14 octobre 2017

Le Coin de la Conjoncture du 14 octobre 2017

Un optimisme qui n’interdit pas la vigilance

Dans ses perspectives économiques du mois d’octobre, le FMI pronostique une accélération de la croissance d’ici la fin 2018 mais souligne que plusieurs menaces pourraient à terme déboucher sur une nouvelle récession.

En 2017 et 2018, l’organisation internationale prévoit que le PIB mondial augmentera respectivement de 3,6 % et 3,7 % contre 3,2 % en 2016. Elle a été amenée à réviser ses prévisions du printemps. À l’exception des États-Unis et du Royaume-Uni, toutes les grandes puissances économiques ont été réévaluées à la hausse.

Au Japon, dans les pays émergents d’Asie et d’Europe ainsi qu’en en Russie, la croissance du premier semestre s’est avérée plus rapide que prévu. Les pays producteurs de pétrole qui, en 2016, ont dû faire face à une chute importante de leurs recettes d’importations, bénéficient de l’augmentation du prix du baril  depuis le début de l’année. Le FMI souligne que, désormais, toutes les zones économiques sont en expansion, une première depuis 2011. La Russie, le Brésil et la région « Caraïbes » qui étaient en récession en 2016 ont renoué avec la croissance.

Les pays avancés connaissent une diminution de leur taux d’activité en raison du maintien d’un fort taux de chômage pour certains d’entre eux et du fait du vieillissement de la population. Entre 2007 et 2016, ce taux a baissé de 0,8 point (baisse de 2,3 points pour les hommes en partie compensée par la hausse du taux d’activité féminine de 0,7 point).

 

Aux États-Unis, la croissance devrait être de 2,2 % en 2017 et de 2,3 % en 2018. Ces taux sont légèrement supérieurs au taux de croissance potentielle. Ce résultat serait obtenu en raison de la politique monétaire qui reste accommodante et d’un niveau de confiance élevé tant chez les consommateurs que de la part des dirigeants d’entreprise. Le FMI a abaissé très légèrement les taux de croissance de 2017 et 2018 afin de tenir compte de l’incertitude qui règne en matière budgétaire. Du fait de la stagnation des gains de productivité et du vieillissement de la population active, le FMI considère que le taux de croissance devrait revenir assez rapidement autour de 1,8 %.

Pour la zone euro, l’organisation mondiale table sur une croissance de 2,1 % en 2017 et de 1,9 % en 2018. L’Europe ferait ainsi, sur 2017, jeu égal avec les États-Unis, ce qui n’est pas arrivé depuis la récession de 2009. Le FMI a révisé à la hausse ses estimations de printemps respectivement de 0,4 et de 0,3 point. Cette réévaluation est liée à l’accroissement de la demande extérieure adressée à l’Europe et au maintien de politique monétaire incitative. En 2017 et 2018, le taux de croissance s’élèverait en Allemagne à respectivement 2,0 et 1,8 %. Le PIB français augmenterait de 1,6  et 1,8. Le taux de croissance du Royaume-Uni continuerait de s’affaiblir en raison des conséquences de la dépréciation de la livre sterling (inflation et accroissement du déficit commercial) et des incertitudes liées au Brexit (baisse de l’investissement).

Taux de croissance du PIB en %

 

  2017 2018
Allemagne 2,0 % 1,8 %
France 1,6 % 1,8 %
Italie 1,5 % 1,1 %
Espagne 3,1 % 2,5 %
Royaume-Uni 1,7 % 1,5 %

Source : FMI

 

Le Japon devrait connaître une croissance de son PIB de 1,5 % en 2017, favorisée par un relâchement de la rigueur budgétaire. L’année prochaine, le FMI prévoit un tassement de l’expansion avec un taux de 0,7 %. L’impulsion économique proviendra essentiellement de l’investissement dopé par les futurs Jeux Olympiques de 2020.

Parmi les États avancés d’Asie, la croissance devrait rester dynamique. Ainsi le taux de croissance atteindra 3 % en Corée du Sud et 3,5 % à Hong Kong. Les pays de la zone bénéficient de la bonne tenue de la conjoncture chinoise.

