12 octobre 2019

Le Coin de la Conjoncture du 12 octobre

La nouvelle Présidente du FMI tire le signal d’alarme

Lors de son premier discours officiel, la nouvelle Directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a souligné les craintes que lui inspirait la conjoncture économique. Elle a ainsi souligné que si la croissance s’accélérait dans environ 75 % des pays, il y a deux ans, elle ralentit aujourd’hui dans 90 % des pays. À ses yeux, « l’économie mondiale est maintenant en phase de ralentissement synchronisé ». Elle a avoué que la situation n’était pas simple à décrypter. Aux États-Unis et en Allemagne, le chômage est au plus bas mais l’activité économique s’essouffle. Dans certains des plus grands pays émergents, comme l’Inde et le Brésil, le ralentissement est très marqué. En Chine, la croissance s’éloigne progressivement des sommets atteints pendant de nombreuses années.

La Directrice générale du FMI a néanmoins indiqué que malgré ce ralentissement global, près de 40 pays émergents ou en développement (dont 19 pays d’Afrique subsaharienne) devraient enregistrer une croissance du PIB réel supérieure à 5 %.

Sans surprise, elle a mentionné la stagnation commerce mondial parmi les menaces les plus importantes. Pour le FMI, les tensions commerciales sont en partie responsables du net repli de l’activité manufacturière et de l’investissement dans le monde. Les services et la consommation pourraient être contaminés par ces tensions. Que ce soit par le jeu des interdépendance renforcées par la mondialisation ou par les variations de change, de nombreux pays seront touchés dans les prochains mois. À ces facteurs d’ordre économiques s’ajoutent des tensions politiques et géopolitiques. Le Brexit pourrait renforcer les forces récessives en Europe en cas d’absence d’accord d’ici le 31 octobre.

Le FMI souligne que l’économie mondiale est menacée par des ruptures ou des fractures de première importance pouvant avoir des effets durant au moins une génération. Les décisions en matière commerciale peuvent remettre en cause le développement de certains pays émergents et en voie de développement. La Banque mondiale dans son dernier rapport indique que le retour du protectionnisme pourrait générer un brutal retour en arrière. L’instauration d’un mur numérique entre l’Occident et l’Orient, obligeant les États à choisir leurs technologies et leurs fournisseurs d’accès, serait préjudiciable à la croissance.

Pour le FMI, en cas d’accentuation de la guerre commerciale, tous les États seront perdants. Pour l’économie mondiale, l’effet cumulé des différends commerciaux pourrait représenter une perte d’environ 700 milliards de dollars d’ici 2020, soit près de 0,8 % du PIB, soit l’équivalent de la taille de l’économie suisse.

En lieu et place de la fermeture des frontières commerciales, le FMI appelle à une remise à plat des pratiques commerciales, des subventions, des droits de propriété intellectuelle et des transferts de technologies. Selon l’organisation internationale, les États devraient, venir en aide aux populations touchées par les dislocations liées aux changements technologiques et au commerce.

Le FMI réclame une plus grande coordination des politiques monétaires afin de favoriser la croissance et la stabilité financière. L’institution reconnait que la persistance de taux bas s’accompagne également d’effets secondaires négatifs et de conséquences indésirables. La Directrice générale a notamment souligné les risques que cette politique faisait porter aux fonds de pension et aux compagnies d’assurance vie. Le FMI note la montée des risques financiers, nécessitant une surveillance accrue de la part des régulateurs. Dans certains pays, profitant de la faiblesse des taux, les entreprises s’endettent pour financer des fusions et acquisitions au lieu d’investir. La dette des entreprises à risque de défaut de paiement augmenterait à 19 000 milliards de dollars, soit environ 40 % de la dette totale de huit grandes économies. Cette situation est sans précédent. Par ailleurs, le bas niveau des taux d’intérêt incite aussi les investisseurs à rechercher des rendements plus élevés dans les pays émergents, ce qui expose beaucoup de pays de plus petite taille à une inversion soudaine des flux de capitaux.

Pour éviter la constitution de bulle, le FMI demande aux pays disposant d’une marge de manœuvre budgétaire d’engager des plans de relance. Dans des pays comme l’Allemagne, la Corée du Sud et les Pays-Bas, une augmentation des dépenses, particulièrement pour les infrastructures et la recherche-développement, contribuerait à stimuler la demande et le potentiel de croissance. En revanche, le FMI indique que dans les pays où le ratio dette/PIB est élevé, la rigueur budgétaire reste de mise. Un investissement de 800 milliards de dollars dans le monde au cours des 10 prochaines années pourrait générer un bénéfice net total de 7 100 milliards de dollars.

Sur la transition énergétique, la Directrice générale a pris fait et cause en faveur de la taxe carbone. Elle doit être d’un niveau suffisant pour avoir des effets. Elle a mis à l’honneur la Suède qui a adopté une taxe carbone en 1995. Dans ce pays, les ménages à revenu faible ou moyen ont bénéficié de transferts plus élevés et de baisses d’impôts en compensation de la hausse des coûts de l’énergie. Ce virage a contribué à réduire les émissions de carbone de la Suède de 25 % depuis 1995, tandis que sa croissance du PIB a été de75 %.

