30 septembre 2017

C’est déjà demain : le Projet de loi de finances pour 2018

Intense séquence budgétaire

La dernière semaine du mois de septembre aura été une séquence très « finances publiques » pour le gouvernement avec la présentation du plan d’investissement de 57 milliards d’euros, du projet de loi de finances et du projet de financement de la Sécurité sociale pour 2018. Les objectifs de ce tir en rafale étaient de montrer la cohérence de la politique économique et fiscale et de multiplier les annonces afin de limiter la focalisation de l’opinion sur quelques mesures peu populaires.

Tirer un trait sur le passé

Comme à chaque changement de Président de la République, le nouveau gouvernement a demandé un audit qui lui permet de souligner quelques vilenies budgétaires imputables à la gestion précédente. Ainsi, pour le budget 2017, la Cour des Comptes a répertorié 4,2 milliards d’euros de sous-budgétisations. Magnanime, le Gouvernement a décidé « de remettre à niveau » le budget 2017 en les réintégrant.

Une maîtrise prudente des finances publiques

Le Gouvernement n’a pas décidé de s’engager dans une politique de rigueur. Les dépenses de l’État continueront à augmenter et le nombre de fonctionnaires est réduit de manière homéopathique. L’engagement du candidat d’Emmanuel Macron de diminuer le nombre de postes de 120 000 n’est pas d’actualité pour 2018. Les efforts en matière de dépenses publiques pèseront avant tout sur les collectivités territoriales et sur les régimes sociaux. Par ailleurs, le plan d’investissement permet de financer des projets hors budget en ayant recours à l’emprunt.

En assombrissant la situation budgétaire en 2017 et en minorant certaines recettes fiscales, en particulier en matière de TVA, les pouvoirs publics espèrent se constituer une petite réserve pour la fin de l’année et pour 2018. Il y a en la matière une gestion assez pilotée du déficit. Il convient de souligner qu’il y a encore quelques semaines, la communication des pouvoirs publics insistait sur la capacité à respecter les prévisions de déficit dès cette année, message qui a été abandonné au moment de la présentation des projets de budget.

Des hypothèses économiques relativement prudentes

Le Gouvernement a tablé sur une croissance stable à 1,7 % pour ces quatre prochaines années contre 1,1 % en 2016. Pour 2022, il prévoit 1,8 %. Le taux d’inflation retenu pour l’année prochaine est de 1,1 %. Il remonterait faiblement pour s’élever à 1,75 % en 2022. Les prévisions de croissance retenues par le Ministère de l’Economie et des Finances sont assez proches de celles des grands instituts de conjoncture. Ces derniers évaluent la croissance française entre 1,6 et 1,8 % pour 2018.

La consommation des ménages est attendue en hausse de 1,4 % en 2018 contre 1,3 cette année et 1,7 % en 2016. Pour l’investissement des entreprises, le Gouvernement table sur une progression de 4,1 % contre 4,2 % cette année (3,7 % en 2016).

La France restera parmi les mauvais élèves en matière de déficit

La France et l’Espagne sont les deux seuls pays de la zone euro à être placés sous surveillance pour déficits excessifs par la Commission de Bruxelles. Le déficit public moyen au sein de la zone euro s’élevait au premier trimestre 2017 à 0,9 % du PIB (source Eurostat). Le déficit public prévu par le Gouvernement d’Édouard Philippe pour la fin de l’année prochaine est de 2,6 %. Il devrait donc reculer par rapport à celui de 2017 de 0,3 point par rapport aux dernières prévisions. En 2019, le déficit pourrait à nouveau être à 3 % avant de diminuer à compter de 2020 (-1,5 %). À la fin du mandat, il serait ramené à 0,2 % du PIB. La dette publique serait l’année prochaine stable à 96,8 %. Elle monterait à 97,1 % du PIB en 2019 avant de baisser légèrement. Elle s’établirait à 91,4 % en 2022.

En 2018, pour s’acquitter du déficit et rembourser les emprunts arrivant à échéance, le Gouvernement devra émettre pour 195 milliards d’euros de titres , ce qui constituera le niveau le plus élevé de ces dix dernières années. L’effort de réduction pour l’État devrait intervenir surtout en 2020. Le Gouvernement fait le pari que sa politique génèrera alors des recettes supplémentaires. Par ailleurs, la mise en œuvre d’un réel plan de réduction des dépenses est prévue à compter de 2018.

