12 mars 2016

Le Coin de la conjoncture du 11 mars 2016

 

Le Brexit, un débat de plus en plus anxiogène

La campagne électorale sur la sortie ou non du Royaume-Uni de l’Union européenne commence à peser sur l’activité économique. En 2015, le taux de croissance avait été de 2,2 % outre-manche, en léger retrait par rapport à 2014 où il s’était élevé à 2,6 %. Ce ralentissement risque de s’accélérer dans les prochains mois et d’ici le 23 juin, date du référendum. L’incertitude générée par l’éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne provoque un attentisme du côté des investisseurs et des dirigeants d’entreprise.

Le secteur le plus touché pour le moment est la construction. Les professionnels de  ce secteur craignent une baisse des prix de l’immobilier du fait de la diminution des acheteurs potentiels. Le bâtiment contribue à 6,5 % au produit intérieur brut. 280 000 entreprises employant plus de trois millions de personnes, soit 10 % de la population active, seraient concernées. En cas de sortie de l’Union, le Royaume-Uni pourrait moins attirer les multinationales et les résidents étrangers. En outre, le Brexit devrait provoquer une chute de la Livre Sterling ce qui incite les investisseurs à reporter leurs acquisitions, soit pour profiter de la dépréciation, soit par crainte de voir fondre la valeur de leurs actifs.

Le Royaume-Uni qui est une plateforme importante pour de nombreuses multinationales notamment américaines pourrait ainsi enregistrer une baisse de l’investissement. Cette contraction pourrait en premier lieu concerner les entreprises exportatrices comme celles du secteur automobile (BMW, Toyota, Tata avec Range Rover…).

La crainte d’un trou noir inquiète de plus en plus le milieu des affaires. Il met en avant que la sortie nécessiterait un temps d’adaptation à la nouvelle donne. Il considère que deux ans seraient nécessaires pour régulariser la situation et rétablir un cadre commercial avec les Etats membres de l’Union européenne. Néanmoins, il n’y a pas d’unanimité au sein de la sphère économique. Le directeur de la Chambre de commerce britannique, John Longworth, s’est prononcé favorable à un Brexit. Il a déclaré que « le dynamisme et la résistance de la City et des entreprises britanniques me font penser que, sur le long terme, nous avons la capacité et l’aptitude de nous créer un futur économique brillant hors de l’UE ». Cette position a entraîné la colère du Premier Ministre, David Cameron qui a même demandé sa suspension.

Face à la montée des incertitudes, le gouverneur de la Banque d’Angleterre (BoE) Mark Carney a été contraint de monter au créneau et de souligner que l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne renforce le « dynamisme de l’économie britannique ». Il a insisté sur le fait qu’une éventuelle sortie représente la plus grosse menace intérieure à laquelle le pays a été confronté depuis de très nombreuses décennies. « Une économie plus dynamique est plus résistante aux chocs, peut croître plus rapidement sans générer de pressions inflationnistes ni créer de risques pour la stabilité financière et peut aussi être associée à une compétitivité plus efficace », a écrit M. Carney dans une lettre adressée à la Commission des finances du Parlement britannique. Dans cette lettre, M. Carney a également indiqué que « le reste de l’UE est plus important pour le commerce et l’investissement au Royaume-Uni que l’inverse ». Il a ajouté que « dans l’état actuel des choses, nous disposons des outils pour atteindre la stabilité financière », et l’accord conclu en février avec l’Union par le Premier ministre britannique David Cameron contient « un nombre de protections et d’outils supplémentaires pour aider à garantir la capacité de la Banque à continuer d’atteindre ses objectifs statutaires ».

Une sortie de l’Union entrainerait une période d’incertitude pèserait, selon lui, sur la livre britannique et sur les investissements étrangers au Royaume-Uni. Il a affirmé que certaines grandes banques internationales étudient actuellement la possibilité de transférer leurs activités de Londres vers l’Irlande et le continent européen. Compte tenu de son devoir de réserve, il a mentionné que cette prise de position n’est pas une « recommandation de vote ».

 Pourquoi le Brésil ne tourne plus rond ?

