qu’aucune économie avancée n’a jamais supporté une position extérieure aussi dégradée que celle des États-Unis.

Le prix du rééquilibrage

Une crise du compte courant américain se traduirait par une dépréciation du dollar, une chute des marchés boursiers et une hausse des taux obligataires. Les actifs libellés en dollars perdraient en attractivité, entraînant un rééquilibrage externe douloureux. Les ménages américains seraient contraints de réduire leur consommation, ce qui améliorerait le solde extérieur — au prix d’un choc économique majeur.

Par son repli protectionniste, Donald Trump pourrait précipiter cette baisse de la consommation, en provoquant une hausse des prix via l’augmentation des droits de douane. La réforme fiscale en préparation prévoit des restrictions sur les flux de capitaux, ce qui ferait grimper les taux d’intérêt et encouragerait l’épargne. Mais cette mécanique risque d’entraîner un appauvrissement des ménages, une baisse de la rentabilité des placements étrangers, et, in fine, l’accélération de la crise qu’elle prétend prévenir. Le mini-krach d’avril 2025, survenu après l’annonce de droits de douane « réciproques », a mis en lumière la fragilité des équilibres financiers américains.

Selon l’économiste Menzie Chinn (Université du Wisconsin), les États-Unis, grâce à leur statut monétaire, peuvent rembourser leurs créances avec une aisance relative — à condition de maintenir un haut niveau de confiance et de préserver la valeur de leurs actifs. Cela suppose d’arrêter de désigner l’étranger comme responsable. Peter Navarro accuse régulièrement d’autres pays de manipuler leur devise pour favoriser leurs exportations et nuire à celles des États-Unis. Stephen Miran, conseiller économique de Donald Trump, pointe du doigt les flux financiers internationaux qui renforcent excessivement le dollar.

Pour beaucoup, l’origine du déséquilibre réside dans l’excès d’épargne mondial — notamment en Chine — qui impose à l’Amérique un taux d’intérêt trop bas et un dollar trop fort, encourageant une consommation excessive. Mais le problème est avant tout intérieur. Il s’agit du déficit budgétaire fédéral, qui atteint 7 % du PIB. Quand l’État dépense sans lever d’impôts équivalents, il stimule artificiellement la consommation. Le lien entre vulnérabilité extérieure et dérive budgétaire est direct : une réduction d’un point de PIB du déficit public permettrait de réduire le déficit courant de 0,5 point. Sans effort fiscal, il sera illusoire d’atteindre l’équilibre commercial.

Une stratégie contradictoire

Pour réduire l’imposant déficit public, l’État fédéral pourrait réformer le système de santé ou les retraites. Il pourrait également instituer une TVA, absente du système fiscal américain. Pour l’heure, Donald Trump ne semble pas envisager ces pistes. Il persiste dans une contradiction majeure : réduire les recettes fiscales tout en cherchant à rééquilibrer les échanges courants. Souhaiter simultanément réindustrialiser, réduire les déficits commerciaux et augmenter les déficits budgétaires relève d’un non-sens économique. Mais Donald Trump préfère, plus que tout, être disruptif.

L’ambition de Donald Trump de rééquilibrer l’économie américaine repose sur une équation instable : réduire les déficits commerciaux sans toucher aux déséquilibres budgétaires internes, relocaliser la production sans comprimer la consommation, durcir le protectionnisme sans rompre avec les lois de l’économie mondiale. Derrière les discours sur la grandeur industrielle retrouvée, le risque est celui d’un choc d’ajustement brutal, déclenché non par des choix stratégiques, mais par la perte de confiance des créanciers et des marchés. À terme, les États-Unis ne pourront préserver leur rôle central dans l’économie mondiale qu’en acceptant de corriger leurs excès internes. Le véritable rééquilibrage ne se fera pas par les droits de douane, mais par une discipline budgétaire assumée, une redéfinition des priorités fiscales et un arbitrage lucide entre souveraineté économique et interdépendance financière. À défaut, la puissance américaine pourrait se heurter à ses propres contradictions.

Le XXIe siècle sera-t-il féminin ?

