2 février 2019

Le Coin de la Conjoncture – 2 février 2019

Un nouveau cap budgétaire ?

De 2010 à 2018, les prélèvements obligatoires des ménages ont augmenté de 3,5 points de PIB quand ceux supportés par les entreprises ont progressé de 0,3 point. En 2018, les prélèvements n’ont pas baissé du fait que la diminution des cotisations sociales a été réalisé en deux fois (janvier et octobre) quand la hausse de la CSG est entrée en vigueur dès le 1er janvier. Par ailleurs, le relèvement des droits sur les tabacs et des accises sur les carburants a érodé le pouvoir d’achat des ménages. L’introduction du prélèvement forfaitaire unique et la suppression partielle de l’ISF qui ne ciblent qu’une partie des contribuables n’ont pas permis d’engager une baisse des prélèvements en 2018.

En revanche, pour 2019, les ménages devraient bénéficier de la plus forte réduction des prélèvements depuis 2007, année de la loi TEPA. Ils bénéficieront du deuxième volet de suppression de la taxe d’habitation et de l’effet en année pleine de la bascule des cotisations sociales. Ces deux mesures devraient abaisser de 0,4 point les prélèvements des ménages. Elles sont complétées par les dispositions annoncées au mois de décembre par le Président de la République, Emmanuel Macron, afin de résoudre la crise des « gilets jaunes ». La défiscalisation des heures supplémentaires, le rétablissement pour certains retraités de la CSG à 6,6 %, l’annulation de la hausse de la taxe de consommation des produits énergétiques et la revalorisation de la prime d’activité devraient générer une baisse de 0,5 point de PIB portant le tout à 0,9 point de PIB.

De leur côté, les entreprises enregistreraient une contraction de 0,6 point de PIB de leurs prélèvements. Mais, hors versement exceptionnel du CICE, elles devraient subir une hausse de 0,2 point de leurs prélèvements.

La diminution des prélèvements s’accompagne de quelques mesures qui pénaliseront néanmoins le pouvoir d’achat des retraités. La hausse programmée des taxes sur le tabac, la désindexation des prestations (retraites, famille, APL, Invalidité, AT-MP) par rapport à l’inflation (0,3 % de hausse au lieu de 1,8 %) et la réforme des APL devraient représenter pour les ménages un manque à gagner évalué à 0,3 point de PIB. En outre, il faut ajouter la hausse des taux d’appel et de cotisation AGIRC-ARRCO à hauteur de 700 millions d’euros.

Les bénéficiaires des mesures prises en 2019 se situent parmi les classes moyennes. Ce sont ceux qui se situent entre les 20 et 80 % dans la distribution des revenus. Le gain moyen se situe autour de 500 euros. En revanche, les ménages se classant parmi les 20 % les plus aisés en termes de revenus subiront une perte de 200 à plus de 400 euros sur l’année. Par ailleurs, un perdant sur trois se trouve dans les 20 % de ménages les plus modestes.

Les plus modestes sont pénalisés par la désindexation des prestations et la réforme des APL. Les personnes au chômage ne peuvent pas profiter de la défiscalisation des heures supplémentaires ni de la mesure d’allègement de la taxe d’habitation car ils en sont, pour le plus grand nombre d’entre eux, exonérés. Les personnes retraitées les plus aisés sont touchés par la désindexation des pensions et par le fait qu’ils ne bénéficient pas de l’allègement de la CSG. De ce fait, plus de la moitié des ménages retraités devraient voir leur niveau de vie se réduire. Ce sont les couples biactifs qui devraient profiter le plus des mesures gouvernementales. Selon l’OFCE, 6,6 millions de ménages seraient perdants quand 20,2 millions seraient gagnants. Le niveau de vie médian des perdants serait de 17 340 euros annuels. La perte atteindrait, en moyenne 180 euros soit 0,9 % du revenu disponible brut. Pour les gagnants, le gain serait de 420 euros soit une majoration de leur pouvoir d’achat de 1,80 %. Leur niveau de vie médian serait de 20 460 euros. Les gains les plus importants sont concentrés entre les 35 et les 70 % les plus aisés. L’impact cumulé en pourcentage du niveau de vie est le plus élevé pour ceux se situant dans les 30 à 40 % dans la distribution des revenus.

Les mesures adoptées ces deux dernières années n’effacent pas le surcroît de prélèvements accumulé depuis 2010. Il faudrait réduire les impôts et taxes de près de 60 milliards d’euros pour revenir à la situation d’avant crise. Les manages se situant parmi les 80 à 99 % les plus aisés sont ceux qui ont supporté la plus grande partie de l’accroissement des impôts et des taxes de ces dernières années. Ne pouvant pas compter sur la baisse de la taxe d’habitation, ni sur les mesures annoncées en décembre dernier, leur situation ne sera pas amenée à s’arranger en 2019. Ils n’ont qu’à titre marginal été bénéficiaires de la suppression partielle de l’ISF car bien souvent leur patrimoine est avant tout immobilier et est composé de leur résidence principale. Depuis 2010, cette catégorie de contribuables a supporté la réduction du quotient familiale, la modulation des allocations familiales en fonction du revenu, la hausse des impôts locaux, le plafonnement des niches fiscales de l’impôt sur le revenu, l’augmentation du taux marginal de cet impôt, etc. Il pourrait devoir supporter un relèvement de ce taux à 50 % compte tenu de l’orientation prise par le grand débat public post « gilets jaunes ».

