28 juillet 2018

C’est déjà hier 28 juillet 2018

Les États-Unis accélèrent 

Selon la première estimation du département du Commerce américain, la croissance a atteint 4,1 % en rythme annuel au deuxième trimestre (contre 2,2 % au premier), sa meilleure performance depuis quatre ans. La croissance américaine a été portée par la consommation des ménages (+4 %), elle-même dopée par les réductions d’impôts décidées par l’Exécutif. La consommation est également soutenue par les créations d’emplois (en moyenne 215 000 emplois par mois au premier semestre).

En revanche, l’investissement des entreprises en biens d’équipement a ralenti, enregistrant une croissance de 3,9 % sur la période après une hausse de 8,5 % sur les trois premiers mois de l’année. Une poursuite de la tendance est attendue sous l’effet des tensions commerciales. L’investissement en logement a reculé pour un deuxième trimestre consécutif en partie sous l’effet d’une pénurie de logements à vendre. La dépense publique a progressé de 2,1 % après +1,5 % au premier trimestre.

Par ailleurs, malgré ou à cause de la guerre commerciale, les exportations américaines ont progressé. Les clients étrangers ont anticipé sur les taxes sur les produits américains instituées en rétorsion aux taxes américaines sur l’acier et ont accéléré les livraisons pour y échapper.

La soutenabilité de la croissance américaine pose question. Dans un contexte de plein emploi, d’augmentation des taux et de tensions commerciales, de plus en plus d’experts estiment qu’un ralentissement est inévitable. L’augmentation des droits de douane devrait avoir un effet inflationniste et limiter le pouvoir d’achat des consommateurs du fait du renchérissement des biens importés. Les entreprises pourraient être amenées à réduire leurs investissements en raison de la réduction des débouchés à l’exportation. Malgré tout, dans les prochains mois, la croissance pourra compter sur le plan de relance fiscale de 1 500 milliards de dollars adopté par le Congrès en décembre et sur l’accélération de la dépense publique.

 

La croissance française à la recherche d’un second souffle

 Au 2ème trimestre comme au 1er, l’économie française a enregistré une croissance de 0,2 %. Ce résultat décevant confirme la rupture par rapport à 2017 marquée par une croissance moyenne de 0,5 % par trimestre.

La croissance « en mode petit train de sénateur du 2e trimestre » a été freinée par les grèves et par l’accumulation des jours fériés au mois de mai. L’économie française est également gênée par des goulots d’étranglement liés à l’insuffisance de l’investissement de ces dernières années et par les difficultés que rencontrent les entreprises pour recruter. Par ailleurs, la hausse des prélèvements obligatoires et la remontée de l’inflation érodent le pouvoir d’achat des ménages, ce qui entraîne une baisse de la consommation.  Mais cette stagnation semble dépasser la France et concerne l’ensemble de la zone euro. La hausse des prix du pétrole a un impact sur tous les pays européens en réduisant le pouvoir d’achat des ménages et les marges des entreprises.

La consommation en panne

Les dépenses de consommation des ménages en France ont diminué de 0,1 % après une hausse de 0,2 % au 1er trimestre.

L’investissement des entreprises répond présent

L’investissement continue de croître, ce qui est encourageant pour la croissance des prochains trimestres. La formation brute de capital fixe (FBCF) a connu une progression de 0,7 % après +0,1 %. Ce bon résultat repose sur l’accélération de l’investissement des entreprises (+1,1 % après +0,1 %). Après une forte progression en 2017, l’investissement des ménages s’est contracté de 0,1 % après un gain de 0,2 % au 1er trimestre. La hausse des prix de l’immobiliers commencerait peut-être à dissuader certains ménages à investir.

Au total, la demande intérieure finale hors stocks contribue autant à la croissance qu’au 1er trimestre (+0,2 point).

Le commerce extérieur, le talon d’Achille de l’économie française

Le commerce extérieur a pesé négativement sur la croissance. Sa contribution a été de -0,3 point après une contribution nulle au 1er trimestre. Les importations ont connu une forte hausse, soit +1,7 % après −0,3 %, quand les exportations n’ont augmenté que de 0,6 % après −0,4 %.  Ce mauvais résultat témoigne de la restauration incomplète de la compétitivité de l’économie française.

Les stocks jouent positivement

À l’inverse, les variations de stocks ont contribué positivement à la croissance (+0,3 point après 0,0 point).