Le Brésil est confronté à une de ses plus graves crises de son histoire contemporaine. Le PIB a reculé de 3,8 % en 2015. Cette crise intervient en pleine période d’inter-jeux, entre le Mondial de Football et les Jeux Olympiques. Elle se double d’une crise politique.

La fête est terminée

En 2010, la croissance du PIB brésilien était de 7,5 %. Certains imaginaient que le pays pouvait rapidement s’immiscer parmi les très grandes puissances mondiales et même dépasser les vieux pays européens. Durant près de dix ans, le Brésil a bénéficié à plein de l’augmentation des prix des matières premières agricoles et énergétiques (canne à sucre, le Brésil représente 60 % des exportations du sucre dans le monde ; le soja ; le bioéthanol – premier producteur mondial – ainsi que le pétrole avec les forages de haute mer…). Son vaste marché intérieur avec une classe moyenne en pleine croissance attirait les capitaux étrangers et constituait la nouvelle « place to be » pour les firmes multinationales.

Or, le Brésil est une des premières victimes de la réorientation économique de la Chine, de la moindre croissance des échanges commerciaux internationaux et de la remontée des taux aux Etats-Unis. La Chine, en optant pour un développement par la demande intérieure et en connaissant un trou d’air, a ralenti ses achats extérieurs de matières premières. La chute des cours a réduit les excédents commerciaux brésiliens contribuant ainsi à l’affaiblissement du réal, la monnaie brésilienne. Le départ des capitaux du Brésil, la dépréciation de la monnaie et les augmentations salariales décidées au nom de la paix sociale ont provoqué un surcroit d’inflation. Cette dernière a réduit la demande des ménages. Les pouvoirs publics ont dû relever les taux d’intérêt pour la juguler et pour freiner les départs de capitaux, hausse qui évidemment pénalise l’activité.

 

Le Brésil est handicapé, de plus, par une série de scandales financiers concernant notamment l’actuelle présidente, Dilma Roussef. Elle est menacée de destitution dans l’affaire de corruption du géant pétrolier, Petrobas. Cette affaire touche également l’ancien Président, Luiz Inacio Lula da Silva. Un procureur de Sao Paulo a requis à son encontre des poursuites pénales. L’ancien président est poursuivi pour occultation de patrimoine et blanchiment d’argent. La compagnie Petrobras est accusée d’avoir versé des commissions clandestines aux responsables de plusieurs partis politiques. Les commissions porteraient sur plus de 2,5 milliards d’euros.

 

Pour tenter de restaurer la confiance, le ministre brésilien des finances a annoncé des mesures de réduction des dépenses publiques et une réforme des retraites. Le Gouvernement est confronté à un dilemme comment faire repartir la croissance tout en évitant un dérapage des finances publiques. En effet, la dette brésilienne représente déjà 75 % du PIB et pourrait atteindre 85 % en 2017. Pour contrecarrer la récession, le Gouvernement brésilien et les entreprises attendent avec impatience les Jeux Olympiques.

 

Les entreprises françaises implantées au Brésil sont impactées par la contraction de l’activité. Ainsi, Casino qui est une marque phare de la distribution avec Carrefour, a décidé de réduire son exposition. Le groupe Accor-Hôtels a enregistré une baisse de son chiffre d’affaires de 6 % sur un an et espère que le nombre de touristes augmentera au cours de l’été. Les ventes de cosmétiques sont en forte contraction pour l’Oréal. Le groupe PSA a réduit, au cours de ces derniers mois, sa production de 30 à 40 %. Le groupe Vallourec a été contraint de fermer une usine.

Sur un plan plus structurel, de nombreux goulots d’étranglement existent. L’insuffisance de la main d’œuvre qualifiée, de la production d’électricité, la faiblesse des infrastructures de transport, le manque des investissements publics pénalisent l’activité notamment industrielle.

 

Pourquoi la France n’en finit pas de déprimer économiquement ?

La croissance française est désormais inférieure à celle de la zone euro, Ainsi, en 2015, elle n’a été que de 1,1 % pour une moyenne au sein de la zone euro de 1,4 %.

