26 mars 2016

C’est déjà hier (26 mars 2016)

Europe, il n’y a pas encore le feu au lac

Les indicateurs publiés ces derniers jours (indice PMI, IFO, enquête ZEW pour l’Allemagne) démontrent que la situation économique européenne est étale : pas de reprise manifeste mais pas de repli alarmant. Cette pause est-elle durable ? Traduit-elle une amorce de ralentissement après une reprise courte et ténue ? Est-ce simplement une respiration dans le retour de la croissance ?

Les craintes d’un ralentissement brutal de la Chine tout ou de l’arrivée d’une récession aux Etats-Unis apparaissent, en l’état, exagérées. Les Etats-Unis disposent de marges de croissance en raison d’un taux d’emploi qui peut encore progresser. Par ailleurs, la normalisation du prix du pétrole devrait permettre d’ici quelques mois l’arrêt du désinvestissement au sein du secteur énergétique. Le Brésil et la Russie qui sont les deux économies malades de ces douze derniers mois devraient sortir de récession d’ici la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Ces différents éléments permettent d’espérer une amélioration de la croissance de l’économie mondiale dans les prochains mois.

France, une croissance cahin-caha 

Du fait de sa faible exposition au commerce international et du rôle d’amortisseur joué par le niveau des dépenses publiques, la France est moins sensible, qu’un certain nombre de ses partenaires, aux à-coups de la conjoncture économique. Néanmoins, le contexte international avec son lot d’incertitudes n’est pas sans influence sur le moral des agents économiques. L’économie résiste mais ne progresse qu’à faible vitesse.

Quand la politique monétaire devient le meilleur allié de la politique budgétaire…

 Pour 2015, l’INSEE a très légèrement révisé à la hausse les résultats du quatrième trimestre portant la croissance de 0,2 à 0,3 %. Le taux de croissance annuelle a été ainsi corrigé à 1,2 % (initialement, la croissance avait été évaluée à 1,1 %).

Côté finances publiques, la France fait mieux que prévu. Le déficit public passe de 4 à 3,5 % du PIB de 2014 à 2015 quand la loi de finances initiale prévoyait 3,7 %. Cette réduction est imputable à la diminution des dépenses d’intérêt en raison de la baisse des taux d’intérêt. La charge d’intérêt s’est contractée de 4,5 % en 2015. L’autre facteur de baisse est imputable aux investissements dont les dépenses ont diminué, en 2015, de plus de 5 %.

Climat des affaires et confiance des ménages en suspension !

Au mois de mars, le climat des affaires a perdu un point et retrouve son niveau de long terme (100). Le climat perd deux points dans l’industrie et un point dans les services. En revanche, il gagne trois points dans le commerce de détail et un point dans le commerce de gros. Il est stable dans le bâtiment. L’indice de retournement est en zone d’incertitudes avec une tendance négative. Rien de folichon mais rien d’alarmant…

Toujours pour le mois de mars, la confiance des ménages est en repli d’un point. L’indice qui la mesure est à 94 soit son plus bas niveau depuis août 2015. Il s’écarte ainsi un peu plus de sa moyenne de longue durée (100) sur la période 1987-2015.

En mars, si l’opinion des ménages sur leur situation financière personnelle passée est stable par rapport à février, les perspectives d’évolution se dégradent de nouveau.

La proportion de ménages estimant qu’il est opportun de faire des achats importants est néanmoins la même qu’en février. Le solde d’opinion des ménages sur leur capacité d’épargne actuelle se contracte de 2 points, atteignant ainsi son plus bas niveau depuis mars 2012. Celui concernant leur capacité d’épargne future recule également. La baisse est de 4 points. Les deux soldes sont proches de leur moyenne de long terme. Sur l’opportunité d’épargner, la proportion des ménages est stable mais elle se situe nettement au-dessous de sa moyenne de longue période.

Ce regain de pessimisme en cette fin de premier trimestre est-il la conséquence de la nouvelle dégradation de la situation de l’emploi ou des menaces terroristes ?

Une croissance alimentée par la consommation et la baisse du prix de pétrole

La croissance pour 2015 a été confirmée à 1,2 % faisant suite à une croissance de 0,2 % en 2014. L’année dernière a été marquée par une forte progression du pouvoir d’achat des ménages +1,8 %. Ce gain est à la fois la conséquence de la baisse de l’énergie et de la progression des salaires (du fait de revalorisations supérieures à l’inflation qui a été nulle en 2015). La consommation a progressé de 1,4 % en 2015 contre 0,6 % en 2014. La demande intérieure a contribué à 1,1 point à la croissance. En revanche, du fait d’une augmentation assez vive des importations, conséquence de la bonne tenue de la consommation, le commerce extérieur a contribué négativement à la croissance (-0,3 point). Les importations ont augmenté de 6,7 % sur l’année quand les exportations progressaient de 6,1 %.

