12 septembre 2020

Le Coin de la Conjoncture

La reprise française à la recherche d’un second souffle

Après avoir touché un point bas au mois d’avril, l’économie française a connu un rebond rapide en mai et en juin. Depuis, la réduction de l’écart d’activité par rapport à la période d’avant crise se ralentit. Les secteurs du tourisme et des transports sont toujours confrontés à d’importantes difficultés. Les plans de relance français et européens ne devraient pas modifier la donne pour ces secteurs mais sont censés accéléré la reprise avec en ligne de mire une amélioration durable de la croissance potentielle du pays.

Au troisième trimestre, le déficit d’activité en France par rapport au niveau d’avant crise ne serait plus, selon l’INSEE, que de 5 %, contre 19 % au deuxième trimestre. La période estivale n’a pas arrêté le rebond amorcé en mai et juin, néanmoins celui tend à s’affaiblir. Ainsi, la perte d’activité serait de 4 % pour le dernier trimestre. L’institut statistique estime que le niveau élevé d’incertitudes concernant la situation sanitaire devrait peser sur l’évolution de l’activité. Sous l’hypothèse d’une pandémie restant maîtrisée et d’une stabilité des dispositions sanitaires, la prévision de baisse du PIB en 2020 reste fixé à -9 %.

La consommation de biens, un retour à la normale

La consommation des ménages, rapidement remontée dès la mi-mai, se maintient depuis le mois de juin à un niveau normal. Au deuxième trimestre, la consommation des ménages a diminué d’environ 12 %, traduisant une forte chute en avril, au plus fort du confinement, puis un rebond en mai dès l’allègement des mesures de restrictions sanitaires, puis, en juin, une convergence vers le niveau global de consommation d’avant crise. En juillet, la consommation se serait maintenue à un niveau légèrement en deçà de celui d’avant crise (–4 %) et l’aurait quasiment rejoint en août (–2 %). Cette dynamique de la consommation des ménages depuis le début de la crise sanitaire se reflète dans le montant total de transactions par carte bancaire : depuis la fin du confinement, le total des transactions s’est situé globalement à son niveau de 2019 et lui est même devenu supérieur à partir de la mi-juillet. Ce surcroît estival des transactions par carte bancaire, par rapport à 2019, peut s’expliquer en partie par le décalage des soldes d’été, fixées cette année du 15 juillet au 11 août2, mais aussi par le fait que les ménages ont passé leurs congés d’été davantage en France qu’à l’étranger. Il peut également refléter des modifications de comportement quant à l’usage de la carte bancaire, notamment un plus fort recours compte tenu du contexte sanitaire, d’autant que le plafond de paiement sans contact a été relevé au mois de mai. Ce recours plus important à la carte de paiement doit être pris en compte pour apprécier la reprise. L’INSEE mesure notamment par les transactions réalisées en cartes bancaires l’évolution de la consommation. Ce mode de paiement se substitue à d’autres, essentiellement le numéraire, la croissance constatée est donc biaisée.

Après avoir dépassé en juillet son niveau d’avant crise, la consommation des ménages en biens manufacturés aurait continué de progresser en août, se situant à 3 % au-dessus de son niveau d’avant crise et contribuant à redresser d’un point la consommation totale. Certaines dépenses auraient poursuivi le rattrapage entamé dès la fin du confinement. En particulier, les achats de matériels de transport auraient nettement dépassé, en juillet et en août, leur niveau d’avant crise. Cela aurait été également le cas, en août, des dépenses d’habillement ou d’équipement du foyer. Les dépenses de carburants, encore en deçà du niveau d’avant crise au mois de juin, l’auraient globalement rejoint en juillet et en août. Les Français ont, cet été, privilégié la France et les déplacements en voitures particulières induisant un surcroît de consommation de carburants. Par ailleurs, les dépenses en produits agricoles et agro-alimentaires seraient revenues en août à leur niveau d’avant crise, après avoir été légèrement en deçà en juillet. Les fluctuations depuis quatre mois sont liées aux effets du confinement, ayant entraîné un stockage important des ménages et également l’impossibilité de se restaurer en-dehors du domicile. En juin, la moindre consommation en produits alimentaires par les ménages était liée à la réouverture des restaurants et d’un léger déstockage.

Un déficit notable pour la consommation de services

La consommation de services marchands reste pénalisée par l’offre culturelle réduite et par une diminution des dépenses d’hébergement. Les dépenses en services de transport auraient poursuivi leur rattrapage, tout en restant en deçà de leur niveau d’avant crise, tant en juillet qu’en août, du fait notamment de la faible reprise du transport aérien mais également du caractère progressif du redémarrage des transports terrestres de voyageurs. La consommation de services aurait été de 7 % inférieure en juillet au niveau d’avant crise et de 5 % en août.