Dans une vidéo devenue virale sur TikTok, un couple américain organise une fête de révélation du sexe de leur futur enfant. « C’est un garçon ! », s’exclament-ils. Mais l’émotion qui envahit la future mère n’est pas celle qu’on attend. Elle s’effondre en larmes, blottie dans les bras de son compagnon, visiblement bouleversée. Celui-ci tente de la rassurer : « La prochaine fois, ils auront une fille, un jour. » Trop éprouvés, ils quittent la pièce, laissant leurs invités seuls. Aux États-Unis, sur les réseaux sociaux, une nouvelle tendance émerge : celle de parents affichant leur tristesse de ne pas attendre une fille. Des millions de vues, des milliers de témoignages et un motif récurrent : « Je suis triste, je n’aurai pas de petite fille. »

Pendant des siècles, les fils furent préférés. Héritiers du nom et du patrimoine, les garçons jouissaient de nombreux privilèges. Dans de nombreuses cultures, cette préférence s’est traduite par des avortements sélectifs massifs. En Chine, durant la période de l’enfant unique, ainsi qu’en Inde, les filles étaient avortées, tuées ou bannies. Il en résultait des cohortes déséquilibrées, marquant durablement les structures démographiques de ces pays.

La donne a depuis changé. Dans les pays en développement, la préférence pour les garçons décline rapidement. Dans les pays riches, les filles sont de plus en plus perçues comme des valeurs sûres, quand les garçons deviennent des fardeaux. Dans la nature, la naissance de 105 garçons pour 100 filles reflète une forme d’adaptation évolutive à une mortalité masculine plus élevée. Ce ratio a été bouleversé à partir des années 1980, avec la démocratisation de l’échographie. L’accès à l’information sur le sexe du fœtus, couplé à une baisse de la natalité, a favorisé des pratiques sélectives à grande échelle. Selon The Economist, environ 50 millions de filles « manquent à l’appel » depuis 1980. L’année 2000 fut la plus sombre, avec 1,7 million de naissances masculines excédentaires. En 2015 encore, le chiffre dépassait le million. En 2025, la surreprésentation masculine n’est plus que de 200 000. Ce basculement statistique traduit un revirement culturel majeur : les sociétés les plus marquées par une discrimination envers les filles s’alignent peu à peu sur des ratios naturels. En Corée du Sud, pays emblématique de cette évolution, le ratio était de 116 garçons pour 100 filles en 1990. Parmi les troisièmes naissances, il dépassait 200 garçons. Il approche aujourd’hui l’équilibre. L’Inde et la Chine suivent la même pente, à un rythme plus lent. En Chine, le ratio est passé de 117 dans les années 2000 à 111 en 2023. En Inde, de 109 à 107 en treize ans. Les sondages montrent une volonté croissante d’avoir une répartition équilibrée entre filles et garçons. Au Bangladesh, les femmes sans enfants expriment des préférences quasi identiques pour les deux sexes. En Afrique subsaharienne, cette recherche de complémentarité domine également.

Un basculement culturel dans les pays développés

En Corée du Sud, entre 1985 et 2003, la part des femmes jugeant « nécessaire » d’avoir un fils est passée de 48 % à 6 %. Désormais, près de la moitié souhaitent une fille. Au Japon, la part des couples préférant une fille unique est passée de 48,5 % en 1982 à 75 % en 2002. Dans certaines régions des Caraïbes et d’Afrique subsaharienne, le ratio des naissances penche légèrement en faveur des filles. Dans un certain nombre de pays, le coût du mariage étant supporté par les hommes, les filles sont plus attrayantes économiquement. Dans les cliniques de fertilité comme New York City IVF, des familles aisées paient jusqu’à 20 000 dollars pour choisir le sexe — et dans 80 % des cas, optent pour une fille. Les adoptions n’échappent pas à la nouvelle préférence pour les filles. Aux États-Unis, les familles étaient prêtes à verser jusqu’à 16 000 dollars supplémentaires pour adopter une fille. Une étude de 2009 montrait que les couples hétérosexuels et les lesbiennes préféraient en majorité les filles. En Corée du Sud, les adoptions concernent majoritairement des filles.

Pour certains pères, les filles seraient plus calmes, moins exigeantes physiquement, plus raffinées émotionnellement. Les mères lesbiennes craignent de ne pas pouvoir socialiser des garçons dans un monde encore imprégné de masculinité toxique.

Ce basculement s’inscrit aussi dans un contexte plus large : celui d’un malaise masculin grandissant. Si les hommes continuent de dominer en politique et dans les affaires, ils accumulent aussi les échecs sociaux. Dans de nombreux pays riches, les garçons sont surreprésentés parmi les auteurs et les victimes de violences, les suicidés, les élèves en échec scolaire ou exclus du système éducatif. Les filles ont de meilleurs résultats à l’école que les garçons. En France, 94,3 % des filles ont, en 2023, obtenu le baccalauréat contre 90,3 % des garçons. Dans le classement PISA mesurant le niveau scolaire moyen au sein des États de l’OCDE, le score des filles dépasse celui des garçons en lecture : 487 points (2022) contre 452, soit un écart de 35 points. Il atteint 40 points pour la France. En mathématiques, les garçons demeurent en tête, mais l’écart se réduit (10 points en 2022). En France, 58 % des diplômés du supérieur sont des femmes (2023).

