30 mars 2019

Le Coin de la Conjoncture

Le climat des affaires reste bien orienté en France

En mars 2019, le climat des affaires est légèrement plus favorable qu’en février. L’indicateur qui le synthétise (calculé à partir des réponses des chefs d’entreprise des principaux secteurs d’activité marchands) gagne un point : il se situe à 104, au-dessus de sa moyenne de longue période (100). Par rapport à l’enquête précédente, l’indicateur de climat des affaires est stable ou quasi stable dans les services, le commerce de détail, l’industrie manufacturière et le bâtiment. Il rebondit de huit points dans le commerce de gros, par rapport à l’enquête bimestrielle de janvier. Il se situe au-dessus de sa moyenne de longue période dans tous ces secteurs.

En mars 2019, le climat de l’emploi s’améliore de nouveau un peu, après une progression plus marquée en février : l’indicateur qui le synthétise gagne un point et se situe à 108, bien au-dessus de sa moyenne de longue période. Cette amélioration est essentiellement due à la hausse du solde d’opinion relatif à l’emploi prévu dans les services hors agences d’intérim.

L’indicateur de retournement pour l’ensemble de l’économie reste dans la zone indiquant un climat conjoncturel favorable.

Après avoir fortement baissé au cours de l’année 2018, le climat des affaires s’améliore. Il est porté par les effets des mesures annoncées au mois de décembre par le Président de la République sur le pouvoir d’achat. Par ailleurs, la France résiste mieux que ses partenaires au ralentissement des échanges industriels.

Le moral des ménages en hausse

Comme pour le climat des affaires, le moral des ménages en France est en progrès en mars. En effet, l’indicateur qui mesure la confiance des ménages dans la situation économique gagne un point et atteint 96. Il demeure toutefois au-dessous de sa moyenne de longue période (100).

En mars, le solde d’opinion des ménages quant à leur situation financière future gagne 2 points mais reste également au-dessous de sa moyenne de longue période. Le solde d’opinion des ménages quant à leur situation financière passée est stable et demeure également inférieur à sa moyenne de longue période.

La proportion de ménages estimant qu’il est opportun de faire des achats importants augmente légèrement par rapport au mois de février. Le solde d’opinion correspondant gagne 2 points mais se maintient lui aussi au-dessous de sa moyenne.

L’opinion des ménages sur leur capacité d’épargne s’améliore de nouveau en mars. En effet, le solde correspondant à la capacité d’épargne actuelle gagne 2 points, tandis que celui correspondant à la capacité d’épargne future en gagne un. Ces deux soldes restent au-dessus de leur moyenne de longue période.

La part des ménages estimant qu’il est opportun d’épargner baisse quant à elle légèrement. Le solde correspondant perd un point et demeure bien au-dessous de sa moyenne de longue période.

En revanche, les Français sont moins confiants en ce qui concerne la situation à venir du marché de l’emploi. L’indicateur mesurant les craintes de chômage gagne 10 points après avoir très fortement baissé en février (-21 points). Il demeure néanmoins au-dessous de sa moyenne de longue période.

En mars, les ménages estimant que les prix ont augmenté au cours des douze derniers mois sont sensiblement plus nombreux qu’en février. L’indicateur progresse de 8 points mais demeure légèrement au-dessous de sa moyenne de longue période. À l’inverse, les ménages estimant que les prix vont augmenter au cours des douze prochains mois sont moins nombreux que le mois précédent. Le solde correspondant perd 5 points, mais se maintient au-dessus de sa moyenne de longue période.

Le meilleur moral des ménages est imputable à l’amélioration du pouvoir d’achat et au ralentissement de la hausse des prix. Les soubresauts de la crise des « gilets jaunes » ne sont pas venus enrayer le processus de hausse de l’indicateur mesurant la confiance des ménages.

Quand la dette prend le pas sur les salaires

Au sein de l’OCDE, depuis 2001, la croissance des salaires est, en moyenne, inférieure à celle des gains de productivité. Cette évolution conduit à une baisse de l’inflation sous-jacente. Cette dernière est passée de plus de 2 % à moins de 1,4 % de 1995 à 2019 en moyenne au sein des pays de l’OCDE. L’absence de contagion de la hausse des prix sur les salaires a été un des arguments mis en avant par les banques centrales pour l’introduction des politiques monétaires non conventionnelles. Il en résulte une déconnexion de plus en plus nette entre l’évolution du PIB et du taux de chômage avec les taux d’intérêt et l’inflation.

Puisque les taux d’intérêt sont très faibles par rapport au taux de croissance, les taux d’endettement augmentent. La dette des entreprises et des ménages est passée de 57 à 70 % du PIB entre 1995 et 2018. Elle avait atteint un maximum en 2008 à 82 % du PIB. La dette des États a enregistré une augmentation quasi continue depuis 1995. En vingt-cinq ans, elle s’est accrue de 30 points de PIB (78 à 118 % du PIB).