En 2019, la rigueur toute relative de la politique budgétaire française sera mise entre parenthèse. L’impulsion sur la croissance après avoir été nulle en 2018 devrait s’élever à +0,2 point cette année. Le déficit budgétaire repassera au-dessus de la barre des 3 % (3,2 % contre 2,6 % du PIB en 2018). Cette augmentation du déficit public est une première depuis 2010. La dette publique devrait rester autour de 99 % du PIB. Le non-respect des 3 % du PIB est imputable à la réintégration du CICE dans le barème des charges sociales qui aboutit à le comptabiliser deux fois cette année du fait qu’il était versé avec une année de décalage. Sans l’effet CICE, le déficit devrait se situer autour de 2,5 % du PIB. De ce fait, la France devrait échapper à la mise en place d’une nouvelle procédure pour déficits excessifs.

Le Gouvernement peut escompter un surcroît de croissance grâce aux mesures prises. Il est estimé, par l’OFCE, à 0,5 point de PIB pour l’année 2019 dont +0,3 point lié au seul plan « gilets jaunes ». Ce surcroît est le bienvenu au moment où la croissance européenne tend à s’étioler. Une augmentation de la consommation qui a été pénalisée par les blocages et les manifestations violentes du mois de décembre est attendue ce qui pourrait tout à la fois améliorer les recettes publiques et contribuer à un petit rebond de la croissance au cours du premier trimestre. Par ailleurs, il convient de souligner que les ménages ont perçu, au milieu du mois de janvier, un acompte de 5 milliards d’euros au titre des réductions d’impôt auxquelles ils ont le droit pour l’exercice 2018. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Les assujettis à cet impôt, 45 % des ménages français, devraient être bénéficiaires de cette transformation du recouvrement. Ce dernier s’effectue désormais en fin de mois et sur douze mois quand le prélèvement à la source était effectué en milieu de mois et sur dix mois. Le versement par tiers provisionnel contraignait les ménages à épargner au cours de l’année afin de faire face aux échéances. Dans ces conditions, il n’est impensable que le premier trimestre de l’année soit meilleur que prévu.

 

10 ans après, tout a changé !

Une crise est-elle possible en 2019 ? Ressemblera-t-elle à celle de 2008/2009 ? depuis dix ans, l’économie mondiale a, cahin-caha, renoué avec la croissance. Certes, la perte d’activité générée par cette crise n’a pas été rattrapée dans tous les États. Certains doivent encore faire face à un chômage de masse. En ce début d’année 2019, le ralentissement de la Chine, de l’Allemagne, les problèmes de l’Europe, les doutes sur la croissance américaine sont autant de signes faisant croire qu’une récession serait possible. Pour autant, la situation économique apparaît bien plus saine qu’il y a dix ans.

Au sein de l’OCDE, la dette des ménages et des entreprises est en net recul. Elle est passée de 160 % à 148 % du PIB de 2008 à 2018. De même, les fonds propres des banques se sont accrus de près de 50 % en dix ans.

Toujours au sein des pays de l’OCDE, le taux de chômage a été divisé par deux depuis le début de la crise de 2008. Il est, aujourd’hui, inférieur à son niveau de 2007. Malgré le plein emploi dans de nombreux pays, les tensions salariales restent faibles. Il en résulte une inflation sous-jacente très mesurée et une pression à la baisse des taux d’intérêt. Ces derniers sont près de quatre fois plus faibles en 2018 qu’en 2007. Les États de l’OCDE empruntent, en moyenne à 1,6 % quand ce taux était supérieur à 4 % il y a dix ans. Le montant des intérêts acquittés par les entreprises en raison de leurs crédits est passé de 2008 à 2018 de 4 à 2 % du PIB. Leurs profits sont, aujourd’hui, supérieurs à leur niveau d’avant crise, 12 contre 11 % du PIB. Malgré un endettement croissant, les États ont, grâce aux faibles taux d’intérêt, réussi à en limiter le coût.

Les États occidentaux bénéficient d’un prix bien plus faible de l’énergie qu’avant la crise. Ainsi, les prix du pétrole ont évolué entre 50 et 80 dollars le baril l’année dernière quand ils dépassaient 120 dollars en 2007 et sur la période 2010 et 2012. Cette décrue a été obtenue malgré la poursuite de l’augmentation de la demande et s’explique notamment par la montée en puissance du pétrole de schiste. La production de pétrole est passée aux États-Unis de 0,3 à 7 millions de barils jour de 2000 à 2018. Le faible cours du pétrole améliore la compétitivité des économies occidentales et le revenu réel de la population.

Les acteurs des marchés financiers sont, en revanche, pessimistes comme l’ont confirmé l’évolution des indices « actions » en 2018. Cette anxiété se manifeste également par l’ouverture des spreads de crédit. La question est de savoir s’ils anticipent à raison un retournement marqué de l’activité ou est-ce que leur aversion aux risques les conduit à sur-réagir aux menaces économiques et sociales du moment, avec à la clef un risque d’autoréalisation.