Prévisions de croissance 2017

 

  Taux de croissance du PIB
Australie 2,2 %
Corée du Sud 3,0 %
Hong Kong 3,5 %
Taïwan 2,0 %
Singapour 2,5 %

 

Les pays émergents, une convergence vers les pays avancés légèrement ralentie

La croissance des pays émergents des pays en développement devrait être de 4,6 % en 2017, 4,9 % en 2018 et de 5 % à moyen terme. Le PIB par habitant augmente de 3,3 % mais demeure nettement supérieur à celui des pays avancés (+1,4 %). La convergence des niveaux de vie se poursuit à un rythme inférieur à celui des dix dernières années mais plus rapide que celui enregistré entre 1995 et 2005. La situation des pays émergents est très contrastée. Le résultat global est influencé par la Chine et l’Inde qui représentent près de la moitié de la population du groupe. Pour les trois quarts des pays, le taux de croissance du PIB par habitant est inférieur à 3,5 %. Pour 43 pays représentant 28 % du total, l’évolution de ce ratio est plus faible que celle attendue pour les pays occidentaux.

Le taux de croissance de la Chine serait en légère hausse en 2017 à 6,8 % avant de retomber à 6,5 % en 2018. Les autorités chinoises sont en ligne pour l’atteinte de leur objectif, c’est-à-dire le doublement du PIB entre 2010 et 2020.

L’Inde est toujours confrontée aux conséquences de l’échange de billets intervenu au mois de novembre 2016. Le taux de croissance a été revu à la baisse de 0,5 point. Il serait de 6,7 % en 2017. En termes d’expansion, l’Inde repasserait en-dessous de la Chine.

 

Taux de croissance des pays émergents en zone Asie

 

  Taux de croissance du PIB prévu pour 2017
Chine 6,8 %
Inde 6,7 %
Indonésie 5,2 %
Malaisie 5,4 %
Philippines 6,7 %
Thaïlande 3,7 %
Vietnam 6,3 %

 

En Amérique latine, la situation demeure contrastée. Le Brésil a renoué avec la croissance au premier semestre 2017. Grâce à de bonnes récoltes et à un regain de la consommation, le PIB devrait s’accroître de 0,7 % en 2017 et de 1,5 % en 2018. Les incertitudes politiques en relation avec les scandales pèsent cependant sur la croissance et a contraint le FMI à réviser à la baisse ses prévisions de croissance.

Le Mexique est confronté aux éventuelles conséquences de la renégociation des accords de libre-échange avec les États-Unis (remise en cause de l’accord ALENA). Néanmoins, les réformes structurelles engagées par le Gouvernement devraient favoriser l’élévation du taux de croissance potentiel. En 2017, une augmentation du PIB de 2,1 % est attendue. Le Venezuela devrait continuer à sombrer avec un PIB en chute de 10 % en raison des problèmes politiques en cours et du faible niveau des cours du pétrole.

Taux de croissance du PIB en Amérique centrale et latine

 

  2017 2018
Amérique latine et Caraïbes 1,2 % 1,9 %
Brésil 0,7 % 1,5 %
Mexique 2,1 % 1,9 %
Argentine 2,5 % 2,5 %
Chili 1,4 % 2,5 %

 

Après deux années de récession, la Communauté des États indépendants (Russie et pays qui lui sont liés) devrait enregistrer une croissance de 2 % tant en 2017 qu’en 2018.

Les pays émergents d’Europe devraient, cette année, connaître une vive croissance (plus de 4 %). La croissance pourrait ainsi atteindre 3,8 % en Pologne.

En Afrique subsaharienne, la croissance pourrait atteindre 2,6 % en 2017 et 3,4 % en 2018. Le Nigeria devrait sortir de la récession provoquée par la baisse des cours du pétrole. Les problèmes financiers et politiques de ce pays devraient peser sur son taux de croissance. En Afrique du Sud, la croissance devrait rester modeste (0,7 % en 2017 et 1,1 % en 2018) malgré des prix des exportations des produits de base plus avantageux.

