12 novembre 2016

C’est déjà hier (12 novembre 2016)

Les Etats-Unis, un nouveau monde ?

Le 8 novembre 2016, Donald Trump remporte l’élection américaine avec 279 grands électeurs contre 228 pour Hillary Clinton. En revanche, il n’obtient que 47,4 % des suffrages exprimés contre 47,7 % pour Hillary Clinton. La victoire républicaine est totale car le « Old Party » maintient ses positions à la Chambre des Représentants et conserve le Sénat. Dans les deux chambres, les Républicains disposent désormais de la majorité absolue (52 sièges contre 48 au Sénat ; 238 sièges contre 193 à la Chambre des Représentants). Le Parti démocrate, comme c’est le cas depuis Franklin Roosevelt,  n’a pas réussi une nouvelle fois la passe de trois, c’est-à-dire à  faire élire pour un troisième mandat successif un candidat issu de ses rangs.

Donald Trump est tout à fois un «  business man » et un « show man ». Il a conçu sa campagne comme il mène ses affaires. Il a fait preuve d’une bonne connaissance de ses clients et a fait preuve d’un puissant opportunisme. Connu médiatiquement depuis des années, symbole de l’homme d’affaires qui surmonte ses échecs, il a placé au cœur de ses messages l’Amérique quand Hillary Clinton parlait avant tout d’elle, de ses compétences, de ses succès, etc.

Le vote Trump est celui des « petits blancs » non diplômés ne vivant pas au cœur des grands centres urbains. Après la Grèce, l’Autriche et le Royaume-Uni, c’est au tour de la première puissance économique mondiale d’émettre un vote contestataire, a priori pas rationnel, mais qui illustre le désarroi d’une partie de sa population.

Comme au Royaume-Uni, les électeurs rejettent les représentants traditionnels de la classe politique et adhèrent à des candidats populistes.

La tentation du repli gagne du terrain. Elle repose sur les craintes générées par les attentats, la mondialisation ou  la digitalisation.

Les États-Unis, un pays habitué au coup de tête des électeurs

Les États-Unis n’en sont pas à leur premier coup de tête électoral. Ainsi, en 1976, Jimmy Carter qui avait peu d’expérience politique l’avait emporté sur le chevronné Gerald Ford, Président sortant. En 1980, c’est Ronald Reagan, acteur de série B, gaffeur invétéré, qui est élu contre ce même Jimmy Carter. En 2000, George W. Bush qui est certes le fils de son père, ex Président des États-Unis – mais qui avait connu des problèmes d’alcoolisme et de drogue, avait remporté l’élection contre le très diplômé et reconnu Al Gore. Déjà en 1912, les électeurs américains avaient créé la surprise en ne reconduisant pas Theodore Roosevelt et en lui préférant le pacifiste Woodrow Wilson.

Le système à un tour accentue les sautes d’humeur de l’électorat. En outre, en votant État par État, il y a amplification des votes de sanction. Ainsi, au nombre de voix Hillary Clinton obtient plus de de voix que son adversaire (plus de 200 000). Néanmoins, elle n’a remporté qu’une petite vingtaine d’États quand Donald Trump en a gagné une trentaine dont plusieurs parmi les fameux « swing states ».

Un vote blanc, âgé et masculin

58 % des blancs ont voté Donald Trump contre 8 % des afro-américains et 29 % des hispaniques. 53 % des hommes ont voté Donald Trump pour seulement 42 % des femmes. Les diplômés ont majoritairement voté Hillary Clinton.

Une victoire des classes moyennes en mal de reconnaissance

Le vote Donal Trump est un vote de classe moyenne. Les revenus les plus modestes ont voté démocrate quand les revenus les plus élevés se sont partagés entre les deux partis. C’est aussi un vote rural et de banlieue.

Le bilan économique de Barack Obama n’a pas suffi

Le retour du plein emploi et les légères augmentations de revenus enregistrées depuis un an n’ont pas suffi à convaincre la majorité des électeurs de voter pour la candidate soutenue par le Président sortant. La mondialisation, la robotisation et la crise de 2008 ont provoqué la destruction de nombreux emplois réservés jusque-là à la classe moyenne. Les membres de cette catégorie sociale, à défaut de pouvoir occuper des postes à responsabilité dans des start-up se sont retrouvés en situation de fragilité économique avec à la clef un sentiment aigu de déclassement. Aux États-Unis, les emplois de la classe moyenne sont passés de 60 % de l’emploi total, en 1970, à moins de 45 % en 2015. La montée des inégalités est de plus en plus durement ressentie car l’ascenseur social semble cassé pour un grand nombre d’Américains.

