Economie – France : dettes, déficits – Etats-Unis : marché du travail
France au bord du précipice
La France est le dernier pays de la zone euro à n’avoir pas réussi après la pandémie de Covid, survenue il y a 5 ans à stabiliser et à réduire sa dette publique. Dans un même mouvement, Ficht a dégradé la note française et relevé celle de l’Italie. La France devient le pays malade de l’Europe, la crise politique et celle de la dette publique se répondant l’une à l’autre.
Avec un taux d’intérêt à 10 ans de plus de 3,5 % supérieur à la croissance nominale de long terme – (environ 2,5 % (croissance de 1 % volume et inflation de 1 %à 1,5 %), la France un menacé par un effet boule de neige. La dette augmente mécaniquement tant qu’aucun excédent primaire n’est dégagé. Stabiliser la trajectoire suppose un excédent primaire de plus d’un point de PIB ; or, la réalité est tout autre, le déficit primaire atteint 3,2 % du PIB en 2025. L’écart, près de 4,3 points traduit la vulnérabilité du pays dont la population est loin d’avoir conscience. Dans le même temps, les besoins de financement public sont en pleine explosion : retraite, santé, dépendance, défense, transition écologique. Le rapport Draghi évaluait les besoins à plus de 2,2 points de PIB auxquels s’ajoute un point de PIB pour la défense. Au total, la France doit trouver 7,5 points de PIB, soit environ 230 milliards d’euros d’effort budgétaire pour satisfaire les besoins publics et la maîtrise des comptes publics. L’objectif apparaît hors d’atteinte. Pour combler le déficit primaire, stabiliser la dette et financer les besoins nouveaux, il faudrait dégager l’équivalent de sept budgets annuels du ministère de la Justice ou trois budgets de l’Éducation nationale.
La tentation est grande de ne pas respecter les engagements pris en matière de transition écologique et de défense. La décarbonation des activités suppose un effort annuel de 90 milliards d’euros d’ici 2030 dont 60 % pris en charge par la sphère publique. De plus en plus de voix se font entendre pour ralentir le processus et pour réaliser des économies sur le front de l’environnement. Les gains ainsi réalisés sont durement payés dans les prochaines années. De nombreuses études prouvent que les investissements en lien avec la transition écologique sont rentables à moyen terme. Sur le terrain de la défense, une révision des programmes est déjà évoquée à demi-mots. Le budget de la défense était censé passer de 65 à 105 milliards d’euros d’ici 2030.
Pour trouver des marges de manœuvre, François Bayrou avait proposé une année blanche ce qui signifiait notamment une non-revalorisation des prestations sociales, pensions de retraite comprises. La protection sociale absorbe, en France, 32,3 % du PIB. La non-indexation rapporterait 0,6 point de PIB au prix d’importantes tensions sociales. Dans les faits, l’effort suppose donc une remise plus brutale des dépenses sociales comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal l’ont pratiquée après la crise financière de 2008. L’autre moyen serait une réduction des aides publiques aux entreprises dont le montant total selon les évaluations se situent entre 120 et 210 milliards d’euros. Pour certaines entreprises, la fin des aides pourrait provoquer leur faillite. Cette clarification serait à court terme violente mais bénéfique dans la durée.
Côté recettes, la population demande un alourdissement de la fiscalité sur les contribuables les plus aisés qui est supposé ne pas concerner la grande majorité des ménages. La taxe Zucman sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros fait figure de planche de salut. Elle est censée rapporter 0,5 à 0,8 point de PIB, soit 15 à 25 milliards d’euros, dix fois moins que nécessaire. Elle pourrait, en outre, se réduire, d’année en année, à une peau de chagrin avec un risque de délocalisation ou d’attrition de l’assiette. Cette taxe vise potentiellement 1800 contribuables. Elle serait fortement préjudiciables aux actionnaires finançant des start-ups ou des gazelles en forte croissance. Elle pourrait inciter ces derniers à exiger des dividendes plus élevés pour s’acquitter de la taxe. Des dividendes plus importants signifient des salaires plus faibles. Même en doublant l’impôt sur les sociétés, le compte n’y serait pas.
