C’est déjà hier 8 octobre 2016 – Brexit – prévisions de croissance France
Les effets surprenants du Brexit
La France, gagnante à court terme
La France, en raison de la dépréciation de la livre sterling de 15 % par rapport à l’euro a récupéré sa cinquième place au sein du classement des économies mondiales, place qu’elle avait perdue en 2014. Cette rétrogradation du Royaume-Uni n’est qu’un effet monétaire lié au référendum du 23 juin.
La city flambe
La bourse de Londres continue de battre des records. Pour le moment, les effets économiques du Brexit ne se font pas encore ressentir. La croissance britannique reste élevée, près de 2 %, mais la valorisation des cours est avant tout la conséquence à un effet monétaire. Les investisseurs, pour comparer les titres financiers, raisonnent en dollars ; de ce fait, une diminution de la monnaie locale provoque une augmentation de leur valeur par effet de compensation.
Les choses sérieuses commenceront au printemps 2017
Le Premier Ministre britannique, Theresa May, a annoncé devant le Congrès du parti conservateur, que la procédure de sortie de l’Union européenne sera engagée avant la fin du mois de mars de l’année prochaine. La sortie effective pourrait intervenir donc d’ici 2019. Certains redoutent que les tenants de ligne dure l’emportent du fait de plusieurs annonces faites au sujet des travailleurs d’origine européenne. Ainsi, les entreprises devront lister les travailleurs non-britanniques. Une limitation d’accès des étudiants étrangers serait également à l’étude. Ces pistes de proposition inquiètent le patronat et la communauté des chercheurs. D’autres considèrent que ces annonces n’auraient comme seuls objectifs que de peser sur les négociations à venir. Si l’Europe ne se montre pas bienveillante en ce qui concerne les échanges commerciaux, le gouvernement du Royaume-Uni pourrait remettre en cause la possibilité des habitants des autres Etats européens de s’y installer.
L’INSEE révise à la baisse la croissance sans l’enterrer
L’INSEE a abandonné, dans sa note de conjoncture du mois d’octobre, le taux de croissance de 1,5 % qui servait de référence aux pouvoirs publics pour retenir un taux de 1,3 % plus en phase avec les prévisions des grands instituts de conjoncture internationaux (voir note FMI infra). Après un excellent premier trimestre, la croissance de l’économie française patine. Un recul de 0,1 % du PIB a été enregistré au deuxième trimestre. Pour le second semestre, l’organisme statistique s’attend à une petite amélioration avec +0,2 % au troisième trimestre et + 0,4 % au quatrième. En Allemagne, c’est en partie le chemin inverse qui est effectué. Le Ministre de l’Économie, Sigmar Gabriel, a révisé de 0,1 point le taux de croissance à 1,8 % contre 1,7 % en avril. En revanche, pour 2017, la croissance ne dépasserait pas 1,4 % quand elle était attendue à 1,5 % en avril dernier. L’Allemagne profite de la faiblesse de l’euro et du redémarrage de sa demande intérieure. Le Ministre de l’Économie a invité les entreprises à jouer sur les salaires afin de conforter la consommation et l’investissement.
L’INSEE, même s’il ne croit pas à la fin de la reprise qui s’est amorcé en 2014, souligne que la liste des mauvaises nouvelles et des incertitudes a tendance à s’allonger : Brexit, absence de gouvernement en Espagne, attentats en France, en Allemagne, référendum périlleux en Italie…. En revanche, les économistes de l’institut statistique considèrent que plusieurs menaces s’estompent. Ils notent que la demande en provenance des États-Unis serait en voie d’augmentation du fait d’une meilleure tenue de l’investissement productif. La situation des pays émergents serait également en amélioration. En phase avec le FMI (voir infra.), l’INSEE anticipe une accélération de la croissance de l’économie mondiale au cours du second semestre. Pour la zone euro, il prévoit une croissance de 0,4 % pour chacun des deux derniers trimestres de l’année (contre +0,6 % et + 0,2 % pour les deux premiers). Au niveau des exportations, la baisse de la demande britannique serait plus que compensée par celle en provenance des États-Unis et des pays émergents.
Une croissance à petit train de sénateur
Pour la France, l’INSEE s’attend à un rebond de l’industrie avec un gain de 1 % au troisième trimestre. Cette hausse compenserait la contraction provoquée par les grèves du printemps. Cette reprise se poursuivrait durant le 4ème trimestre avec une croissance de 0,4 %. Les services, en revanche, enregistreraient une croissance plus faible par contrecoup de l’Euro de football et des attentats qui dissuadent de nombreux touristes étrangers de se rendre en France.
L’INSEE considère que les créations nettes d’emplois marchands devraient s’élever à 117 000 en 2016 en hausse de 0,7 % sur un an (97 000 en 2015). Pour l’ensemble de l’emploi, le gain pourrait atteindre 165 000 cette année contre 157 000 en 2015. Le taux de chômage pourrait diminuer à 9,8 % de la population active fin 2016 contre 10,2 % en décembre 2015.
