11 février 2017

C’est déjà hier – 11 février 2017

L’emploi français sauvé par le tertiaire et l’intérim

En 2016, 191 700 emplois ont été créés dans le secteur marchand (hors agriculture), ce qui constitue la meilleure performance enregistrée par la France depuis 2007. L’emploi a ainsi augmenté de 1,2 % en un an. Au dernier trimestre, les créations nettes d’emploi ont atteint 62 200, après +52 400 au cours du trimestre précédent. L’année dernière, l’industrie a perdu 23 000 emplois quand la construction de son côté connaissait également une réduction du nombre de ses emplois de 5 700.  Sur un an, l’emploi tertiaire hors intérim augmente de 1,4 %, soit +151 300. L’emploi intérimaire continue d’augmenter fortement (+6,0 %, soit +37 200, après +5,3 %). Sur un an, il est en très nette hausse (+11,8 %, soit + 69 300).

Avec une croissance faible, 1,1 %, la France a ainsi réussi à créer près de 200 000 emplois. Certes, ces nouveaux emplois sont, en partie, précaires, les emplois en CDD et en intérim ayant fortement augmenté. Néanmoins, ce bon résultat devrait conforter la baisse du taux de chômage qui sur l’année a reculé de 0,5 point.

 La France toujours fâchée avec son commerce extérieur

En 2016, le solde commercial s’est à nouveau dégradé après trois années d’amélioration. Les faibles cours du pétrole n’ont pas compensé une dégradation de notre solde industriel. La balance commerciale de la France a été déficitaire, en 2016, de 48,1 milliards d’euros (FAB/FAB) contre – 45,0 milliards en 2015. Si la facture énergétique s’est améliorée de 8,3 milliards d’euros, le déficit manufacturier s’est accru de 9,3 milliards d’euros. Il a atteint 43,7 milliards d’euros contre 36,9 milliards d’euros en 2015. Il s’agit du plus mauvais résultat depuis 2011.

L’augmentation du déficit manufacturier s’explique principalement par la réduction de 3,7 milliards de l’excédent aéronautique, passant de 22,3 milliards à 18,6 milliards. Malgré la progression des exportations, le déficit automobile (véhicules et équipements automobiles) augmente de 3,3 milliards d’euros en raison de la hausse des importations. La balance commerciale est également dégradée par la diminution de l’excédent agricole de 2,4 milliards d’euros du fait des mauvaises récoltes céréalières.

Dans leur ensemble, en 2016, les exportations françaises ont diminué de 0,6 % après avoir enregistré une hausse de 4,4 % en 2015. Les ventes à l’étranger des produits métallurgiques et chimiques ont fortement reculé. En revanche, les ventes de véhicules automobiles sont en hausse pour la troisième année consécutive. Les exportations de bateaux, d’équipements automobiles et de produits de luxe continuent aussi à progresser quand les livraisons aéronautiques restent stables à un haut niveau.

Les importations ont très légèrement augmenté de 0,1 % (contre +1,1 % en 2015). Si les achats de produits énergétiques ont baissé en valeur du fait de la chute des cours, ceux de produits manufacturés ont progressé de +2,4 % (après +5,7 % en 2015). Les importations aéronautiques, automobiles et de machines industrielles augmentent fortement. Les achats de produits agricoles et agroalimentaires sont également en hausse.

Solde commercial par secteur d’activité (CAF-FAB)

en milliards d’euros

 

  2015 2016
Balance Commerciale -45,03 -48,11
Solde industriel -36,90 -43,69
Solde produits agricoles +2,617 +0,252
Solde des industries agro-alimentaires +6,54 +5,69
Solde équipements mécaniques, matériel électronique et informatique -22,45 -24,55
Solde matériels de transports +15,18 +9,18
Solde textile -13,84 -13,39
Solde produits pharmaceutique +3,24 +3,87
Solde produits chimique +11,05 +10,84
Solde produits métallurgique -6,26 -6,49
Hydrocarbures, énergie, industries extractives -28,74 -22,88
Produits pétroliers raffinés et coke -11,04 -8,57

Source Direction des Douanes

 

Les échanges extérieurs avec les pays membres de l’Union européenne restent fortement déficitaires, soit près de 30 milliards d’euros en 2016. La balance commerciale avec les États membres de la zone euro accuse un déficit de plus de 36 milliards d’euros.