Les hommes sont majoritairement impliqués dans les actes de violence, les délits et les infractions pénales. En France, selon le ministère de l’Intérieur (2023), 84 % des personnes mises en cause pour homicide sont des hommes, 91 % pour des violences sexuelles, 87 % pour des violences volontaires et 82 % pour des vols avec violence.

En détention, 96 % des détenus sont des hommes (environ 68 000 personnes sur 70 800 au 1er janvier 2024). Les hommes adoptent plus fréquemment des comportements déviants ou à risque, notamment en lien avec la consommation de substances psychoactives. Selon l’OFDT, en 2023, 50 % des hommes ont, au cours de leur vie, consommé du cannabis, contre 39 % des femmes. 7,4 % des hommes ont consommé de la cocaïne, contre 3,8 % des femmes. Sur les routes, 80 % des décès imputables à l’alcool ou à une vitesse excessive concernent des conducteurs masculins. Aux États-Unis, les hommes représentent 73 % des arrestations totales et plus de 90 % des auteurs de crimes violents (FBI, 2023). En Europe, les hommes forment plus de 93 % de la population carcérale (Council of Europe Annual Penal Statistics, 2023).

Dans une logique d’accompagnement et de soutien, les filles sont privilégiées. Elles sont jugées attentionnées et proches de leurs parents, quand les garçons sont considérés comme distants ou rebelles. En Scandinavie, où l’égalité des sexes est poussée à son paroxysme, les couples expriment néanmoins une préférence pour avoir au moins une fille, souvent perçue comme un futur soutien affectif et logistique.

Les garçons s’émancipent de plus en plus tardivement. Le phénomène « Tanguy » est une réalité. Au Japon, les jeunes hommes reclus (les hikikomori) témoignent d’un retrait préoccupant du masculin dans la vie adulte. Un homme américain sur cinq, âgé de 25 à 34 ans, vit encore chez ses parents, contre une femme sur dix. En France, les femmes quittent en moyenne le domicile parental à 22,1 ans, contre 23,8 ans pour les hommes (2023). 32 % des hommes de 25 ans vivent chez leurs parents, contre 18 % des femmes. À 29 ans, ces taux sont respectivement de 12 % et 7 %. Les difficultés d’insertion des jeunes garçons expliquent en partie cet écart. Les parents ont tendance à accepter plus facilement qu’un garçon reste chez eux, tandis que les filles sont poussées à prendre leur autonomie plus rapidement.

Les garçons font l’objet d’un désamour en lien avec les conséquences du mouvement #MeToo, qui a révélé la prédation masculine dans de nombreux secteurs. Des figures comme Harvey Weinstein, Jeffrey Epstein ou Andrew Tate incarnent une masculinité toxique mondialisée. La série Netflix Adolescence, qui met en scène un adolescent accusé de féminicide, a relancé le débat sur les comportements masculins à risque. En France, la députée Sandrine Rousseau appelle à la déconstruction de l’esprit masculin.

Afin de garantir une égalité entre hommes et femmes, les pouvoirs publics ont longtemps mis en œuvre des politiques de discrimination positive en faveur des secondes. La question se pose aujourd’hui de politiques orientées en faveur des hommes. Le Parlement britannique a engagé des études pour déterminer les causes de l’échec scolaire des garçons. La Norvège a lancé, en 2022, une commission pour l’égalité des hommes. Aux États-Unis, des gouverneurs républicains comme Spencer Cox (Utah) ou démocrates comme Wes Moore (Maryland) plaident pour des initiatives ciblées en faveur des garçons.

Même si les ratios de naissance demeurent naturels, le phénomène mérite l’attention. L’avortement sélectif de millions de filles dans les pays du Sud a révélé un profond déséquilibre social. De même, la préférence montante pour les filles dans les pays du Nord révèle les fractures d’un monde où le masculin est désormais en question.

Les Français avec ou sans  permis de conduire

Jusque dans les années 1990, l’obtention du permis de conduire à 18 ans était un rituel incontournable. L’objectif était de l’avoir le jour même de ses 18 ans. Ce dernier était synonyme d’émancipation. Les employeurs exigeaient de leurs salariés la possession du permis avant de les embaucher. Une voiture, même vieille, était un gage de liberté. Aujourd’hui, dans une société plus urbaine et pour des raisons financières, de plus en plus de Français se détournent de la voiture et du permis.

