16 avril 2016

Le Coin de la Conjoncture du 16 avril 2016

L’Empire du Milieu a adopté Keynes

En Chine, au fil des mois, la croissance poursuit son ralentissement. Le taux de croissance a été de 6,5 % au premier trimestre contre 6,8 % au dernier trimestre de l’année dernière. Ce taux constitue le point bas de la fourchette de croissance retenue par les autorités. De ce fait, elles ont décidé « afin de promouvoir un développement harmonieux du pays », de mettre en œuvre une politique monétaire et budgétaire plus proactive.

Le recours à une politique monétaire accommodante n’est pas sans poser quelques problèmes. En effet, le taux d’endettement des entreprises et des collectivités commence à devenir un sujet de préoccupation. Il a dépassé 200 % du PIB à la fin de l’année 2015.

A défaut de pouvoir jouer sur le volant monétaire, le Gouvernement central entend s’appuyer sur la politique budgétaire. Cette réorientation s’impose d’autant plus que la croissance de l’investissement des collectivités locales tend à diminuer. Afin de contrecarrer ce mouvement, l’Etat a autorisé les collectivités locales à vendre leurs terrains. Elles bénéficient de plus d’un allègement de la charge d’intérêts sur prêts grâce à des renégociations de crédits. Par ailleurs, les pouvoirs publics prévoient de développer des financements de projets d’infrastructures en recourant à des partenariats publics-privés ou en demandant le soutien des banques publiques d’investissement.

Au niveau des ménages, des mesures d’allégement de la fiscalité ont été approuvées afin de relancer la consommation. De leur côté, les entreprises seront soumises progressivement à la TVA qui remplacera certaines taxes sur le chiffre d’affaires et la production.

Du fait de cette politique, le déficit budgétaire passerait officiellement de 1,5 à 3 % du PIB de 2012 à 2016. Les dépenses sont en fortes augmentation ces deux dernières années, + 15 % quand les recettes ne progressent que de 8 % par an. Le FMI considère que les déficits publics en y incluant les régimes sociaux et les collectivités locales atteindraient 8 % du PIB. Dans ces conditions, la dette publique progresse. Celle du Gouvernement central s’élèverait à 20 % du PIB en 2016 contre 18 % en 2015. Elle pourrait atteindre 22 % en 2017. La dette des collectivités locales est passée de 20 % en 2007 à 38 % du PIB en 2015.

Le risque souverain chinois reste très bon du fait du niveau mesuré de l’endettement qui est essentiellement financé en interne et de la détention d’un large portefeuille d’actifs comprenant les réserves de change. Ces dernières demeurent plus que conséquentes même si elles sont en légère baisse (2 988 milliards de dollars en 2016 contre 3 330 milliards de dollars en 2015).

 

La deuxième mondialisation est-elle finie ?

Depuis la première révolution industrielle, à la fin du 18ème siècle, l’économie a connu deux grandes phases de mondialisation, la première entre 1870 et 1914 et la seconde entre 1989 et maintenant. La première avait été rendue possible par le développement du chemin de fer et des navires à vapeur. Elle s’était accompagnée de conquêtes coloniales censées permettre l’approvisionnement des métropoles en matières premières. Au-delà de la constitution des différents empires, les échanges entre pays dits avancés avaient également durant cette période augmenté. La première guerre mondiale mit un terme à cette internationalisation de l’économie. Malgré la reprise économique des années 1919 – 1929, il faudra attendre le début des années 70 pour dépasser le niveau de 1913. Avec la réouverture de la Chine au monde à partir de 1978, avec la chute du mur de Berlin en 1989, le commerce international a connu une croissance sans précédent jusqu’en 2009. Après la seconde guerre mondiale, les accords commerciaux (GATT puis OMC) ont conduit à libéraliser les échanges. La mise en place d’unions douanières a également contribué à la progression des exportations et des importations. A partir de 2009, le commerce international stagne voire diminue en valeur, en partie en raison des fluctuations monétaires et de l’évolution du cours des matières premières. Mais, même en volume, la progression des échanges est beaucoup plus lente qu’auparavant. Elle est désormais inférieure à celle du PIB.

La moindre croissance du commerce international ne serait pas que conjoncturelle. Certes, la crise en Russie et au Brésil ainsi que l’impact des prix pétroliers sur les pays producteurs expliquent sa faible croissance mais des facteurs structurels y contribuent également. L’économie se tertiarise de plus en plus. Les échanges de services progressent nettement plus vite que ceux de marchandises. Plus les pays s’enrichissent, plus ils consomment de services ; plus une population vieillit, plus elle consomme également de services. La Chine participe pleinement à ce mouvement en réorientant son économie vers la demande intérieure.

Les derniers résultats du commerce international confirment cette tendance de fond. Ainsi, en 2015, en valeur, le commerce de marchandises a enregistré une baisse de 13 % pour s’établir à 16 500 milliards de dollars contre 19 000 milliards de dollars en 2014. Le recul des importations et des exportations chinoises a également pesé sur ce résultat. De son côté, le commerce mondial des services commerciaux a connu une contraction de 6,4 % à 4 700 milliards de dollars. La baisse est forte pour les services liés aux transports. En volume, le commerce international a cru de 2,8 % en 2015 soit un peu moins que la croissance de l’économie mondiale quand, en règle générale, elle est supérieure.