L’objectif des 2 % de croissance s’éloigne

Avec ce deuxième trimestre de croissance à 0,2 %, l’objectif de 2 % de croissance annuelle fixé par le Gouvernement semble difficile à atteindre malgré l’acquis de 2017. Si une amélioration est attendue au second semestre, la croissance annuelle devrait se situer autour de 1,7 %. L’amélioration sera concentrée sur le dernier trimestre avec le second volet de baisse des cotisations salariales, contrepartie de la hausse de la CSG, et la réduction de la taxe d’habitation. En revanche, la diminution des créations d’emploi devrait jouer négativement sur la croissance.

Au niveau international, les menaces de guerre commerciale pourraient peser sur les échanges extérieurs. Par ailleurs, la croissance britannique devrait être fortement bridée par les incertitudes sur la conclusion d’un éventuel accord avec l’Union européenne. Or, le ralentissement du Royaume-Uni est une mauvaise nouvelle pour la France car ce pays est l’un des meilleurs clients de la France.

 La question de l’emploi se corse

Le ralentissement économique constaté depuis le début de l’année explique que la baisse du nombre de demandeurs d’emploi se soit enrayée au cours du 2e trimestre.  Mais cela n’est pas la seule explication. De plus en plus d’entreprises peinent à recruter du fait de l’absence de candidats répondant aux exigences des postes proposés. Selon une enquête de BPI, 41 % des PME disent faire face à des difficultés de recrutement, contre 34 % il y a un an. Il s’agit de la proportion la plus élevée depuis 2002. Les PME des secteurs du commerce et de la réparation automobile (53 %), des biens intermédiaires (48 %) et d’équipement (49 %) et des transports (48 %) sont les plus affectées par ces difficultés.

En France métropolitaine, le nombre de demandeurs d’emplois sans activité (catégorie A) a augmenté de 4 600 pour atteindre 3,43 millions en moyenne au 2e trimestre, alors qu’il avait baissé d’un peu plus de 33 000 sur les trois premiers mois de l’année. Sur un an, le recul est de 44 900. Toujours, en moyenne au deuxième trimestre 2018, en France métropolitaine, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi, toutes catégories confondues (catégories A, B, C), s’établit à 5 627 900 en hausse de 0,1 % sur un trimestre et de 1,4 %. Par ailleurs, avec l’amélioration de la conjoncture constatée en fin d’année dernière, des personnes qui avaient renoncé à chercher un emploi seraient revenues sur le marché du travail durant le premier semestre 2018.

L’Insee prévoit toujours un taux de chômage de 8,8 % en fin d’année, soit une baisse de 0,2 point par rapport à la fin d’année dernière portée par des créations d’emplois toujours nombreuses.

 Tassement de la construction en France au 2e trimestre

Au cours du deuxième trimestre 2018, les autorisations de logements à la construction, en données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables (CVS-CJO), ont diminué de 0,6 % après une hausse de +1,1 % au premier trimestre 2018. Les logements individuels poursuivent leur baisse (- 8,8 % après -0,9 %) quand les logements collectifs (y compris en résidence) continuent d’augmenter (+5,1 % après +2,5 %). Toujours en données trimestrielles CVS-CJO, les mises en chantier sont en baisse (-2,8 % après -3,6 %) aussi bien dans l’individuel (-4,9 % après +1,4 %) que dans le collectif, y compris en résidence (-1,3 % après -7,0 %). Selon le Ministère de la transition écologique et solidaire, sur douze mois, de juillet 2017 à juin 2018, le nombre de logements autorisés à la construction (486 600 unités) baisse de 0,7 % quand celui des mises en chantier (422 700 unités) augmente de 5,2 % par rapport à la même période, un an plus tôt (de juillet 2016 à juin 2017).

 L’industrie française convalescente

En 2017, la production de l’industrie manufacturière française s’est élevée à 783 milliards d’euros, en augmentation de 3,7 % en un an, sous l’effet d’une hausse conjuguée des volumes de production (+1,7 %) et des prix (+2,0 %). Cette progression est en partie artificielle car liée à la hausse des prix des hydrocarbures. Par ricochet, les produits issus du raffinage et de la chimie augmentent. Il n’en demeure pas moins que l’industrie manufacturière est moins dynamique que les autres branches de l’économie. En 2017, la valeur ajoutée de la branche de l’industrie manufacturière augmente de 1,7 %, soit moins rapidement que le produit intérieur brut (+2,2 %).

