26 novembre 2016

Le Coin de la Conjoncture (26 novembre 2016)

Le commerce international en plein doute

 La tentation protectionniste se répand autour de la planète. La Wallonie a failli condamner le traité commercial entre l’Union européenne et le Canada, traité jugé équilibré par de nombreux acteurs. Aux États-Unis, la victoire de Donald Trump marque la victoire des isolationnistes. Néanmoins, nul n’imagine une sortie de l’Organisation Mondiale du Commerce ni même une dénonciation du traité de l’ALENA qui crée un marché commun entre les États-Unis, le Canada et le Mexique.

 Cette tentation du repli intervient au moment même où le commerce international connaît ralentissement sans précédent depuis de très nombreuses décennies. Sa croissance devrait n’être que de 1,9 %, soit moins que celle de l’économie mondiale (dont le taux de croissance devrait se situer entre 2,6 et 2,8 % en 2016). L’année 2016 serait alors celle de la plus faible croissance du commerce et de l’activité depuis la crise financière de 2009.

 Évolution du commerce international

  La faillite du septième armateur mondial, Hanjin Shipping, symbolise le changement d’époque. Cette entreprise sud-coréenne exploitait près de 100 porte-conteneurs, 44 vraquiers et 11 terminaux portuaires. Au-delà de ce transporteur, c’est toute la chaîne maritime qui est en difficulté du fait de la faible croissance des échanges internationaux. En Corée, de nombreuses sociétés sont en difficulté dont STX Offshore & Shipbuilding, principal actionnaire de STX France. 80 % du commerce mondial en volume sont réalisés par la mer.

 Rapide retour sur les années 1990/2000

 Au cours de la décennie 90, on assiste à la deuxième grande internationalisation (la première datant des années 1848/1879), conséquence d’évolutions géopolitiques, économiques, financières et techniques.

La décision de Deng Xiaoping d’ouvrir, en 1980, la Chine (les quatre modernisations) met un terme à plusieurs siècles de protectionnisme, de repli et de déclin pour ce pays. Après les soubresauts de la Révolution Culturelle, la Chine entend favoriser l’émergence d’une industrie légère avec l’arrivée d’investissements d’origine étrangère. Le poids de la Chine dans le commerce international de biens et services est ainsi passé de près de 1 % en 1990 à 10 % en 2015. Ce pays a emmené dans son sillage de nombreux États asiatiques. Désormais, les pays émergents assurent plus de 50 % de la production industrielle mondiale.

 La chute du mur de Berlin en 1989 redessine la carte de l’Europe avec la réintégration dans les circuits économiques mondiaux des pays d’Europe de l’Est. La valeur des exportations et des importations de marchandises de la zone euro à destination de la République tchèque, de la Hongrie, de la Pologne et de la Roumanie passe de 1,9 % du PIB de la zone euro en 1999 à 5,1 % en 2015. Les pays d’Europe centrale et orientale retrouvent assez rapidement leurs positions passées et la République tchèque et la Slovaquie redeviennent, ainsi, des producteurs d’automobile.

 L’instauration de la monnaie unique contribue à accélérer les échanges au sein de l’Union européenne. L’euro supprime les frais de change, améliore la transparence des prix et, du fait de l’absence de droits de douanes, permet la création d’un vaste marché.

 La solidité de la monnaie unique a facilité l’accès des entreprises européennes aux marchés internationaux. Les entreprises hors zone euro acceptent plus facilement d’être payées avec cette monnaie qu’avec des monnaies nationales davantage susceptibles de connaître des évolutions erratiques. Auparavant, le recours au dollar était nécessaire pour exporter. Avec la monnaie unique, le taux d’ouverture de la zone euro est passé de 30,7 % en 1995 à 42,5 % en 2015.

 Le processus de libéralisation des échanges commerciaux mondiaux qui a débuté après la Seconde Guerre Mondiale a pris tout son sens dans les années 90 avec la  signature notamment de l’Uruguay Round en 1994 qui a abouti à la création de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) le 1er janvier 1995. Même si plusieurs secteurs sont encore protégés comme l’agriculture, la culture et une partie des services, le niveau moyen des tarifs douaniers sur les biens manufacturés est passé de 40 % en 1947 à moins de 5 % aujourd’hui.

