17 mars 2018

Le Coin de la Conjoncture

Le « oui mais » de l’OCDE

Selon les dernières prévisions de l’OCDE, l’économie mondiale devrait connaître une croissance de 4 % en 2018 contre 3,7 % en 2017. Cette croissance est portée par le dynamisme retrouvé de l’investissement et du commerce international. Le commerce international a connu une hausse de 5,25 % en 2017. L’OCDE considère que l’inflation devrait rester faible mais que la tendance serait orientée à la hausse. La sortie de crise du Brésil et de la Russie marque la fin d’une longue période de difficultés au sein de l’économie mondiale. Les stigmates de la crise s’effacent les uns après les autres. Le renforcement de la croissance du PIB s’accompagne d’une amplification des créations d’emploi. Le taux de chômage est désormais, au sein de l’OCDE, retombé en-dessous de son niveau d’avant crise. Néanmoins, la situation des jeunes reste difficile dans de nombreux États. La stagnation des revenus voire leur baisse pour certaines catégories sociales alimente un sentiment de colère vis-à-vis des gouvernements et des élites.

Aux États-Unis, la politique budgétaire soutenue grâce aux réductions d’impôt et au maintien d’un haut niveau de dépenses devrait également favoriser la croissance. La croissance du PIB devrait s’accélérer entre 2 et 3 % entre 2018 et 2019. Prises ensemble, les nouvelles mesures fiscales américaines pourraient ajouter entre ½-¾ de point à la croissance du PIB américain à la fois cette année et la suivante. Dans ces conditions, la normalisation progressive de la politique monétaire devrait se poursuivre avec une hausse des taux d’intérêt à long terme plus élevés, à mesure que le marché du travail se resserre et que les pressions inflationnistes augmentent.

La croissance dans la zone euro devrait se situer entre 2 et 2,25 % en 2018-2019. La demande serait toujours stimulée par les politiques monétaires et fiscales accommodantes, l’amélioration des marchés du travail et par les niveaux élevés de confiance des entreprises et des consommateurs. L’investissement resterait en hausse en raison de la nécessité pour les entreprises de moderniser leurs équipements et en raison de la progression de la demande intérieure et extérieure. L’Allemagne pourrait jouer un rôle de locomotive grâce à un nouvel assouplissement budgétaire prévu pour 2018 et 2019. Selon l’OCDE, la France devrait poursuivre sa lente amélioration tout comme l’Italie. La croissance du Royaume-Uni poursuit son ralentissement et atteindrait de 1,25 % en 2018 et 1 % en 2019. L’augmentation des prix pénalisera la croissance en pesant sur le niveau des revenus des ménages, l’inflation élevée continuant de freiner la croissance du revenu réel des ménages. En raison des incertitudes sur l’avenir du Royaume-Uni, les investissements devraient ralentir, ce qui nuira d’autant à croissance actuelle et à venir.

Annoncée en baisse depuis plusieurs années, la croissance en Chine résiste assez bien même si plusieurs facteurs de risques existent. Le pays bénéficie du rebond des exportations. En revanche, l’accumulation des dettes, la réalisation d’investissements surdimensionnés en matière de logements et d’usine ainsi que de centres commerciaux pourraient provoquer à moyen terme une correction. De même, la compétitivité de l’économie pourrait être entravée par le vieillissement de la population active. Mais, à court terme, la croissance devrait rester autour de 6,5 % d’ici 2019.

 

La croissance du PIB au Japon devrait rester autour de 1,5 % en 2018 avant de baisser à environ 1 % en 2019, soutenue par une croissance accrue des exportations, en particulier sur les marchés asiatiques. La forte rentabilité des entreprises devrait soutenir la reprise des investissements. En revanche, du fait du vieillissement et de la stagnation des salaires, la consommation privée resterait faible.

La Corée du Sud devrait bénéficier de la reprise du commerce international et maintenir un taux de croissance autour de 3 %. La demande intérieure serait soutenue par la hausse du salaire minimum plus élevé et des dépenses sociales

L’activité devrait demeurer dynamique en Inde avec une croissance de 7,25 % et 7,5 %, respectivement pour les exercices 2018 et 2019. La croissance sera portée par les investissements des entreprises.