France, stabilité dans la croissance

Selon la Banque de France, le taux de croissance pour le troisième trimestre devrait être de 0,3 %, soit le même taux qu’aux premier et deuxième trimestres.

En septembre, la production industrielle se contracte, particulièrement dans la fabrication de machines, d’équipements électriques et dans la métallurgie. Les effectifs sont stables. Les carnets de commandes se regarnissent légèrement. Selon les chefs d’entreprise, la production repartirait à la hausse en octobre. L’activité des services ralentit en septembre. L’édition, les services de conseil et d’ingénierie demeurent cependant très dynamiques. La croissance des effectifs reprend de la vigueur. Les chefs d’entreprise prévoient une accélération de l’activité en octobre. L’activité du bâtiment progresse nettement en septembre, particulièrement dans le second œuvre. Les carnets de commandes ne désemplissent pas. En octobre, la croissance resterait soutenue selon les chefs d’entrepris

Emploi, les jeunes ne sont pas les ennemis des seniors

L’idée que le recul de l’âge de la retraite porte atteinte à l’emplois des jeunes revient régulièrement comme une antienne. En vertu de cette idée, la France avait mis en place de nombreux programmes de départs anticipés à la retraite qui n’ont eu que peu d’effets sur l’emploi des jeunes. Certes, pour certains, sans ces plans, la situation aurait pu être plus dégradée.

Ces dernières années, un très grand nombre de pays de l’OCDE ont conduit des politiques de recul d’âge de départ à la retraite et d’amélioration du taux d’emplois chez les plus de 55 ans permettant d’apprécier leur impact sur le chômage des jeunes.

Une corrélation négative entre le taux d’emploi des jeunes et celui des autres catégories d’âge est constatée aux États-Unis et en Italie quand une corrélation positive pour tous les autres pays est enregistrée. De 1990 à 2018, le taux d’emploi des plus de 60 ans a augmenté de 13 points aux États-Unis (de 42 à 55 %) quand celui des moins de 30 ans a baissé de 2 points (de 75 à 73 %). En Italie, sur la même période, la situation est encore plus marquée. Le taux d’emploi des plus de 60 ans a augmenté de 20 points et celui des jeunes a baissé de 10 points.

En Allemagne, lors de trente dernières années, le taux d’emploi des plus de 60 ans a progressé de 40 points et celui des moins de 30 a augmenté de 2 points. Il est à noter que celui des 30/59 ans a gagné 12 points pour atteindre plus de 80 %. Au Japon, le taux d’emploi a été en hausse de 7 points pour les jeunes et de 15 points pour les seniors. La France n’échappe pas à la règle. En effet de 1990 à 2018, le taux d’emploi des plus de 60 ans est passé de 35 à 52 % et celui des moins de 30 ans de 68 à 75 %. Cette amélioration a été enregistrée avec la fin des plans de préretraite et avec le report de l’âge de départ à la retraite à 62 ans. Celui-ci n’a donc pas créé un problème d’emploi pour les plus jeunes. Les jeunes et les seniors n’évoluent pas sur les mêmes marchés. Il n’y a pas de substitution d’emplois entre les uns et les autres. Malgré le report de l’âge de départ à la retraite, malgré la fin des préretraites, il est à noter que le taux de chômage des seniors est plus faible que celui des jeunes même si sur moyenne période il a eu tendance, en France, à progresser quand il diminuait chez les seconds.

L’amélioration du taux d’emploi chez les seniors s’accompagne d’une augmentation de celui des 30/59 ans. Les effets de ligne d’horizon pourraient expliquer ce lien. En effet, en reculant l’âge de départ à la retraite, la pression aux départs serait moindre pour les salariés de plus de 50 ans. Au-delà de ces effets, l’amélioration des taux d’emploi, quelles que soient les catégories d’âge, dépend avant tout du contexte économique et social. Une conjoncture porteuse et un droit social stable et simple sont les meilleures garanties d’un taux d’emploi élevé. Il faut souligner que la France a encore d’importants progrès réalisés en matière d’emploi des seniors. Selon une récente étude de la Cour des Comptes, la moitié des départs à la retraite s’effectuerait avant l’âge légal. En outre, le recours en fin de carrière des dispositifs d’indemnisation du chômage en attendant la prise en charge par les régimes de retraite est fréquent.

Faut-il relancer l’économie de la zone euro ?

Avec le ralentissement économique au sein de la zone euro, de nombreuses voix s’élèvent en faveur de la mise en œuvre d’une politique de relance qui concernerait en premier lieu l’Allemagne. Ce pays ayant d’abondants excédents extérieurs et intérieurs, disposerait de marges de manœuvre suffisantes pour accroître sa demande intérieure.

La demande intérieure serait entravée en zone euro par la faiblesse des rémunérations et par le sous-emploi. Certains mettent l’accent sur le fait que la France bénéficie d’un taux de croissance plus élevé que ses partenaires grâce au plan de soutien du pouvoir d’achat décidé par le Président de la République après la crise des « gilets jaunes ». Cette affirmation peut être relativisée. Une partie non négligeable des gains de pouvoir achat ont été épargnés. Si la France est résiliente au ralentissement en cours, elle le doit au caractère plus tertiaire de son économie qui est, de ce fait, moins exposée aux variations du commerce international.