Dans les services principalement non marchands, la consommation aurait continué à se redresser, à travers la reprise progressive des soins de ville. Elle se situerait néanmoins, en juillet puis en août, encore en dessous du niveau d’avant crise (–9 %

de perte de consommation en août.

Un rebond disparate en fonction des branches

Les premiers retours d’information sur l’activité en juillet et août soulignent la poursuite de la réduction de l’écart d’activité. La perte d’activité économique en juillet se serait réduite d’un tiers par rapport à juin, se situant à –6 % du niveau d’avant crise, puis à –5 % en août.

Dans la branche de la construction, la reprise des travaux de rénovation se serait poursuivie, conduisant la consommation des ménages à retrouver en août un niveau proche de celui d’avant crise (–5 % de perte de consommation, contribuant à diminuer marginalement la consommation totale

La situation demeure assez contrastée au niveau des branches. Dans celle des matériels de transport, la baisse du deuxième trimestre (–50 % de perte d’activité par rapport au niveau d’avant crise, soit la plus forte baisse dans l’industrie) serait suivie d’un rattrapage moindre que celui des autres branches. La construction enregistre un net rebond avec une perte d’activité réduite à moins de 5 % aux troisième et quatrième trimestres, après –32 % au deuxième. Dans les services marchands, certains secteurs (services de transports, hébergement et restauration, autres activités de services incluant divers services aux ménages et les organisations associatives) sont marqués par une très forte perte d’activité au deuxième trimestre, puis par un rythme de reprise moindre que dans les autres secteurs. Le tourisme, en particulier, continuerait de peser sur ces secteurs malgré une substitution partielle entre touristes internationaux et français pendant la période estivale, et des restrictions s’appliqueraient encore à un grand nombre d’activités culturelles. Les autres secteurs, au contraire, verraient leur perte d’activité par rapport à leur niveau d’avant crise devenir inférieure à 10 % dès le troisième trimestre.

Ainsi, au troisième trimestre, le rebond de l’activité serait de +17 % avec un déficit de 5 % par rapport à l’avant crise. Il serait plus faible qu’escompté au début de l’été (+19 %). Cette moindre reprise s’expliquerait par les difficultés rencontrées par le secteur touristique et par la faiblesse de la demande mondiale. Le niveau d’incertitudes tend à augmenter avec la recrudescence de l’épidémie. La part des entreprises répondantes à l’enquête Acemo ne sachant pas dater leur retour à la normale s’élevant à 30 %, après 21 % en juin.

Une diminution de l’emploi

Entre fin décembre 2019 et fin juin 2020, l’emploi salarié a diminué de 715 000, soit –2,8 %. Cette baisse, d’une ampleur inédite, reste beaucoup plus limitée que celle de l’activité (–13,8 % au deuxième trimestre après –5,9 % au premier).

Cette relative résistance de l’emploi est imputable au chômage partiel. De mars à mai, l’activité partielle a bénéficié à de nombreux salariés dans la plupart des secteurs d’activité. À partir de juin, son usage s’est progressivement restreint aux secteurs les plus affectés par les restrictions sanitaires, à savoir l’hébergement / restauration et les activités culturelles. Par ailleurs, d’autres secteurs, touchés par une importante baisse d’activité, ont retenu une part significative de leur main-d’œuvre au-delà même du soutien offert par le dispositif d’activité partielle : c’est notamment le cas dans les services de transports et dans l’industrie automobile et aéronautique.

Au second semestre, le rebond de l’activité se traduirait par un rebond modéré de l’emploi dans la plupart des secteurs, notamment sous la forme de contrats intérimaires qui avaient chuté au premier trimestre, et via la reprise d’embauches en contrats à durée déterminée. Ce serait notamment le cas dans l’industrie (hors matériels de transports) et le commerce. Dans la construction, le redressement de l’activité se traduirait surtout par un rebond de la main-d’œuvre intérimaire. À l’inverse, l’emploi continuerait de se contracter nettement dans les secteurs plus durablement affectés par la crise (matériels et services de transport, hébergement-restauration, services aux ménages dont les services culturels).

Un taux de chômage temporairement faussé

Pendant la période de confinement, un grand nombre de personnes sans emploi avaient interrompu leurs recherches, conduisant, malgré la baisse de l’emploi, à une baisse du nombre de chômeurs au sens du bureau international du travail (BIT) et à une hausse du halo autour du chômage (personnes sans emploi qui souhaitent travailler mais ne sont pas en recherche active et/ou ne sont pas disponibles pour travailler). Depuis la sortie du confinement et la réduction du chômage partiel, le taux de chômage commence à augmenter. Néanmoins, il mesure imparfaitement la réalité du marché de l’emploi. Pour l’INSEE, le taux de chômage devrait s’établir en fin d’année autour de 9,5 % de la population active, soit 2,4 points de plus que mi-2020 et 1,4 point de plus qu’un an plus tôt.