 Plusieurs innovations technologiques ont favorisé l’essor du commerce international.

 Le recours à des porte-conteneurs de taille de plus en plus importante a permis de transporter un nombre croissant de pièces détachées et de biens manufacturées finis à des coûts acceptables.

 Les nouvelles technologies de l’information et des télécommunications ont également facilité la coordination rapide des tâches sur des chaînes de production de plus en plus longues, éclatées sur plusieurs continents. Les firmes américaines et chinoises ont joué un rôle important dans ce processus de fragmentation.

 Les années 1990 / 2000 ont donné lieu à une spécialisation poussée des différents pays, l’industrie migrant dans les pays émergents quand les pays avancés conservaient l’innovation, la conception et le marketing.

 Les échanges se sont accrus car les niveaux de développement des économies se sont rapprochés. Les pays échangent donc d’autant plus que les niveaux de développement des économies sont comparables. La zone euro et les États-Unis ont d’ailleurs réalisé à eux seuls plus de 35 % des échanges mondiaux de biens et services, et reçu près de 42,5 % des flux entrants d’investissements directs étrangers en 2015.

 L’essor de la finance a également permis la forte croissance du commerce mondial Les stocks d’investissements directs ont été multipliés par plus de huit entre 1990 et 2007. La circulation des capitaux s’est accentuée, aidée en cela par les innovations financières et par les nouvelles techniques de l’information.

 Pour toutes ces raisons, le taux d’ouverture de l’économie mondiale est ainsi passé de 19,4 % en 1980 à 30,6 % en 2008, année qui constitue un point haut. Les importations mondiales de biens et services ont progressé, en volume, en moyenne de 6,3 % par an entre 1995 et 2008, soit bien plus rapidement que le PIB, en hausse de 3,3 % en moyenne sur la même période.

 Un changement d’époque

 La crise de 2008 a rompu un cycle de forte croissance. Depuis, les différentes zones économiques éprouvent les pires difficultés à renouer avec une progression stable de l’activité. Si les États-Unis sont entrés dans un cycle de croissance dès 2010, celle-ci reste inférieure à la moyenne d’avant crise. La zone euro après la récession de 2009 a replongé dès 2012 pour enregistrer 6 trimestres de recul de PIB.

 Le PIB de la zone euro s’est contracté de respectivement 0,9 % et 0,3 % en 2012 et 2013. En Europe, principal centre commercial mondial, ce repli a provoqué le recul des échanges commerciaux de 1 % en 2012. Si la zone euro a renoué depuis  avec la croissance, cette dernière reste faible. En 2015, le poids des échanges européens dans le commerce mondial était de 25 % (le commerce intra-zone euro 10 % du commerce mondial).

 L’assainissement budgétaire mené dans de nombreux pays pénalise les importations en raison des baisses de pouvoir d’achat subies par les populations. Cela a été constaté tout particulièrement en Europe du Sud et dans certains pays émergents.

 Depuis 2010, le commerce international souffre également de l’affaiblissement des économies émergentes. L’appréciation du dollar a fragilisé les échanges de nombreux pays émergents en renchérissant leurs importations. Par ailleurs, la chute des prix des matières premières et de l’énergie a, en valeur, contribué au déclin des échanges internationaux. En réduisant les revenus des pays producteurs, cette baisse a entraîné une forte réduction de leur croissance et de leurs importations en biens manufacturés. La très forte récession en Russie et au Brésil, en 2014 et en 2015, ont évidemment accentué cette tendance.

 Le poids de la formation brute de capital mondial dans le PIB est ainsi légèrement en deçà du niveau antérieur à la crise, tandis que celui de la consommation privée, et surtout de la consommation publique, a progressé (cf. graphique 6). Le poids de la formation brute de capital dans le PIB était de 23,3 % en 2014 contre 24,3 % en 2008. Plusieurs facteurs sont à l’origine de l’atonie des dépenses d’investissement. La faiblesse de la demande globale, tant intérieure qu’extérieure, par le biais du mécanisme de l’accélérateur, continue de peser sur l’investissement productif.

