12 mai 2018

Le Coin de la conjoncture du 12 mai 2018

La dette nous tuera-t-elle ?

En 2016, selon l’Office Français des Conjonctures Economiques, l’endettement public et privé a dépassé plus de 164 000 milliards de dollars, soit une augmentation de 40 % par rapport à 2007. La dette privée en constitue les deux tiers.

L’OCDE, en tête pour l’endettement

La dette totale des pays de l’OCDE est passée de 220 à 340 % du PIB de 1996 et 2018. Celle de la Chine atteint 250 % du PIB contre 100 % il y 22 ans.

La dette des ménages tend à s’accroître légèrement avec la baisse des taux d’intérêt. Elle a néanmoins poursuivi sa baisse en Espagne après l’éclatement de la bulle immobilière. La France est un des pays de l’OCDE où la dette des ménages tend à augmenter le plus vite. Cela est lié à la progression des crédits à l’habitat.

Le recours à l’endettement pour les entreprises au sein de l’OCDE concerne essentiellement les États européens à l’exception de l’Allemagne. Le financement aux États-Unis s’effectue essentiellement par l’intermédiaire des actions. Sur ces deux dernières années, cet endettement s’est stabilisé.

Lors de ces deux dernières années, l’endettement public s’est stabilisé au sein de l’OCDE. L’amélioration de la croissance a contribué, en grande partie, à ce résultat. Seule l’Allemagne parmi les grands États, grâce à des excédents budgétaires, s’est engagée dans un processus de réduction de la dette publique.

Si une légère baisse est constatée au sein de la zone euro, il n’en demeure pas moins que « la dette publique dans les économies avancées est à des niveaux jamais vus depuis la dernière guerre mondiale », comme l’a souligné en avril dernier Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds Mondial International (FMI).

 Les pays émergents s’endettent également

dette des pays émergents hors Chine, hors OPEP, hors Russie s’élève à 120 % du PIB contre 90 % en 1996. Ainsi que le FMI l’a récemment indiqué, la dette totale chinoise connaît, depuis quelques années, une très forte croissance mais le pays dispose encore de marges de manœuvre en raison du fort taux d’épargne et des excédents de sa balance des paiements courants. Néanmoins, ce pays pourrait être touché si les taux retrouvaient un niveau normal.

Qu’est-ce qu’une dette anormale ?

Mais, au-delà, des montants qu’est-ce qu’une dette excessive ? Plusieurs critères peuvent être retenus. Une dette devient dangereuse quand elle se traduit par une solvabilité des emprunteurs qui ne résisterait pas à la normalisation des taux d’intérêt ou par une solvabilité qui s’étiolerait en cas d’affaiblissement de la croissance ou en cas de déficit de la balance des paiements courants croissant. Une dette peut devenir également un problème si elle n’est pas la contrepartie d’une accumulation de capital. Elle peut être également un problème si elle n’est pas couverte par l’épargne domestique du pays.

Si la dette a comme contrepartie une accumulation de capital, et si le rendement du capital est supérieur aux taux d’intérêt sur la dette, l’endettement n’est pas dangereux. En la matière, le stock de capital progresse moins vite que la dette au sein de l’OCDE. De 1996 à 2018, le premier est resté stable quand la seconde s’est accrue de plus de 50 %. En Chine, le stock de capital est passé de 90 à 200 % du PIB. Pour les pays émergents non exportateur de pétrole, le stock de capital reste supérieur à la dette mais sa progression est plus lente que pour cette dernière.

Si l’épargne domestique ne couvre pas la dette, le pays est contraint de se financer à l’étranger ce qui accroît sa fragilité financière. Mais, aujourd’hui, l’économie mondiale se caractérise par un excès d’épargne. L’OCDE et les pays émergents hors Chine ont accumulé une dette extérieure nette mais assez faible, quand la Chine a des actifs extérieurs. Le taux d’épargne est de 23 % du PIB au sein de l’OCDE, 26 % au sein des pays émergents hors Chine et exportateurs de pétrole et de 45 % pour la Chine.

La situation des dettes reste en l’état actuel soutenable tant que les taux restent inférieurs à leur niveau potentiel et tant que l’épargne reste élevée. Les pays de l’OCDE apparaissent les plus vulnérables du fait de l’importance, pour certains d’entre eux, de leur déficit de la balance des paiements courants. Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France enregistrent des déficits des paiements courants qui exigent un flux de capitaux en provenance de l’extérieur. La Chine connaît une forte progression de sa dette qui la rend sensible aux évolutions de taux. Cette situation prévaut également pour les autres pays émergents dont une part non négligeable de la dette est souscrite en dollars et qui peut donc connaître des effets de change.