En 2017, l’industrie manufacturière a été portée par la fabrication des produits informatiques, électroniques et optiques. En hausse de 6,1 % en volume, cette production a bénéficié d’importantes commandes de radars, de systèmes de navigation ou encore de matériels médicaux. L’industrie manufacturière bénéficie également du dynamisme de la fabrication de matériels de transport dont la production a augmenté de 4,6 % en volume en 2017. Comme en 2016, la hausse des ventes de voitures neuves profite en partie aux constructeurs français qui détiennent près de la moitié du marché français. La construction de matériel aéronautique et celle de matériel naval continuent d’augmenter avec des carnets de commande permettant une pleine activité au moins jusqu’en 2022. Le secteur aéronautique a été néanmoins pénalisé par les retards de livraisons d’un motoriste américain. En revanche, la production de matériel ferroviaire est en recul. Les commandes passées en 2017, en particulier par le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), devraient générer un surcroît d’activité dès 2018. En effet, 255 rames de RER de nouvelle génération destinées à circuler dès 2021 sont à fabriquer.

Grâce à la bonne orientation de la demande globale, les productions des industries chimique et pharmaceutique ont enregistré des hausses respectives de +3,9 % et +3,7 % en volume. La fabrication de textiles, habillement, cuir et chaussures a été en baisse de 1,6 %, après une courte embellie de deux années. Après un recul de 2,2 % en 2016 à la suite de mouvements sociaux, la production du raffinage ne se redresse que de 0,6 % en 2017.

La situation des industries agroalimentaires demeure complexe. En 2017, leur production a diminué de 0,5 % en volume, après une légère hausse en 2016 (+0,3 %). En effet, la production de vins chute de 12 % en un an en raison du gel de printemps qui a touché tous les vignobles. Par ailleurs, l’année 2017 est marquée par une pénurie de beurre en France, due notamment à la crise laitière de 2016 opposant les grands groupes laitiers et les producteurs de lait. Les industriels se sont orientés vers les marchés les plus rémunérateurs au niveau mondial et ont donc accentué la production de fromages et de crèmes, au détriment de la production de poudre de lait. Le beurre en pâtit en tant que coproduit de la poudre de lait. La production de viande et de produits à base de viande recule, dans un contexte de baisse de la consommation. Cette baisse est un peu plus marquée pour la viande porcine à la suite de la contraction du marché chinois et pour la viande de volaille impactée par une nouvelle pandémie de grippe aviaire. En revanche, la production de produits à base de fruits et légumes bondit de 6,5 % en volume. Les produits cueillis précocement sous l’effet de conditions climatiques clémentes sont entrés en concurrence avec les produits des pays d’Europe du Sud et du Maghreb. Les maraîchers et arboriculteurs ont dû réorienter leur récolte vers la transformation.

En 2017, la demande intérieure en produits manufacturés n’a progressé que de 1,4 %, après +4,2 % en 2016 et +3,5 % en 2015. Les commandes publiques ont été en forte baisse en liaison avec la contraction de l’investissement.

Bien que toujours facilité par des conditions de financement avantageuses, l’investissement des entreprises non financières en produits manufacturés n’a augmenté que de 4,9 % en 2017, après +5,5 % en 2016. Seuls les investissements en machines et équipements et en produits informatiques, électroniques et optiques accélèrent.

La consommation des ménages en produits manufacturés a progressé plus faiblement. Les dépenses s’accroissent de 1,7 % en volume après +2,0 % en 2016. Même si elles restent très dynamiques (+4 %), les dépenses en matériels de transport (essentiellement les automobiles) et en produits informatiques, électroniques et optiques ont marqué le pas. Les acquisitions d’équipements électriques progressent rapidement (+ 5,7 %). Les achats dans l’habillement, cuir et chaussures sont de nouveau orientés à la hausse (+ 0,5 %).

