8 février 2015

La dictature du léger est en marche

Le philosophe et sociologue, Gilles de Lipovetsky, dans son dernier essai « de la légèreté » (Grasset), souligne que nous sommes entrés dans la civilisation du léger. Si les précédentes révolutions industrielles avaient comme symboles des objets industriels volumineux, bien lourds – la voiture, la machine-à-laver, le réfrigérateur, la télévision à tubes – aujourd’hui, tout doit être miniaturisé ou virtualisé. Le culte de la minceur, du minimalisme, de la simplicité s’impose partout. Le léger est devenu une caractéristique dominante au sein de la société. Il ne faut plus s’encombrer d’objets encombrants. L’époque est à l’usage et non à la possession. Cette tendance est favorisée par la crise et par la recherche d’une consommation plus responsable. Le ludique envahit l’ensemble des activités humaines. Tout doit être facile et rapide d’usage.

Le partage des biens et la mise en avant de la valeur d’usage des objets se diffusent au sein de la population. Ainsi durant l’été 2014, Blablacar a transporté 1,2 million de personnes ce qui représente 4000 TGV. La SNCF ne sous-estime pas ce concurrent en lançant des campagnes de ventes à bas prix plusieurs mois avant les vacances e en voulant proposer son propre système de co-voiturage.

Tourisme, bricolage, presse, tous les secteurs d’activité sont touchés par l’ère du léger. Airbnb est devenu le premier hôtelier mondial ; « de Place de la Loc » propose aux particuliers de louer les objets qu’ils n’utilisent qu’occasionnellement – poussettes, voitures, perceuses et tondeuses à gazon ; « Troc de presse »permet d’échanger des journaux et des magazines entre voisins.

Même une marque comme Audit s’est lancé dans le partage. Ainsi, en Suède, la marque allemande a lancé Unite, un service qui permet de partager une voiture dans un réseau privé d’amis, de voisins ou de collègues jusqu’à cinq personnes, avec une facturation à l’utilisation effective ou au mois.

Le léger signifie également simplification. Le temps des listes infinies d’options semble révolu. De plus en plus de sociétés revoient à la baisse les options liées à leurs produits ou à leurs services. C’est l’innovation frugale qui s’impose. Le spécialiste de l’innovation, Navi Radjou, vient de publier un livre sur le sujet qui promeut la fin de la sophistication inutile. Les consommateurs après avoir demandé du toujours plus appellent de leurs vœux  une plus grande simplicité des objets. Ils souhaitent des objets réellement utiles, fiables, faciles à utiliser et moins chers.

Les constructeurs automobiles se sont déjà engagés dans l’innovation frugale. La Citroën Cactus ou la nouvelle Golf jouent la simplification et la légèreté. La Tesla Model S dont le tableau de bord a été réduit au strict minimum se veut luxueuse, écologique et tendance. La voiture européenne moyenne pesait 300 kilos de plus en 15 ans, mais depuis cinq ans, elle perd 50 kilos par an.

L’informatique s’est également lancée dans une course dans la simplification comme le prouve Windows 8, suivi par Apple. Les boutons disparaissent au profit d’interface conviviale. Même les sites Internet se simplifient. Le nombre de rubriques diminuent, les menus se raccourcissent. Tout doit rapidement lisible. Les changements de pages sont considérés comme des contraintes.

De même, le marketing agressif répétitif est passé de mode. Il faut inciter en douceur les clients à choisir les produits. Les entreprises pratiquent, ainsi, de plus en plus les « coups de pouce en douce ». Les méthodes positives et incitatives, se multiplient pour modifier les comportements des individus en matière de consommation responsable et d’éco-gestes. La banque russe Alfa-Bank a lancé, en juin 2014, un compte avec des taux d’intérêt plus avantageux sur lequel l’argent de ses clients est transféré au fur et à mesure de leur pratique sportive. Des compagnies d’assurances-vie récompensent leurs assurés qui acquièrent des unités de compte en améliorant le rendement des fonds euros. A Amsterdam, la ville  récompense les automobilistes qui lèvent le pied au volant. A chaque fois que l’un d’eux roule en dessous de la limitation de vitesse, la mairie reverse trois centimes à la communauté afin de financer des projets locaux.