8 avril 2023

D’Hier A Aujourd’hui – immigration – délocalisations – production industrielle

La France, terre d’accueil ?

Selon le rapport de l’INSEE « Immigrés et descendants d’immigrés en France » de 2023, 10,3 % de la population vivant en France en 2021 est immigrée, contre 6,5 % en 1968. Les origines de la population immigrée se sont diversifiées en cinquante ans, les nouveaux immigrés arrivant en France étant nés dans des pays de plus en plus variés. Les statistiques de l’immigration donnent lieu à de nombreuses polémiques sur fond d’amalgames avec, à la clef, des erreurs. Ainsi, de nombreux immigrés ne sont que de passage : il s’agit en premier lieu des étudiants étrangers qui peuvent rester quelques mois à quelques années en France. Il faut également tenir compte des flux croisés, des étrangers arrivent en France et d’autres en repartent. Enfin, pour effectuer des comparaisons internationales, il faut prendre en compte le poids démographique respectif des différents pays.

Une augmentation modérée du nombre d’immigrés en France

En matière d’immigration, la France est proche de la moyenne européenne. Selon l’INSEE, cette part est de 18,2 % en Allemagne, de 15,2 % en Espagne et de 10,6 % en Italie. Entre 1968 et 2021, le nombre d’immigrés en France a été multiplié par 2,2, tandis que la population française l’a été par 1,4. Entre 1968 et le milieu des années 1970, la part des immigrés dans la population française est passée de 6,5 % à 7,4 %. Cette part s’est ensuite stabilisée entre 1975 et la fin des années 1990, notamment à la suite des chocs pétroliers et du ralentissement de l’immigration de travail.

Depuis le début des années 2000, le nombre d’immigrés croît à nouveau un peu plus rapidement que la population totale. Entre 1999 et 2021, le nombre d’immigrés a été multiplié par 1,6, tandis que la population totale a été multipliée par 1,1. Sur la même période, les origines des immigrés se diversifient. La part de ceux originaires d’Europe du Sud, en particulier d’Espagne et d’Italie, baisse, tandis que la part de ceux venant du Maghreb, notamment du Maroc, augmente. En 1968, 72 % des immigrés vivant en France étaient originaires de ces deux grandes régions, contre 50 % en 2011 et 45 % en 2021. Dans le même temps, l’immigration en provenance d’Asie (notamment de Turquie et d’Asie du Sud‑Est jusqu’en 1990, et de Chine plus récemment) et d’Afrique hors Maghreb se développe. 32 % des immigrés sont originaires de ces régions en 2021, contre 4 % en 1968.

La poursuite des études, première cause d’immigration

En 2007, plus de la moitié (51 %) des premiers titres de séjour délivrés à des ressortissants de pays tiers, toutes durées confondues, l’étaient pour motif familial. Ils ne sont plus que 32 % en 2021. Les titres sont dorénavant accordés au titre du travail, de la demande d’asile et au titre de la poursuite d’études en France. En 2021, l’immigration étudiante représente, pour la première fois, le premier motif de venue en France pour les ressortissants de pays tiers bénéficiant d’un titre de séjour (87 700 premiers titres de séjour délivrés pour ce motif, soit près du tiers), légèrement devant l’immigration familiale (85 800 premiers titres).

La France en retrait en matière d’accueil des réfugiés

Comme le souligne François Héran dans son ouvrage « Immigration, le grand déni », ces dernières années, la France a été en retrait en ce qui concerne l’accueil des réfugiés. Ainsi, de 2014 à 2020, le nombre de Syriens entrés en France pour déposer une première demande d’asile ou être admis au titre d’une relocalisation s’est élevé à 36 860, contre 645 520 pour l’Allemagne. Pour les Irakiens, le constat est le même. 400 100 ont déposé une demande auprès d’un des États membres de l’Union européenne entre 2014 et 2020. 193 300 l’ont fait en Allemagne, contre 14 100 en France. Sur la même période, 588 900 Afghans ont déposé une demande d’asile ou de relocalisation dont 213 300 en Allemagne et 49 300 en France. Au total, la France a traité, de 2014 à 2020, 106 000 demandes de de ressortissants en provenance de ces trois pays sur un total pour l’Union européenne de 2,33 millions. La France s’est plutôt alignée sur les pays opposés à l’arrivée de réfugiés (pays du groupe de Višegrad – Hongrie – Pologne – République tchèque – Slovaquie).  Les consignes de l’administration française ont freiné les arrivées des réfugiés en France. Leur faible nombre s’explique également par le caractère peu attractif de la France sur le plan économique. La faible croissance et le chômage qui était durant des années élevé ont dissuadé de nombreux étrangers à déposer leur demande d’installation en France.

