22 avril 2017

Le Coin de la Conjoncture (22 avril 2017)

Quand les pays d’Europe du Sud deviennent vertueux

Les pays d’Europe du Sud ont été les plus touchés par la crise de 2008 et par celle des dettes souveraines en 2011. Neuf ans après, ils n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant crise. Depuis six ans, à la demande de la Commission, ils mènent un combat pour assainir leurs comptes publics. Malgré des relations souvent orageuses avec les autorités européennes, l’Espagne, le Portugal, l’Italie ou la Grèce sont en voie d’atteindre la barre des 3 % de PIB de déficit public voire de revenir en-dessous.

L’Espagne, le difficile retour à l’équilibre

L’administration espagnole avait promis un déficit à moins de 3 % du PIB dès 2016. Cette promesse n’a pas pu être respectée. Le déficit public s’est élevé à 4,5 % du PIB en 2016 contre 9 % en 2011 et 5,1 % en 2015. L’Espagne a failli écoper de deux milliards d’euros d’amende de la part de la Commission de Bruxelles.

Bénéficiant depuis deux ans d’une forte croissance, et malgré l’absence de gouvernement durant de longs mois, l’Espagne devrait, en 2017, ramener son déficit budgétaire à 3,1 % du PIB. En 2018, il pourrait s’abaisser à 2,2 %.

Cette trajectoire du déficit public n’est pas certaine compte tenu de la persistance des problèmes politiques. Le chef du gouvernement Mariano Rajoy, qui ne dispose pas d’une majorité absolue à la chambre des députés, a présenté son projet de budget pour 2017 avec 9 mois de retard. Il est soumis à une double pression : celle de Bruxelles qui lui demande de respecter ses engagements pour réduire dette et déficit, et celle de l’opposition de gauche qui le pousse à abandonner la politique d’austérité appliquée ces dernières années. Malgré une croissance de plus de 3 %, le gouvernement espagnol est confronté à d’importantes moins-values fiscales en raison de baisses d’impôts plus fortes que prévu.

Portugal, un retour douloureux dans la norme

Le Portugal mène depuis 2010 une difficile bataille d’assainissement des comptes publics. Le déficit avait alors atteint un record à 11,1 % du PIB. Le pays a bénéficié d’un plan de sauvetage financier de 78 milliards d’euros, accordé en 2011 par l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI). Le pays a alors connu trois années de récession avant de renouer avec la croissance en 2014. En 2016, l’économie portugaise a légèrement ralenti avec un PIB en hausse de 1,4 % après une progression de 1,6 % l’année précédente. Arrivé au pouvoir en novembre 2015, le gouvernement d’Antonio Costa a quelque peu desserré le carcan de l’austérité budgétaire en mettant fin aux ponctions sur les revenus des fonctionnaires et en allégeant la charge fiscale pesant sur les salariés.

En 2016, le déficit public du Portugal s’est établi à 3,8 milliards d’euros, soit 2,1 % du PIB contre 4,4 % en 2015. Ce taux de 2,1 % est le plus faible jamais enregistré depuis 1974. Le gouvernement a, l’année dernière, réduit les dépenses publiques de 3,8 %, essentiellement en diminuant celles liées à l’investissement public (-31,8 %). En revanche, le Portugal n’a pas encore réussi à maîtriser sa dette publique qui dépasse désormais 130 % du PIB.

Pour 2017, le déficit serait ramené à 1,8 % du PIB selon le Gouvernement avec un retour à l’équilibre en 2020 mais de son côté, la Commission de Bruxelles considère qu’il sera de 2 %. Néanmoins, dans ces conditions, le Portugal sortira prochainement de la procédure de déficit excessif.

Pour 2017, la Banque du Portugal estime le taux de croissance à 1,8 %. Grâce à un rebond des exportations et de l’investissement. L’investissement devrait progresser de 6,8 % en 2017, après un recul de 0,3 % en 2016. La  consommation privée devrait augmenter de 2,1 % après une hausse de 2,3 % l’année dernière. Les exportations devraient s’accroître de 6 %, contre 4,4 % en 2016. La Commission de Bruxelles est un peu moins optimiste et a retenu un taux de 1,6 %. La banque centrale du Portugal a également revu à la hausse ses prévisions de croissance pour 2018 et 2019, qui passent à respectivement 1,7 % et 1,6 %.

L’Italie, un long chemin de croix 

L’Italie est le pays de l’Union européenne qui enregistre depuis plusieurs années un des plus faibles taux de croissance. Elle est confrontée à un surendettement public et à un niveau élevé de créances douteuses détenues par les banques. Ajoutés à un vieillissement accéléré de sa population, ces deux problèmes minent la croissance du pays.