Le programme économique et social de Donald Trump est-il réaliste ?

Donald Trump a bâti un programme économique très généraliste lui permettant de rassembler les opposants aux Démocrates. Il a indiqué que l’équilibre budgétaire n’était pas sa priorité ce qui le met en contradiction avec la majorité républicaine du Congrès qui a imposé un plan de réduction du déficit public à Barack Obama. Donald Trump, même si la majorité du Congrès est républicaine, devra négocier pas à pas ses réformes. En effet, les Républicains sont, tout comme les Démocrates, assez divisés. Par ailleurs, de nombreux élus de son propre camp ne l’ont pas soutenu. Compte tenu de son âge, 70 ans, un second mandat n’est pas automatique. De ce fait, il est fort probable que les élus Républicains commencent dès maintenant à penser aux primaires de 2020.

L’application du programme de Donald Trump risque de rencontrer l’opposition de puissants lobbies. En effet, l’automobile, la pharmacie, la chimie, etc. ont profité de l’ALENA pour délocaliser au Mexique et au Canada certaines de leurs usines. La fin de l’accord commercial ou son durcissement ainsi que l’édification d’un mur iraient contre leurs intérêts. De même, ses positions très dures vis-à-vis du développement durable feront peut-être plaisir aux responsables de l’industrie pétrolière mais beaucoup moins à ceux des entreprises spécialisées dans l’énergie renouvelable, secteur qui commence à prendre de l’importance aux États-Unis.

La fiscalité

Sur la fiscalité, les propositions de Donald Trump sont plutôt favorables aux personnes aisées et ne devraient pas concourir à réduire les inégalités. Ainsi, nouveau Président souhaite rendre moins progressif le barème de l’impôt fédéral sur le revenu. Il propose un barème avec trois tranches au lieu de sept actuellement avec un taux marginal ramené de 39,6 à 33 %. Il a également proposé la déduction des frais de garde des enfants. Cette mesure est plutôt favorable aux classes moyennes mais serait coûteuse à financer.

Il s’est prononcé pour la suppression des droits de succession, répondant ainsi à une revendication des conservateurs.

 Pour les entreprises, il souhaite abaisser le taux de l’impôt sur les sociétés de 35 à 15 %. Il n’a pas annoncé comment il entendait financer cette mesure. Au niveau des augmentations d’impôts, il a prévu la création d’une taxe de 10 % sur le rapatriement des bénéfices réalisés à l’étranger.

Les dépenses publiques

Donald Trump entend réduire les dépenses fédérales et relancer l’investissement public. Il a promis de ne pas toucher aux dépenses militaires même s’il souhaite moins d’interventions extérieures. Il a, par ailleurs, indiqué qu’il demanderait la suppression de l’Obama Care. L’industrie pharmaceutique a plutôt bien réagi à cette annonce car le système mis en place par Obama aboutissait à comprimer les tarifs des actes médicaux et des médicaments.

La tentation de l’isolationnisme

Donald Trump propose un moratoire sur tous les nouveaux accords commerciaux et la remise en cause éventuelle de celui signé avec le Canada et le Mexique. Il est opposé aux traités transatlantique, transpacifique et sur le climat (COP21).

Le nouveau Président  souhaite accroître les sanctions douanières contre « les pays qui trichent en subventionnant leurs produits ». Il entend avoir une politique plus agressive à l’encontre de la Chine accusée d’être responsable de près de la moitié du déficit commercial américain. Il a promis de poursuivre les Chinois pour le vol de propriété intellectuelle, lutter contre le dumping commercial chinois et la manipulation de la monnaie chinoise.

La politique de l’immigration

Sur l’immigration, il entend tripler les effectifs des agents de police aux frontières et ériger un mur à la frontière mexicaine, financé par le Mexique sous menace de suspension des transferts d’argent des travailleurs mexicains illégaux.

 L’énergie, la fin du développement durable ?

Sur l’énergie, en plus de l’annulation du plan climat de Barack Obama et de l’accord de Paris (COP21), il propose la relance de l’extraction de charbon en simplifiant la réglementation environnementale. Pour le pétrole, il s’est également prononcé en faveur de l’extraction offshore. Il a indiqué qu’il était favorable au projet de la société TransCanada qui prévoit de créer un oléoduc entre le Canada et les États-Unis. Ce projet avait été rejeté par l’administration démocrate.