Les immigrés en France, de plus en plus de femmes et de diplômés

52 % des immigrés vivant en France en 2021 sont des femmes, contre 44 % en 1968. La moitié des immigrés arrivant en France en 2019 ont moins de 26 ans. Ils sont de plus en plus diplômés. 43 % des nouveaux arrivants âgés de 15 ans ou plus sont diplômés de l’enseignement supérieur, contre 38 % des immigrés de 15 ans ou plus arrivés en France en 2006.

Une répartition inégale des immigrés sur le territoire

La répartition des immigrés sur le territoire français est très inégale, ceux-ci étant surreprésentés dans les agglomérations urbaines en raison de leur attractivité économique, notamment en Ile-de-France, et dans les agglomérations lyonnaise et marseillaise. Si à l’échelle nationale, 10 % de la population française est immigrée en 2020/2021, cette proportion atteint 20 % à Paris et 32 % en Seine-Saint-Denis. Les immigrés sont également surreprésentés dans les départements frontaliers de pays étrangers, comme en Guyane (28 % de la population), dans les Alpes-Maritimes (15 %) ou encore dans le Haut-Rhin (13 %). 50 % de la population immigrée est concentrée dans 13 départements. La répartition territoriale des descendants d’immigrés est tout aussi concentrée : 12 départements regroupent la moitié de la population des descendants d’immigrés.

Un taux de chômage et un taux de pauvreté plus importants que la moyenne

En 2021, les hommes immigrés âgés de 15 à 64 ans ont un taux d’activité de 80 %, supérieur à celui de leurs homologues ni immigrés ni descendants d’immigrés (76 %). Le taux d’activité des femmes immigrées (62 %) est, en revanche, inférieur de 10 points à celui des femmes sans ascendance migratoire (72 %). 14 % des femmes immigrées et 12 % des hommes immigrés sont au chômage, contre 7 % des femmes et hommes ni immigrés ni descendants d’immigrés.

Les immigrés occupent également plus souvent des emplois moins qualifiés, associés à des rémunérations moindres et des conditions de travail plus difficiles. 39 % des hommes immigrés en emploi sont ouvriers, contre 29 % des hommes ni immigrés ni descendants d’immigrés 

Les immigrés sont deux fois plus fréquemment en situation de pauvreté monétaire que l’ensemble de la population. Les salaires moindres des immigrés contribuent à des niveaux de vie plus faibles : en 2019, avec 20 520 euros de revenu annuel par unité de consommation, le niveau de vie moyen des immigrés est inférieur de 22 % à celui des personnes ni immigrées ni descendantes d’immigrés (26 170 euros). Le taux de pauvreté monétaire des immigrés est de 32 %, soit plus de deux fois plus que pour l’ensemble de la population (15 %).

Dans l’ensemble, en 2019/2020, 44 % des immigrés âgés de 18 à 59 ans considèrent que leur position actuelle sur l’échelle sociale en France est meilleure que celle qu’ils avaient dans leur pays d’origine avant la migration, 27 % qu’elle est la même, et 29 % qu’elle est moins bonne.

Un état de santé dégradé chez les immigrés

L’état de santé général déclaré par les immigrés est en moyenne moins bon que celui des personnes qui ne sont ni immigrées ni descendantes d’immigrés. Parmi les immigrés, 11 % des femmes et 10 % des hommes déclarent être en mauvaise ou très mauvaise santé en 2019, contre 7 % de la population ni immigrée ni descendante d’immigrés. La santé mentale déclarée par les femmes immigrées est plus dégradée que celle des femmes ni immigrées ni descendantes d’immigrés : 7 % des femmes immigrées déclarent souffrir d’un syndrome dépressif majeur (contre 4 % des femmes ni immigrées ni descendantes d’immigrés) et 11 % d’un syndrome dépressif mineur (contre 7 %). Les immigrés arrivés en France pour motif humanitaire souffrent plus fréquemment de problèmes de santé mentale. 45 % des personnes ayant obtenu leur premier titre de séjour en 2018 pour ce motif présentent une santé mentale fragile un an après l’obtention de ce titre, contre 31 % de celles arrivées pour d’autres motifs.