 Jours fériés, de la passe de quatre au financement de la dépendance

1er mai, 8 mai, jeudi de l’ascension et lundi de Pentecôte, ce mois de mai 2018 aura été marqué par une succession de jours fériés qui se situaient, pour les deux premiers d’entre eux, en milieu de semaine. Il ne comptera ainsi que 19 jours travaillés. Il fallait remonter à 2015 pour retrouver un tel scénario. Comme lors de chaque mois de mai entrecoupé par plusieurs ponts, le débat sur leur effet économique est relancé.

 La France est-elle la championne du monde des jours fériés ?

La France n’est pas le pays comptant le plus de jours fériés. En effet, avec 11 jours fériés, notre pays est dépassé par la Colombie (18 jours), la Malaisie (16), le Japon (15), l’Espagne et le Portugal (14). En revanche, nous sommes mieux lotis que le Mexique (7), la Roumanie et les Pays-Bas (8 jours fériés). Au-delà des jours fériés, il convient de prendre en compte l’ensemble des jours de congés. En France, en moyenne, chaque salarié en dispose de 36. Les Français sont devancés par les Autrichiens et les Maltais (38 jours de congés et féries). Suivent les Grecs, les Polonais et les Boliviens avec 37 jours. En ont également 36 les Britanniques, les Boliviens, les Espagnols et les Suédois. En revanche, les Allemands ne bénéficient que de 29 jours.

Temps de travail et productivité

En prenant en compte, le nombre d’heures travaillées, la France est juste devancée par les Allemands, les Danois et les Néerlandais. Ce classement doit être relativisé car ces dernier trois pays se caractérisent par un fort recours au travail partiel, ce qui abaisse le temps de travail par actif.

Le temps de travail n’est pas un juge de paix intangible pour apprécier l’efficacité d’une économie. Le nombre d’heures de travail est élevé en Grèce sans déboucher sur une forte croissance contrairement à l’Allemagne. Pour mesurer la compétitivité de l’économie, la prise en compte de la productivité est indispensable. Or, en la matière, la France se situe en haut du classement. Elle n’est dépassée, en Europe, que par les Belges et les Néerlandais. Elle devance légèrement l’Allemagne. Pour compenser le faible temps de travail et son coût élevé, il est nécessaire d’être productif. La contrepartie de cette productivité élevée est la difficulté pour les personnes à faible qualification de rentrer sur le marché du travail. L’Allemagne peut se permettre d’avoir un faible nombre d’heures de travail car son industrie est très productive. Il faut également relativiser la notion de productivité qui valorise les coûts élevés de travail.

Au-delà du nombre d’heures de travail, de la productivité, la France a un problème de compétitivité comme en témoigne son déficit commercial structurellement déficitaire. Depuis plus de 15 ans, la France enregistre un déficit extérieur qui s’accroît dès que la croissance repart. Le déficit commercial a ainsi atteint 62,8 milliards d’euros en 2018 en hausse de 29 % par rapport à 2017. La France est positionnée sur des créneaux de gamme moyenne et non sur des créneaux de haut de gamme comme l’Allemagne. La France est en compétition avec des pays comme l’Espagne, le Portugal, la Turquie ou les pays émergents. De ce fait, nos surcoûts et notre faible temps de travail sont de réels handicaps. Les Allemands sont « price maker » car ils sont la référence en matière de production industrielle. Ils peuvent imposer leurs prix. Ils ont également joué avec excellence la logique de la division internationale du travail en important des pays émergents en particulier ceux d’Europe orientale des biens intermédiaires.

Pour gagner en productivité ou pour financer les dépenses sociales, faut-il supprimer un ou plusieurs jours fériés ? Et dans ce cas, lequel ?

Depuis plus d’une cinquantaine d’années, la suppression d’un ou plusieurs jours fériés est à l’ordre du jour. Certains sont intouchables comme le 25 Noël, le jour de l’An ou le 1er mai. Ce dernier est le seul jour officiellement chômé et payé. Il est lié à la demande des syndicats américains de la limitation à 8 heures de la journée de travail. Les syndicats portaient cette revendication depuis le 1er mai 1884. La date du 1er mai était un symbole. Elle correspondait alors au premier jour de l’année comptable des entreprises. Le premier 1er mai se déroule en 1890 en France. Les ouvriers défilent pour demander la journée de huit heures qui leur sera accordée par la loi du 1er mai 1919. En 1920, à titre exceptionnel, le 1er mai est chômée. Depuis, le premier jour du mois de mai est la journée internationale des revendications salariales et des défilés des travailleurs.