Le déficit budgétaire sera de 82,9 milliards d’euros soit 6,4 milliards de plus que celui prévu en exécution pour 2017, solde qui a été revu à la hausse de  7,2 milliards d’euros en cours d’exercice. Le déficit de l’État ne baisse plus depuis 2015.

Les dépenses publiques devraient augmenter de 0,5 % en 2018, soit près de deux fois plus vite qu’entre 2013 et 2016 (+0,9 %). L’effort de maîtrise devrait se poursuivre durant tout le mandat, une quasi-stabilisation des dépenses étant attendue à partir de 2021.

Les dépenses de l’État

En 2018, les dépenses nettes de l’État devraient s’élever à 386,3 milliards d’euros. La charge de de la dette devrait s’élever à 41,2 milliards d’euros. La participation de la France au budget européen est fixée, pour 2018, à 20,2 milliards d’euros. Les budgets de la défense, de la sécurité intérieure et de l’éducation ont été préservés.

Pour 2018, les effectifs de l’État devraient diminuer de 1 600 postes après deux années de créations (14 000 en 2016 et 2017). Les principaux contributeurs à la réduction des effectifs sont le Ministère de l’Economie et des Finances et le Ministère de la Transition Ecologique. Le Gouvernement a confirmé que les collectivités locales seraient appelées à réaliser  13 milliards d’euros d’économies sur leurs dépenses.

Les recettes

Les recettes fiscales de l’État s’élèveront, en 2018, à 288,8 milliards d’euros. Elles devraient diminuer par rapport à 2017. En effet, les recettes fiscales nettes pour 2017 s’établiraient à 290,1 milliards d’euros. Le Gouvernement a procédé à une révision à la baisse sur l’exercice de cette année en retenant un chiffre inférieur de 2,3 milliards d’euros par  rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2017. En la matière, le Gouvernement se montre assez pessimiste sur les rentrées fiscales afin de disposer de marges de manœuvre en fin d’année ou pour afficher de meilleurs résultats budgétaires en 2017 et 2018.

Les mesures fiscales du PLF 2018

La baisse globale des prélèvements sera de 10 milliards d’euros en année pleine mais le bilan net pour 2018 sera de -6,6 milliards d’euros, compte tenu du décalage au 1er octobre de la réduction des cotisations sociales. Le projet de loi de finances comporte trois grandes mesures fiscales, la taxe d’habitation, le prélèvement forfaitaire unique et l’Impôt sur la Fortune Immobilière.

 

  Effet 2018
Fiscalité ménage  
Baisse de la taxe d’habitation prévue sur trois ans -3,0
Réforme de l’ISF -3,2
Mise en place du prélèvement forfaitaire unique -1,3
Hausse de la fiscalité du tabac +0,5
Hausse de la fiscalité énergétique +3,7
Elargissement du crédit d’impôt pour l’emploi à domicile -1,0
Décalage entre augmentation CSG et diminution des cotisations sociales +3,7
Fiscalité entreprise  
Baisse du taux de l’impôt sur les sociétés -1,2
Suppression de la 4e tranche de la taxe sur les salaires -0,1
Crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires -0,6
CICE : montée en charge et hausse du taux de 6 à 7 % -4,0

 

Le Gouvernement a prévu dans le projet de loi de finances de limiter le champ de la réduction d’impôt pour l’immobilier locatif (dispositif Pinel). Par ailleurs, l’accès au prêt à taux zéro est durci. Néanmoins, ces deux dispositifs qui arrivaient à terme au 31 décembre 2017 sont prorogés jusqu’en 2021.

La réforme de la taxe d’habitation

Le Président de la République s’était engagé à exonérer 80 % de la population de la taxe d’habitation. En 2018, l’impôt sera réduit de 30 % et de 65 % en 2019. En 2020, l’exonération sera effective. Actuellement, environ 15 % des ménages sont exonérés de taxe d’habitation et plus du quart bénéficient d’allègements. Depuis plus de trente ans, la taxe d’habitation fait l’objet de projets de réforme. Jugée injuste car déconnectée des capacités contributives des redevables, elle est calculée sur des valeurs locatives obsolètes.

La proposition d’Emmanuel Macron d’exonérer quatre ménages sur cinq aboutit à une étatisation quasi-totale de la taxe d’habitation qui est la principale ressource des communes et groupements de communes. Les élus locaux redoutent que la compensation ne soit pas intégrale et qu’elle soit à terme gelée. Cette réforme a comme conséquence de créer deux catégories de contribuables, ceux qui acquittent la taxe d’habitation et les autres. En jumelant avec l’impôt sur le revenu, cette mesure peut accroître le sentiment d’exaspération fiscale.