Les pays avancés, la sortie groupée de l’enfer

Quatre mois après le début du déconfinement, les grandes puissances économiques occidentales retrouvent un niveau d’activités satisfaisants même si certains secteurs sont encore très touchés. La demande extérieure reste en revanche faible. Les traces de l’arrêt sur image lié au confinement restent fortes. Par ailleurs que ce soit en France ou chez ses partenaires économiques, les ménages conservent une forte épargne de précaution par peu du chômage ou de pertes de revenus.

Un premier semestre terriblement historique

Au sein de la zone euro l’activité au deuxième trimestre a diminué de 12,1 % après s’être contractée de 3,6 % au premier. Parmi les quatre principaux pays de la zone euro, l’Espagne est le pays qui a connu la plus forte baisse de son PIB, de 18,5 % après une diminution de 5,2 % au premier trimestre. En France, le PIB a reculé de 13,8 % contre une baisse de 12,8 % en Italie et de 9,7 % en Allemagne (après respectivement –5,9 %, –5,5 % et–2,0 % respectivement au premier trimestre). La demande extérieure a fortement chuté pour tous les grands pays de la zone euro. Les exportations ont diminué de 20,3 % en Allemagne, de 25,0 % en France et de 33,5 % en Espagne. L’investissement total a, de son côté baissé de respectivement de 7,9, de 14,9 et de 22,3 %. Au Royaume-Uni, le PIB a connu une contraction au deuxième trimestre de –20,4 % après –2,2 % au premier. En particulier, la consommation des ménages a chuté de –23,1 % et l’investissement des entreprises de –31,4 %). Aux Etats-Unis, le PIB s’est affaissé de 9,1 % au deuxième trimestre après –1,3 % au premier. La consommation des ménages a reculé de 9,9 %. Les exportations américaines se sont effondrées de –22,1 % quand les importations diminuaient de 17,6 %. L’investissement des entreprises américaines a reculé de 7,2 %. Les différences de croissance entre les Etats sont fonction de la dureté des confinements et du calendrier de ces derniers.

Priorité donnée à l’emploi et aux revenus

Dans les principaux pays de la zone euro, les dispositifs mis en place pour préserver l’emploi et les revenus ont été importants.  L’Allemagne, la France et l’Italie ont ainsi adopté depuis mars 2020 des mesures assouplissant les possibilités d’activité partielle et des mesures d’exonération de la totalité du coût du travail sur les heures non travaillées, mises en pratique selon des modalités différentes. En Espagne, les politiques publiques ont visé à garantir un revenu minimum aux ménages. Un système revenu universel a été ainsi institué. Au Royaume-Uni, des mesures de garanties de prêt, de chômage partiel et de reports de TVA ont été instituées. Aux États-Unis où la protection de l’emploi est moindre qu’en Europe, le Congrès a néanmoins voté la mise en place d’une indemnité supplémentaire de 600 dollars par semaine aux chômeurs jusqu’au 25 juillet. Celle-ci s’ajoute aux indemnités versées par les États (de 200 dollars environ jusqu’à 800 dollars.

Au sein de la zone euro, l’emploi a moins diminué que l’activité. En Allemagne, en France et en Italie, le nombre de destructions nettes d’emploi a été similaire, contrairement à l’Espagne où le nombre d’emplois détruits a été bien plus élevé et au Royaume-Uni ou à l’inverse les destructions d’emploi ont été relativement faibles. En Allemagne, le nombre d’emplois détruits au deuxième trimestre 2020 serait de 566 000 selon une première estimation, soit une baisse de 1,3 % après +0,0 % au premier trimestre, la plus forte depuis la réunification. En France, l’emploi salarié aurait affiché une destruction nette de 500 000 au premier trimestre puis 215 000 au deuxième trimestre (soit des baisses de 2,0 % au premier trimestre puis 0,9 % au deuxième). En Italie, après 101 000 emplois détruits au premier trimestre, les destructions se seraient élevées à 479 000 emplois entre avril et juin (soit une baisse de 2,1 %). En Espagne, les destructions nettes d’emplois ont atteint 195 000 emplois au premier trimestre puis  1 521 000 emplois au deuxième trimestre, correspondant à des baisses successives de 1,0 % et 7,5 %, soit bien plus que dans les trois autres pays européens. En revanche, au Royaume-Uni, où la mise en place des mesures de restrictions s’est faite plus tardivement que dans les autres pays européens, la création nette de 211 000 emplois au premier trimestre compense presque intégralement la destruction nette de 220 000 emplois (–0,7 %) au deuxième trimestre. Aux États-Unis, l’emploi a bien davantage diminué que dans d’autres pays pendant le confinement, l’économie américaine ayant détruit plus de 20 millions d’emploi au mois d’avril (–13,8 %), mais il a rebondi depuis (+10,6 millions d’emploi cumulés entre mai et août), effaçant une partie de ses pertes.