L’OCDE s’inquiète de la montée de l’endettement pouvant favoriser la survenue de crises financières. La normalisation de la politique monétaire pourrait également entraîner une plus grande volatilité des taux de change et les flux de capitaux, en particulier dans les économies de marché émergentes.

Pour l’institution internationale, les perspectives de croissance à moyen terme restent beaucoup plus faibles qu’avant la crise financière, du fait de l’évolution de la démographie et d’une décennie de sous-investissement s’accompagnant d’un affaiblissement des gains de productivité.

Les États devront faire face à la problématique de la normalisation des politiques monétaires. Ils devront veiller à éviter des politiques budgétaires trop procycliques et privilégier des actions structurelles afin de renforcer les perspectives de développement durable à moyen terme.

L’OCDE met en garde contre les risques d’une résurgence du protectionnisme tout en soulignant que les États membres devraient engager une discussion pour assainir le marché de l’l’industrie sidérurgique mondiale qui est en situation de capacité excédentaire. L’organisation internationale défend, par ailleurs, le maintien d’un système de négociation multilatéral mis à mal par les dernières déclarations de Donald Trump.

L’OCDE s’inquiète des risques de pénurie de main d’œuvre tant aux États-Unis qu’en Allemagne ou au Japon. Elle préconise l’adoption de mesures visant à encourager davantage de personnes à entrer sur le marché du travail.

Les conditions financières ont commencé à se normaliser dans de nombreux pays depuis le début de l’année, reflétant la reprise plus forte et les attentes associées d’une inflation plus élevée et d’une politique monétaire moins accommodante. Les prix des actions dans les principales économies ont baissé par rapport à leurs récents sommets même si pour certains secteurs dont les NTIC leurs cours peuvent apparaître élevé. La volatilité des marchés boursiers s’est redressée par rapport aux niveaux anormalement bas observés ces derniers mois. Les marchés du crédit ont toutefois été en grande partie calmes et les spreads des obligations des marchés émergents restent généralement faibles. Aux États-Unis, les rendements des obligations souveraines à 10 ans sont au plus haut niveau en quatre ans, mais restent faibles par rapport aux normes à plus long terme.

Les ajustements monétaires et financiers attendus dans les 24 prochains mois ne devraient pas, selon l’OCDE, peser sur le taux de croissance. Ils sont anticipés et sont en phase avec l’expansion économique.

L’OCDE considère néanmoins que la période prolongée de faibles taux d’intérêt et l’encouragement à la prise de risques rendent le système financier plus exposé aux changements d’orientation des politiques monétaires. L’organisation internationale s’inquiète des niveaux de valorisations sur certains marchés aux États-Unis (obligations de société), au Canada (marchés du logement) et en Australie. Elle note également que les niveaux d’endettement dans de nombreux pays restent au-dessus des niveaux d’avant la crise. Cet endettement élevé pourrait amplifier l’impact d’une correction financière. Dans ces conditions, l’OCDE penche en faveur d’une hausse mesurée des taux directeurs par les banques centrales.

L’OCDE appelle de ses vœux l’adoption de mesures fiscales et structurelles renforçant la croissance des investissements et de la productivité. Elle demande que les bénéfices de la croissance soient mieux distribués. Elle s’inquiète de l’articulation entre la politique budgétaire expansive menée par l’administration américaine et le programme de hausse des taux prévu par la FED. Par ailleurs, elle souligne que plusieurs resserrements de politique monétaire qui pourraient concerner plusieurs pays (États-Unis, Canada, Royaume-Uni) pourraient avoir des effets sur les taux de change. Cette évolution pourrait provoquer quelques turbulences dans la zone euro mais surtout au sein de plusieurs pays émergents.

De manière assez traditionnelle, l’OCDE préconise la poursuite des réformes visant à améliorer la concurrence sur les marchés de produits au sein des pays avancés, à renforcer les incitations à investir et à contribuer à relancer la diffusion des innovations.

Les économies de marché avancées et émergentes doivent saisir l’opportunité offerte par une économie mondiale plus forte pour entreprendre les réformes structurelles nécessaires au renforcement des compétences, de l’emploi et des revenus.

