Conjoncture – tourisme – diplômes et déclassement
Une belle saison touristique
En juillet, de nombreux acteurs du tourisme exprimaient leurs inquiétudes : moins de visiteurs, des vacanciers plus économes, un climat d’attente et de prudence. Pourtant, les premiers bilans publiés par l’INSEE apportent un tout autre éclairage. Les statistiques infirment les perceptions et dessinent l’image d’un été porteur, marqué par un regain de fréquentation.
La saison estivale 2025 enregistre en effet une progression de 3,7 % par rapport à 2024, soit 257,8 millions de nuitées dans les hébergements collectifs de tourisme. Ce chiffre, en hausse de 9,1 millions de nuitées, dépasse non seulement les résultats de l’été 2024 – atypique et brouillé par les Jeux olympiques et paralympiques – mais franchit aussi le seuil historique de 2023 (249,8 millions). La dynamique de juin et juillet 2025 a largement contribué à ce rebond.
Campings et hôtels, les deux piliers de l’accueil
Les campings demeurent le principal moteur du tourisme estival : 124,9 millions de nuitées, en progression de 3,2 %. Leur rôle central se confirme, tant auprès des familles françaises qu’auprès de visiteurs étrangers fidèles. Les hôtels, eux, profitent plus encore de l’embellie, avec une hausse de 4,4 % et 90,4 millions de nuitées. Les autres hébergements collectifs progressent aussi (+3,5 %), notamment les résidences de tourisme (+5,1 %), preuve que la demande se diversifie.
Le retour des Français, l’élan des étrangers
Après deux années de repli, la clientèle résidente renoue avec la croissance : +2,3 %, soit 3,9 millions de nuitées supplémentaires. Mais c’est surtout la clientèle internationale qui soutient le mouvement, avec une envolée de +6,8 %, soit 5,3 millions de nuitées de plus qu’en 2024.
Les Américains se distinguent par une progression spectaculaire : +12,9 % en un an, atteignant 5,3 millions de nuitées hôtelières et devenant ainsi la première clientèle non européenne en France. Les Britanniques restent la clientèle étrangère la plus présente dans les hôtels, avec 4,2 millions de nuitées, devant les Allemands, Italiens, Espagnols et Belges, tous en forte progression.
La clientèle asiatique, bien qu’en hausse (740 000 nuitées pour les Chinois, 380 000 pour les Japonais), reste encore 40 % en deçà des niveaux pré-pandémiques, signe d’un rétablissement lent.
Territoires contrastés : littoral, montagne et ville
Le littoral concentre 104,6 millions de nuitées, soit une progression de +2,7 %. Les campings, avec 68,5 millions de nuitées, y règnent en maîtres. L’Ouest et le Nord connaissent un dynamisme plus marqué que la Méditerranée, encore en retrait.
En montagne, les 44,6 millions de nuitées (+2,5 %) bénéficient largement de la clientèle étrangère, qui compense une demande française atone.
Les zones urbaines denses affichent la croissance la plus vigoureuse : +7,1 %, portée par l’hôtellerie qui concentre trois quarts des nuitées citadines. Le milieu rural progresse plus modérément (+2,8 %), soutenu par le succès durable des campings.
Le déclin du tourisme d’affaires
Le tourisme professionnel, déjà fragilisé depuis 2021, poursuit sa décrue. Les nuitées d’affaires chutent de 14,1 % dans les hôtels, qui en concentrent l’essentiel. En 2019, une nuitée sur trois dans les hébergements collectifs (hors campings) relevait du tourisme d’affaires ; en 2025, ce n’est plus qu’une sur cinq. Le développement des réunions à distance et la limitation des coûts de déplacement par les entreprises expliquent cette évolution.
Des retombées économiques supérieures à l’inflation
L’été 2025 ne s’est pas contenté d’accueillir plus de touristes ; il a généré davantage de revenus. Le chiffre d’affaires de l’hébergement progresse de 7,8 %, bien au-delà de l’inflation des prix (+3,4 %). Cette hausse tient à la fois à la montée en gamme des séjours et à la densité de fréquentation.
Le transport aérien de passagers connaît une progression comparable (+8,9 % de chiffre d’affaires contre +5,0 % de hausse de prix), traduisant la vigueur des flux internationaux. Le secteur de la restauration profite aussi de cette embellie, avec une croissance de +5,5 %, quand les prix n’augmentent que de 2,1 %.
L’été 2025 apparaît comme un bon millésime pour le tourisme français malgré les craintes des professionnels du secteur. Les campings consolident leur rôle de pilier, l’hôtellerie bénéficie d’un afflux de visiteurs étrangers et les zones urbaines profitent de leur attractivité retrouvée. Des marges de progression demeurent au niveau de la clientèle asiatique et sur la durée des séjours qui reste, en France, faible.