En France notamment, le taux de chômage a diminué au deuxième trimestre 2020, s’établissant à 7,1 % de la population active selon l’enquête Emploi, après 7,8 % le trimestre précédent. Il s’agit en fait d’une baisse en trompe l’œil puisqu’elle provient essentiellement du confinement des personnes sans emploi qui ne recherchaient plus ou n’étaient alors plus disponibles pour prendre un emploi1, cet effet baissier l’emportant sur la hausse du nombre de personnes sans emploi.

Dans les autres pays, l’évolution du taux de chômage est à la hausse : en Espagne, il atteindrait 15,5 % au deuxième trimestre après 13,8 % au trimestre précédent ; en Allemagne où il est calculé mensuellement, sa hausse s’est poursuivie en juillet pour atteindre 4,4 % de la population active après 4,3 % en juin ; en Italie, où les dernières estimations mensuelles disponibles portent sur le mois de juin, le taux de chômage a également poursuivi sa progression (+0,6 point par rapport à mai 2020, à 8,8 % de la population active). Au total en zone euro, le taux de chômage a progressé en juillet 2020 de 0,5 point par rapport à mai 2020, s’élevant ainsi à 7,9 % de la population active. Au Royaume-Uni, le taux de chômage est constant depuis mars 2020 à 3,9 % de la population active tandis qu’aux États-Unis, il a diminué en août pour le quatrième mois consécutif atteignant 8,4 % (après 14,7 % en avril),

Retour à la normale pour la consommation électrique

La consommation électrique est un indicateur assez fin pour apprécier l’évolution de l’activité. Les entreprises industrielles et de services sont consommatrices d’énergie tout comme les transports ferroviaires. Or, la consommation d’électricité à l’été 2020 a rejoint celle de l’été 2019 Outre les enquêtes de conjoncture, des indicateurs à plus haute fréquence témoignent d’une activité globale relativement proche de celle de l’été 2019 dans les pays avancés. Entre fin juin et fin août 2020, la consommation d’électricité a progressé quasi continument dans les quatre principaux pays de la zone euro, ainsi qu’au Royaume-Uni, pour atteindre un niveau de consommation très proche de celui de la fin de l’été 2019. Tandis que la consommation d’électricité dans la semaine du 22 juin était inférieure de près de 7 % à celle sur la même période en 2019 en Allemagne et en Espagne et de 6 % en France, elle avait atteint dans la semaine du 24 août le même niveau globalement qu’en 2019 en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne. Au Royaume-Uni, la consommation d’électricité était inférieure d’environ 13 % à son niveau de 2019 durant la semaine du 22 juin, de près de 10 % durant la semaine du 5 août et de 4 % durant la semaine du 24 août. Enfin, aux États-Unis, la consommation d’électricité fluctue autour de son niveau de 2019 (entre –5 % et +5 % environ) depuis fin juin.

Une fréquentation en retrait des commerces de détail hors alimentaire

Le port du masque dans certaines agglomérations, les craintes sanitaires et un recours accru au commerce en ligne entraînent un retour mitigé à la normale pour le commerce de détail. La fréquentation des commerces de détail hors alimentaire et des lieux récréatifs comme les cafés, les restaurants, les centres commerciaux, les musées et les cinémas a certes continué sa progression, mais à un rythme plus lent qu’au moment de la levée des mesures de restriction. A la fin août (22 au 28 août), la fréquentation a été très proche de celle de début d’année en Allemagne, en France et en Italie, avec un écart compris entre –5 % et –2 %. En revanche, un déficit de fréquentation perdurait encore en Espagne (–17 %), aux États-Unis (–14 %) et au Royaume-Uni (–15 %). A titre de comparaison, Fin juin 2020 les écarts de fréquentation par rapport à la période de référence s’élevaient à –11 % en Allemagne, –16 % en France, à près de –25 % en Italie et en Espagne, et jusqu’à –50 % au Royaume-Uni.

