13 juillet 2019

Le Coin de la Conjoncture du 13 juillet 2019

Prévisions de croissance revues à la baisse pour la France

À quelques jours de la présentation officielle des résultats de la croissance du deuxième trimestre par l’INSEE, la Banque de France a affiné ses prévisions en les corrigeant à la baisse.

La croissance n’aurait été que de 0,2 % d’avril à juin, en repli par rapport au 0,3 % atteint lors des trois premiers mois de l’année. La Banque de France attribue ce recul à une baisse « significative » en juin de la production industrielle, en particulier dans l’automobile, le caoutchouc-plastique et l’informatique-électronique.

Dans la pharmacie et la fabrication d’autres matériels de transport, l’activité est restée favorablement orientée. Malgré tout, les chefs d’entreprises s’attendent toutefois à une reprise de l’activité en juillet dans l’ensemble des secteurs. Dans le bâtiment, l’activité s’est contractée au deuxième trimestre, « pénalisée par une météo défavorable », en particulier dans le gros œuvre. « Les carnets de commandes demeurent toutefois à un haut niveau, et les prix des devis augmentent ».

L’activité des services aurait progressé faiblement en raison du ralentissement de la demande. Elle reste toutefois dynamique dans le transport, l’informatique et l’édition. Selon la Banque de France, les chefs d’entreprise attendent une accélération de l’activité en juillet.

Cette estimation intervient dans un contexte incertain pour l’économie française qui avait fait bonne figure au cours du premier trimestre. Pour l’ensemble de l’année, les économistes de la Banque de France prévoient 1,4 % de croissance contre 1,1 % en moyenne pour la zone euro.

Toujours plus bas, mais pour quoi faire ?

Les investisseurs anticipent une baisse des taux de la part des banques centrales. Ces anticipations concernent même la Banque centrale européenne (BCE) dont le taux de dépôts est pourtant de -0,4 %. Cette conviction que les taux directeurs sont amenés à diminuer prochainement pèse sur l’ensemble des taux. Ainsi, l’Allemagne peut emprunter à moins de -0,4 %. La BCE s’est fixé un objectif de taux d’inflation à 2 %. Or, malgré le plein emploi dans un grand nombre d’États et une dépréciation de l’euro, le taux d’inflation sous-jacente (inflation hors prix de produits soumis à de fortes fluctuations comme le pétrole) tourne autour d’1,5 point. Le taux de chômage au sein de la zone euro est passé de 12 % à moins de 7,5 % de 2014 à 2019. Les salaires progressent autour de 2 % en 2019 avec une légère accélération depuis un an mais sans réellement créer de tensions inflationnistes.

Cette volonté de peser sur les taux est peut-être une réponse à la tentation américaine de faire de même. La BCE entend ainsi maintenir bas le taux de change de l’euro par rapport au dollar. Depuis plusieurs mois, un euro vaut entre 1,12 et 1,13 dollar quand ce rapport était de 1,4 en moyenne entre 2007 et 2014. Cette pression sur le cours de l’euro a été reconnue au mois de juin par Mario Draghi, le Président de la BCE, ce qui a provoqué une vive réaction de la part de Donald Trump.

Le risque est que la BCE ne réussisse pas à redresser l’inflation et que celle-ci, à la mode japonaise, reste cantonnée dans un espace des 1 à 2 points. La relation entre taux d’intérêt et taux d’inflation aurait évolué. Un taux d’intérêt bas favorisait l’augmentation des prix par l’effet notamment sur le crédit. Aujourd’hui, la faible inflation s’impose aux taux d’intérêt sans créer de choc en retour.

La nécessité de maintenir la solvabilité budgétaire des pays périphériques de l’Europe du Sud est également un objectif masqué de la BCE. Si les taux d’intérêt retrouvaient leur niveau qualifiable de normal dans le passé, c’est-à-dire égal au taux de croissance + taux d’inflation + prime de risque, le coût budgétaire pour les États endettés dépasserait un point de PIB. Le déficit public de pays de la zone euro, hors Allemagne et Pays-Bas dépasserait 3 % du PIB avec un risque important de dérapage des dettes publiques. En maintenant des taux bas, la BCE entend éviter un risque d’éclatement avec la survenue d’une nouvelle crise des dettes souveraines. Cet objectif ne peut pas être affiché car il est contraire aux textes fondateurs de la BCE en vertu desquels cette dernière ne peut pas s’immiscer dans les questions budgétaires des États membres.