Les ménages ont mis de l’argent de côté

L’année 2015 a été également marquée par une forte progression du taux de l’épargne financière. Sur l’année, il est passé de 6 à 6,6 %. Il a même atteint 7,1 % au cours du 4ème trimestre. Le taux d’épargne globale est quant à lui passé de 15,1 à 15,4 % du revenu disponible brut (15,9 % au 4ème trimestre). Les ménages ont reconstitué leur épargne de précaution. Ils pressentent que la situation économique pourrait se dégrader à nouveau. Les gains générés par la baisse du prix du pétrole ainsi que ceux liés à la progression des salaires ont été répartis entre consommation à 50 %, produits financiers et dépôts à vue sachant que ces derniers ont été dans les faits le premier placement des Français en 2015 (33 milliards d’euros contre 24 milliards d’euros pour le PEL et 24,6 milliards d’euros pour l’assurance-vie).

De quoi sera fait demain ?

La consommation devrait rester vive en France grâce à l’amélioration du pouvoir d’achat et une légère décrue du chômage. La consommation pourrait progresser de 1,5 % cette année faisant suite à une hausse de 1,4 % en 2015. La reprise du crédit à la consommation la soutiendrait par ailleurs.

Au vu des résultats du début d’année et si le pétrole poursuit son mouvement de hausse, l’inflation pourrait, en moyenne annuelle, se situer entre 0,3 et 0,5 % en 2016 et à plus de 1 % en 2017. Cette année, l’inflation sous-jacente (hors produits alimentaires et hors énergie) devrait se situer autour de 0,7 %.

Le ralentissement du commerce international et de la production industrielle impacte peu la France. L’industrie représente 14 % de la valeur ajoutée et le commerce extérieur 30 % du PIB. Les pays émergents n’absorbent que 15 % des exportations françaises contre 46 % pour la seule zone euro. Le poids de nos exportations vers les Etats-Unis ou le Royaume-Uni est également assez limité (7 % pour chacun des deux pays). Il n’en demeure pas moins que les exportations françaises ne devraient croitre que faiblement en 2016 (+2,3 %) et en 2017 (+3,1 %) contre une hausse de de 6,1 % en 2015.

Le cocktail, baisse des taux, baisse de l’euro et baisse du prix du pétrole, aurait généré un surcroît de croissance de 0,6 point de PIB en 2015. Le baril de Brent en euros a baissé de 49 % entre juin 2014 et janvier 2015 puis à nouveau de 51 % entre mai 2015 et janvier 2016. La potion serait un peu moins efficace en 2016 en raison d’une stabilisation des taux et de l’augmentation probable des cours du pétrole.

Les entreprises ont enregistré une augmentation sensible de leur taux de marge en raison de la diminution des cours de l’énergie et des matières premières ainsi qu’en raison de l’application du pacte de responsabilité ou du CICE. Par ailleurs, le Gouvernement a reconduit le dispositif de suramortissement de 40 % ce qui devrait réduire, cette année, la facture fiscale des entreprises. Le taux de marge des entreprises est passé de 29,5 à 31,4 % de 2014 à 2015. Il atteint même 31,4 % au cours du dernier trimestre de l’année dernière. Il revient presque à son niveau de 2010 (31,6 %).

L’investissement des entreprises pourrait être un des éléments clefs de la croissance. Ce dernier a connu un frémissement l’année dernière (+0,8 % en moyenne par trimestre en 2015) mais cette progression est nettement inférieure à celle enregistrée lors des précédentes reprises économiques (+1,2 % par trimestre en moyenne entre 1993 et 2000, comme entre 2003 et 2007). L’investissement est freiné par l’aversion croissante au risque et par le faible niveau d’utilisation des capacités de production. Par ailleurs, de nombreuses entreprises françaises sont encore en sureffectifs. Pour des raisons sociales et réglementaires, elles ont différé un certain nombre de licenciements en retardant des investissements de productivité. L’investissement des entreprises pourrait croitre de 3 % en moyenne annuelle contre 2 % en 2015. Plusieurs économistes considèrent que la progression pourrait s’affirmer au cours du deuxième semestre.

L’investissement des ménages constitue un autre point d’interrogation pour cette année. Après quatre années de régression (contribution négative de 0,2 point de PIB en moyenne par an de 2012 à 2015 et une baisse cumulée de 13 %), l’investissement des ménages pourrait renouer avec la croissance du fait de l’augmentation du pouvoir d’achat, de la baisse des taux, d’un accès facilité au crédit et de l’amélioration du climat de confiance. Le succès naissant du dispositif Pinel pourrait ramener les ménages vers la pierre. Néanmoins, le prix élevé de l’immobilier et les difficultés d’insertion des jeunes actifs constituent des freins indéniables à la reprise surtout sur le marché des primo-accédants. De ce fait, la prudence est de mise. Certains économistes prévoient une stagnation de l’investissement des ménages pour 2016 quand d’autres imaginent encore un recul (-0,6 %). La hausse ne serait réelle qu’en 2017 (+2,2 %).

Dans un contexte difficile, la croissance française pourrait donc se maintenir au-dessus de 1 %. Les économistes tablent sur une croissance de 1,2 à 1,4 %. Le taux de croissance devrait être de 0,3 à 0,4 % pour le premier trimestre et de 0,2 à 0,3 % pour le deuxième. Pour 2017, la croissance devrait se situer entre 1,3 et 1,5 %. La croissance pourrait être gênée par la politique budgétaire restrictive mais la proximité des élections de 2017 devrait aboutir à un certain relâchement même si Bruxelles devrait rappeler sur ce sujet le Gouvernement à l’ordre.