11 avril 2025

Le Coin de la Conjoncture – croissance France – vulnérabilité énergétiques

La croissance de la France en pente douce

La France était, avant la crise douanière,  sur un rythme de croissance faible mais réelle, autour de 0,7/1 % en rythme annuel. Le premier trimestre 2025 devrait donner lieu, après le recul du PIB au dernier trimestre 2024, à une reprise de la croissance. Les annonces de Donald Trump pourrait fragiliser cette petite croissance même si la France est moins exposée que l’Allemagne au commerce extérieur.

Avant les droits de douane, tout allait mieux…

Selon l’enquête annuelle de la Banque de France réalisée auprès des chefs d’entreprise, l’activité en mars a progressé, pour le troisième mois consécutif, à un niveau supérieur à la moyenne de long terme. L’activité était alors principalement tirée par l’aéronautique et l’automobile. Pour ce dernier secteur, les constructeurs ont accru leur production de modèles anciens à moteur thermique et de véhicules hybrides, ceux à motorisation électrique étant en retrait. L’habillement‑textile‑chaussure a également connu une progression de son activité notamment dans le luxe en anticipation de la hausse des droits de douane américains. À l’opposé, les autres produits industriels et les produits informatiques‑électroniques‑optiques ont légèrement reculé.

Le taux d’utilisation des capacités de production (TUC) pour l’ensemble de l’industrie a atteint 75,4 % en mars (contre 75,2 % en février) sensiblement en-deçà de sa moyenne de long terme (77,2 %). Il progresse dans la pharmacie et le matériel de transport (+1 point), mais recule dans la chimie et les produits informatiques‑électroniques‑optiques (-1 point).

Dans les services marchands, après une pause en février, l’activité était orientée à la hausse en mars, conformément aux anticipations des chefs d’entreprise recueillies le mois précédent. Elle était en progression dans les services d’information et dans l’hébergement‑restauration, l’édition et le nettoyage. En revanche, elle a reculé sur les segments du travail temporaire et de la location automobile (durée de location plus courte des clients).

Dans le bâtiment, l’activité augmentait légèrement, comme anticipé par les chefs d’entreprise le mois dernier. Elle a redémarré dans le gros œuvre, tandis qu’elle a ralenti dans le second œuvre. Les chefs d’entreprise du gros œuvre font état d’une amélioration légère de la demande sur la maison individuelle en lien avec la baisse des taux d’intérêt et la reconduite du dispositif prêt à taux zéro (PTZ).

Un avril qui commençait sur de bonnes bases mais….

En avril, selon les anticipations des industriels mesurées avant l’annonce du 2 avril sur les droits de douane, l’activité continuerait de progresser mais sur un rythme plus ralenti. Elle resterait orientée à la hausse dans l’aéronautique (toujours portée par le spatial et le militaire) et l’automobile, se redresserait dans les produits informatiques‑électroniques‑optiques, et se renforcerait dans l’agroalimentaire. En revanche, elle reculerait dans les produits en caoutchouc ou plastique et l’habillement‑textile‑chaussure (impact négatif attendu de la hausse des droits de douane américains). Dans les services marchands, l’activité resterait en hausse modérée. Elle progresserait notablement dans les activités d’ingénierie, les activités de loisirs et les services à la personne, et resterait orientée à la hausse dans l’édition et les services d’information. Elle continuerait de reculer, en revanche, dans le travail temporaire et la location automobile. Dans le bâtiment, l’activité serait stable, tirée par le second œuvre, tandis que le gros œuvre serait en recul.

Selon la Banque de France, le PIB pourrait augmenter de 0,2 % au premier trimestre. Il serait porté ce trimestre par un rebond de la valeur ajoutée dans les services marchands et dans l’industrie manufacturière, après un repli observé dans ces deux secteurs au cours du trimestre précédent, repli provoqué par le contrecoup des Jeux olympiques et paralympiques – JOP – pour les services. La valeur ajoutée se stabiliserait dans le secteur de l’énergie et serait en léger recul dans la construction. 