Un autre objectif de la BCE serait de favoriser l’investissement des entreprises avec à la clef un redressement des gains de productivité. Depuis la crise de 2008, ces gains sont très faibles en Europe, entre 0 et 0,8 % en moyenne. L’économie européenne a accumulé un retard important en particulier dans les technologies de l’information et de la communication. La BCE en abaissant ses taux espère aboutir aux mêmes effets qu’Outre-Atlantique où, dans une situation de plein emploi, les taux bas conduisent les entreprises à réaliser des gains de productivité, ce qui est porteur pour la croissance et les salaires. A contrario, des taux d’intérêt bas favorisent le maintien en activité d’entreprises peu rentables qui auraient disparu si elles n’avaient pas accédé à des moyens de financement à bon marché. De ce fait, les taux d’intérêt bas ralentissent la diffusion du progrès et aboutissent à une mauvaise allocation des ressources. Ils favoriseraient non pas la hausse des gains de productivité mais bien au contraire leur baisse.

A son corps défendant, la Banque centrale européenne est devenue un acteur majeur de la politique économique des États membres. Elle comble le vide de l’absence de gouvernement fédéral de la zone euro. La nomination de Christine Lagarde, ancienne Ministre de l’Economie française et ancienne Présidente du FMI, devrait conforter le rôle politique de la banque centrale. Son défi sera de conserver la marge d’indépendance suffisante des grands États membres pour conforter la légitimité de l’institution et de la monnaie européenne.

L’industrie de la zone euro en plein doutes

Le ralentissement de l’Allemagne est-il annonciateur d’un changement profond de modèle économique ou n’est-il que passager en relation avec des phénomènes purement conjoncturels ? Pour certains, le cycle industriel qui a été alimenté ces trente dernières années par la montée en puissance des pays émergents, touche à sa fin. Ces pays disposent désormais de capacités de production excédentaires et peuvent en outre fabriquer les machines-outils dont ils ont besoin. Le modèle allemand qui reposait sur la vente de biens d’équipement et sur celle de voitures chères trouve ses limites. Par ailleurs, la contrainte environnementale impacte les secteurs des transports ou de la chimie dans lesquels l’Europe détenait des parts de marché substantielles.

Depuis 1998, le PIB au niveau mondial a plus que doublé quand le volume de la production immobilière n’a progressé que de 65 %. Par ailleurs, un décrochage net est constaté en 2008. Avant la crise, les courbes du PIB et de la production manufacturière étaient parallèles. Depuis, la production manufacturière tend à stagner quand le PIB continue à progresser. Au sein de la zone euro, l’emploi du secteur automobile ainsi que celui des biens d’équipement et intermédiaires est passé de 5,7 à 5,5 % du total de l’emploi de 1998 à 2018. Le poids de la valeur ajoutée de ces secteurs est également en recul d’un point en vingt ans.

Le commerce international n’a jamais retrouvé le rythme de croissance qui était le sien avant la crise de 2008. Son poids au sein du PIB mondial s’effrite du fait que la consommation de biens industriel progresse moins vite.

L’Europe exporte une part non négligeable de ses voitures. Or les pays émergents sont devenus au fil des années des producteurs de véhicules, ce qui limite d’autant leurs importations.  Le passage du moteur thermique au moteur électrique change également la donne. Les moteurs thermiques sont en règle générale fabriqués par les entreprises automobiles (des partenariats existent afin de diminuer les coûts de recherche). Ils constituent le cœur des voitures. Dans les voitures à propulsion électrique, leur coût est moindre. Les moteurs sont plus simples et donc nécessitent moins d’entretien. En revanche, le prix du véhicule est grevé par celui des batteries qui pour le moment sont majoritairement produites en Chine. De ce fait, la construction d’une voiture électrique comporte une forte part d’importations de biens intermédiaires en provenance des pays émergents. Il y aurait donc un transfert d’une part non négligeable de la valeur d’une entreprise dans ces pays.

L’Europe est confrontée à la fois à une faible croissance de sa population et à son vieillissement. Cela se traduit par une moindre demande en biens industriels et par une hausse des besoins de services. La construction de logements neufs tend à baisser au sein de la zone euro, les dépenses d’équipement d’électroménager également. À cela, il convient d’ajouter que plus un pays s’enrichit, plus la part du PIB consacrée aux services augmente. Les pays émergents connaissent depuis plusieurs années ce processus qui prend notamment la forme d’une montée en puissance du tourisme.

La question environnementale avec le réchauffement climatique s’impose de plus en plus dans le monde de la consommation. Sous l’impulsion de la jeune Suédoise Greta Thunberg, une grève mondiale des élèves pour le climat a rencontré un vif succès durant le printemps 2019. Les résultats des dernières élections européennes ont été marqués par une forte montée des mouvements écologistes. Les entreprises Ces dernières sont obligées de revoir leur modèle de production afin de le rendre compatible avec les exigences du développement durable. Ce changement de paradigme a un prix, ce qui occasionne des tensions sociales non négligeables. Il peut remettre en cause des positions établies. L’industrie a l’avantage de disposer d’un savoir-faire lourd en matière d’investissement. Il n’en demeure pas moins qu’elle devra aussi passer d’une logique de propriété à une logique de services. Dans les prochaines années, une entreprise d’automobiles sera une entreprise qui offrira des solutions de transports. Par définition, dans un véhicule électrique et sans conducteur, ce qui compte c’est la fiabilité et la logistique permettant de garantir aux utilisateurs d’être au bon endroit au bon moment.