L’exonération s’appliquera à toute personne dont les revenus seront inférieurs à  30 000 euros par an (27 000 euros de revenu fiscal de référence, en prenant en compte l’abattement fiscal de 10 %), soit environ 2 500 euros de revenu réel imposable par mois. Pour un couple, le plafond retenu est de 48 000 euros. Le plafond est majoré de 6 000 euros par enfant à charge.

Le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU)

Le projet de loi de finances prévoit la création d’un prélèvement forfaitaire unique  qui se substitue sur option à l’imposition sur les revenus (via le barème) et aux prélèvements sociaux. L’assujettissement des revenus du capital au barème de l’IR et la forte augmentation des prélèvements sociaux avaient abouti à des taux marginaux d’imposition pouvant atteindre 60 % sur lequel il fallait ajouter l’ISF. De 1997 à 2017, les prélèvements sociaux sont passés de 3,9 à 15,5 %. Ils devraient passer à 17,2 % le 1er janvier 2018 avec l’augmentation de la CSG.

 

L’objectif affiché par le Gouvernement est de réorienter l’épargne vers l’économie réelle. Depuis des années, voire des décennies, les pouvoirs publics tentent de modifier le comportement des épargnants. Le PFU a vocation de ramener le taux d’imposition du capital en France dans la moyenne européenne qui se situe entre 25 et 30 %.

Le PFU est ouvert sur option aux contribuables mais le choix de ces derniers s’appliquera à tous leurs revenus financiers. Il n’est donc pas possible de n’opter que pour les intérêts des obligations et de maintenir le barème de l’IR pour les dividendes.

Le PFU ne concernera pas le Livret A, le LDDS, le Livret jeune, le Livret d’Épargne Populaire (LEP) et le Compte d’Épargne Logement (CEL). L’épargne retraite et l’épargne salariale tout comme le Plan d’Epargne en Actions (PEA) y échappent également.

Le PFU s’applique aux comptes titres, aux livrets bancaires et sous certaines conditions au Plan d’Epargne Logement (PEL) et à l’assurance-vie.

Les PEL ouverts à compter du 1er janvier 2018 seront soumis au PFU tout comme ceux qui ont plus de 12 ans. Si dans le premier cas, il s’agit d’une augmentation de la pression fiscale sur les PEL, dans le second cas, il s’agit d’un allègement, cette catégorie de livrets étant soumis au même régime que les livrets bancaires.

Pour les comptes titres, les dividendes restant soumis au barème de l’impôt sur le revenu continueront de bénéficier de l’abattement de 40 %.

Prélèvements sur les dividendes pour les actions

 détenues dans un compte-titres

 

Taux marginal d’imposition 0 % 14 % 30 % 41 % 45 %
IR + Prélèvements sociaux à 15,5 % avec 5,1 points déductibles avec abattement de 40 % 15,5 % 23,18 % 31,97 % 38 % 40,02 %
IR + prélèvements sociaux à 17,2 % avec 6,8 points déductibles avec abattement à 40 % 17,2 % 24,65 33,16 % 39,01 % 41,14 %
PFU à 30 % 30 % 30 % 30 % 30 % 30 %

Par simplification, la déductibilité a été intégrée pour calculer un taux d’imposition global sachant qu’il y a un décalage dans sa restitution par les services fiscaux.

  • Les produits de taux

Le système de prélèvement libératoire de 24 % qui s’appliquait dans la limite de 2000 euros de revenus est à compter de 2018 fusionner avec le PFU.

Prélèvements sur les intérêts des produits de taux

Taux d’imposition IR TMI* 0 % TMI 14 % TMI 30 % TMI 41 % TMI 45 %
Option IR

prélèvements sociaux 15,5 et IR

prélèvements sociaux 17,2 % + IR

15,5 %

17,2 %

28,80 %

30,25 %

43,97 %

45,34 %

54,4 %

55,65

58,21 %

59,41 %

Option prélèvement libératoire à 24 % dans la limite de 2000 euros de revenus fondu dans le PFU au 1er janvier 2018 39,5 % 39,5 % 39,5 % 39,5 % 39,5 %
PFU à 30 % 30 % 30 % 30 % 30 % 30 %

*TMI : taux marginal d’imposition à l’impôt sur le revenu

  • L’assurance-vie

L’assurance-vie continuera à bénéficier de son régime actuel. Néanmoins, pour les revenus issus de versements réalisés à compter du 27 septembre 2017 et dépassant 150 000 euros (300 000 euros pour un couple), le prélèvement forfaitaire remplace le système de prélèvement libératoire actuel (qui varie en fonction de l’ancienneté du contrat de 35 à 7,5 % + prélèvements sociaux). Le Gouvernement a maintenu le dispositif d’abattement de 4 600 euros pour un célibataire et 9 200 euros pour un couple.