Après deux années de croissance, les ventes à l’Union européenne marquent le pas (+0,3 %, après +2,3 %). La croissance des exportations au sein de l’Union européenne est centrée sur les nouveaux États membres et l’Espagne. La reprise de la construction automobile en France contribue à soutenir les exportations vers les pays européens. Malheureusement, la baisse  des exportations de produits chimiques et métallurgiques à destination de l’Allemagne ne permet pas une amélioration substantielle de notre solde commercial avec ce pays. Les exportations se replient nettement avec les Pays-Bas, du fait de la baisse des ventes de pétrole raffiné, de produits chimiques et de céréales. Avec la Belgique, la reprise des exportations automobiles ne compense pas la baisse des ventes de produits pharmaceutiques. Les ventes au Royaume-Uni s’effritent, notamment celles de véhicules, mettant fin à l’accroissement continu de l’excédent bilatéral franco-britannique observé depuis 2011. La dépréciation de la livre sterling après le référendum du 23 juin 2016 explique cette évolution. Néanmoins, le solde commercial avec ce pays reste très positif, plus de 11 milliards d’euros.

En 2016, les exportations vers les pays tiers(hors UE) se contractent avec l’ensemble des zones (-2,1 %, après +7,3).  Elles se replient nettement vers l’Afrique et le Proche et Moyen-Orient, notamment en raison d’une diminution des livraisons aéronautiques et du recul des ventes de céréales. Ces pays qui ont été durement touchés par la baisse des prix de l’énergie et des matières premières ont réduit leurs importations. La dégradation avec l’Asie et l’Amérique est plus modérée quand les ventes à l’Europe hors UE se redressent.

 Les importations depuis l’Asie s’accroissent légèrement (+1,1 %, après +9,7 %). Si les achats à la Chine s’inscrivent en baisse, notamment ceux de produits informatiques et d’articles d’habillement, ils sont compensés par le dynamisme des importations depuis le Japon, en particulier celles d’automobiles et de machines. Plus généralement, les importations progressent depuis la plupart des autres pays asiatiques à l’exception de l’Inde. Les importations depuis l’Amérique (+1,7 %, après +9,5 %), progressent du fait de l’achat d’avions gros porteurs aux États-Unis (commandes d’Air France).

 

Solde commercial par pays (CAF-FAB) en milliards d’euros

 

  2015 2016
Balance Commerciale -45,03 -48,11
Zone euro -37,116 -36,653
Union européenne -29,153 -29,813
Allemagne 15,483 -14,397
Italie -5,830 -5,899
Pays-Bas -4,139 -7,137
Suisse -0,378 +1,277
Espagne +1,011 +0,777
Belgique -8,492 -4,378
Royaume-Uni +12,022 +11,602
États-Unis -2,351 -3,294
Chine et Hong-Kong -25,385 -25,774

 

Les services ne parviennent plus à compenser le déficit commercial

 En première estimation sur l’année 2016, le solde des biens et services est déficitaire de 27 milliards d’euros. Il se dégrade de près de 12 milliards par rapport à 2015. Le déficit courant s’élevait, l’année dernière, à 1,1 % du PIB contre 0,2 % du PIB en 2015, il atteint 1,1 % de la richesse nationale produite en 2016. Ce résultat décevant est lié à la quasi-disparition de l’excédent de la balance des services qui étaient le point fort de l’économie française. Le secteur n’a dégagé qu’une solde commercial de +400 millions d’euros contre +25 milliards d’euros en 2012. Cette chute s’explique par la diminution du nombre de touristes étrangers après les attentats qui ont frappé la France. L’an dernier, l’hôtellerie française a enregistré 4 millions de nuitées d’étrangers en moins qu’en 2015. Quant aux résidences et villages de vacances, la chute représente 2 millions de nuitées selon l’INSEE. La part des exportations françaises de services dans le total de la zone euro est à son plus bas niveau depuis 2000.

Les exportations françaises sont très sensibles aux variations de prix. Ces dernières années, du fait de la réduction de leur taux de marge, les entreprises avaient dû accroître leurs tarifs ce qui avait nuit à leur compétitivité. La politique de réduction des coûts mise en œuvre par les pouvoirs publics ne peut pas avoir des effets immédiats et modifier le comportement des acheteurs étrangers. Par ailleurs, la France souffre toujours d’un positionnement trop axé sur la gamme moyenne qui est soumise à la forte concurrence des pays émergents et des pays comme l’Espagne ou ceux de l’Europe de l’Est.

Au vu des résultats de la fin d’année 2016, le solde touristique devrait s’améliorer dans les prochains mois. En effet, après la forte chute de la fréquentation touristique du fait des attentats au cours des 3 premiers trimestres 2016, une remontée a été enregistrée en fin d’année. En effet, selon l’INSEE, au quatrième trimestre  en France métropolitaine, la fréquentation touristique dans les hébergements collectifs touristiques, exprimée en nuitées, a augmenté de 3,9 % par rapport à la même période de 2015, après deux trimestres consécutifs de baisse. Ce fort rebond compense  le repli enregistré un an plus tôt (−1,8 %), lié à l’impact des attentats. Le nombre de nuitées dépasse ainsi celui du quatrième trimestre 2014. Le rebond, particulièrement net pour la clientèle française (+4,3 %) mais les étrangers sont également de retour avec un gain en nuitées de 2,9 %.