Politique monétaire

Donald Trump souhaiterait, contrairement à la coutume, que le mandat de Janet Yellen, Présidente de la Réserve fédérale, ne soit pas renouvelé en février 2018. Il considère que la FED devrait être plus en phase avec la politique du Gouvernement.

 Etats-Unis, un pays toujours neuf !

Les Etats-Unis demeurent la locomotive des pays avancés en réussissant à maintenir une croissance supérieure à celle de leurs partenaires de l’OCDE. Les deux mandats de Barack Obama ont été marqués par un cycle de croissance de plus de 6 ans et par le retour du plein emploi. En revanche, peu de progrès ont été réalisés en matière de lutte contre les inégalités. Les classes moyennes doivent faire face à des destructions d’emplois, en particulier dans le secteur industriel, et à une stagnation voire une régression de leur pouvoir d’achat. Ce qui a expliqué le succès de Donald Trump.

Quels sont les ressorts économiques de la puissance américaine ?

Après six années de croissance, les Etats-Unis, au-delà des incertitudes que génère l’élection de Donald Trump, ont-ils la possibilité de poursuivre leur marche en avant ?

Les Etats-Unis bénéficient de plusieurs atouts qui seront toujours présents en 2017. Ainsi, l’économie américaine peut s’appuyer sur un vaste et riche marché intérieur. Elle dépend moins que le Japon, la Chine, ou la zone euro, des exportations qui ne représentent que 14 % de leur PIB contre respectivement 17, 25 et 27 %. Par ailleurs, depuis 2008, les Etats-Unis ont réduit leur ouverture extérieure, ce qui les insensibilise un peu plus aux aléas conjoncturels de leurs partenaires. Le taux de croissance américaine est de moins en moins corrélé à celui des autres grandes régions économiques.

L’innovation, toujours au cœur du modèle américain

Le principal atout américain est lié à sa forte présence sur les nouveaux secteurs d’activité. Les différents indicateurs (taille du secteur qui produit les Nouvelles Technologies, taille de l’investissement des entreprises en Nouvelles Technologies, effort de Recherche-Développement, degré de robotisation de l’industrie, élasticité-prix des exportations) montrent que le niveau de gamme de l’économie des Etats-Unis est nettement plus élevé que celui de l’économie de la zone euro.

Les Etats-Unis restent de loin en tête dans les secteurs de pointe et notamment dans celui de l’information et de la communication. L’emploi dans les TIC représentait, en 2014, 3,4 % de l’emploi total contre 2,5 % au sein de la zone euro. Les TIC représentent 6 % de la valeur ajoutée aux Etats-Unis contre 4,4 % au sein de la zone euro. Les investissements dans les NTIC s’élèvent à plus de 1,4 % du PIB outre-atlantique contre moins de 1 % en zone euro. Les dépenses de recherche- développement aux Etats-Unis sont toujours nettement en avance. Les entreprises américaines investissent davantage en Nouvelles Technologies (4,5 % du PIB contre 3,9 % en zone euro).

L’industrie américaine est plus robotisée que celle de la zone euro. Le ratio de robots pour 100 emplois industriels est de respectivement de 1,78 et 1,70. Jusqu’en 2013, c’était l’Europe qui l’emportait dans ce domaine. Le faible niveau de l’investissement sur le vieux continent se fait cruellement sentir. A défaut de rattrapage rapide, la compétitivité européenne devrait en pâtir dans les prochaines années.

Du fait d’une bonne spécialisation et d’un niveau de gamme élevé, les exportations américaines sont moins sensibles que celles de l’Union européenne aux variations de prix. L’élasticité prix est de 0,29 aux Etats-Unis contre 0,39 en Allemagne et 0,72 en France.

Depuis 1998, la productivité par tête progresse plus vite aux Etats-Unis (25 points) qu’en Europe (10 points) – source Datastream 1998 – 2016 ). Dans le secteur manufacturier, la valeur ajoutée par emploi est, en 2016 de 160 aux Etats-Unis quand il est de 98 en zone euro (source Datastream – ratio valeur ajoutée en dollars constants / emploi avec année de base en 2010).