 

Imposition de l’assurance-vie avec option impôt sur le revenu

 

Taux marginal d’imposition 0 % 14 % 30 % 41 % 45 %
IR + PS 15,5 dont 5,1 points déductibles 15,5 % 28,78 % 43,97 % 54,41 % 58,20 %
IR + PS 17,2 % dont 6,8 points déductibles

 

17,2 % 30,35 % 45,37 % 55,70 % 59,45 %
PFU 30 % 30 % 30 % 30 % 30 %

Régime du prélèvement libératoire applicable à l’assurance-vie

 

  Contrats de moins de 4 ans Contrats

de 4 à 8 ans

Contrats

de plus de 8 ans

Prélèvement libératoire IR 35 % 15 % 7,5 %
Prélèvements fiscaux et sociaux

 

Taux  PS à 15,5 %

Taux  PS à 17,2 %à compter du 1er janvier 2018

 

50,5 %

52,2 %

30,5 %

32,2 %

23 %

24,7 %

PFU  pour les gains des  versements excédant 150 000 euros pris en compte à partir du 27 septembre 2017

 

30 % 30 % 30 %

 

  • Le régime des plus-values mobilières

Le PFU s’appliquera aux plus-values mobilières. Le texte du gouvernement prévoit la suppression des abattements pour durée de détention pour les gains de cession réalisés à compter de 2018. Néanmoins, une clause de sauvegarde permet de préserver l’abattement de droit commun ainsi que l’abattement renforcé pour les cessions de titres de PME de moins de dix ans en faveur des contribuables qui ont acquis ou souscrit leurs titres antérieurement au 1er janvier 2018 et qui optent pour une imposition de l’ensemble de leurs revenus du capital au barème de l’IR.

 

L’Impôt sur la Fortune Immobilière

Le Gouvernement a confirmé la suppression de l’ISF et son remplacement par un impôt dont l’assiette sera constituée par les biens immobiliers. Le barème actuel de l’ISF s’appliquera pour le nouvel impôt.

 

L’augmentation de la CSG (PLFSS 2018)

Le dispositif de transfert des cotisations sociales sur la CSG est prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Si la hausse de la CSG sera effective au 1er janvier, la diminution des cotisations sociales interviendra en deux temps, au 1er janvier et au 1er octobre 2018. Le Gouvernement a prévu deux mesures spécifiques afin que ce transfert ne pénalise ni les fonctionnaires, ni les indépendants. Les premiers bénéficieront de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité quand les seconds profiteront d’une baisse des cotisations sociales assisses sur leurs revenus.

Les retraités exonérés de CSG et ceux soumis au taux réduit de 3,8 % ne seront pas concernés par son augmentation. 40 % des retraités sont concernés. Il s’agit de tout ceux dans le revenu fiscal de référence est inférieur à 14 404 euros, soit 1289 euros par mois. Le gain en termes de pouvoir d’achat, en année pleine, a été évalué, en brut, à 1,45 %.

Le Grand Plan d’Investissement

Conformément à l’engagement pris par Emmanuel Macron lors de la dernière campagne présidentielle, le Gouvernement a annoncé la mise en place d’un plan d’investissement de 57 milliards d’euros sur le modèle de ceux qui avaient été adoptés sous les présidences de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Ce plan poursuivra quatre objectifs : accélération de la transition écologique, édification d’une société de compétence, amélioration de la compétitivité grâce à l’innovation et au développement de l’État numérique. Les secteurs et domaines d’activité qui pourront profiter de ce plan sont : l’agriculture, les administrations publiques, la formation, les transports, les équipements publics, l’enseignement supérieur, la recherche. Le financement de ce plan ne devrait pas avoir d’effet sur le déficit public. Le Gouvernement entend mobiliser des ressources non utilisées des précédents plans, des fonds propres et des prêts en provenance de la Caisse des Dépôts.