La croissance du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord continuerait à s’étioler. Elle s’établirait à 2,6 % en 2017 contre 5 % en 2016. Cette décélération est provoquée par le ralentissement économique de l’Iran (les retombées de l’ouverture économique se font attendre) et par l’application de l’accord de régulation de la production pétrolière de décembre 2016. Cet accord contraint les pays du Golf à restreindre leurs exportations.

L’optimisme mesuré du FMI

Si le FMI a révisé à la hausse ses prévisions de croissance, il souligne, dans sa note du mois d’octobre, que la croissance reste faible dans beaucoup de pays et que l’inflation demeure inférieure à l’objectif fixé dans la plupart des pays avancés. Même si un léger mieux est constaté, les pays producteurs d’énergie et de matières premières sont toujours en difficulté.

Le FMI invite les États à profiter de l’accélération de l’activité pour engager des réformes structurelles nécessaires pour l’obtention d’une croissance potentielle plus élevée. La faiblesse de l’inflation est perçue comme la conséquence d’une demande finale atone en relation avec le vieillissement de la population et une répartition déséquilibrée des fruits de la croissance.

L’organisation internationale s’inquiète de la diminution de la croissance potentielle qui pourrait conduire à un repli notamment des États avancés et à la montée du protectionnisme. Pour endiguer ces menaces, elle réclame un nouvel élan multilatéral.

 

Le FMI tire la sonnette d’alarme au sujet de l’endettement

En 2017, la dette des entreprises non financières, des États et des ménages des pays du G20 dépasse 135 000 milliards de dollars. Elle représente plus de 235 % de leur PIB.

Pour sa session annuelle d’octobre,  le FMI a établi un scénario catastrophe à horizon 2020. Plusieurs facteurs de vulnérabilité ont été répertoriés. Le premier concerne le déséquilibre persistant entre offre et demande d’obligations sûres et rentables. De moins en moins de titres relèvent de cette catégorie quand le nombre d’investisseurs qui en sont à la recherche ne fait qu’augmenter. Le marché propose que 2 000 milliards d’obligations notées dans la catégorie « investissement et non spéculative » ayant un rendement supérieur à 4 %, contre 16.000 milliards avant la crise. La deuxième vulnérabilité soulignée par le FMI est liée à l’augmentation continue de la dette privée et publique des pays du G20. Troisième sujet d’inquiétude, la progression continue du shadow banking. Par ailleurs, les flux d’investissements de portefeuille dans les pays émergents augmentent très fortement. Le niveau du crédit en Chine est jugé excessif. Les économistes du FMI considèrent que les marchés « semblent complaisants au sujet des chocs potentiels ». Dans leur scénario catastrophe, ils avancent l’idée que jusqu’à 2020, l’économie mondiale et les marchés suivent la tendance actuelle à savoir : les marchés progressent, les taux d’intérêt restent bas et les dettes progressent encore. À partir de 2020, ils pensent qu’une augmentation rapide et violente des taux est imaginable avec une chute de 15 % des marchés et un recul de 7 % des prix de l’immobilier. En faisant tourner ses modèles économétriques, le FMI prévoit que la production mondiale connaîtrait alors une chute de 1,7 %. Les auteurs du rapport soulignent que les autorités chinoises devraient s’attaquer assez rapidement aux problèmes du secteur financier. Une limitation de l’expansion du crédit est souhaitable.

Le fait que tous les acteurs économiques – et cela au sein de toutes les grandes zones économiques – augmentent leur niveau d’endettement génère un phénomène autobloquant, les arbitrages ne pouvant guère se réaliser au nom d’une limitation des risques. Implicitement, les acteurs pensent que les banques centrales continueront à intervenir pour éviter une implosion économique. Le seuil d’inacceptabilité de la dette est difficile à prévoir.