 

France, ma cassette, ma cassette

Avec le retour du déficit en-dessous de la barre des 3 % du PIB, le débat sur l’utilisation de la cagnotte est revenu sur le devant la scène. À la moindre amélioration de la situation économique et de celle des finances publiques, les supposés fruits de la croissance donnent lieu à un polémique sur leur éventuelle ventilation. Le mot « cagnotte », d’origine provençale, provient du mot « Caneto » qui signifie petit réceptacle, tirelire. À Paris, son usage se répand à la fin du XVIIème siècle. Il désigne alors un plateau sur lequel plusieurs personnes d’un même groupe disposaient des jetons pour participer à des jeux. Comme quoi, la distance est faible de la cagnotte au jeu de bonneteau. Cette histoire de cagnotte inventée par l’équipe de Jacques Chirac pour déstabiliser Lionel Jospin en 2001 est devenue une antienne que les majorités se repassent avec délectation, d’élection en élection.

La France est évidemment loin d’avoir assaini ses finances publiques. Le déficit public demeure, avec celui de l’Espagne, l’un des plus élevés de la zone euro. En 2017, il se serait élevé à 2,8 % du PIB. La France est encore bien loin de la moyenne de la zone euro. Le déficit moyen est de 0,9 % du PIB dans l’eurozone. L’Allemagne a, de son côté, dégagé, en 2017, un excédent de 0,9 % du PIB et l’Italie a enregistré un déficit de 1,7 % du PIB.

Le passage officiel au-dessous de 3 % du déficit public est la conséquence du retour de la croissance mais aussi d’arbitrages comptables. Un accord avec la Commission de Bruxelles sur les modalités de remboursement de la taxe jugée illégale de 3 % sur les dividendes a été obtenu. Il sera échelonné sur deux ans, en 2017 et 2018, ce qui permet de limiter son coût pour chacun des exercices à 5 milliards d’euros. Néanmoins, le chiffre officiel du déficit ne sera connu que le 26 mars prochain. Quelques incertitudes demeurent et concernent notamment le traitement des apports à AREVA.

L’amélioration de la situation des finances publiques résulte donc de l’accélération de la croissance qui a atteint 2 % en 2017 et du faible poids du service de la dette en relation avec les faibles taux d’intérêt. Plus de croissance, c’est plus de recettes fiscales et un peu moins de dépenses sociales, ou du moins une progression moins rapide de celles-ci. De son côté, la diminution des taux a été à l’origine de la moitié des économies budgétaires depuis 2014. Par ailleurs, les collectivités locales ont été mises à contribution à travers une contraction de certaines de leurs dotations. En outre, les pouvoirs publics ont, depuis 2010, majoré de nombreux impôts au point que la France est devenue le premier pays d’Europe pour le niveau des prélèvements obligatoires.

Des dépenses sociales en progrès

Plus du quart du PIB est consacré aux dépenses sociales, santé comprise. En y ajoutant les compensations fiscales en faveur des populations les moins aisées (exonérations ou abattements notamment pour les impôts locaux), le poids des dépenses de solidarité est encore plus important.

Depuis le 1er choc pétrolier, les gouvernements ont toujours joué sur le volant des dépenses pour atténuer les effets des crises. Mais, une fois celles-ci achevées, les dépenses sont rigides à la baisse. De crise en crise, le niveau crante toujours plus haut. Le poids des dépenses publiques est ainsi passé de 40 % à 57 % du PIB de 1970 à 2017. Il avait légèrement baissé entre 1997 et 2008 de manière relative du fait de la bonne tenue de la croissance, tout en restant nettement au-dessus de la moyenne européenne. A chaque nouvelle crise, le déficit a également tendance à être plus élevé, de 3 % du PIB dans les années 80, il a atteint 10 % lors de la crise de dans les années 10 % du PIB en 2009. Il remet plus de temps à redescendre sans jamais s’annuler. De ce fait, la dette qui s’élevait à 21 % du PIB en 1981 dépasse désormais 97 % du PIB.

Du fait de la succession des crises, les dépenses de l’emploi ont fortement progressé lors de ces trente dernières années. En intégrant les allègements de charges sur les bas salaires et la compensation des 35 heures, le coût de la politique en faveur de l’emploi est passé de 2 à 4,4 % du PIB de 1985 à 2017.