Du fait de cet écart de productivité, le PIB par habitant (exprimé en dollar et parité de pouvoir d’achat) diverge entre les deux grands espaces économiques. Il s’élève à plus de 57 000 dollars aux Etats-Unis contre 37 000 dollars en zone euro. En 1992, l’écart s’est accru de 5 points en moins de vingt ans.

Une capacité à attirer les talents

Les Etats-Unis disposent d’une forte capacité d’attraction des meilleurs talents et cela à l’échelle mondiale. Les Etats-Unis accueillent chaque année entre 150 000 et 200 000 immigrés diplômés BAC + 5 et plus sur un total de 1,7 million de migrants.

Ainsi, sur 1 million de Français qui ont émigré aux Etats-Unis, plus de 34 % sont hautement qualifiés (bac + 5 et plus – source Natixis). Au sein des pays de la zone euro, la France est le pays qui exporte les plus ses diplômés vers les Etats-Unis, avec la Belgique, prouvant tout à la fois que les filières de formation sont reconnus outre-atlantique et que notre système économique national éprouve des difficultés à conserver ses talents. Pour l’Italie, seuls 12 % des émigrés qui partent aux Etats-Unis sont hautement qualifiés. Les Européens qui choisissent de partir aux Etats-Unis ne reviennent que rarement dans les pays d’origine d’autant plus s’ils sont jeunes et diplômés.

L’économie américaine serait pénalisée si le nombre d’étudiants en provenance des quatre coins du monde diminuait. Cette capacité d’intégrer les étudiants, les chercheurs, les savants de toute la planète a été l’un des atouts clefs de la réussite américaine depuis la Seconde Guerre Mondiale.

L’emploi maintient le cap en France

Selon l’INSEE, l’emploi continue d’augmenter en France. Ainsi, au troisième trimestre, 52 200 créations nettes d’emploi dans le secteur marchand non-agricole ont été enregistrées. Par rapport aux trimestres précédents, il y a une véritable accélération (+29 500 au 2ème trimestre et 21 900 au 1er trimestre). Cette augmentation est portée par l’intérim (+5,1 %, soit +29 600, après 0,0 % au deuxième trimestre). Sur un an, l’emploi des secteurs principalement marchands s’accroît de 0,9 % (soit +145 100).

 

L’emploi continue, en revanche, de reculer dans l’industrie (-0,3 %, soit -9 100). Dans la construction, il se stabilise quasiment (0,0 %, soit +300, après -0,2 % le trimestre précédent). Sur un an, l’industrie perd davantage d’emplois (-33 100) que la construction (-7 100). Dans le secteur tertiaire, les créations d’emploi atteignent 60 900. Sans intérim, elles ne s’élèvent qu’à 31 300.

 

L’investissement industriel, en France, toujours entre deux eaux

Malgré si l’investissement des entreprises a reculé de 0,3 % au deuxième et au troisième trimestre, les chefs d’entreprise de l’industrie manufacturière anticipent néanmoins une hausse de 5 % en la matière. L’estimation de juillet dernier est abaissée d’un point. Notamment dans la fabrication de biens d’équipements, l’investissement augmenterait de 5 %, au lieu de 10 % prévu en juillet. Le premier trimestre 2016 avait été extrêmement dynamique avec une hausse de 1,9 %, soit près de 8 % en base annuelle.

Pour 2017, les industriels anticipent une stabilité de leurs dépenses d’investissement par rapport à 2016. L’investissement resterait dynamique dans la fabrication de biens d’équipements (+9 %). En revanche, il se replierait nettement dans la fabrication de matériels de transports (-10 %)

Pour 2016 et 2017, les facteurs financiers (niveau de l’autofinancement, niveau d’endettement, niveau des taux d’intérêt, conditions globales de financement) restent considérés comme stimulants : les soldes sont supérieurs à leur moyenne de long terme. Le solde sur les perspectives de demande intérieure augmente et dépasse sa moyenne de long terme tandis que celui sur les perspectives de demande étrangère se maintient à un niveau élevé.

Entre les enquêtes d’intention et la réalité, l’écart tend à s’accroître négativement ces dernières années. Les chefs d’entreprise corrigent à la baisse leurs dépenses d’investissement au cours de l’exercice. En Europe, la reprise est jugée fragile. Les chefs d’entreprise considèrent que les facteurs exogènes ne modifient, pour le moment, que marginalement, le cours baissier de la croissance. Même si pour le moment, les soubresauts politiques n’ont pas trop d’influence sur le cours de l’économie, ils n’en constituent pas moins des sources d’attentisme.