12 mars 2016

C’est déjà hier : 11 mars 2016

La BCE ou « la force du vertige »

La Banque Centrale Européenne a décidé, le jeudi 10 mars, d’abaisser de 0,05 à 0 % son taux directeur. Cette mise à zéro du principal taux de la BCE était attendue mais n’en constitue pas moins la preuve que la situation demeure préoccupante. Les établissements bancaires pourront ainsi emprunter gratuitement auprès de l’institution monétaire. Le taux d’escompte, passe, pour sa part, de 0,30 % à 0,25 %. Le taux de dépôt, baisse encore de 10 points de base pour s’établir à -0,40 %. Cette diminution en a déçu certains, ils espéraient, en effet, une baisse de 20 points.

Mario Draghi a indiqué que cette période exceptionnelle de taux bas pourrait durer longtemps et se poursuivre au-delà du programme de rachat d’actifs prévu logiquement que jusqu’en mars 2017.

Ces décisions font suite à la révision à la baisse des prévisions d’inflation par La Banque Centrale Européenne. Elle a, en effet, ramené sa prévision en la matière, pour 2016, de 1 % à 0,1 %. Pour 2017, la BCE espère une inflation de 1,3 % contre 1,6 % auparavant. Pour 2018, elle a retenu un taux de 1,6 %. Le retour au taux cible de 2 % s’éloigne donc un peu plus. En ce qui concerne la croissance, la BCE a retenu un taux de 1,4 % en 2016, de 1,7 % en 2017 et de 1,8% en 2018.

Pour le programme de rachat d’obligations, la BCE a décidé de porter son enveloppe mensuelle de 60 à 80 milliards d’euros par mois. En outre, la banque centrale agira directement sur le marché du crédit aux entreprises, à compter du mois d’avril, en rendant éligibles les obligations émises par des sociétés de bonne qualité (catégorie « investissement ») à son programme. La BCE a porté la limite de rachat d’une même souche d’obligations de 33 % du nombre de titres émis à 50 %, mais seulement pour les titres émis par les organisations internationales et les banques de développement supra-gouvernementales. De nouveaux programmes de refinancement long terme (TLTRO) seront proposés aux banques, pour une durée de 4 ans au taux de refinancement, soit 0 %. Si le volume des prêts d’une banque est supérieure à un certain niveau, celle-ci pourra bénéficier de taux négatifs, jusqu’à -0,40 % afin de l’encourager à poursuivre sa politique de crédits.

La BCE a donc sortir l’armement lourd pour contrer la menace déflationniste. Ces annonces confortent l’idée que nous allons évoluer durablement dans un environnement de taux bas.

L’objectif de la BCE est clairement de faciliter le crédit en incitant les banques à prêter davantage à meilleur prix. Elle espère un accroissement de la masse monétaire en circulation et donc de l’inflation. Pour le moment, le bilan est mitigé car les agents non financiers profitent de ces taux avant tout pour renégocier leurs prêts et non pour accroître leur endettement.

 

Quand la déflation appelle la déflation

Les taux devraient rester négatifs pour les titres monétaires ou pour les emprunts d’Etat. De ce fait, si demain vaut moins cher qu’aujourd’hui, il est plus rationnel de consommer de suite mais dans le même temps, si les prix sont amenés à baisser pourquoi se précipiter. La politique monétaire de la BCE vise à relancer l’inflation mais elle peut être déflationniste à travers les anticipations qu’elle génère. En déclarant que les faibles taux pourraient perdurer le temps nécessaire, la question de la sortie de cette politique monétaire non conventionnelle sera délicate à conduire.

 

Quelles conséquences pour les emprunteurs ?

 

Les taux devraient rester durablement bas pour les emprunteurs, particuliers ou professionnels. Certains imaginent des taux en-dessous de 1 point hors assurance pour des prêts immobiliers… Aujourd’hui, le marché des prêts immobiliers est porté par les prêts de renégociation. Les particuliers profitent des faibles taux pour revoir leurs anciens prêts ; les banques, de leur côté, tendent à raccourcir les délais de remboursement pour réduire leurs engagements.

 

Au niveau des entreprises, un léger frémissement a été ressenti sur la demande de crédits. Ainsi, au mois de janvier, selon la Banque de France, les crédits mobilisés par les entreprises se sont élevés à 715,4 milliards d’euros, en augmentation de 3,0 % sur un an. Cette progression concerne toutes les catégories d’entreprises : +2,1 % pour les PME, +2,8 % pour les entreprises de taille intermédiaire et +7,5 % pour les grandes entreprises.