Les jeunes et leurs premiers pas dans la vie professionnelle
En France, l’entrée dans la vie professionnelle demeure toujours une étape importante de la vie. Elle rime avec indépendance mais aussi avec déception. Pour les 7,6 millions de jeunes âgés de 15 à 34 ans ayant achevé leur formation initiale et occupé un emploi en 2024, le constat établi par l’INSEE est nuancé. Une majorité rassurante – 71 % – estime que leur diplôme correspond à l’emploi exercé. Mais cette harmonie apparente se fissure dès que l’on prête attention aux marges. 18 % se jugent trop diplômés pour leur poste, quand 11 % se sentent au contraire insuffisamment armés.
Au-delà du diplôme, c’est la spécialité choisie de la formation qui peut poser un problème. Seuls 58 % des jeunes jugent cette spécialité parfaitement en phase avec les exigences de leur emploi. Pour 22 % d’entre eux, la distance est nette. Leur savoir académique ne trouve que peu ou pas d’écho dans la réalité de leurs tâches à accomplir. Ce décalage est particulièrement marqué chez ceux qui se considèrent « surdiplômés ». Près de la moitié d’entre eux avouent que leur spécialité est en porte-à-faux avec leur emploi.
Les compétences : la valeur refuge
Malgré tout, les jeunes estiment que leur processus de formation n’est pas inutile dans l’accomplissement de leur travail. 83 % des jeunes déclarent disposer des compétences adéquates pour mener à bien leur mission grâce aux stages accomplis durant leurs études et à leurs capacités à apprendre durant les premiers mois de leur emploi.
15 % des jeunes s’estiment néanmoins « déclassés », c’est-à-dire détenteurs d’un bagage supérieur à ce qu’exige leur poste. À l’inverse, seuls 2 % confessent une insuffisance de compétences. L’impression dominante reste donc celle d’un ajustement par la pratique, mais qui n’efface pas le sentiment de gaspillage chez ceux dont les qualifications dépassent les attendus.
Déclassement : une fracture sociale
Le sentiment de déclassement ne se répartit pas uniformément. Il concerne essentiellement les jeunes employés et ouvriers peu qualifiés. Plus d’un quart d’entre eux estiment posséder des compétences excédant les besoins de leur poste, soit deux fois plus que les professions intermédiaires. À l’opposé, seuls 10 % des cadres ou des travailleurs indépendants (agriculteurs, artisans, commerçants, chefs d’entreprise) partagent ce sentiment.
Les conditions de contrat jouent également leur rôle. L’instabilité professionnelle nourrit le doute et la frustration. 23 % des jeunes en CDD ou en intérim se sentent déclassés, contre 14 % de ceux installés dans un CDI ou dans la fonction publique.
Le paradoxe des diplômes
Contre-intuitivement, le sentiment de déclassement concerne essentiellement les jeunes qui se classent au milieu de l’échelle des diplômes. Les titulaires d’un bac+5, d’un côté, et ceux munis d’un CAP, de l’autre, ressentent moins le risque de déclassement, à peine un jeune sur huit s’estime déclassé dans ces deux catégories. À l’inverse, les diplômés compris entre le bac et le bac+4 – techniciens supérieurs, licenciés ou titulaires de masters intermédiaires – sont plus exposés : entre 18 et 19 % s’y sentent en porte-à-faux.
Parmi les bacheliers qui occupent des emplois d’ouvriers ou d’employés peu qualifiés, près d’un tiers se considèrent déclassés, et la proportion atteint 45 % pour les titulaires d’un bac général.
L’expérience comme antidote
Plus l’ancienneté dans le poste s’allonge, plus le sentiment de déclassement s’amenuise. Au-delà de cinq années d’expérience, seuls 11 % continuent de se sentir « surnuméraires », contre près de 19 % lors de la première année. Cette décrue traduit sans doute une double réalité : l’accroissement progressif des responsabilités qui finit par absorber le surplus de compétences, mais aussi la mobilité des jeunes déçus, prompts à chercher ailleurs un emploi plus à la hauteur de leurs capacités.
Les femmes moins enclins au sentiment de déclassement
Hommes et femmes se rejoignent dans cette expérience du déclassement. Pourtant, les jeunes femmes se montrent plus réservées : à situation équivalente, elles déclarent moins souvent que leurs compétences excèdent les besoins de leur poste/
Les données de l’INSEE sur la satisfaction des jeunes face à leurs premiers emploi sont relativement rassurants, une large majorité d’entre eux considérant que leur ceux-ci sont en phase avec leurs qualifications. Néanmoins, 15 % ressentent un déclassement et jugent que leur emploi n’est pas à la hauteur de leurs qualités et aspirations.
Dans le labyrinthe de l’insertion professionnelle, la jeunesse française apparaît donc à la fois lucide et pragmatique. Elle mesure les écarts entre diplômes, spécialités et emplois, mais trouve dans l’accumulation des compétences et l’expérience le moyen de réduire ces dissonances. Le déclassement n’est pas un destin inéluctable : il reste une impression, vive pour certains, mais qui tend à s’effacer avec le temps ou à se corriger par la mobilité. Ainsi se dessine une cartographie nuancée : un monde où le diplôme demeure un passeport imparfait, où la spécialité peut se heurter à la réalité du marché du travail, mais où les compétences