Des vacances mais pas en transports publics

Les données de Google Maps Mobility indiquent que les Européens sont massivement partis en vacances au mois d’août. Si fin juillet, la fréquentation des lieux de travail en Europe était relativement stable par rapport à fin juin, à la mi-août l’écart de fréquentation avait perdu près de 25 points de pourcentage en France et en Italie, environ 10 points en Espagne et 5 points en Allemagne. La baisse de fréquentation des lieux de travail  s’est traduite par une baisse du trafic routier, notamment en France, en Italie et en Espagne et principalement dans les grandes villes. Ainsi, l’indice fourni par TomTom indique une baisse de la congestion routière, passant de 33 % la semaine du 22 juin à un indice égal à 26 % la semaine du 24 août 2020 en France, E, Italie et en Espagne, la congestion routière a diminué avec un indice atteignant 12 % et 7 % respectivement (après 21 % et 11 % fin juin). L’indicateur de mobilité d’Apple, qui rassemble les recherches d’itinéraires sur l’application Apple Maps, témoigne également d’une baisse du nombre de recherches d’itinéraires en voiture durant le mois d’août en France, en Espagne et plus modestement en Allemagne, mais pas au Royaume-Uni ni aux États-Unis. Selon Google Maps, l’utilisation des transports publics est restée inférieure d’environ 20 % à celle de début d’année (identique à celle de fin juin dans ces deux pays) en France et en Allemagne. La baisse est de 30 % aux États-Unis, contre une perte de 40 % environ en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni.

Le trafic aérien européen a été cet été inférieur de moitié à celui de 2019. En France, le les aéroports d’Orly et de Roissy étaient partiellement ouverts. Les vacanciers ont préféré utiliser leurs voitures pour se rendre dans leurs lieux de villégiature.  Malgré tout, la reprise de l’activité dans le secteur des transports aériens en Europe s’est poursuivie . Fin juin, le trafic était inférieur de 75 % à la normale.

En août, au Royaume-Uni, la baisse par rapport à 2019 atteint 58 % (en moyenne mobile hebdomadaire). Aux États-Unis, lors de la troisième semaine d’août, le nombre de vols dans les principaux aéroports du pays est inférieur d’environ 45 % à ses niveaux précédant le confinement. Le nombre de passagers (mesuré par les effectifs franchissant les contrôles de sécurité) est inférieur d’environ 70 % à ses niveaux de 2019, en hausse toutefois par rapport à la fin juin (–85 %).

Le retour du débat sur l’euro fort

L’euro depuis quelques semaines tend à s’apprécier en particulier vis-à-vis du dollar relançant l’antienne sur le bon taux de change de la monnaie commune. Cette évolution rappelle les années 2002 / 2008 marquées par une croissance assez homogène des Etats membres et par la disparition des écarts de taux. La circulation de l’épargne au sein de la zone était importante. Avec la crise des subprimes et surtout des dettes souveraines, la circulation des capitaux s’est arrêtée entre les pays de la zone euro, les pays excédentaires n’ont plus financé les autres et l’hétérogénéité des pays s’est accrue de 2009 à 2019.

L’appréciation actuelle de l’euro est dû aux incertitudes économiques et politiques pesant sur les Etats-Unis ainsi qu’aux politiques mises en œuvre au sein de l’Union européenne.

Le dollar est-il en perte de vitesse ?

Le dollar reste de loin la monnaie internationale que ce soit pour les échanges commerciaux ou en tant que réserves de change. Le rôle de monnaie de réserve du dollar repose moins sur les résultats macro-économiques de l’économie américaine que sur le poids de cette dernière et du rôle de gendarme international des Etats-Unis. Le dollar bénéficie de la profondeur du marché financier américain qui n’a pas d’équivalent dans le monde. Quel que soit les aléas politiques, les Etats-Unis demeurent une démocratie dont la banque centrale est reconnue pour sa transparence, son expérience et sa prévisibilité. Depuis 1995, les rapports de forces entre les grandes monnaies ont peu changé. L’euro a connu son heure de gloire juste avant la crise de 2008 en s’arrogeant alors 27 % des réserves de change avant de revenir à 20 %. La monnaie chinoise, le RMB, joue un rôle marginal, 2 % des réserves de change en 2020, malgré le fait que la Chine soit la première puissance commerciale mondiale. Le yen a en vingt ans perdu du terrain en raison de la stagnation économique que le Japon connait et des politiques monétaires accommodantes qui ont été mis en place à partir des années 1990. Le dollar a dans ce contexte entre 1995 et 2020 renforcé son poids comme réserves de change en passant de 59 à 62 %.

Le statut de monnaie de réserve internationale du dollar pourrait être à terme affecté par l’expansion monétaire considérable des Etats-Unis qui peut faire douter de la solidité de sa valeur. La base monétaire de la banque centrale américaine est passée de 800 à 7000 milliards de dollars de 2003 à 2020, contre respectivement 500 et 4000 milliards d’euros pour la BCE.