Un pouvoir d’achat qui résiste
En 2016, le pouvoir d’achat des ménages devrait augmenter de 1,8 % après +1,6 % en 2015 et +0,7 % en 2014. Cette amélioration est imputable au relèvement du point d’indice dans la fonction publique et par la revalorisation des salaires au sein des différentes branches professionnelles (+1,5 %). En outre, les ménages bénéficient de la moindre augmentation des prélèvements obligatoires. Leur croissance serait de 0,9 % en 2016 contre +1,7 % en 2015. L’augmentation de l’emploi marchand concourt également positivement à celle du pouvoir d’achat.
La consommation, après avoir connu un deuxième trimestre décevant (-0,1 %) faisant suite à un très bon premier trimestre (+1,1 %), devrait augmenter de 0,1 % au troisième et de 0,5 % au quatrième. Cette faible progression aurait pour conséquence le maintien d’un fort taux d’épargne à 14,8 % du revenu disponible brut (+0,3 point sur l’année).
Les ménages augmenteraient modérément leurs dépenses d’investissement (essentiellement des dépenses dans l’immobilier). Sur l’ensemble de l’année, elles pourraient s’accroître de 0,2 % contre une baisse de 0,8 % en 2015. Il convient de signaler que la moitié des prêts à l’habitat sont des renégociations (source Banque de France).
Un investissement qui se cherche
L’investissement des entreprises qui a reculé au deuxième trimestre pour la première fois depuis deux ans est attendu à la hausse au cours du second semestre. La baisse du deuxième trimestre s’expliquait par la vive progression du premier trimestre, les entreprises ayant anticipé leurs dépenses d’investissement compte tenu du fait que le régime de suramortissement devait disparaître au 15 avril de cette année. Il a été depuis reconduit jusqu’en 2017. Sur l’année, la hausse de l’investissement pourrait atteindre 3,6 % soit le meilleur résultat obtenu depuis 2011.
Du côté de la sphère publique, l’investissement serait également en hausse. Après les élections locales, les nouvelles équipes commencent à engager des travaux. Après une contraction des dépenses d’investissement de 5,8 % en 2014 et de 3,9 % en 2015, une progression de 1,6 % est possible. Au regard des cycles de dépenses au sein des collectivités territoriales, cette hausse apparaît assez modeste. La diminution des dotations d’État aux collectivités territoriales explique sans nul doute cela.
L’énigme de la contribution extérieure
La balance commerciale constitue toujours un des maillons faibles de la France. Les exportations ont, de nouveau, tendance à augmenter moins vite que la demande mondiale. Par ailleurs, l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages aboutit à une croissance accrue des importations. Avec le retournement des prix sur les marchés de l’énergie, la facture pétrolière a cessé de s’alléger. Le déficit pourrait, en 2016, dépasser 50 milliards d’euros contre 45,7 milliards d’euros en 2015 (621,6 % par rapport à 2014). Les parts de marché de la France en biens et services est de 3,5 % et pour les seuls biens de 3,1 %. Ces résultats sont d’autant plus décevants que la France bénéficie d’un contexte porteur avec un euro qui s’est déprécié, un coût du travail qui a été allégé grâce au CICE, au pacte de responsabilité et aux entrants comme l’énergie ou les matières premières dont les prix ont chuté.
Il convient de souligner que la part des échanges extérieurs au sein du PIB atteint près de 31 %, ce qui correspond à un record historique pour la France. Ce ratio n’était que de 18 % en 1975. Par ailleurs, le coût de la main d’œuvre rentre pour un quart dans le prix des produits exportés. Ce facteur n’est pas le premier dans la décision d’achat des entreprises étrangères. La qualité, l’adéquation du produit à la demande et la disponibilité sont tout aussi voire plus importantes que le prix de la main d’œuvre.
Un environnement politiquement instable
Des années 80 jusqu’à la Grande Récession, la politique avait perdu de son influence sur l’économie. La mondialisation et la victoire de l’économie de marché sur le système planifié soviétique faisaient que les dirigeants politiques avaient peu de prise sur la croissance. La crise de 2008/2009 qui s’est traduite par une intervention sans précédent des pouvoirs publics pour éviter une implosion du système a semblé redonner du sens aux politiques économiques. Elle a surtout abouti à un renouveau de thèses populistes ou protectionnistes. Les élus sont incités à reprendre pied sur le terrain économique. La convergence des partis sur les questions économiques semble être remise en cause avec la multiplication des divisions au sein même des grands partis de gouvernement.
Dans un tel contexte, l’INSEE souligne que la multiplication des incertitudes pourrait remettre en cause son scénario. Avec la montée en puissance des populismes et la tentation du repli qui se diffuse au sein de nombreux États, les investisseurs et les dirigeants d’entreprise pourraient opter pour un attentisme émollient. L’autre sujet d’inquiétude pour l’institut statistique français provient de la capacité ou non de rebond des exportateurs français. Entre les mauvais résultats du premier semestre et le potentiel économique des entreprises françaises, le doute subsiste.