Les descendants d’immigrés sont autant diplômés que le reste de la population

Plus d’un descendant d’immigrés sur deux a un parent non immigré. En 2021, 7,3 millions de personnes en France hors Mayotte sont des descendants d’immigrés de deuxième génération, c’est-à-dire des personnes nées en France d’au moins un parent immigré. Elles représentent 10,9 % de la population totale. La mixité des unions augmente au fil des générations : en 20192020, 27 % des immigrés vivent en couple avec une personne ni immigrée ni descendante d’immigrés, contre 66 % des descendants d’immigrés.

Le lien à l’immigration se distend encore à la troisième génération : parmi les 10,2 % de personnes de moins de 60 ans (soit 4,8 millions de personnes) descendantes d’immigrés de troisième génération – c’est-à-dire nées en France de deux parents non immigrés mais ayant au moins un de leurs grands-parents immigré, plus d’une sur deux n’a qu’un seul grand-parent immigré, et 90 % ont au plus deux grands-parents immigrés. Moins de 1 % des personnes de moins de 60 ans ont quatre grands-parents immigrés.

Les descendants d’immigrés atteignent des niveaux de diplômes comparables à ceux de la population sans ascendance migratoire. Nés en France et ayant pour la plupart effectué leur scolarité en France, les descendants d’immigrés de deuxième génération de 30 à 64 ans ont des niveaux d’éducation similaires à ceux de la population ni immigrée ni descendante d’immigrés. 40 % des descendants d’un seul parent immigré et 36 % des descendants de deux immigrés sont diplômés du supérieur en 2021, contre 41 % des personnes ni immigrées ni descendantes d’immigrés. Le taux d’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur est plus élevé pour les descendantes d’immigrés (42 %) que pour leurs homologues masculins (33 %).

Une intégration professionnelle relative des descendants

Les emplois des descendants d’immigrés se rapprochent de ceux des personnes sans ascendance migratoire. Pour les descendants d’immigrés, comme pour les immigrés, les taux d’activité sont plus faibles (67 %) et les taux de chômage plus élevés (12 %) que pour l’ensemble de la population (respectivement 73 % et 8 %). Le taux d’activité des descendants d’un seul parent immigré (65 %) est inférieur de 4 points à celui des descendants de deux immigrés (69 %). À structure de classe d’âge similaire, les écarts de situation entre descendants d’immigrés et population sans ascendance migratoire sont moindres que ceux entre immigrés et population sans ascendance migratoire. Les descendants d’immigrés qui rencontrent le plus de problèmes sont ceux qui sont originaires du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. Les emplois occupés par les descendants d’immigrés diffèrent peu de ceux de la population sans ascendance migratoire directe. La rémunération moyenne des descendants d’immigrés reste légèrement plus faible mais cet écart disparaît à niveau de qualification équivalent. Leur niveau de vie moyen (23 150 euros par an) est inférieur de 12 % à celui de la population sans ascendance migratoire.

Le sentiment de discrimination demeure prégnant chez les descendants d’immigrés

Le sentiment de discrimination est moindre pour les descendants d’un seul parent immigré (20 %) que pour ceux de deux parents immigrés (29 %), mais reste supérieur à celui de la population sans ascendance migratoire ou ultramarine (14 %). Dans 69 % des cas, les descendants d’immigrés ayant vécu des discriminations citent l’origine, la nationalité ou la couleur de peau comme un des motifs.

L’intégration des immigrés dans la société française s’effectue toujours notamment grâce aux mariages mixtes et l’école. Dans les années 1930, 1950 ou 1960, l’intégration des Polonais, des Italiens ou des Portugais ne s’étaient pas effectués sans heurts. Les difficultés du système éducatif explique en partie celles que rencontrent les jeunes immigrés ou leurs descendants. En la matière, l’Allemagne ou les Etats d’Europe du Nord ont mis en place des programmes spécifiques afin de faciliter l’apprentissage de la langue et la formation des réfugiés. Il convient de souligner que la France l’a fait pour les Ukrainiens mais à une échelle réduite.

Les délocalisations des entreprises françaises

Entre 2018 et 2020, selon l’INSEE, 5,9 % des entreprises implantées en France de 50 salariés ou plus des secteurs principalement marchands non agricoles ont externalisé au moins une de leurs activités. Sur la même période, elles sont moins nombreuses à avoir délocalisé : 1,7 % l’ont fait et 1,1 % l’ont envisagé sans le mettre en œuvre.

Les multinationales ont délocalisé en plus grande proportion, et ce d’autant plus si elles sont sous contrôle étranger. 7,3 % l’ont fait entre 2018 et 2020, contre 2,9 % pour celles sous contrôle français. 4,0 % des entreprises fortement exportatrices ont délocalisé, cette part étant beaucoup plus faible pour celles qui exportent peu (1,1 %) ou pas du tout (0,7 %).

