2 mai 2020

C’est déjà hier

Le PIB français dans le triangle des Bermudes

Deux semaines de confinement ont entraîné le PIB français au fonds des abysses   avec un recul de 5,8 points battant ainsi le précédent record du deuxième trimestre 1968, -5,3 %. Cette chute est sans comparaison avec celle enregistrée lors du premier trimestre 2009 durant la crise financière (-1,6 %). De manière anecdotique, la France avec deux trimestres successifs est entrée en récession.

Les dépenses de consommation des ménages se sont contractées de 6,1 %. Les dépenses de biens ont baissé de 7,3 % et celle de services de 5,2 %. Le recul est très marqué pour la consommation de biens fabriqués qui a connu un effondrement avec un recul de 16,3 %. Les dépenses en énergie baissent de 4,8 % en raison des températures clémentes et d’une forte baisse des achats de carburants. En revanche, les dépenses alimentaires augmentent nettement de 2,4 % après +0,5 %. Cette augmentation est imputable à la fermeture des bars et des restaurants.

L’investissement a enregistré un recul de 11,8 % au premier trimestre. En particulier, l’investissement diminue dans la construction de 13,8 % en lien avec l’arrêt de chantiers lors de la deuxième quinzaine du mois de mars. La baisse est de 13,0 % pour l’industrie. Elle est un peu moins forte pour les services marchands, -8,8 %.

Les exportations ont baissé de 6,5 % au premier trimestre quand les importations diminuaient de 5,9 %. Au total, le commerce extérieur contribue négativement à la croissance du PIB de 0,2 point, après 0,1 point au trimestre précédent. À l’inverse, les variations de stocks y ont contribué positivement de 0,9 point.

La production totale de biens et services s’est contractée de 5,5 % Elle baisse le plus dans la construction (-12,6 %), tandis que la production de biens se réduit de -4,8 % et la production manufacturière diminue de -5,6 %. La production de services marchands recule de 5,7 %.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

Cette contraction du PIB a malheureusement de forts risques d’être encore plus importante au deuxième trimestre qui comportera six semaines de confinement. La sortie progressive de ce dernier annoncée par Édouard Philippe le 28 avril dernier devrait amoindrir le rebond attendu de l’économie. Plusieurs secteurs dont les transports et le tourisme seront jusqu’à la fin du deuxième trimestre fortement entravés. Les mesures sanitaires devraient également peser sur la production industrielle et les services durant plusieurs semaines.

Recul record du PIB en Europe, la France en pointe

Le PIB des 19 pays ayant adopté la monnaie unique a reculé de 3,8 % par rapport aux trois derniers mois de 2019 et de 3,3 % par rapport au premier trimestre de l’an dernier. Il s’agit des reculs les plus importants enregistrés depuis le début du suivi de ces statistiques en 1995, selon Eurostat. Pour l’ensemble de l’Union européenne, la contraction est de 3,5 %.  Au cours du quatrième trimestre 2019, le PIB avait progressé de 0,1 % dans la zone euro et de 0,2 % dans l’Union Européenne (UE).

Sur un an, en comparant avec le même trimestre de l’année précédente, le PIB corrigé des variations saisonnières a enregistré une baisse de 3,3 % dans la zone euro et de 2,7 % dans l’UE après avoir augmenté de +1,0 % et de +1,3 % respectivement au trimestre précédent. Il s’agit des baisses les plus importantes depuis le troisième trimestre 2009 (-4,5 % pour la zone euro et -4,4 % pour l’UE).

La France à la différence des précédentes crises a enregistré un plus mauvais résultat que la moyenne de ses partenaires. Le parapluie des dépenses publiques, plus de 60 % du PIB, n’a pas compensé l’arrêt net de l’économie marchande. L’application du confinement a eu plus d’effets économiques en France que dans le reste de l’Europe à l’exemple du tourisme. Mars représente le début de la saison touristique avec la tenue de nombreux salons en régions parisienne. Ce secteur pèse, en France, de 7 à 9 % du PIB.

États-Unis, le plus long cycle de croissance de l’économie a pris fin

Au premier trimestre, après plus de dix ans de croissance ininterrompue, le PIB américain a reculé de 4,8 %. Pour prononcer le terme de récession, il faudra attendre les résultats du mois du deuxième trimestre qui seront sans nul doute encore plus mauvais, la crise du covid-19 ayant surtout frappé les États-Unis à partir du mois d’avril. Pour le moment, le plus fort recul date du 4ème trimestre 2008 avec une diminution du PIB de 8,4 %. Aux États-Unis, l’évolution du PIB est appréciée à la différence de l’Europe, en rythme annuel.

Le Président de la Banque centrale américaine, Jerome Powel, a annoncé que l’économie américaine « va chuter à un niveau sans précédent au deuxième trimestre ». Il a souligné que « l’ampleur et la durée du ralentissement économique sont extrêmement incertains et dépendront en grande partie de la rapidité avec laquelle le virus sera maîtrisé ».

Les États-Unis qui avaient connu une croissance de 2,3 % en 2019 pourraient subir une contraction de leur PIB de près de 7 % en 2020.