Cet endettement a compensé l’attrition de la croissance. Le recours à l’emprunt a permis tout à la fois d’effacer la baisse des gains de productivité et la faiblesse des salaires. Les économies occidentales ont continué à vivre en retenant une base de croissance de 2 à 3 %. Ce surcroît de richesse fictive a été utilisé pour augmenter les prestations sociales et pour financer les dépenses de fonctionnement des administrations publiques.

Les faibles taux d’intérêt ont rendu possible la substitution des salaires par la dette. Cette évolution est une source de déséquilibres. L’augmentation de la dette constitue une menace à terme. Par ailleurs, elle ne garantit pas une bonne allocation des ressources. Elle permet le maintien d’activités non rentables. Les entreprises sont également incitées à privilégier les rachats d’actions pour améliorer la valeur des cours et à distribuer leurs dividendes plutôt que de les réinvestir. La profitabilité est inutilement élevée puisqu’elle est supérieure à celle qui couvre le financement des investissements des entreprises. Le taux d’autofinancement, ratio des « cash flows » à l’investissement, est supérieur à 100 % en 2018 contre 85 % en 1995. 

Europe, États-Unis, une question de marché financier

L’écart de croissance entre la zone euro et les États-Unis est assez important depuis près de 10 ans. L’écart en défaveur de l’Europe est, en effet supérieur à 1,5 point. Avec la reprise intervenue en 2016, il était considéré que les États membres de la zone euro allaient compenser le déficit de croissance mais tel n’a pas été le cas jusqu’à présent. Ce déficit tend même à s’accroître. Depuis 2002, le PIB a augmenté de près de 40 % aux États-Unis quand, la hausse a été de 20 points pour la zone euro. Si en 2007, l’écart n’était que de 3 points, dix ans plus tard, il a atteint 20 points. Le taux de chômage baisse depuis 2009 aux États-Unis et seulement depuis 2013 dans la zone euro. Le taux de chômage reste deux fois plus élevé en zone euro qu’aux États-Unis. Ce décalage de croissance s’accompagne d’une balance des paiements courants excédentaire de la part de la zone euro qui, de ce fait, ne manque pas d’épargne et de capitaux pour conforter sa croissance. Le décalage de croissance résulterait notamment de la fin de la mobilité des capitaux au sein de la zone euro sur fond de profonde aversion aux risques. Les pays à excédent d’épargne (Allemagne et Pays-Bas) ont arrêté de prêter cet excédent d’épargne aux autres pays. Les agents économiques européens ont réduit leur exposition aux risques et privilégient les placements sûrs, les obligations des États du cœur de l’Europe, l’Allemagne et la France. Les pays périphériques qui ont dû faire disparaître leur déficit extérieur, ont, de ce fait, comprimé leur demande intérieure. Les investissements ont été reportés faute de financement en provenance des pays à excédent d’épargne.  L’Italie, le Portugal et la Grèce sont particulièrement concernés. L’Espagne a subi une forte contraction de sa demande intérieure entre 2007 et 2013 avant de renouer avec la croissance. La demande intérieure en Grèce est inférieure de 40 points à celle enregistrée en 2007. Pour l’Italie et le Portugal, la baisse est de 5 points. L’Espagne a perdu entre 2007 et 2013 15 points de demande intérieure avant d’en regagner 12. Depuis l’instauration de l’euro, l’Espagne a connu une augmentation de sa demande intérieure de 22 points quand pour l’Italie une stagnation est constatée. Pour la Grèce, la diminution est de 10 %.

Les États-Unis disposent d’un large marché intérieur bénéficiant d’une libre circulation du capital. L’aversion aux risques y est moins importante qu’en Europe. Par ailleurs, les banques de la zone euro ont une profitabilité et une rentabilité du capital plus faibles qu’aux États-Unis. La réglementation européenne est plus stricte surtout pour les banques systémiques. La taille des bilans des banques représente 100 % du PIB aux États-Unis contre 240 % du PIB en Europe. Les levées de capitaux sont plus difficiles en Europe. Le financement de l’économie reste majoritairement réalisé par crédits en Europe. L’encours des obligations d’entreprise atteint 12 % du PIB en zone euro contre 26 % aux États-Unis. L’encours des crédits aux entreprises représente 90 % du PIB en zone euro contre 18 % aux États-Unis.

Une partie probablement importante de l’écart de croissance entre les États-Unis et la zone euro depuis la crise peut être attribuée à la finance. L’arrêt de la mobilité des capitaux entre les pays de la zone euro et la segmentation des marchés financiers entre les pays de la zone euro ne permettent pas une allocation optimale des capitaux. Le développement des entreprises est entravé par l’absence de profondeur des marchés financiers. Par ailleurs, la zone euro est pénalisée par le poids des grandes banques dont la profitabilité et la rentabilité du capital sont devenues faibles avec les courbes des taux d’intérêt plates et la détention réglementaire d’actifs à rendements faibles. L’activité bancaire se concentre sur des activités à faibles risques. Elles peinent par ailleurs à attirer du capital. Elles sont contraintes de revoir leur modèle de croissance en jouant sur les commissions et en réduisant leur nombre d’agences. La politique monétaire de taux bas que l’Europe est contrainte de maintenir est sur longue période pernicieuse pour la croissance.