 

L’Allemagne fait toujours la course en tête

Avec un excédent de sa balance des comptes courants de 297 milliards de dollars, l’Allemagne dépasse la Chine dont le solde est de 245 milliards de dollars, à la faveur d’excellentes exportations de marchandises et de services. Le Japon se classe sur la troisième marche des excédents courants quand les États-Unis accusent le déficit le plus important, -478 milliards de dollars. En 2015, l’excédent de la balance des paiements courants de la Chine s’élevait à 293 milliards de dollars tandis que l’Allemagne affichait 257 milliards de dollars.

La balance des paiements courants est composée pour l’essentiel du solde commercial mais on y ajoute les échanges de service et certains revenus du travail et du capital. Elle ne prend pas en compte les transferts de capitaux. Ces transfert sont fortement négatifs pour la Chine plus 700 milliards de dollars en 2016.

L’important excédent allemand s’il témoigne d’une compétitivité à toute épreuve risque de provoquer de nouvelles réactions de la part de la nouvelle administration américaine.

Par ailleurs, pour la Commission européenne, un excédent courant dépassant 6 % du PIB annuel est considéré comme excessif car menaçant la stabilité économique de la zone euro. Celui de l’Allemagne dépassant 8 %, les partenaires économiques de Berlin, en premier lieu la France, invitent le pays à rééquilibrer son économie. Ils demandent une relance de la demande intérieure avec, en particulier, une politique d’investissement plus dynamique.

Le Gouvernement d’Angela Merkel entend maintenir le cap en répétant que la compétitivité allemande est un atout pour l’Europe. Il souligne que la consommation intérieure a été dopée par l’augmentation des dépenses publiques provoquée par l’arrivée des réfugiés en 2015 et 2016. Le débat risque de se poursuivre durant l’année 2017 avec au mois de septembre les élections au Bundestag. Donné pour la première fois devant la Chancelière dans les sondages, le candidat du SPD à la Chancellerie, Martin Schultz, s’est engagé à infléchir la politique économique allemande. Il pourrait créer la surprise en plaçant le SPD en tête et en imposant une grande coalition inversée.

 Quand la Cour des Comptes doute et rappelle à l’ordre

La Cour des Comptes est, par tradition, avare en compliments vis-à-vis de la gestion des finances publiques. Elle n’a pas dérogé à cette règle avec son rapport annuel 2017. Les auteurs se sont montrés très critiques et doutent de la capacité des pouvoirs publics à respecter la feuille de route de réduction des déficits. Selon les dernières prévisions du Gouvernement, la réduction du déficit public entamée en 2010 s’est poursuivie en 2016, mais le repli serait modeste. Le déficit aurait été ramené à 3,3 % du PIB (en amélioration de 0,2 point par rapport à 2015). Le déficit structurel, qui neutralise l’impact de la conjoncture, serait de 1,5 point de PIB (en amélioration de 0,3 point). Cette diminution du déficit public correspond à l’objectif que s’est fixé le Gouvernement dans la loi de programmation de décembre 2014 et dans le programme de stabilité d’avril 2016. Pour 2017, le Gouvernement prévoit une amélioration plus nette du déficit en 2017 avec une contraction de 0,6 point de PIB, qui le ramènerait à 2,7 points de PIB, en dessous du fameux seuil de 3 points de PIB ce qui constituerait une première depuis 2007. Cette prévision suppose une accélération de la croissance avec une progression assez vive des prélèvements obligatoires (élargissement de l’assiette grâce à la croissance et à l’inflation revenue). Par ailleurs, le Gouvernement a parié sur un ralentissement des dépenses de couverture du chômage et des retraites permettant de compenser en partie l’accélération des dépenses des collectivités locales, de santé et, surtout, de l’État.

La Cour des Comptes doute de la capacité des pouvoirs publics à atteindre les objectifs fixés. Elle juge les hypothèses de croissance, 1,5 %, un peu optimistes et surtout elle considère que les recettes ont été surestimées et que les dépenses ont été de leur côté sous-estimées.  La Cour des Comptes souligne que la réduction du déficit a été obtenue grâce à la baisse des taux qui a réduit le service de la dette. Leur remontée aura évidemment l’effet inverse ce qui rend difficile la diminution du déficit. Pour 2017, la Cour rappelle que la marche à franchir est haute. Sans le mentionner, elle alerte les candidats à l’élection présidentielle sur l’absence de marges de manœuvre budgétaires.