Le défi de la vulnérabilité énergétique

Pour un nombre croissant de ménages, en France, le chauffage devient un luxe,  maintenir son foyer à température acceptable exige d’arbitrer entre le confort et d’autres dépenses de consommation. Longtemps, la France a bénéficié d’une énergie électrique relativement bon marché grâce à son parc nucléaire. La guerre en Ukraine a mis un terme à cette situation avec une forte hausse du cours du gaz et la nécessité, pour EDF, d’investir pour renouveler ses centrales vieillissantes.

En 2021, selon l’INSEE, près de 5 millions de ménages en France métropolitaine, soit 17,4 %, ont consacré plus de 9,2 % de leur revenu disponible à la consommation énergétique conventionnelle de leur logement. Ce seuil, fixé au double de la médiane nationale, est un marqueur de précarité pour les ménages concernés.

71 % des ménages en situation de vulnérabilité énergétique vivent dans des logements classés E, F ou G par le diagnostic de performance énergétique. Les dépenses énergétiques conventionnelles d’un logement classé A sont quatre fois moindres que celles d’un logement classé G. Les Français ne sont donc pas tous égaux face aux factures énergétiques. Aux disparités de bâti s’ajoutent les inégalités de source d’énergie. Le chauffage au fioul, plus courant dans les zones rurales, coûte près de 2 910 euros par an, contre 1 710 euros en moyenne toutes énergies confondues. En Lozère, on dépense 2 280 euros pour un confort thermique standard, soit plus de 1 000 euros de plus qu’à Montpellier ou Nice.

44,4 % des ménages vulnérables sont sous le seuil de pauvreté contre 14,6 % des ménages français. Parmi les ménages modestes (ménages du premier quintile) ; 53 % doivent affronter cette vulnérabilité. Les classes moyennes peuvent également être confrontés à la précarité énergétique, 12 % des ménages vulnérables disposent d’un niveau de vie supérieur à la médiane. La qualité du logement est un élément déterminant de la précarité énergétique. Un ménage modeste habitant un logement bien isolé (classé A à C) est deux fois moins souvent vulnérable que celui résidant dans une passoire énergétique. La structure du bâti module donc la charge budgétaire, parfois plus fortement que les revenus eux-mêmes.

La moitié des ménages en situation de vulnérabilité énergétique sont des personnes seules de 60 ans ou plus. Elles perçoivent en moyenne moins de 1 960 euros par mois, contre 3 400 euros pour les couples, et vivent majoritairement dans des logements anciens, souvent mal isolés. N’ayant pas les moyens de réaliser des travaux ou n’en ayant pas la volonté, les ménages âgés sont plus sujets à la précarité énergétique. De même, les familles monoparentales affichent un taux de vulnérabilité de 15 %, du fait de revenus limités et d’un accès difficile à un logement performant.

Contrairement à une idée reçue, être propriétaire de son logement n’est pas une garantie contre la vulnérabilité. 18,3 % des propriétaires occupants y sont exposés, contre 16 % des locataires. Près de la moitié des ménages vulnérables sont propriétaires occupants. Le parc ancien, hérité ou acquis il y a longtemps, est plus exposé à la vulnérabilité énergétique. Les aides publiques, notamment MaPrimeRénov’, permettent une prise en charge jusqu’à 80 % des travaux de rénovation pour les ménages les plus modestes. Le reste à charge élevé, la complexité des démarches administratives, la crainte de l’endettement, l’indisponibilité des artisans expliquent le non-recours par les ménages propriétaires qui pourraient en profiter. Chez les propriétaires bailleurs, les freins sont multiples : perte temporaire de loyers, rigidité des dispositifs, difficulté de trouver des artisans.

La précarité énergétique n’est pas la même en fonction des territoires. Le climat et la qualité du bâti expliquent en partie les écarts entre les territoires. En zone rurale non périurbaine, le taux de précarité énergétique atteint 31,7 %, contre 13,1 % dans les pôles urbains. Dans les départements de montagne ou du Massif central, plus de 25 % des ménages sont concernés. Le climat doux du littoral méditerranéen allège la facture, sauf dans les zones où le parc résidentiel est vétuste (Gard, Aude).