Un potentiel mal valorisé

Compte tenu de son potentiel géographique, démographique et économique, la France devrait obtenir de meilleurs résultats. En effet, l’augmentation de la population, la qualité de ses infrastructures et le niveau correct de formation des actifs constituent d’indéniables d’atouts. Par ailleurs, de manière plus conjoncturelle, la chute du prix du pétrole et la dépréciation de l’euro sont des facteurs qui auraient dû avoir un impact positif plus important, l’économie française répondant en règle générale, assez bien aux baisses des prix de l’énergie et aux dépréciations de la monnaie.

Le changement de l’orientation de la politique économique et fiscale du Gouvernement aurait pu également conduire à une reprise plus forte de l’activité. Ainsi, le poids des prélèvements supportés par les entreprises (cotisations sociales, impôt sur les bénéfices, impôts sur la production, impôts divers) est passé, de 2014 à 2016, de plus de 18 % à 17,5 % du PIB. Ce taux était de 17 % avant la crise de 2008. Il en résulte une amélioration du taux de marge et des profits. Le taux de marge est ainsi passé pour l’industrie manufacturière de 29 à près de 35 % de la valeur ajoutée de 2009 à 2016. Les profits après taxes, intérêts et dividendes ont atteint plus de 10 % du PIB en 2016  contre 8 % en 2013. Les entreprises bénéficient, enfin, d’une baisse des taux du crédit qui en moyenne s’élève en ce début d’année 2016 à 2 % contre 6 % en 2008. Même si cela donne lieu à débat, l’accès aux crédits ne semble pas poser réellement de problème.

Quels sont alors les facteurs de blocage de la croissance en France ?

Le coût élevé du travail (tout particulièrement celui des non qualifié) est mis en avant. Cela expliquerait le taux de chômage des jeunes sans qualification qui atteint plus de 40 %.

Le coût horaire est de 35 euros de l’heure en France contre 29,6 aux Etats-Unis, 23,1 au Royaume-Uni, 21,4 en Espagne et de 32,3 en Allemagne. La comparaison des coûts doit être relativisée. Il faut tenir compte de la productivité horaire et des coûts indirects. La productivité par tête est ainsi élevée en France même si elle a tendance à stagner depuis deux ans. Elle compense en partie le surcoût salarial avec comme conséquence une difficulté d’insertion pour les actifs les moins productifs. La stagnation actuelle de la productivité proviendrait pour certains du fait que les entreprises n’ont pas complètement ajusté leurs effectifs. Cela pourrait, à terme, amener à une augmentation du nombre de demandeurs d’emploi. Pour des raisons sociales ou du fait de la rigidité de la réglementation, les entreprises auraient, en effet, choisi de se maintenir en sureffectif qui sont évalué entre 100 000 et 150 000.

Trop pas de gamme

La France souffre du mauvais positionnement de son activité économique. Les entreprises demeurent positionnées sur des marchés où le critère prix est premier. La France est deux fois moins présente que l’Allemagne sur le haut de gamme. Les entreprises françaises sont concurrencées par leurs homologues espagnoles, d’Europe de l’Est voire des pays émergents. Ce mauvais positionnement se traduit également par un poids très important d’emplois à faible qualification, la France en compte deux fois plus que l’Allemagne.

Mode de fixation des salaires

Les modalités de fixation des salaires et leur évolution constituent un frein à l’adaptation de l’économie française. Les services qui représentent plus de 78 % de la valeur ajoutée imposent leurs règles quand, en Allemagne, la fixation des salaires s’effectue branche par branche. En France, le SMIC et la fonction publique (avec la revalorisation du point et le  glissement, vieillesse, technicité)  donnent le « la ». Du fait des plus faibles gains de productivité dans les services, la progression des salaires devrait y être sensiblement plus faible que dans l’industrie. Les salaires sont assez insensibles à la conjoncture en France à la différence de ce qui est constaté chez plusieurs de nos partenaires.

Retard dans les TIC

La France est pénalisée par le retard pris dans les techniques de l’information et de la communication (TIC). En France, ce secteur représente 4,33 % du PIB contre 5,5 % du PIB dans les autres pays de l’OCDE. 3,5 % des emplois en France dépendent des TIC quand ce poids est de 5 % aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, de 6 % en Suède et de 7% en Finlande, la moyenne européenne étant à 3,7 %. De même, l’investissement dans les TIC (hors logiciels) reste inférieur à 1 % du PIB quand la moyenne est proche de 2 % au sein des pays d’Europe du Nord.