20 septembre 2014

La France sauve la face…

Moody’s n’a pas dégradé la note de la France et ne s’est pas alignée sur les deux autres agences, Standard & Poor’s et Fitch.

Plusieurs facteurs auraient pu justifier un tel alignement. Avec son incapacité de respecter son calendrier d’assainissement des comptes publics depuis de très nombreuses années, la France apparaît comme le mauvais élève de la zone euro. L’objectif de déficit à 3 % devait être atteint en 2013, puis en 2015. Il sera au mieux respecté en 2017. De même, la dette publique qui représente 95 % du PIB devait commencer à décroître cette année or elle tangentera les 100 % du PIB en 2015. Aujourd’hui, tout laisse à penser que la barre des 100 % sera franchie en 2016 même si le Premier Ministre affirme le contraire.

  Déficit public   Déficit public
2001 -1 ,5 % 2009 -7,5 %
2002 -3,6 % 2010 -7,0 %
2003 -4,1 % 2011 -5,2 %
2004 -3,6 % 2012 -4,9 %
2005 -2,9 % 2013 -4,3 %
2006 -2,3 %    
2007 -2,7 %    
2008 -3,3 %    

La France, à la différence de l’Italie, enregistre un déficit primaire. C’est-à-dire que même en soustrayant les intérêts de la dette, le budget de l’Etat est dans le rouge. Cette situation constitue un élément inquiétant pour les agences de notation.

La faible croissance de la France, depuis plus de trois ans, aurait également pu inciter Moody’s à dégrader la note. En effet, à défaut de croissance, les possibilités pour la France d’améliorer ses comptes publics se compliquent. La persistance d’un important déficit commercial constitue également un signe inquiétant.

Par ailleurs, les moindres rentrées des prélèvements obligatoires après les décisions de hausse du Gouvernement soulignent que le règlement par les recettes la question des déficits a atteint ses limites. Les marges de manœuvre en la matière sont nulles ou presque.

Plusieurs raisons justifient néanmoins le maintien de la note de la France.

Les investisseurs continuent de faire confiance à la France qui reste toujours le meilleur des plus mauvais choix en termes d’investissement grâce à sa surface financière et à la taille de son économie. La France offre de larges lignes obligataires émises régulièrement et avec différentes durées. De ce fait, la France est un bon choix pour les investisseurs. Ces dernières semaines, Paris a pu emprunter à 10 ans à moins de 1,3 %. Certes l’écart avec l’Allemagne est de plus de 0,3 point mais n’est pas en réelle augmentation.

La France bénéficie d’un fort taux d’épargne relié à un secteur financier solide. La France qui emprunte pour financer sa dette publique près de 200 milliards d’euros par an trouve en interne comme en externe les capitaux nécessaires. La France bénéficie d’un excédent de sa balance au niveau des services, excédent qui compense, en partie, le déficit commercial. En outre, après deux années difficiles, les investissements d’origine étrangère sont de retour.

Et si Moody’s avait déclassé la France, quelles auraient été les conséquences

La perte du triple A par la France, en 2012, n’a pas donné lieu au tsunami annoncé. Les corrections sur les taux s’effectuent au fil de l’eau sauf en cas de crise aigüe.

Si Moody’s avait abaissé la note de la France, l’effet sur les taux aurait été marginal. Ils ont déjà augmenté de quelques points de base après l’annonce du report de l’objectif de déficit à 3%. Par ailleurs, le niveau des taux dépend d’un grand nombre de facteurs dont, en premier lieu, ceux liés à la Banque centrale. La décision de la BCE de fixer son principal taux directeur à 0,05 % et de lancer des opérations de prêts à destination des banques a plus d’effet que la baisse de la note de la France.

La dégradation de la France aurait entraîné celle de ses banques et de ses compagnies d’assurances. Néanmoins, la notation des établissements financiers français reste globalement bonne.

Pour les particuliers, tant que le secteur bancaire n’est pas entravé dans sa capacité à accéder aux marchés et au refinancement, tant que la BCE maintient sa politique de taux bas, tant qu’il n’y a pas de primes de risque sur le pays, les particuliers ne seront pas touchés.

Dégradation de la note ou pas dégradation, il n’en demeure pas moins que la France n’est plus en première division dans laquelle se trouvent, au sein de la zone euro, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche et la Finlande.

En l’état actuel, il est très difficile de fixer un point de rupture, de prévoir le moment où la France pourrait se situer en zone rouge. Une étincelle suffira. Un problème dans une institution financière, un mouvement social de grande ampleur… il est difficile de déterminer, à l’avance, quel sera l’élément déclencheur. Certes, il n’est pas aisé de jouer contre la deuxième économie européenne. Toute crise serait systémique. Les acteurs auraient plus à perdre qu’à gagner dans une crise financière où la France serait en première ligne. C’est le fameux too big to fall mais les slogans ne font pas une réalité…