En 2016, le produit intérieur brut italien a augmenté de 0,9 % après une hausse de 0,8 % en 2015. L’Italie devrait afficher un taux de croissance de 0,8 % en 2017 et 0,4 % en 2018, après avoir péniblement atteint les 1 % en 2016. Au rythme actuel, l’Italie est en voie de se faire rattraper par l’Espagne en ce qui concerne le PIB par habitant. Si en 2011, le PIB par Italien par habitant était de 27.583 euros contre 22.903 euros pour l’Espagne, soit plus de 4.500 euros de différence, d’après le FMI, l’écart ne sera plus, en 2021, que de 800 euros.

Sur l’ensemble de l’année 2016, le déficit public italien s’est établi à 2,4 % du PIB, contre 2,7 % en 2015, tandis que l’excédent primaire a été de 25,6 milliards d’euros, soit 1,5 % du PIB contre 1,4 % en 2015.

Pour 2017, l’Italie a adopté un budget prévoyant un déficit public à hauteur de 2,3 % du PIB, loin du 1,8 % exigé initialement par Bruxelles. Mais après s’être fait rappeler à l’ordre par la Commission européenne, Rome s’est engagée en février à faire un ajustement budgétaire d’ici fin avril afin de réduire ce chiffre d’au moins 0,2 point, pour porter le déficit à 2,1 %. La Commission européenne exige de Rome un tel effort pour lutter contre son niveau très élevé d’endettement. En 2016, la dette italienne a, en effet, encore augmenté, atteignant 132,6 % du PIB contre 123,3 % en 2012. L’Italie a ainsi la dette la plus élevée au sein de l’Union après celle de la Grèce.

L’État italien est toujours sous la menace de mesures de sanctions de la part de la Commission de Bruxelles même si cette dernière considère que « l’engagement du gouvernement italien va dans la bonne direction (…). L’Italie est en train de faire de grands efforts pour contrôler son déficit public ». Le Président de la Commission a néanmoins récemment indiqué que les Italiens devaient poursuivre et même accélérer l’assainissement de leurs finances publiques afin de sauver l’Union monétaire. Jean-Claude Juncker réclame la mise en œuvre de réformes afin de permettre à l’Italie d’améliorer sa croissance potentielle qui est très faible.

Grèce, la fin de l’enfer se dessine mais n’est pas garantie

Depuis 2009, la Grèce n’aura connu qu’une seule année de croissance, en 2014 avec un gain de 0,8 %. En 2016, certes, aucun recul n’a été constaté, le PIB restant stable. Ce résultat a déçu les experts car une croissance de 0,3 % était attendue. En raison de cette absence récurrente de la croissance, la dette représente toujours 180 % du PIB. Le chômage a légèrement décru, tout en restant très élevé (23 % aujourd’hui, contre 24,4 % à l’automne 2015, selon Eurostat). Au niveau des bonnes nouvelles, il convient de souligner que, dans la douleur, Athènes a dégagé l’an dernier un excédent budgétaire primaire (hors remboursement de la dette) de 3,5 % du PIB, en avance sur le calendrier fixé par les créanciers. Pour mémoire, la France n’a connu qu’une seule année en excédent primaire depuis 1995. Les Grecs subissent toujours le plan d’augmentation des prélèvements obligatoires. Ainsi, la TVA est passée de 19 % à 24 % ; l’impôt foncier et les cotisations sociales ont été relevés ; un impôt sur la téléphonie a été créé. Par ailleurs, les taxes sur le tabac et l’essence ont été relevées. Cet accroissement des impôts a provoqué, en 2016, une augmentation du nombre de faillites d’entreprises. L’économie souffre d’une demande interne atone. Les entreprises éprouvent des difficultés en raison du contrôle des capitaux qui a été institué pour éviter leur fuite au sein des autres pays de l’Union européenne.

Le principal relais de croissance demeure le tourisme qui permet d’améliorer la balance des paiements courants. De plus en plus d’économistes s’inquiètent qu’aucun des plans européens n’ait prévu des mesures pour fortifier l’offre et permettre une reprise de la croissance, la seule à même de générer des recettes pour rembourser la dette.