Selon une étude du Crédoc de 2025, 20 % sont mineurs et donc hors d’âge pour passer le permis, 9 % des adultes n’ont pas de permis reconnu en France et au moins 4 % sont durablement inaptes à la conduite pour raisons médicales ou cognitives.

Ce tiers de la population constitue ce que l’étude nomme les éconduits structurels : individus pour lesquels l’accès au volant est, par nature, impossible. Au total, plus de 22 millions de personnes dépendent d’autres individus ou de services de transports collectifs pour leur mobilité.

Si 67 % des Français disposent d’un permis de conduire, seuls 18 % de ces titulaires déclarent n’être jamais empêchés de conduire. En d’autres termes, 82 % des automobilistes potentiels renoncent, à des degrés divers, à l’usage de leur véhicule.

23 % renoncent quasiment systématiquement dans certaines situations, 21 % fréquemment (au moins une fois par mois) et 38 % occasionnellement (moins d’une fois par mois).

Plusieurs facteurs expliquent cette proportion élevée de personnes qui renoncent partiellement ou totalement à conduire. Le coût des déplacements (essence, péage) conduit 13 % des détenteurs du permis à ne pas conduire chaque mois, soit plus de 6 millions de personnes. L’indisponibilité du véhicule (utilisé par autrui ou en panne) concerne 35 % des usagers, et jusqu’à 54 % chez les jeunes. Les problèmes administratifs constituent également un facteur de renoncement important : le défaut d’assurance explique 10 % des cas, la suspension du permis, 9 %, l’absence de contrôle technique pour la voiture, 15 % sur l’année.

La crainte de la somnolence incite 28 % des détenteurs de permis à renoncer à conduire. 43 % des conducteurs sont réticents à conduire la nuit. 7 % préfèrent s’abstenir complètement de conduire la nuit. 10 % des titulaires du permis évitent de conduire dans les villes. 10 % également refusent les parcours en montagne. Par ailleurs, près d’un conducteur sur deux, face à des conditions climatiques défavorables (pluie, neige, etc.), ne prend pas la route.

Les femmes sont plus souvent que les hommes amenées à renoncer à conduire. 50 % des femmes refusent de conduire la nuit, contre 36 % des hommes. 55 % évitent les mauvaises conditions météo, contre 45 % des hommes. Ces derniers renoncent plus souvent pour des raisons administratives ou matérielles : défaut d’assurance (13 % contre 6 %), suspension de permis (12 % contre 4 %), absence de contrôle technique (17 % contre 9 %). Les jeunes conducteurs de 18 à 24 ans sont nombreux à renoncer à la conduite faute de voiture. Le coût d’utilisation de la voiture explique en grande partie ce renoncement, qui concernerait 97 % des 19-24 ans.

Dans les grandes agglomérations, le renoncement à la conduite est imputable à l’offre de transports publics et aux difficultés rencontrées par les automobilistes pour circuler et se garer. 35 % des Parisiens évitent la conduite urbaine, contre 29 % en moyenne.

51 % renoncent à cause du stationnement (contre 36 % en moyenne). Par ailleurs, les Parisiens n’aiment guère sortir de leur région : 36 % des habitants de Paris ne se rendent pas en zone rurale.

L’incapacité à se déplacer en motorisé n’est pas sans conséquence. 32 % des titulaires du permis renoncent à voir leurs proches, 22 % à consulter un médecin et 21 % à effectuer des démarches administratives. En milieu rural, et même dans les grandes agglomérations, les alternatives à la voiture ne sont pas toujours évidentes. Le renoncement à la conduite est donc un facteur important d’exclusion sociale.

Longtemps symbole d’autonomie et d’intégration sociale, le permis de conduire n’a plus le même pouvoir d’attraction ni la même utilité dans la société française contemporaine. La montée des contraintes économiques, la densification urbaine, les enjeux écologiques, mais aussi les obstacles matériels et psychologiques ont profondément reconfiguré le rapport des Français à la conduite automobile. Ce phénomène n’est pas marginal : il touche toutes les générations, toutes les catégories sociales, et révèle une fracture silencieuse dans l’accès à la mobilité. Or, l’incapacité à se déplacer librement demeure un puissant vecteur d’exclusion. Dans un pays où la voiture reste souvent indispensable, notamment hors des centres urbains, le renoncement à la conduite appelle une réflexion d’ensemble sur l’aménagement du territoire, l’accessibilité des services, et l’invention de nouvelles formes de mobilité plus inclusives.