Les politiques monétaires montreraient leurs limites en étant incapables de relancer l’inflation et d’assurer une croissance pérenne. Il est certainement trop demandé aux politiques monétaires. Il est assez étonnant de constater que, tout en étant contestées, celles-ci sont jugées incontournables dès la manifestation des premiers signes de ralentissement économique. Au cours de l’été, devant la multiplication des pressions politiques et médiatiques, les banques centrales européenne et américaine se sont senties obligées de baisser leurs taux directeurs.

La pression semble aujourd’hui se tourner vers la politique budgétaire. Avec des taux d’intérêt bas, les États auraient des possibilités accrues pour dépenser en s’endettant. Avec un déficit public revenu en dessous de 1 % du PIB au sein de la zone euro, les États membres pourraient désormais opter pour une politique d’augmentation des dépenses. Ce relâchement vaut avant tout pour l’Allemagne qui a dégagé un excédent budgétaire de 2 % du PIB ces dernières années et dont la dette publique est revenue autour de la cible des 60 % du PIB.

Le recours à la relance budgétaire est-il justifié ? Quel serait son effet sur la croissance ?

La montée des inégalités au sein de plusieurs États membres inciterait les États à tenter de les corriger en jouant sur le volet des prestations sociales. Les inégalités ont augmenté en Allemagne et dans certains pays d’Europe du Nord.

Les populations des États membres, en particulier en France ou en Italie, réclament une réelle augmentation du pouvoir d’achat. Ce dernier a stagné voire diminué pour certaines catégories sociales. Le sentiment de précarité s’est diffusé et cela au-delà même des publics concernés. Il est ainsi admis que les contrats à durée déterminée sont devenus la règle même si, dans les faits, leur progression sur une longue période est assez limitée. Dans des pays comme la France ou l’Italie, le problème semble venir du rapport au travail. Pour les 20 % des Français les plus modestes, près de la moitié des revenus proviennent des prestations sociales. Dans les pays latins, le chômage est très concentré sur certaines parties du territoire et chez les jeunes de moins de 30 ans. L’augmentation du coût du logement dans les grandes métropoles et de celui des transports est un facteur de mécontentement social important.

La demande de protection tend à s’accroître dans tous les pays européens et se traduit par une aversion croissante aux risques. La demande sociale que ce soit en santé ou en retraite augmente. Cette situation n’est pas sans poser le problème de crédibilité d’une éventuelle politique de relance. Les messages sont en effet contradictoires. D’un côté, il est demandé des efforts pour assurer l’équilibre des comptes sociaux, de l’autre qu’il est possible de dépenser plus pour soutenir le pouvoir d’achat et la demande intérieure.

Même si la zone euro affiche un excédent extérieur, ce qui révèle normalement une insuffisance de demande, le taux de chômage de la zone euro est proche du taux de chômage structurel. Les marges de manœuvre sont donc limitées. La relance se traduirait par un accroissement des importations et non pas par une augmentation de la production.

L’amélioration du pouvoir d’achat des ménages à travers une baisse des impôts ou une hausse des prestations sociales pourrait s’accompagner par une progression du taux d’épargne. Par crainte du caractère temporaire de ce surcroît de revenus, les ménages pourraient non pas augmenter leurs dépenses de consommation mais renforcer leur l’épargne de précaution.

Dans ces conditions, une relance jouant sur la demande aurait des résultats incertains. Il apparaît évident qu’il serait préférable de jouer sur l’offre mais une telle politique est électoralement moins séduisante. L’objectif serait de redresser la croissance potentielle, en augmentant le taux d’emploi et en améliorant la productivité du travail.

Certains pays dont la France, l’Italie ou l’Espagne pourraient accroître de manière substantielle leur taux d’emploi, ce qui suppose un effort de formation en amont. Ces pays devraient engager des programmes de réduction de leur chômage structurel. Par nature, les gains ne se feront sentir que sur le long terme. Il en est de même en matière de productivité. Celle-ci augmente, au sein de la zone euro, de moins de 0,5 % par an depuis la fin de l’année 2018 contre 1 % sur longue période (productivité par tête). Cette productivité est érodée par la polarisation des emplois et la tertiarisation de l’économie. Avec la digitalisation et la robotisation, des emplois occupés par les classes moyennes sont remplacés par de nombreux emplois à faible valeur ajoutée et par quelques emplois à très forte qualification. De son côté, le secteur des services offre, par nature, moins de gains de productivité que l’industrie. Une montée en gamme de la production avec une spécialisation plus poussée en matière économique en privilégiant les secteurs de pointe devrait être recherchée.

Un plan de relance devrait donc être avant tout axée sur la formation, les infrastructures, et la recherche. Par ailleurs, il faudrait éviter l’éparpillement des crédits sur un grand nombre de projets et de régions comme cela a été trop souvent le cas ces dernières années.