 

Quand l’Abenomics devient « l’Abepolitics »

Premier Ministre du Japon sans discontinuité depuis 2012, Shinzo Abe tente un nouveau coup politique en imposant des élections législatives anticipées fixées au 22 octobre. Avec une campagne électorale limitée à 12 jours, il espère sortir victorieux de ces élections et conserver ainsi son poste. La dissolution de la chambre basse est intervenue au moment où plusieurs affaires embarrassantes mettaient à mal sa popularité. Pour renverser la tendance, Shinzo Abe compte sur la crise avec la Corée du Nord et des résultats économiques positifs pour l’emporter. En 2014, il avait déjà procédé avec succès à des élections législatives anticipées.

Le jeu politique au Japon est en pleine mutation. En effet, Monsieur Abe ne doit pas faire face à un concurrent issu du Parti Démocrate mais à la Présidente d’un nouveau parti, le parti de l’Espoir, se positionnant à droite et dirigé par Madame Koike, une ancienne présentatrice de télévision.

Le Premier Ministre sortant est connu pour sa politique économique dénommé « Abenomics » visant à sortir le pays de la stagnation et de la déflation. Combinant initialement politique monétaire accommodante, relance budgétaire, réformes structurelles et assainissement progressif des comptes publics, l’Abenomics tarde à produire ses effets même si depuis la fin de l’année dernière une amélioration est constatée. Depuis 2012, le pouvoir éprouve de réelles difficultés à réaliser les réformes de structure et à équilibrer les comptes. Les augmentations d’impôt, dont celles concernant la TVA, ont été à maintes reprises reportées.

 

L’économie japonaise a enregistré une croissance de 2,5 % au deuxième trimestre en rythme annualisé grâce à la robustesse de la consommation des ménages et des dépenses d’entreprises. Le Japon connaît ainsi sa plus longue période d’expansion depuis 2006. En rythme annualisé, le taux de croissance ressort à 4 % au deuxième trimestre.

Comme en Europe, la confiance des agents économiques est au plus haut au sein de la troisième économie mondiale. L’indice de l’enquête « tankan » auprès des grands groupes japonais est passé de 17 à 22 entre juin et septembre 20177. La Banque du Japon (BoJ) considère que l’économie évolue vers une expansion soutenue permettant d’espérer une progression des salaires et de la consommation des ménages. Elle pense même que l’inflation pourrait atteindre 2 % d’ici 2020. Si les exportations ne progressent pas, la demande intérieure a pris le relais. La consommation des ménages (quelque 60 % du PIB) a progressé de 0,9 % au cours du 2e trimestre quand les investissements non résidentiels des entreprises ont augmenté de 2,4 %. Les dépenses publiques ont également joué un rôle non négligeable (+5,1%), à l’approche des jeux Olympiques de Tokyo 2020. Dans ce contexte, les grands groupes prévoient d’augmenter leurs investissements de 7,7 % au cours de l’exercice fiscal en cours qui prend fin en mars 2018.

Malgré le niveau abyssal de la dette publique, le Premier ministre japonais a demandé à ses ministres de mettre au point d’ici à la fin de l’année un vaste plan d’investissement public d’un montant de 2.000 milliards de yens (14,9 milliards d’euros). À travers ce plan de relance vocation électorale, il entend améliorer la protection sociale et accroître les aides à l’éducation et à la petite enfance. Des mesures seraient prises afin d’accentuer le rebond de l’investissement.

Pour le moment, le Parti libéral-démocrate de M. Abe reste en tête des sondages en termes d’intentions de vote (avec plus de 30 % dans les plus récentes enquêtes) suivi par le Parti de l’Espoir (un peu moins de 15 %), mais les indécis sont encore très nombreux. Le parti Démocrate est en perte de vitesse du fait de dissensions internes. Le Premier Ministre bénéficie depuis plusieurs mois d’un regain de popularité en raison des évènements en Corée du Nord. Même si les Japonais ont, à travers les sondages, contesté le bienfondé de l’anticipation des élections législatives, ils ne devraient pas en tenir rigueur au Premier Ministre.