Une balance commerciale toujours déséquilibrée pour les biens manufacturés

L’année 2017 a été marquée par une croissance assez vive des exportations de biens manufacturés. La hausse a été de +4,7 % après +1,9 %. Cette progression concerne toutes les branches. Quatre d’entre-elles ont néanmoins connu une hausse nettement supérieure à la moyenne. Pour les textiles, les vêtements, les cuirs et les chaussures ainsi que les produits chimiques (qui incluent les parfums et cosmétiques), les exportations progressent d’un peu plus de 6,0 %, en partie grâce à la reprise du marché chinois pour les produits de luxe. Les ventes de matériels de transport augmentent de 5,3 %. L’industrie automobile bénéficie du redressement du marché européen, et plus particulièrement des marchés allemand, belge et espagnol. Les exportations de matériels aéronautiques et spatiaux se sont accrues grâce aux livraisons d’avions vers l’Asie, mais aussi du fait d’un accroissement des ventes de turboréacteurs et de satellites. En revanche, après une année 2016 exceptionnelle, avec la livraison du plus grand paquebot du monde, les exportations de navires sont en recul tout en se maintenant à un niveau élevé. Enfin, les exportations de produits agroalimentaires rebondissent avec des ventes en augmentation de vin et de cognac vers les États-Unis et la Chine et de produits laitiers vers la Chine.

Néanmoins, l’amélioration des exportations n’a pas permis une amélioration du solde commercial qui bien au contraire a enregistré une forte dégradation en raison d’une augmentation très nette des importations. Ces dernières continuent, en effet, d’augmenter plus vite en volume que les exportations. En 2017, elles s’accroissent de 5,2 %. La hausse est particulièrement vive pour les matériels de transport (+9,3 %) en raison de l’importation des moteurs Rolls Royce qui équipent les Airbus A330, A380 et A350 (dont les livraisons augmentent de 60 %). Le dynamisme du marché automobile français s’accompagne d’une forte croissance des importations. Les Français ont particulièrement acheté des modèles importés (Dacia, Seat, Skoda, Mini et Mercedes).

En valeur, le solde du commerce extérieur de l’industrie manufacturière a été négatif de -29,6 milliards en 2017 après -22,9 milliards en 2016. Toutefois, il s’améliore dans trois branches : les industries agroalimentaires (+ 0,6 milliard en un an), l’industrie chimique (+ 1,8 milliard) et l’industrie pharmaceutique (+ 0,1 milliard). Pour ces deux dernières, cette évolution est essentiellement due à une augmentation des prix. Avec la fabrication de matériels de transport, elles sont les quatre seules branches excédentaires.

Pour la première fois en 17 ans, le secteur industriel a créé des emplois

Au 31 décembre 2017, 2,8 millions de salariés travaillent dans le secteur de l’industrie manufacturière, soit 11 % de l’ensemble de l’économie. Ce secteur a créé 5 400 emplois (soit un gain de 0,2 % en un an), ce qui constitue une première depuis 2000. Les créations ont concerné essentiellement l’industrie agroalimentaire (+ 1,0 %), l’industrie du textile, de l’habillement, du cuir et de la chaussure (+ 0,9 %) et l’industrie chimique (+ 0,8 %). Dans l’industrie pharmaceutique, les créations d’emplois ont ralenti par rapport à 2017. Dans le raffinage, le rythme des réductions d’emplois s’accélère en raison de restructurations. Pour les autres secteurs, notamment le travail du bois, le papier et l’imprimerie et la fabrication d’équipements électriques, les réductions d’emplois ralentissent. L’industrie manufacturière employait 304 400 intérimaires au 31 décembre 2017. Le recours à l’intérim en période de reprise a été privilégié (+39 800 en un an ; sept fois plus que les créations nettes). Il a progressé de 15,0 % en 2017 après +7,4 % en 2016 et +10,1 % en 2015. Au total, en prenant en compte l’ensemble des effectifs salariés et intérimaires, l’emploi manufacturier progresse de 1,5 % en un an.

Les gains de productivité toujours en retrait par rapport à la période d’avant crise

Les gains de productivité apparente du travail des branches manufacturières atteignent 2,4 % en 2017. Ils demeurent nettement inférieurs à leur rythme d’avant-crise (3,4 %).

Malgré une hausse des frais de personnel de 1,3 % en 2017, les entreprises manufacturières ont réussi à améliorer leur taux de marge. Celui-ci a atteint 39,1 % en 2017 et retrouve ainsi son niveau de 2000.

En 2017, l’industrie française a renoué avec la croissance avec, à la clef pour la première fois depuis 17 ainsi, des créations nettes d’emploi. Malgré tout, les dix dernières années se sont traduites par un réel recul de l’industrie française qui peine toujours à l’exportation. Les premiers résultats de l’année 2018 marquent une rupture avec l’année 2017. L’industrie française éprouverait des difficultés à satisfaire tant la demande intérieure qu’extérieure. Les créations nettes d’emploi semblent également avoir cessé.