 Une évolution structurelle de la demande

 L’enrichissement d’un nombre croissant d’États conduit à une diminution relative de la consommation de biens industriels. Les consommateurs privilégient les services, phénomène renforcé par le vieillissement de la population. Par ailleurs, sur un marché de renouvellement, les achats peuvent être reportés, ce qui rend moins prévisible la croissance de la demande en biens industriels.

 La transition chinoise qui se traduit par une réorientation du système productif au profit de la demande interne ne peut que conduire à une moindre progression du commerce international. Le changement de paradigme qui s’impose du fait de l’augmentation des coûts salariaux suppose le développement de réseaux de distribution et d’infrastructures. Cette croissance qui repose davantage sur les services sera, par nature, plus lente mais plus pérenne que la croissance qui reposait sur l’assemblage de produits destinés à l’exportation.

 La montée relative du protectionnisme

 Face au ralentissement de la croissance et à l’exacerbation de la concurrence, les États ont de plus en plus recours à des mesures protectionnistes. La CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement) estime, dans son rapport de 2015, que les subventions ayant vocation à soutenir les industries nationales ou les mesures destinées à éviter les délocalisations d’emplois à l’étranger ont augmenté au cours des années qui ont suivi la crise. L’OMC a également constaté une très forte augmentation des mesures protectionnistes.

Néanmoins, selon le FMI, l’effet de ces nouvelles restrictions sur le commerce international reste modeste. Mais, elles marquent un changement d’état d’esprit. La libéralisation des échanges est de plus en plus contestée par les dirigeants. Ainsi, Donald Trump, s’est opposé à la ratification de l’accord de partenariat transpacifique (TPP), conclu en février 2016, par douze pays d’Amérique et d’Asie représentant  40 % du PIB mondial. Les États-Unis et l’Union européenne (UE), qui représentent près du tiers (en parité de pouvoir d’achat) du PIB mondial, éprouvent les pires difficultés à conclure un accord sur le partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement, le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership).

 Avec la convergence des coûts de production et le changement d’orientation économique de la Chine, la fragmentation internationale de la production se ralentit. Les exportations des pays émergents intègrent moins d’importations qu’auparavant. Par ailleurs, les exportations de ces pays progressent moins vite depuis 2014. L’indice de compétitivité chinois, mesuré à partir du coût salarial unitaire de l’OCDE, s’est d’ailleurs détérioré de près de 60% entre 2007 et 2015 en Chine.

 Cette moindre spécialisation internationale est liée au report par certaines entreprises de leurs projets d’externalisation en période de ralentissement de la croissance en raison d’un climat des affaires plus incertain. Les investissements directs étrangers augmentent d’ailleurs à un rythme plus modéré qu’auparavant, notamment en Chine. Il semble toutefois que le processus à l’œuvre témoigne de changements plus structurels, dont les raisons sont probablement multiples.

Et de quoi demain sera-t-il fait pour le commerce international ?

 Les facteurs conjoncturels peuvent se retourner. La fin de la récession au Brésil et en Russie ainsi que l’amélioration des prix des matières premières pourraient conduire à une progression des échanges.

 Plusieurs facteurs structurels continueront à influencer le commerce international. Ainsi, la réorientation de l’économie chinoise prendra du temps Les investissements au sein des pays émergents ne devraient pas connaître la même progression que dans les années 1990/2000 même si l’Afrique pourrait compenser, à terme, la moindre croissance asiatique.

 Même si elles n’aboutissent pas à la démondialisation que certains appellent de leurs vœux, les tentations de repli, devraient se traduire par une pause dans la mondialisation. Le Brexit comme l’éventuelle politique de Donald Trump pourraient avoir des effets sur longue période, tout comme l’enterrement du TIPP.

 La technologie qui a joué en faveur de la spécialisation pourrait, demain, provoquer des relocalisations. La robotisation et la gestion numérique pourraient conduire à raccourcir les chaînes de production d’autant plus si les coûts de transports augmentent ou si l’impératif de la réduction des émissions des gaz à effet de serre s’impose.