Le crédit du dollar pourrait être aussi atteint par la croissance rapide de la dette extérieure nette des Etats-Unis. Celle-ci est passée de 10 % du PIB en 2003 à plus de 55 % en 2020. Le déficit de la balance des paiements courants s’accompagne de celui du budget qui pourrait atteindre 20 % du PIB en 2020.

La monnaie américaine pourrait être enfin pénalisée par la multiplication des conflits commerciaux et par la politique étrangère plus brutale du gouvernement fédéral. Les sanctions imposées aux entreprises non-américaines qui ne respectent pas les règles des Etats-Unis pourraient les inciter à se soustraire au dollar.

Les politiques européennes renforcent la monnaie commune

Depuis la crise grecque de 2012, la zone euro dispose d’outils de soutien non négligeable notamment à travers le Mécanisme Européen de Stabilité Financière. Les politiques d’assainissement mis en œuvre dans de nombreux Etats du Sud depuis huit ans ont abouti à réduire les déficits publics et commerciaux. Si les écarts de richesse entre les Etats membres sont conséquents, ils se sont stabilisés depuis 2017. Néanmoins, ils restent élevés. Le PIB par habitant de la Grèce représente 40 % de celui de l’Allemagne, celui de l’Italie, 70 % et celui de la France 88 %.

La crédibilité de l’euro est imputable également au processus de modernisation en cours. En trente ans, les investissements dans les techniques de l’information (hors logiciels) ont été multiplié par deux et ont atteint, en 2019, près de 1,2 % du PIB. Le stock de robots industriels pour 100 emplois manufacturiers s’élevait, toujours en 2019, à 2,2 contre 0,8 en 1999. Si l’Europe reste en retard vis-à-vis du Japon ou de la Corée, elle rattrape son retard vis-à-vis des Etats-Unis.

La balance des paiements courants de la zone euro est structurellement excédentaire depuis des années, ce qui est un facteur d’appréciation. L’hétérogénéité de la zone, avec des Etats du Sud fortement déficitaires, réduisait la force de ce facteur. La réduction des déficits supprime cet élément de faiblesse. L’Allemagne et les Pays -Bas dégage des excédents de 6 à 8 % du PIB depuis 2010. Les autres Etats de la zone euro enregistraient un déficit de 4 % entre 2008, qui a été ramené à 2 % du PIB en 2019.

La crédibilité de la zone euro s’améliore avec le plan de relance européen (750 milliards d’euros financés en commun). La constitution d’une dette européenne recrée une profondeur de marché. La mutualisation ainsi opérée est un signe de solidarité et de réduction des écarts de croissance entre les Etats membres. Les capitaux se dirigent vers la zone euro. Cette situation devrait accroître progressivement le poids de l’euro comme monnaie de réserve augmente. En 2008, l’euro représentait 28 % des réserves de change. Ce ratio est passé à 19 % en 2017 avant de légèrement remonter depuis (21 % début 2020). L’arrivée de capitaux extérieurs entraine la valorisation de la monnaie européenne et cela malgré des taux directeurs nuls ou négatifs. Le taux de change qui était de 1 euro pour 1,2 dollar en 1999 était passé à 1,6 en 2008 avant de se rapprocher de la parité entre 2013 et 2017. Depuis quelques semaines, il est remonté à 1,2.

L’appréciation de l’euro fait craindre des pertes de parts de marché au niveau du commerce international. Ce phénomène avait été constaté entre 2002 et 2008. La zone de danger semble commencer autour 1 euro pour 1,4 dollar. En revanche, le flux de capitaux joue en faveur de l’investissement et le maintien de taux bas. Un euro fort est, en revanche, déflationniste en réduisant le prix des produits importés. Il génère ainsi des gains de pouvoir d’achat pour les ménages en particulier pour ceux ayant un budget « carburant » important.

Le dollar n’a pas dit son dernier mot

Le recul de l’image des Etats-Unis et ses faiblesses économiques induisent une dépréciation du dollar. La monnaie américaine a résisté à de nombreuses crises depuis la fin des années 1960 sans perdre son statut et a connu des retours en force de grande ampleur. Actuellement, il n’a pas de réel substitut. Il peut s’appuyer sur la dette du Trésor américain dont la taille est tout à la fois une faiblesse et un élément de domination. Il n’existe pas une autre dette de grande taille, liquide et sans risque. La dette publique américaine s’élevait fin 2019 à 25 000 milliards de dollars contre 10 000 milliards de dollars pour le Japon, 8000 milliards de dollars pour la Chine et autour de 2000 milliards de dollars pour l’Italie ou la France. La dette de l’Union européenne (750 milliards d’euros) qui va financer le plan de relance n’est qu’un embryon de dette fédérale.