L’Allemagne face au changement systémique de l’économie

Les Français estiment que le cycle économique qui s’achève était par nature favorable aux Allemands car reposant sur la fourniture de biens d’équipement et de voitures. La remise en cause du modèle de croissance qui s’appuie sur industrie est donc censée mettre en difficulté notre partenaire d’Outre-Rhin.

L’Allemagne est confrontée à plusieurs défis : la contraction des industries du passé mais aussi à la nécessité de sortir de la production électrique par le charbon. Par ailleurs, la moindre croissance du commerce international est une source de danger pour un pays dont la croissance repose avant tout sur les exportations.

Le chantier de l’énergie

L’Allemagne doit relever le défi de la transition énergétique. Du fait de ses choix énergétiques, son électricité est déjà plus chère de plus de 20 % de celle produite en France. Or, le Gouvernement a pris l’engagement de fermer les centrales au charbon d’ici 2038. Ces fermetures suivront celles des centrales nucléaires qui doivent intervenir d’ici 2022.  En 2016, la production électrique via le charbon représente 43 % du total de la production. La part du nucléaire est de 13 % en 2016 contre 30 % en 1998. Les énergies renouvelables sont passées de 1 à 18,4 % durant la même période. L’éolien avec 12,4 % de la production est la première énergie renouvelable pour la production d’électricité. La part du gaz naturel dans la production électrique était de 13 % en 2016 contre 10 % en 1998. Cette transformation énergétique exige des investissements importants qui peuvent générer des surcoûts non négligeables et éroder un temps la compétitivité économique de l’industrie.

Un affaiblissement de la compétitivité allemande

Le modèle allemand reposait sur une intégration de biens intermédiaires à faibles coûts et sur des exportations haut de gamme dégageant des marges importantes. Une monnaie forte permettait de réduire le coût des importations et de valoriser les exportations. Pour maîtriser les coûts, les entreprises ont, ces dernières années, opté pour la rigueur salariale. Ce modèle a vécu. Les importations sont de plus en plus coûteuses, d’autant plus que l’euro a eu tendance à se déprécier en raison de la politique monétaire de la Banque centrale européenne. Depuis trois ans, les salaires progressent plus rapidement en Allemagne que chez ses principaux partenaires du fait du plein emploi et de l’instauration d’un salaire minimum national.

La régionalisation du commerce international

Les exportations dans des pays éloignées progressent moins vite que celles à destination des pays proches, ce qui n’était pas le cas au début du XXIe siècle. Plus un pays est développé, plus il a tendance à commercer avec ses voisins. Les pays d’Asie du Sud Est obéissent à cette loi. Les contraintes environnementales amplifient cette tendance. Ces dernières années, L’Allemagne a amplement profité de la croissance de la demande en provenance des pays émergents. Aujourd’hui, elle doit compter davantage sur les États de la zone euro mais dont la demande interne révolue faiblement.

L’Allemagne dispose de plusieurs atouts pour réussir cette délicate transition

Les entreprises industrielles allemandes doivent tout à la fois revoir leur offre, faire face à la transition énergétique et se repositionner à l’international. Pour le moment, elles encaissent les chocs extérieurs sans pour autant réduire leurs effectifs, ce qui conduit à une baisse de la productivité.

Pour s’adapter à la nouvelle donne économique, l’Allemagne dispose d’indéniables atouts. Les capacités financières des entreprises, des ménages, des administrations publiques sont importantes. Le taux d’épargne des ménages dépasse 18 % de leur revenu disponible brut. Le solde budgétaire est positif d’environ un point de PIB et la dette est en passe de revenir en-dessous de 60 % du PIB. Par ailleurs, le pays dégage d’importants excédents au niveau de sa balance des paiements courants, plus de 7 % du PIB. Le taux d’autofinancement des entreprises dépasse 110 %, ce qui leur permettrait d’investir plus fortement.

Cet excédent d’épargne pourrait servir à l’Allemagne à préparer le futur avec notamment une augmentation des investissements dans les énergies renouvelables, dans l’intelligence artificielle ou dans les technologies de l’information. Pour le moment, l’Allemagne est peu présente dans le secteur d’Internet et dans les industries des énergies renouvelables à l’exception de l’éolien. Dans ce dernier secteur, les parts de marché de l’Allemagne dépassent 10 % pour la production des biens d’équipement. La capacité de production en batteries électriques est de 726 MWh contre 217 GWhs pour la Chine, 49,6 GWH pour les États-Unis et 1,1 GWh pour la France. Elle arrive en onzième position à l’échelle mondiale et cinquième position au sein de l’Union européenne (source : Bloomberg Energy).