En 1941, le maréchal Pétain décrète le 1er mai comme « Fête du Travail et de la Concorde sociale ». Le 30 avril 1947, la mesure est reprise par le gouvernement ; le 1er mai devient alors chômé et payé. Il se caractérise par une interdiction légale de travail sans réduction de salaire. La Fête du travail est un jour chômé dans la quasi-totalité des pays d’Europe à l’exception des Pays-Bas et de la Suisse. Dans le reste du monde, le 1er mai est également fêté en Russie, au Japon, en Afrique du Sud et en Amérique latine. Aux États-Unis, où cette tradition est née, on célèbre le « Labor Day » le premier lundi de septembre.

Le 8 mai a été souvent dans le collimateur des pouvoirs publics. Institutionnalisé en 1953, ce jour férié marque la fin de la Seconde Guerre mondiale. En réalité, l’acte de capitulation des troupes allemandes a été signé le 7 mai et a été ratifié dans la nuit du 8 au 9 à Berlin, au quartier général soviétique. Le texte fixe officiellement la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe à 23h01, (soit 1h01 heure de Moscou), ce qui explique qu’aujourd’hui encore, en Russie, la célébration de la fin de la guerre se déroule chaque 9 mai. En France, le jour n’est devenu férié qu’en 1953. Il a été supprimé en 1959 par le Général de Gaulle qui préférait célébrer le 18 juin 1940 ou le 25 août 1944 date de la libération de Paris. En 1975, Valéry Giscard d’Estaing décide dans une logique de réconciliation avec l’Allemagne, de commémorer les deux guerres le 11 Novembre. En 1981, François Mitterrand, conformément à l’un de ses engagements de campagne, réinstaure le 8 mai comme jour férié. Depuis une loi votée le 20 février 2012, le 11 novembre est redevenu la « journée en hommage à tous les morts de la France », ce qui ouvre la possibilité à la disparition du 8 mai comme jour férié.

Le lundi de Pentecôte en question

La Pentecôte se célèbre le septième dimanche (soit le quarante-neuvième jour) après le dimanche de Pâques. Le caractère chômé du Lundi de Pentecôte avait été institué par le Concordat de 1801 et avait été confirmé par la loi du 8 mars 1886. En 2004, afin de financer les dépenses liées à la dépendance et après la canicule de 2003 qui a occasionné le décès de 15 000 personnes, âgées de plus de 80 ans pour la grande majorité d’entre-elles, Jean-Pierre de Raffarin décide la suppression du lundi de Pentecôte comme jour férié. Le Gouvernement avait retenu le lundi de Pentecôte car il avait l’avantage d’être un « lundi » et donc d’être toujours un jour de travail.

Face à l’hostilité de l’opinion publique et en raison de sa difficile application, la référence au Lundi de Pentecôte a été supprimée en 2008. Les entreprises fixent depuis librement la date et les modalités de cette journée de solidarité (un autre jour férié, un jour de RTT, un jour de congé payé, un fractionnement du temps sur l’année, une journée offerte aux salariés). En contrepartie de cette journée travaillée mais non payée, les employeurs – publics et privés – versent à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) une contribution de 0,3 % de la masse salariale (ce montant correspondant au surcroît de valeur ajoutée d’un jour de travail). Les revenus du capital (0,3 % des revenus des placements et des revenus du patrimoine) y sont également soumis (à l’exception de l’épargne populaire telle que le Livret A). Par ailleurs, depuis 2013, les retraités imposables acquittent la « contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie » (CASA), une taxe de 0,3 % assise sur les pensions de retraite, d’invalidité et sur les préretraites (à partir d’un certain revenu fiscal de référence).

Le Président de la République et la Ministre de la Santé ont relancé la question de la mise en place d’une deuxième journée de solidarité afin de financer la prise en charge de la dépendance. Une telle journée rapporte 2,4 milliard d’euros or les besoins pour couvrir les dépenses de dépendance d’ici 2040 sont évalués à une dizaine de milliards d’euros.