L’évanouissement de la consommation française en mars

Depuis deux ans, le montant mensuel des dépenses de consommation des ménages était stable autour de 47 milliards d’euros. Le confinement durant les quinze derniers jours du mois de mars a provoqué une chute de 10 milliards d’euros, ces dépenses s’élevant 38,5 milliards d’euros, soit une baisse de près (répétition) de 18 %. Cette contraction est la plus importante jamais enregistrée sur un mois depuis le début de la série en 1980. Le mois de février avait déjà été mauvais, les craintes liées à l’épidémie se faisaient déjà ressentir. Sur l’ensemble du premier trimestre 2020, la consommation des ménages en biens baisse très nettement (-7,3 %).

En mars, la consommation de biens fabriqués a presque été divisée par deux (-42,3 % après -0,6 % en février). Les achats de biens fabriqués durables, les dépenses en habillement-textile et la consommation d’autres biens fabriqués sont tous en très forte baisse. Sur l’ensemble du trimestre, les achats de biens fabriqués baissent de manière inédite (-16,3 %).

Sur la même période, les dépenses en biens durables ont été également divisées par deux par rapport à février (-48,8 %). La consommation de matériels de transport (voitures neuves ou d’occasion) a presque connu un stop intégral. la consommation de biens d’équipement du logement chute, notamment les achats de meubles et d’appareils ménagers. Sur l’ensemble du trimestre, les achats de biens durables baissent fortement (-18,3 %).

Les dépenses en habillement-textile enregistrent une baisse sans précédent en mars (-54,0 %), qui s’explique principalement par la chute des achats de vêtements et de chaussures. Sur l’ensemble du trimestre, la consommation d’habillement-textile baisse fortement (-20,9 %).

Seule la consommation alimentaire a connu une progression, (+7,8 % après       -0,1 %). En revanche, la consommation de tabac se replie fortement en mars. Sur l’ensemble du trimestre, la consommation alimentaire augmente (+2,4 %).

Les dépenses en énergie ont baissé de 11,4 % du fait des températures douces et du moindre usage de la voiture.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

Inflation en avril, le prix des produits frais s’enflamment

En France, pour le mois d’avril les prix à la consommation augmenteraient, selon la première estimation de l’INSEE, de 0,1 %, comme le mois précédent. Les prix des produits alimentaires auraient augmenté de 3,7 %. Ceux des produits frais ont connu une progression de 18,1 %, en lien avec le confinement. Hors période de guerre, une telle progression est rarissime. Les prix des produits manufacturés baisseraient de 0,4 % quand ceux des services augmenteraient de 0,7 %

Sur un an, les prix à la consommation augmenteraient de 0,4 % en avril après +0,7 % le mois précédent, selon l’estimation provisoire réalisée en fin de mois. Cette baisse de l’inflation résulterait d’un recul accentué des prix de l’énergie et d’un net ralentissement des prix des services. Les prix de l’alimentation seraient nettement plus dynamiques sur un an qu’en mars.

Sur un an, l’indice des prix à la consommation harmonisé ralentirait à +0,5 %, après +0,8 % en mars. Sur un mois, il augmenterait de 0,1 %, comme le mois précédent.

L’inflation de la zone euro a suivi le même mouvement qu’en France. Au mois d’avril, elle se serait élevée pour les États membres à 0,4 %, contre 0,7 % en mars selon une estimation rapide publiée par Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne.

Hausse sans précédent mais logique du nombre de demandeurs d’emploi

Le Ministère du Travail a communiqué les chiffres du nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi pour l’ensemble du premier trimestre. En raison de la survenue de la crise sanitaire et du confinement intervenu au milieu du mois de mars, la moyenne trimestrielle n’a guère de sens. Elle permet de souligner qu’avant la crise, l’amélioration en cours depuis plus de deux ans se poursuivait et que la rupture du mois de mars est brutale. Pour l’ensemble du trimestre, en France (y compris les départements-régions d’outre-mer, hors Mayotte), le nombre de demandeurs d’emploi s’est élevé à 3 576 400 pour la catégorie A en hausse de 0,7 %. En un an, le nombre d’inscrits était en baisse de 2,2 %. Pour les catégories A, B, C ce nombre s’établit à 5 744 100. Il était stable sur ce trimestre et reculait de 2,9 % sur un an.

En raison de la situation très particulière que nous connaissons, le Ministère du Travail a également communiqué les résultats du mois de mars. Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A en France (hors Mayotte) a, au mois dernier, connu une progression de 7 %, sa plus forte hausse depuis le début de la série en 1996 (+246 100). Ainsi, fin mars, le nombre d’inscrits a atteint 3 732 500. Le nombre de demandeurs d’emploi en activité réduite (catégories B, C) diminue, en contrepartie, fortement (-68 600, soit -3,1 %). L’effectif des catégories A, B, C a augmenté, de ce fait, de 177 500 personnes (soit +3,1 %), la plus forte hausse de la série, la seconde remontant à avril 2009 (+86 300). Cette dégradation s’explique par une augmentation des inscrits (+5,5 %) mais surtout par la nette baisse des sorties (-29,0 %). La fin des contrats à durée indéterminée ou des missions en intérim a provoqué un afflux des inscriptions. Les sorties sont en net recul en raison de la détérioration du marché de l’emploi et de la diminution des radiations. La détérioration devrait s’accélérer dans les prochains mois, en particulier au moment de la sortie du déconfinement. À fin avril, plus de 10 millions de salariés étaient au chômage partiel, ce qui constitue un record sans précédent dans l’histoire économique du pays.