 

Quelles conséquences pour les épargnants ?

 

Pour les épargnants qui ont investi en produits de taux, la baisse ne fait que conforter la tendance passée. La rémunération des livrets défiscalisés et fiscalisés restera faible au moins jusqu’au début de l’année 2017. Compte tenu des déclarations de Mario Draghi, ce cycle historique pourrait se poursuivre au-delà de 2017. Cette situation impacte évidemment les fonds euros de l’assurance-vie qui avec l’accumulation des années à faible taux, devront progressivement s’ajuster à la baisse. Le danger des taux négatifs est réel et devrait inciter les épargnants à se réorienter vers les unités de compte. Les supports actions seraient  favorisés par la politique monétaire de la BCE. Néanmoins, l’aversion totale aux risques amène les investisseurs à rechercher des placements sûrs avec conséquence une baisse de leur rémunération ; elle conduit également à une forte volatilité.

 

Sur cette question de rémunération de l’épargne, la presse allemande est très sévère avec le nouveau plan Draghi.

 

Production industrielle, léger mieux pour la France

 

Au mois de janvier, l’industrie manufacturière a connu une progression de +0,8 % faisant suite à stagnation au mois de décembre 2015. L’industrie dans son ensemble fait mieux avec une augmentation de 1,3 % qui fait plus que compenser la chute de 0,6 % de décembre.

 

La situation est plus contrastée sur trois mois. En effet l’industrie manufacturière enregistre une hausse de +0,5 % quand l’ensemble de l’industrie décroît de 0,3 %. Ce sont les secteurs des industries extractives, énergie, eau (-5,0 %) et des équipements électriques, électroniques, informatiques (-2,6 %) qui pèsent sur l’activité. Les industries agro-alimentaires connaissent, sur ces trois derniers mois, une contraction de 0,9 %. Le secteur des matériels de transport est en recul de 0,4 %.

Sur un an, la production manufacturière augmente de 2,6 %, la hausse étant de 1,9 % pour l’ensemble de l’industrie. La production augmente de 3,7 % pour les matériels de transport, de 2,3 % dans les équipements électriques, électroniques, informatiques et machines, de 1 % dans les industries agro-alimentaires. En revanche, la production diminue dans la cokéfaction et raffinage (-0,7 %) et recule nettement dans les industries extractives, énergie, eau (-2,8 %). Le recul de ce secteur d’activité est intimement lié à la baisse des prix et à la moindre demande de ces derniers mois.

Emplois en France, des créations bien insuffisantes

En 2015, 82 300 emplois ont été créés dans les secteurs marchands en France. Les secteurs de l’industrie et de la construction ont encore, mais de manière moindre, subi des pertes d’emplois, respectivement, 37 700 (soit –1,2 %) et 35 500 (soit -2,7 %). L’emploi a été porté par le secteur tertiaire et notamment par l’intérim. Les effectifs intérimaires, comptabilisés dans le secteur tertiaire quel que soit celui dans lequel ils effectuent leur mission, ont fortement augmenté (+50 600 emplois soit une hausse de 9,4 %). Le secteur tertiaire marchand dans son ensemble a créé 155 400 emplois, soit une augmentation de 1,3 %. Du fait de l’augmentation de la population active, autour de 120 000, ces créations nettes d’emploi ont été insuffisantes pour empêcher l’augmentation du chômage.

La Chine en plein brouillard

Les importations chinoises ont, au mois de février dernier, reculé de 13,8 % et les exportations de 25,4 %. Cette chute a été en partie occasionnée par le nouvel an chinois qui s’accompagne de plusieurs jours fériés. En devise chinoise, les exportations se sont contractées de 20,6% sur un an, à 822 milliards de yuans. De leur côté, les importations reculent pour le 16ème mois consécutif. Quoi qu’il en soit, la contraction de février est plus forte que prévu.

En dollars, l’excédent commercial chinois a globalement fondu en février de 46 % sur un an. Les exportations chinoises – exprimées en yuans – vers l’Union européenne (UE) ont  baissé de 10,7 % et celles vers les États-Unis de presque 11 %. À l’inverse, les exportations européennes vers la Chine ont baissé de 7,7 % et celles américaines de 16 %. Au-delà de l’effet « nouvel an », cette contraction s’explique avant tout par le fléchissement de la demande extérieure et par l’augmentation des coûts salariaux qui met à mal la compétitivité. La baisse des importations est liée à la chute des cours. En effet, en volume, les achats chinois de pétrole brut, de cuivre ou de minerai de fer ont en réalité augmenté en février.