Le 7 avril dernier, la réunion de l’Eurogroupe à Malte (la réunion des ministres des finances de la zone euro) s’est conclue par un accord entre la Grèce et ses créanciers (Banque centrale européenne, Mécanisme européen de stabilité et Fonds monétaire international). Si le premier ministre grec, Alexis Tsipras, considère que cet accord traduit le « retour de l’espoir » pour son pays, les autorités grecques sont conscientes qu’il impose de nouvelles contraintes pour la population. La Grèce s’est engagée à réduire ses dépenses de 2 % du produit intérieur brut (PIB) entre 2019 et 2020. Plus de 3,6 milliards d’euros d’économie ont été actées. Une 14ème réforme des régimes des retraites a été décidée. Le poids de l’impôt sur le revenu sera accru de 1 point de PIB. En contrepartie de ces efforts, le gouvernement grec sera libre, s’il dépasse ses cibles budgétaires, d’utiliser tout surcroît de recettes pour des mesures de soutien budgétaire, compensant ainsi au moins partiellement l’impact des réformes.

Selon ses prévisions internes, contestées à la fois par Athènes et par la Commission européenne, le FMI estime que la Grèce ne serait pas en mesure de maintenir, après 2018, son niveau d’excédent primaire à 3,5 % du PIB, tel que prévu dans le cadre du plan d’aide de 86 milliards d’euros adopté à l’été 2015, ce qui compromet le redressement des finances publiques. Pour régler ce problème, le FMI propose soit un allégement de la dette publique grecque (mais l’Allemagne y est opposée, d’autant plus que se profile des élections législatives à l’automne 2017), soit la mise en œuvre de nouvelles mesures d’économies, qui prolongent, de fait, la surveillance budgétaire exercée sur la Grèce par ses créanciers bien au-delà du troisième plan d’aide censé se terminer en 2018. Le FMI considère cette deuxième solution délicate à mettre en œuvre au regard des efforts déjà consentis par le peuple grecque.

Cet accord de Malte ne résout donc par l’ensemble des problèmes. La mission technique des créanciers doit encore retourner à Athènes afin de finaliser les détails. Il faudra attendre l’Eurogroupe du 22 mai pour un accord définitif.

Le Fonds monétaire international (FMI) pourrait s’engager plus fortement pour soutenir la Grèce à travers la mise en place d’une contribution d’une durée d’un an. Ce petit programme s’achèvera en même temps que le programme du Mécanisme européen de stabilité (MES), en août 2018. Le FMI tente ainsi d’assouplir la position de l’Eurogroupe qui demande toujours des garanties sur la trajectoire du déficit public et des réformes.

Le Japon, cherche chômeurs désespérément !

Avec une population qui se contracte d’année en année, le Japon est confronté à une baisse de sa population active ce qui provoque d’importantes tension sur le marché du travail. Il est indispensable pour le pays de créer plus d’emplois « réguliers » – en particulier pour les femmes – afin de stimuler la productivité tout en rééquilibrant les comptes publics.

Le problème démographique

Le programme Abenomics a permis d’accélérer la croissance économique et la création d’emplois mais pour faire face aux défis démographiques et budgétaires du Japon, de nouveaux efforts et d’autres réformes seront nécessaires, notamment pour accroître la productivité qui se tarit surtout par rapport à des pays comme la Corée du Sud.

Pour améliorer l’emploi des femmes, le Japon se doit de développer des services de garde d’enfants abordables et modifier la culture des longues heures de travail. Selon l’OCDE, cela passera par l’instauration d’un plafond obligatoire sur les heures supplémentaires, ce qui permettrait à tous les travailleurs de mieux concilier travail et vie privée. L’OCDE réclame la réduction des inégalités entre travailleurs « réguliers » et « non réguliers », dont les niveaux de prestations, de rémunération et de protection de l’emploi sont différents.

L’Étude fait valoir qu’une productivité accrue peut à la fois aider le Japon à faire face aux défis démographiques et budgétaires auxquels il est confronté et rendre la croissance plus inclusive. Des réformes visant à réduire les larges écarts de productivité entre les entreprises des secteurs manufacturier et tertiaire et entre les grandes entreprises et les PME contribueraient à la réalisation de ce double objectif. Les mesures prioritaires devraient porter, selon l’Étude, sur l’amélioration du régime des faillites personnelles pour faciliter la sortie des entreprises non viables, la promotion de l’entrepreneuriat et le renforcement de l’intégration du Japon dans l’économie mondiale.

La hausse continue des dépenses de santé et de retraite due au vieillissement de la population, favorise la progression de  la dette publique qui a atteint 219 % du PIB en 2016, soit le niveau le plus élevé de l’OCDE. Pour réduire le déficit public, l’augmentation des recettes est nécessaire mais le Gouvernement reporte depuis de nombreuses années le relèvement du taux de la TVA.