 Le recours aux imprimantes 3D pour la fabrication de pièces de rechange, les mises à jour itératives des produits, le développement d’une société de l’usage, etc. pourraient réduire la production des biens industriels et donc les échanges internationaux.

 La réduction des chaînes de production est de plus en plus prise en compte par les entreprises. Les Chinois investissent dans des entreprises occidentales tant pour accéder à un savoir-faire que pour avoir des centres de production au plus près des consommateurs.

 Cette perspective peut être contredite par la montée en puissance de l’Afrique et de l’Amérique latine au sein du commerce international. En 2015, plus de 82 % des échanges internationaux sont réalisés par l’Asie, l’Amérique du Nord et par l’Europe. Avec un doublement de sa population prévue d’ici 2040, les États africains devraient accroitre leur poids au sein du commerce mondial.

 Combien gagne un jeune ?

 En 2014, selon la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) et l’INSEE, les jeunes âgés de 18 à 24 ans disposaient en moyenne d’un revenu de 9 530 euros par an. 54 % de ce montant est constitué de revenus du travail, 30 % correspond à des aides en provenance de la famille ou de proches et 15 % à des prestations sociales. Les revenus des jeunes varient fortement en fonction de leur lieu d’habitation, de leur statut professionnel et de leur situation familiale (s’ils sont chargés de famille).

 Ceux qui cohabitent chez leurs parents perçoivent moins d’aides directes d’origine familiale mais aussi moins de prestations sociales (aide personnelle au logement). Les non-cohabitants disposent en moyenne 11 890 euros de ressources quand les cohabitants n’en ont que 7 780 euros. 70 % des non-cohabitants perçoivent des prestations et aides sociales (allocations logement pour les deux tiers de ces jeunes), contre 34% parmi les jeunes cohabitants (bourses et allocations chômage pour l’essentiel). Les prestations et aides sociales annuelles des non-cohabitants sont en moyenne 2,4 fois plus élevées. L’aide financière perçue des parents est également deux fois plus élevée pour les non-cohabitants par rapport aux cohabitants (3 960 euros contre 1 980 euros).

 Les revenus supérieurs des non-cohabitants s’expliquent par le fait qu’ils sont plus âgés et qu’ils sont plus souvent déjà dans la vie active. 51 % d’entre eux ont au moins 22 ans, contre 36 % des cohabitants.

 Une partie des cohabitants poursuit des études toute l’année sans jamais travailler. Dans ce cas-là, ils disposent en moyenne de 4 390 euros pour l’année. Les ressources de ce qui qui ont travaillé durant l’année dans le cadre d’un emploi ou de leur formation (stage rémunéré ou alternance) sont près de deux fois plus importantes soit 7 050 euros en 2014.

 Parmi les jeunes cohabitants n’ayant pas suivi d’études en 2014, ceux qui travaillent la majeure partie de l’année disposent des ressources les plus élevées : ils perçoivent en moyenne 14 870 euros, dont 95 % sont des revenus du travail.

 Cohabitants ou non, les jeunes en études durant toute l’année, y compris fin 2014, sont toujours les principaux bénéficiaires de l’aide parentale, qui représente entre 45 % et 75 % de leurs ressources.

 Selon une étude de « France Stratégie » du mois d’octobre 2016, entre 2001 et 2013, le niveau de vie des 18-24 ans a augmenté de 4 % quand celui des 65-74 ans a progressé de 19 %. Depuis les années 70, il y a un changement de paradigme. En effet, il y a 40 ans, la majorité des personnes pauvres se situaient chez les plus de 65 ans ; désormais, ce sont les jeunes qui sont les plus touchés. En France, en 2014, le niveau de vie des 18-24 ans représente 77 % de celui des plus de 65 ans (en 2005, c’était 92 %. Ce ratio est de 102 % en Allemagne, de 106 % au Royaume-Uni et de 91  % en moyenne au sein de l’Union européenne. La situation est meilleure en Espagne qu’en France avec un niveau de vie représentant 85 % de celui des retraités.