Les exportations de l’Amérique du Nord ont été inférieures aux attentes du fait de l’appréciation du dollar quand les expéditions en provenance des régions exportatrices de pétrole (Afrique, Moyen-Orient et Communauté d’États indépendants) ont été plus importantes. Ces pays ont tenté, en vendant plus de pétrole, de compenser les pertes générées par la contraction des cours.

Les importations de l’Europe ont été plus fortes que prévu en raison de l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages, amélioration générée par la baisse des cours du pétrole. Dans le même temps, les régions productrices de pétrole ont diminué leurs importations. L’Amérique du Sud et l’Amérique centrale en 2015 ont moins importé du fait des graves difficultés auxquelles sont confrontés certains pays des zones concernées (Brésil Venezuela en particulier).

Le ralentissement des pays émergents d’Asie est net. Si en 2013, la contribution de l’Asie à l’augmentation de 2,3 % du volume des importations mondiales de marchandises était de 1,6 point, soit 73 % de la croissance des importations mondiales, en 2015, la contribution de la région à l’augmentation des importations mondiales de 2,6 % n’a été que de 0,6 point, soit 23 % de leur croissance. En revanche, l’Europe qui reste le premier centre commercial mondial a contribué positivement à la croissance des échanges internationaux. Sur les 2,6 % de hausse des importations, l’Europe en a apporté 1,5 point soit 59 % de la croissance totale. En 2012 et 2014, l’Europe contribuait négativement à la croissance du commerce mondial pour respectivement -0,7 % et -0,1 %.

Du fait du maintien d’un niveau correct de croissance et de l’appréciation du dollar, les importations vers les Etats-Unis ont soutenu la croissance des échanges. La contribution a été positive de 1,1 %.

L’Organisation Mondiale du Commerce prévoit pour cette année une croissance de 2,8 % du commerce mondial identique à celle de 2015. Pour 2017, il estime que cette croissance pourrait atteindre 3,6 % compte tenu de l’amélioration de la situation économique au sein de plusieurs pays émergents. Ces taux de croissance seraient supérieurs à ceux du PIB (2,4 % en 2016 et 2,7 % en 2017). Les exportations des pays développés et celles des pays en développement devraient croître à peu près au même rythme en 2016, de 2,9 % pour les premiers et de 2,8 % pour les seconds. Cette année, l’Asie devrait être la région où la croissance des exportations sera la plus forte, à 3,4 %, suivie par l’Amérique du Nord et l’Europe, à 3,1 % chacune. L’Amérique du Nord devrait voir ses importations augmenter de 4,1 % cette année, tandis que les importations de l’Asie et de l’Europe devraient enregistrer une croissance de 3,2 %.

L’OMC considère que compte tenu des prévisions économiques revues à la baisse pour la croissance, le commerce international pourrait suivre le même mouvement.

 

Etre un DOM au sein de la République Française, ce n’est pas tous les jours facile

Samedi 16 avril 2016, cela fait 70 ans que la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion et la Guyane sont devenues des départements d’outre-mer. 70 ans après, tous les retards n’ont pas été comblés en particulier en ce qui concerne les infrastructures, le logement, la pauvreté, l’illettrisme, la mortalité infantile… Le chômage constitue, par ailleurs, une plaie pour les DOM. Le taux de chômage des jeunes qui peut atteindre 60 % est une source de précarité et d’insécurité. Les DOM n’ont pas réussi à trouver un modèle de développement harmonieux et indépendant de la métropole.

La France dispose de cinq départements ultramarins, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, la Réunion et Mayotte. 2,1 millions de Français vivent dans ces départements (400 000 en Guadeloupe, 378 000 en Martinique, 254 000 en Guyane, 843 000 à la Réunion et 227 000 à Mayotte). La population des DOM représente 3,2 % de la population française.

Le PIB des DOM s’élève à moins de 38 milliards d’euros ce qui représente 1,8 % du PIB français. Le PIB par habitant des DOM représente entre 58 et 65 % du niveau national. Les DOM avec les COM offrent à la France la fierté d’avoir le deuxième plus grand espace maritime du monde après les Etats-Unis. Cela permet aussi à la France d’être présente dans les Amériques et dans le Pacifique. Du fait d’un tropisme centralisateur, les pouvoirs publics éprouvent les pires difficultés à mettre en place des cadres favorables à une expansion régionalisée des DOM. Si la structure départementale permet d’accéder à l’ensemble des prestations sociales nationales, elle peut constituer une pesanteur pour les échanges et pour la mise en place de stratégies de coopération régionale. En étant membre de l’Union européenne, les DOM bénéficient du marché unique, avantage qui peut devenir un inconvénient du fait de la forte dépendance aux importations européennes. La stagnation démographique avec en outre une immigration des étudiants et des jeunes actifs vers la métropole fragilise leur économie.