La France est face à un mur en raison de la hausse des taux d’intérêt qui augmente à grande vitesse le service de la dette, plus de 70 milliards d’euros d’ici 2029 et de la faible croissance. Le vieillissement démographique combiné à un refus croissant de l’immigration pèse sur l’activité. Les gains de productivité disparaissent laissant encore de marges de manœuvre au gouvernement. Tout concourt à la progression de la dette publique qui dépassera 120 % d’ici 2030.Le spread OAT-Bund qui se situe déjà autour de 70 points de base en 2025 pourrait dépasser 150 points en cas de défiance accrue, renchérissant un peu plus le coût de financement de la dette publique. Tôt ou tard, la France devra recourir au Transmission Protection Instrument (TPI), l’outil créé pour protéger un État de la zone euro face à une envolée des spreads. Cette aide sera conditionnée à un programme d’ajustement crédible, impliquant des coupes dans les retraites et la santé. Le scénario est tracé, seule la date de survenue est à préciser.
La France ne pourra pas faire face à ses engagements en matière de défense et de transition énergétique. Son modèle social est en danger. Pour le moment, l’idée que les riches, les étrangers paieront servent d’illusions pour une population qui a choisi la politique de l’autruche. Le plus probable est un glissement lent mais continu vers plus de dette, plus de dépendance vis-à-vis de la BCE, et moins de marges de manœuvre nationales. La question n’est pas tant de savoir si la France devra demander le soutien de Francfort, mais quand et à quel prix social et politique.
États-Unis : le paradoxe du marché du travail
La vitalité de l’économie américaine a longtemps reposé sur celle de son marché du travail. L’augmentation de la population active, grâce notamment à l’immigration, alimentait la croissance. Or, la ligne de « fermeture » de Donald Trump rebat les cartes. Entendant privilégier la hausse des salaires, le Président risque d’accélérer l’inflation déjà alimentée par la hausse des droits de douane.
Selon le Pew Research Center, la population immigrée est passée de 53,3 millions en janvier 2025 à 51,9 millions en juin, soit une baisse de 1,4 million en six mois. Entre mars et août, le nombre d’actifs nés à l’étranger a chuté de 1,48 million. La part des immigrés dans l’emploi a reculé de 20 % à 19 %.
Dans les années 2010-2019, l’arrivée nette d’environ 900 000 immigrés par an soutenait l’augmentation de la population active qui progressait alors de près de 0,5 % par an. Cette année, cette dernière devrait plafonner à 170 millions de personnes, contre une tendance qui aurait dû la porter au-delà de 173 millions.
Avant cette rupture, il fallait créer 150 000 emplois par mois pour maintenir le chômage stable. C’était la moyenne observée entre 2010 et 2019, période de croissance soutenue. Le nombre de créations d’emploi s’étiole. Il est passé de plus de 200 000 par mois à moins de 70 000. Cette faiblesse ne s’accompagne pas d’une hausse du chômage, l’économie américaine étant avant tout confrontée à une pénurie de main d’œuvre Le salaire hebdomadaire progresse de son côté, de 4,5 % par an en moyenne depuis début 2025. Dans les années 2010, la hausse salariale moyenne était de 2,5 % par an. Malgré la faiblesse de la croissance, 1,2 % au premier semestre 2025, les salaires continuent d’accélérer rendant difficile une désinflation durable.
La Réserve fédérale est confrontée à un réel dilemme. La faiblesse du chômage avec une inflation en augmentation peut la conduire à ne pas abaisser ses taux directeurs. A contrario, la forte diminution des créations d’emploi en traduisant une économie en perte de vitesse pourrait l’inciter à abaisser ses taux pour soutenir la demande. Historiquement, la Fed a toujours privilégié le taux de chômage comme indicateur clef de son action. Mais ce taux est aujourd’hui déformé par le facteur démographique. S’y fier revient à ignorer la contraction du vivier de main-d’œuvre, et donc à mal calibrer la politique monétaire.
Avec une population active stagnante, le potentiel de croissance à long terme des Etats-Unis se réduit mécaniquement. Sans immigration ni gains de productivité suffisants, les États-Unis pourraient voir leur potentiel glisser vers 1 % par an, contre 2 % historiquement et se rapprocher du taux de croissance de la zone euro. Le recul de la main-d’œuvre immigrée fragilise certains secteurs — agriculture, construction, services à la personne — qui dépendaient jusqu’à 30 % de travailleurs étrangers.
La rareté du travail bénéficie avant tout aux salariés qualifiés (hausse salariale rapide) et non à ceux qui ont de faibles qualifications. Elle accentue les tensions pour les secteurs à bas revenus, où la pénurie accroît les coûts et réduit la compétitivité.