Face à cette évolution de la donne industrielle, les entreprises allemandes répondent pour le moment avec lenteur. L’investissement productif outre-Rhin qui se tasse depuis deux ans est désormais inférieur à celui des autres pays de la zone euro. L’investissement public reste faible même s’il est en légère progression depuis 2016. Il est de 0,5 point de PIB inférieur à celui des autres pays de la zone euro (respectivement 2,5 % en Allemagne contre 3 % du PIB en moyenne au sein de l’eurozone – source Datastream). L’épargne de l’Allemagne est affectée à des placements sûrs avant tout des obligations d’État. Depuis la crise des dettes souveraines, l’Allemagne a réduit ses placements au sein de la zone euro et privilégie les acquisitions d’obligations aux États-Unis. Grâce essentiellement aux excédents d’épargne de l’Allemagne, la zone euro remplace la Chine comme créancier des États-Unis, permettant à ses derniers de conserver leurs déficits extérieur et budgétaire.

Le ralentissement économique en cours contraint les entreprises allemandes à revoir leur modèle. Comme en 2008 ou en 2011, elles ont décidé de placer en temps partiel une partie de leurs salariés et d’engager des processus de formation afin de faciliter la réorientation de leurs activités. Ainsi, des entreprises dans le secteur des machines-outils se spécialisent dans la fabrication de matériels lourds pour les salles d’opération qui intègrent de plus en plus des équipements à forte intensité technologique dont le laser (entreprise Trumph).

Chronique déjà annoncée d’une histoire américaine

D’ici la fin de l’année, la Réserve fédérale des États-Unis (FED) est censée abaisser ses taux d’intérêt. Au regard des résultats économiques actuels, cette diminution ne s’impose pas mais le ressenti et les prévisions sont tout autres. Au premier trimestre, les États-Unis ont connu une croissance encore vive (+3,1 % en rythme annuel), le plein emploi et des hausses de salaires non négligeables. Rien ne devrait inciter à une révision de la politique monétaire. Mais les annonces de tempêtes à venir sont si prégnantes qu’elles ont tout emporté avec elles. Le tassement des échanges mondiaux en lien avec la guerre commerciale de Donald Trump, et la détérioration des indices mesurant le climat des affaires sont mis en avant pour justifier une baisse des taux. La dichotomie entre les données d’enquêtes et de comptabilité nationale devrait cesser sous peu.

Depuis le printemps, les investisseurs font le pari d’une décision de baisse des taux directeurs qui fluctuent actuellement dans une fourchette de 2,25 % à 2,50 %. La courbe des taux est inversée sur toutes les échéances jusqu’à 5 ans, ce qui, par le passé, a toujours précédé ou accompagné l’assouplissement de la politique monétaire. La banque centrale s’attend dans les prochains mois à une diminution de l’inflation compte tenu de l’évolution de la productivité. Les salaires, primes et charges rapportées à la productivité) ont baissé au premier trimestre (-0,8 % sur un an dans le secteur non agricole), ce qui n’est pas si fréquent et annonce une modération de l’inflation.

Même si les effets sont actuellement limités, la guerre commerciale avec la Chine peut à terme pénaliser le secteur des technologies de l’information et de la communication. Si les États-Unis conservent de l’avance, notamment dans les microprocesseurs, leurs chaînes de valeur intègrent une part croissante de composants chinois. Les États-Unis ne sont pas dans la même situation qu’aux débuts des années 2000 où la Chine vendait des biens simples comme du textile et de l’électroménager et importait des produits électronucléaires ou aéronautiques. En 2018, l’habillement, la chaussure, les articles de maison et de voyage ne représentent plus que 14 % des achats américains à la Chine, soit deux fois moins qu’en 2000. Les équipements de télécommunication constituent le premier poste d’importation. Avec les moyens de transports, les machines et autres appareils industriels, ils totalisent 30 % des achats. Ces biens entrent dans les chaines de productions civils et militaires.  Cette guerre commerciale est également une guerre de sécurité intérieure. Les autorités américaines ont pris conscience que les entreprises chinoises avaient accès à un nombre très élevé d’informations stratégiques. Cet aspect militaire de la négociation a comme conséquence la présence auprès des négociateurs américains de membres du Ministère de la Défense. Cette volonté d’indépendance accrue des États-Unis aura un coût en termes de croissance. La baisse des taux vise donc à répondre par anticipation au ralentissement prévisible de l’activité. Elle s’inscrit dans l’idée que celle-ci ne peut que décliner du fait que le cycle actuel d’expansion a déjà plus de dix ans.