Le vieillissement de la population commence à jouer fortement sur les dépenses publiques. Depuis 1981, le nombre de retraités a été multiplié par plus de trois. Les nouveaux retraités ont la double caractéristique de vivre plus longtemps et d’avoir de meilleures pensions que ceux des précédentes générations. Les dépenses de retraites ont ainsi progressé de plus de 3 points de PIB de 1995 à 2017. Au regard des autres grands pôles, les dépenses de santé apparaissent relativement faibles mais au prix d’un transfert d’une partie des charges sur les complémentaires et d’une maîtrise des investissements qui n’est pas éternellement reconductible.

Sur ces vingt dernières années, en poids relatif, les dépenses d’éducation sont en légère baisse. Elles sont passées de 5,8 à 5,5 % du PIB de 1995 à 2017. Le poids des dépenses militaires est de 1,8 % du PIB en 2017 contre 2,2 % en 1995. Celles de justice et de la sécurité intérieure restent relativement stables sur la même période (respectivement 1,8 et 1,7 %).

Par ailleurs, la France consacre plus de 40 milliards d’euros au logement tout en étant confrontée à un problème récurrent d’accès au logement et à un prix immobilier de plus en plus élevé. A maintes reprises, la Cour des Comptes a souligné que l’ensemble de la politique du logement devrait être revue. Mais force est de constater que l’opinion publique ne semble pas encore prête à accepter un tel big bang au vu des réactions à la limitation des APL.

Des prélèvements également toujours orientés à la hausse

Les prélèvements évoluent également par à-coups. Chaque crise débouche sur une forte progression. Il en fut ainsi non seulement après le 1er et le 2e choc pétrolier mais aussi après les crises de 1993 et de 2008/2012. Le taux de prélèvements obligatoires est passé de 37 % du PIB au début du septennat de Valéry Giscard d’Estaing à 42 % en 1983. Il a atteint 44 % en 1997 et 46 % en 2017. L’objectif d’Emmanuel Macron est de l’abaisser en-dessous de 45 % avant la fin du quinquennat. Les prélèvements obligatoires français sont désormais plus de 5 points de PIB au-dessus de la moyenne communautaire. Depuis vingt ans, les gouvernements pratiquent le jeu de bonneteau en déplaçant tout à la fois les charges et les prélèvements. Ainsi, les entreprises après avoir subi de fortes augmentations de charges bénéficient d’allègements pris en charge par l’État. Ce dernier a transféré des compétences aux collectivités qui n’ont pas été entièrement compensées au niveau des recettes. Par ailleurs, la CSG, qui est tout à la fois une contribution sociale et un impôt, tend à se substituer aux cotisations assises sur les salaires.

Les marges de manœuvre des pouvoirs publics apparaissent de plus en plus limitées. Le niveau très élevé des prélèvements constitue un frein à une nouvelle augmentation. Depuis 2014, la tendance est à alléger les charges pesant sur les entreprises et les ménages. La baisse de l’impôt sur les sociétés, la diminution des cotisations sociales, la suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune mais aussi la réduction de l’Impôt sur le Revenu pour les contribuables assujettis aux premières tranches et l’exonération de 80 % des redevables de la taxe d’habitation marquent bien une rupture par rapport à la tendance qui avait prévalu entre 2008 et 2014. Néanmoins, ces mesures donnent lieu à des transferts d’impôt sur les retraités (CSG) et sur les classes moyennes supérieures (taxe d’habitation, taxes foncières). Le Gouvernement est également confronté à une série de dépenses amenées à augmenter dans les prochaines années. De nombreuses dépenses d’infrastructures reportées ces dix dernières années sont nécessaires pour maintenir un certain niveau de qualité des services publics et la compétitivité du pays (hôpitaux, réseaux, chemin de fer, voiries, etc.). Compte tenu de la baisse du niveau scolaire de la France, des efforts de modernisation apparaissent également nécessaire en ce qui concerne l’enseignement. Il en est de même pour la formation. À cela il faut ajouter évidemment, l’augmentation incontournable des dépenses liées au vieillissement. De ce fait, le risque d’un nouveau dérapage du déficit et de la dette publique est important sur moyenne période.