Un tiers des activités délocalisées sont des activités cœur de métier et pour environ la moitié d’entre elles, il s’agit d’activités industrielles. Parmi les activités support délocalisées, les plus nombreuses sont les services administratifs et financiers (32 %), puis les services informatiques (16 %) et les activités de commerce, marketing et services après-ventes (14 %).

Les délocalisations varient en fonction de la taille des entreprises et de l’activité

3,1 % des entreprises de 250 salariés ou plus ont délocalisé entre 2018 et 2020, contre 1,3 % des petites et moyennes entreprises (PME). Ces dernières ont peu de possibilités de le faire compte tenu de leur petite taille. Entre 2018 et 2020, les entreprises des activités spécialisées, scientifiques et techniques (qui constituent 7,7 % des entreprises de 50 salariés ou plus) ont le plus fréquemment délocalisé (3,5 %). Le deuxième secteur à avoir le plus délocalisé est l’industrie manufacturière (2,9 % des entreprises l’ont fait entre 2018 et 2020). L’information et la communication est le troisième secteur à avoir le plus délocalisé sur la période (2,8 % de ces entreprises ont fait faire à l’étranger).

Entre 2018 et 2020, 72 % des entreprises ayant délocalisé l’ont fait en Europe. Hors Europe, la Chine et l’Inde constituent les principales zones d’accueil des activités délocalisées, avec 23 % des délocalisations. L’Afrique ainsi que les États-Unis et le Canada qui sont respectivement les troisième et quatrième destinations des délocalisations sont majoritairement des zones d’accueil d’activités cœur de métier.

Les délocalisations pour réduire les coûts de main d’œuvre

Entre 2018 et 2020, les entreprises ayant délocalisé déclarent l’avoir avant tout fait afin de réduire les coûts de main-d’œuvre. Plus de 80 % des entreprises appartenant à des multinationales sous contrôle étranger expliquent avoir délocalisé à la suite d’une décision prise par la tête de groupe.

Entre 2018 et 2020, 1,7 % des entreprises de 50 salariés ou plus ont relocalisé au moins une de leurs activités ou l’ont envisagé sans le faire. La réduction de temps de livraison trop longs pour les clients est la première motivation évoquée (citée par 40 % de ces entreprises). Les difficultés d’approvisionnement et les coûts plus élevés que prévus induits par les délocalisations font aussi partie des facteurs incitatifs aux relocalisations, tout comme la crise de la Covid-19. Les difficultés managériales du fait de l’éloignement, de la langue et/ou de différences culturelles sont aussi citées par près d’une de ces entreprises sur cinq.

Rebond de la production industrielle en France

En février, la production dans l’industrie manufacturière en France a progressé de 1,3 % sur un mois après ‑1,5 % en janvier. Dans l’ensemble de l’industrie, les ratios respectifs sont +1,2 % après ‑1,4 %.

En février, la production a progressé dans les matériels de transport (+5,6 % après ‑7,6 %). La croissance de production d’automobile a été de +3,4 % en février après ‑1,9 % en janvier. Elle est également en hausse dans les industries agro-alimentaires (+1,6 % après ‑0,9 %) et plus légèrement dans les « autres produits industriels » (+0,4 % après ‑1,3 %). La production augmente de nouveau dans les biens d’équipement (+0,9 %, après +2,7 %).

Sur un an, la production manufacturière des trois derniers mois (décembre 2022 à février 2023) est supérieure de 1,7 % à celle des trois mêmes mois il y a un an. Elle est en légère hausse dans l’ensemble de l’industrie (+0,5 %). Sur cette période, la production est en nette hausse dans les matériels de transport (+12,3 %), particulièrement dans l’industrie automobile (+16,4 %), moins affectée qu’il y a un an par les difficultés d’approvisionnement. Elle est en très forte hausse dans la cokéfaction-raffinage (+24,2 %), en raison de la réouverture d’une raffinerie qui était à l’arrêt sur la même période un an plus tôt. À l’opposé, la production est en net recul dans les industries extractives, énergie, eau (‑6,1 %), essentiellement du fait de la baisse de la production d’électricité. Enfin, elle diminue dans les industries agro-alimentaires (‑3,3 %).

Avec la guerre en Ukraine, certains secteurs sont confrontés à des hausses de coûts qui s’est traduit sur un an à des baisses conséquentes de production comme dans sidérurgie (‑25,9 %), la fabrication de pâte à papier, papier et carton (‑22,5 %) ou dans la fabrication de produits chimiques de base (‑19,9 %).

CdE – INSEE