L’euro fort a toujours mauvaise presse en France, accusée de nuire aux exportations sachant qu’elles sont réalisées à plus de 60 % au sein de l’Union européenne donc peu sensibles aux variations de change. Par ailleurs, cette appréciation diminue le prix des importations que ce soit celles de matières première et d’énergie ou celles de biens industriels. Cette diminution est un atout pour la France dont la balance commerciale est structurellement déficitaire. La valorisation de l’euro, sur le modèle allemand, doit conduire à une montée en gamme permanente de la production française avec à la clef l’amélioration des taux de marge. Si la dernière dévaluation du franc date du 11 janvier 1987, en France, la nostalgie demeure. L’idée que la France s’en sortirait mieux si elle pouvait dévaluer sa monnaie reste populaire. Les Français ont oublié que les dévaluations étaient accompagnées de plan de rigueur pouvant aller jusqu’au blocage des salaires. A 1,2 dollar, le taux de change de l’euro est dans sa fourchette moyenne et, en l’état, ne devrait pas constituer une véritable entrave au rebond européen.

La bataille de l’attractivité au centre du plan de relance post covid-19

Un plan de relance en France décidé par le Gouvernement vise tout à la fois à relancer la production française et attirer des capitaux étrangers pour enclencher un cycle de croissance. Son succès suppose la poursuite de l’amélioration de l’attractivité de la France, la montée en gamme de la production, le relèvement des qualifications des actifs, l’amélioration des liens entre recherches fondamentale et appliquée et une maîtrise de l’endettement public comme privé.

Les classements sur l’attractivité des pays peuvent porter à caution au vu des résultats différents constatés. Ainsi, la France est mal classée par le rapport Global Business Complexity Index (GBCI). En 2020, elle figure parmi les plus mauvais pays sur 77 classés pour les investisseurs internationaux. En revanche, selon l’index mondial de l’innovation établi chaque année par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l’Institut européen d’administration des affaires (Insead) et l’université américaine de Cornell, entre 2019 et 2020, l’économie française est passée de la 16e à la 12e place pour l’innovation. Par ailleurs, la France est le 2e pays à l’échelle mondiale qui auraient le plus progressé en termes de compétitivité numérique entre 2017 et 2019 selon le classement de « Digital Risers . Moins contestable est le retard pris par la France au niveau des compétences de la population active. Selon l’enquête PIAAC de l’OCDE de 2016, la France se situe au 21e rang loin le Japon, la Finlande et les Pays-Bas qui occupent les trois premières places.

Au regard du niveau de production qui est assez gamme moyenne, la France doit faire face à des coûts salariaux élevés. Le coût du salaire horaire chargé est en France de 37 euros contre 30 euros en moyenne dans les autres pays de la zone euro et de 10 euros dans les pays d’Europe Centrale et Orientale. Les impôts acquittés par les entreprises représentent 20 % du PIB en France contre 11 % dans les autres pays de la zone euro.

Depuis des années, la France est handicapée par le manque de coopération entre entreprises et Etat pour développer les productions du futur. Le succès de la R&D en entreprise aux Etats-Unis et du développement de nouveaux biens et services, vient de la capacité des structures fédérales à financer la recherche et le développement avec un partage des risques. Les commandes militaires mais aussi civils de l’Etat jouent un rôle important. La France n’ayant pas une critique suffisante tout comme les autres Etats membres, cette fonction devrait être assumée au niveau de l’Union européenne. Les dépenses de Recherche & Développement sont trop faibles en France, 1,4 % du PIB en 2019 contre 2,2 % aux Etats-Unis. La valeur ajoutée du secteur des techniques de l’information et de la communication s’élève, en 2019, en France à 4 % du PIB contre 7,5 % aux Etats-Unis.

L’amélioration de la compétitivité de la France suppose une profonde mutation de la structure de l’économie. Plusieurs secteurs sont en difficulté chronique depuis de nombreuses années, la crise sanitaire n’ayant fait qu’accentuer leurs problèmes. En première ligne figure l’automobile dont les deux constructeurs ont connu ces dix dernières années des déboires tout en étant contraints de délocaliser une part grandissante de leur production. La pharmacie, l’informatique, l’électronique, l’informatique, le textile la distribution sont également confrontés à une remise en cause de leur modèle.  La crise sanitaire a également révélé la faiblesse de l’aéronautique quand elle évidemment elle met à rude épreuve les filières touristique et culturelle. La période des taux d’intérêt bas,  amenée, n’est et ne sera pas sans conséquences sur l’ensemble du secteur financier qui occupe une place importante au sein de l’économie française.