L’aide au développement minée par la question des réfugiés

Contrairement à certaines idées reçues, l’aide au développement a atteint un niveau record en 2016 en atteignant le montant de 142,6 milliards de dollars, soit une augmentation de 8,9 % par rapport à 2015 après prise en compte des taux de change et de l’inflation.

Cette progression est imputable en partie à l’aide consacrée aux réfugiés dans les pays donneurs cette dernière ayant progressé de plus de 27 % en 2016 en s’élevant à 15,4 milliards de dollars. En excluant cette catégorie de dépenses, l’aide au développement a néanmoins augmenté de 7,1 %, selon les données officielles du Comité d’aide au développement (CAD). Malgré cette évolution, les données de 2016 montrent que l’aide bilatérale (de gouvernement à gouvernement) aux pays les moins avancés a diminué de 3,9 % en termes réels par rapport à 2015, et l’aide à l’Afrique, de 0,5 %.

L’aide publique au développement (APD) provenant des 29 pays membres du CAD a représenté en moyenne 0,32 % du revenu national brut (RNB), contre 0,30 % en 2015, le volume de l’aide ayant progressé dans la majorité des pays donneurs. Mesurée en termes réels – après prise en compte de l’inflation et des fluctuations de la monnaie – cette aide a doublé depuis 2000.

La montée en puissance de l’aide aux réfugiés est liée à la progression du nombre des migrants du fait des conflits en Syrie, en Lybie, en Irak et dans une partie de l’Afrique. Les migrations d’ordre économique sont importantes en Afrique et en Asie.  Beaucoup de pays donneurs ont assisté à un afflux sans précédent de réfugiés au cours des deux dernières années, et le CAD s’emploie à clarifier les règles de notification de l’APD de façon à garantir que les dépenses consacrées aux réfugiés n’entament pas le financement destiné au développement. Une règle du CAD datant de 1988 autorise les pays donneurs à comptabiliser dans l’APD certaines dépenses consacrées aux réfugiés pendant la première année qui suit leur arrivée. L’Australie, la Corée, le Japon et le Luxembourg n’ont comptabilisé dans leur APD pour 2016 aucune dépense concernant les réfugiés, mais 11 pays ont affecté à ces derniers plus de 10 % de leur APD. Parmi eux, l’Allemagne, l’Autriche, la Grèce et l’Italie ont employé plus de 20 % de leur APD à la prise en charge du coût des réfugiés. L’aide humanitaire a augmenté de 8 % en termes réels en 2016, passant à 14,4 milliards USD.

Quand le FMI redevient modérément optimiste

Dans le cadre de ses perspectives économiques d’avril, le FMI a révisé, en très légère hausse, sa prévision de croissance de l’économie mondiale pour 2017, la passant à 3,5 %, contre 3,4 % initialement. En 2018, l’organisation internationale a maintenu la progression du PIB à 3,6 %. Pour mémoire, la croissance a atteint, en 2016, 3,1 %.Cette amélioration de l’activité est imputable, selon le FMI, à une meilleure tenue des prix du pétrole et des produits de base. Les pays exportateurs devraient renouer avec une croissance plus forte quand dans le même temps, les pays avancés enregistrent un léger mieux.

Le FMI souligne que les marchés financiers restent bien orientés car les investisseurs s’attendent au maintien de la politique économique de soutien à l’activité de la Chine ainsi qu’à la mise en œuvre d’une politique d’expansion budgétaire et de déréglementation aux États-Unis? Le FMI s’inquiète, en revanche, de la montée des inégalités de revenus, du faible niveau des gains de productivité et des tentations protectionnistes qui se font jour depuis plusieurs mois. Il rappelle que la coopération économique a été indispensable pour le développement des pays émergents. Ces derniers sont, à ses yeux, vulnérables face aux éventuelles évolutions financières (réglementation et taux). Le FMI mentionne que l’économie pourrait également souffrir d’une aggravation des tensions géopolitiques, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Au niveau de ses recommandations, le FMI propose un soutien accru de la demande et des actions pour améliorer les bilans des agents économiques là où cela est nécessaire et possible. Il insiste sur la nécessité d’accroître la productivité grâce à des réformes structurelles et  à des dépenses bien ciblées dans les infrastructures et à d’autres mesures budgétaires propices à l’offre. L’organisation internationale mentionne que la communauté internationale se doit d’aider les personnes déplacées. Les migrations au sein des États et entre États ont atteint, en effet, un record en 2016. Elles constituent, pour le FMI, un danger économique si elles ne sont pas mieux organisées et régulées.