Les départements d’outre-mer doivent faire face à plusieurs contraintes : l’insularité, la petite taille de leur marché intérieure, l’éloignement de la métropole, la concurrence de pays voisins aux coûts moins élevés…. En raison des coûts de transports et des mécanismes de distribution, les prix sont, par ailleurs, plus élevés dans les DOM qu’en métropole.

Néanmoins, de 1999 à 2009, certains départements d’outre-mer ont bénéficié d’une forte croissance. Ce fut le cas à la Réunion et en Guyane avec un taux de croissance entre 1999 et 2009 de respectivement 3,9 et 3,8 % (la croissance de la Guyane est intimement liée aux activités spatiales). Sur la même période, la croissance a été de 2,5 % en Guadeloupe et de 1,5 % en Martinique quand le taux de croissance était de 1,4 % pour l’ensemble de la France. La progression du PIB par habitant est moins importante sur la période surtout pour la Martinique et la Guadeloupe. Les DOM ont été particulièrement touchés par la crise de 2009, à laquelle il faut ajouter les grands mouvements sociaux contre la vie chère. Depuis 2010, la croissance demeure fragile. Le retour des touristes est lent.

La croissance dans les DOM reste essentiellement tirée par la consommation. En revanche, le poids des exportations y est faible quand celui des importations est très élevé. L’investissement y est supérieur à celui constaté en métropole du fait non pas des ménages mais des entreprises financières qui recourent aux dispositifs fiscaux incitatifs. En Guadeloupe comme en Martinique, les activités de service se développent assez vivement. Il s’agit en particulier des services aux entreprises et de ceux à la personne. Du fait d’un niveau de formation élevée et d’un cadre juridique stable, des entreprises innovantes se créent ou s’installent en Guadeloupe et en Martinique en espérant rayonner sur toutes les Caraïbes.

Le rôle des administrations publiques dans les économies des DOM est important. Les transferts de l’Etat vers la Martinique atteignent 21 % du PIB et 25 % en Guadeloupe. Ils s’élèvent à plus de 37 % en Guyane. Du fait de la contrainte financière, l’Etat tente de réduire ses transferts et ses dépenses de personnel ce qui n’est pas sans poser des problèmes pour les collectivités locales.

La question des prix des biens et des services est, dans les DOM, toujours très sensible. Ainsi, selon une étude de l’INSEE du 14 avril dernier, les prix sont, en moyenne, 12 % plus élevés en Martinique ou en Guadeloupe qu’en métropole. Cet écart prend en compte les différences de consommation entre les DOM et la métropole. Depuis 1985, les écarts de prix sont constants dans les Antilles. La différence de prix est très nette pour les produits alimentaires (22,6 % pour la Martinique, 19,6 % pour la Guadeloupe, 19,2 % pour la Guyane, 16,6 % pour la Réunion). Se soigner coûte également plus cher, 17 % de plus dans les Antilles – Guyane, 15 % de plus à la Réunion. A la différence des continentaux, les ultramarins n’ont pas bénéficié de formules low-cost pour la téléphonie ou Internet. En revanche, les prix sont moins élevés pour l’entretien des voitures. En ce qui concerne le logement, l’INSEE ne constate pas d’écarts significatifs. Néanmoins, l’accès au logement est compliqué au niveau des grandes agglomérations. La présence de nombreux fonctionnaires métropolitains travaillant au sein des services publics et bénéficiant de primes d’éloignement, contribue à l’augmentation du prix de logement Les loyers sont ainsi en Guadeloupe 20 % plus élevés que sur le continent. Pour la Martinique, l’écart est de 10 %.

L’emploi constitue également un des problèmes clefs des DOM, en particulier aux Antilles. 261 000 personnes sont inscrites dans les Pôles Emploi des DOM. Le taux de chômage est de 23 % en Martinique, de 26 % en Guadeloupe, de 21 % en Guyane contre 10 % en France. Dans les Antilles, plus d’un jeune sur deux est au chômage quand ce ratio est de un sur quatre en France.

Des signes encourageants se font jour mais ils restent modestes. Le nombre de demandeurs d’emploi a baissé de 2 % en un an en Guadeloupe. Sur la Martinique, la baisse a été de 2,3 %.

La montée des inégalités remet, par ailleurs, en cause la cohésion sociale. Si l’écart entre les 10 % les plus riches et les plus pauvres est de 3,6 en France, ce ratio atteint 6,7 en Guadeloupe, 7 en Martinique, 10,7 en Guyane et 5,4 à la Réunion. Le taux de pauvreté (selon le mode de calcul national) est dans les DOM sensiblement plus élevé que dans l’ensemble de la France (46 % en Guadeloupe, 38 % en Martinique, 49 % à la Réunion et 50 % en Guyane contre 13,2 % en France).

Les statistiques de cet article proviennent de l’INSEE, de l’IEDOM et du Ministère de l’Outre-Mer.