La restructuration de l’économie française devrait s’accélérer avec une nécessaire requalification d’un nombre non négligeable de salariés, faute de quoi le chômage structurel augmentera fortement. La politique économique du gouvernement a de fortes chances d’être schizophrène en favorisant d’un côté la transition énergétique et de l’autre en aidant des entreprises en difficulté. Plus de 12 % des entreprises sans l’appui de l’Etat seraient à court et moyen terme amenées à disparaitre. Le secteur de l’automobile avec l’ensemble des sous-traitants est en première ligne. Un effort important en matière de formation devrait être réalisé en synergie. La question du reclassement des salariés les plus âgées ne sera pas évidente à traiter. En outre, les nouveaux emplois essentiellement tertiaires ne sont pas localisés au x mêmes endroits que ceux amenés à disparaître.

Chine – Etats-Unis, la guerre commerciale n’interdit pas la coopération financière

Les relations économiques entre la Chine et les Etats-Unis sont d’une rare complexité. Même si médiatiquement, les gouvernements, de part et d’autre, pratiquent le manichéisme. Après les majorations de droits de douane, après les sanctions affligées à Huawei, le gouvernement fédéral s’en est pris à l’application TikTok dont les activités américaines pourraient être cédées. Google comme Facebook doivent faire face en Chine à des mesures limitant l’exercice de leurs activités. Apple pour se prémunir d’éventuelles représailles pourraient déplacer ses chaînes d’approvisionnement de la Chine.

Dans le même temps, BlackRock a obtenu le feu vert pour créer une entreprise de fonds chinoise. Vanguard, un autre gestionnaire d’actifs a transféré son siège social asiatique à Shanghai. JPMorgan Chase pourrait dépenser un milliard de dollars pour prendre le contrôle de son entreprise chinoise de gestion. Les entreprises américaines ont acheté, en 2019, pour près de 200 milliards de dollars d’actions et d’obligations d’origine chinoise. Les investisseurs estiment que les risques sur le long terme d’enveniment des conflits sont limités. Ils croient, en revanche, que le centre de gravité de l’économie mondiale continuera à se déplacer vers l’Asie. Au-delà des polémiques concernant la haute technologie, la coopération entre les deux pays ne se délite pas. Près de 500 000 Chinois étudieraient aux Etats-Unis. Ce nombre n’a pas été affecté par la dégradation des relations entre les deux gouvernements.

Sur le terrain financier, les marchés de capitaux occidentaux, et en particulier américains, restent dominants. Les Etats-Unis peuvent compter sur la profondeur de leur marché et sur la force du dollar. La Chine a encore besoin des capitaux et du savoir-faire financier américain. Une grande partie des produits dérivés sont négociés à Chicago et les devises à Londres. Les entreprises américaines dominent les classements dans la gestion d’actifs et la banque d’investissement.

Le marché financier chinois tend de plus en plus à s’ouvrir attirant des entreprises financières de Wall Street qui proposent leurs services. Les conditions d’accès se sont améliorées. La Chine permet enfin aux entreprises occidentales de prendre le contrôle de leurs opérations sur le continent et a facilité l’achat et la vente de titres par les gestionnaires de fonds. Les autorités chinoises sont de plus en plus conscientes de la nécessité d’avoir une place financière à la hauteur de leurs aspirations. Par ailleurs, l’époque des excédents courants pantagruéliques se terminent. Elle pourrait même céder sa place à un cycle de déficits, ce qui obligerait la Chine à attirer des capitaux pour poursuivre son développement.

L’internationalisation de la place chinoise suppose l’abandon des règles de protection des banques et des courtiers locaux. La lutte contre la corruption constitue une autre obligation. La question des droits de l’Homme et de la transparence du régime constitue également un frein à l’essor de la bourse de Shanghai.  La situation à Hong Kong inquiète certains responsables occidentaux. La banque HSBC fait l’objet de pressions pour démettre de certaines fonctions des représentants chinois. 

Si dans les hautes technologies, la dépendance de l’occident à l’encontre de la Chine est forte, elle est très faible en matière financière. Les cinq premières banques de Wall Street n’ont que 1,6 % de leurs actifs exposés à la Chine et à Hong Kong. Les entreprises chinoises sont peu présentes financièrement à l’étranger même si toute prise de participation est médiatisée. Elle est comparée à celle des Etats-Unis, du Japon, de l’Allemagne ou de la France sans commune mesure. Le RMB n’est pas une devise de taille mondiale ; les exportateurs chinois commercent essentiellement en dollars.

Si les autorités chinoises entendent construire une alternative au réseau monétaire mondial américain, cet objectif nécessitera du temps et suppose des changements politiques qu’elles ne sont pas prêtes à accepter.