16 septembre 2017

Le Coin de la Conjoncture du 16 septembre 2017

Les plafonds de verre des taux

 Les taux d’intérêt ne peuvent que  remonter après avoir atteint un point historiquement bas, en Europe, en 2016. La reprise économique, l’augmentation de l’inflation, la fin des politiques monétaires non conventionnelles ne peuvent qu’amener à la hausse des taux. Cette antienne est répétée depuis le milieu de l’année dernière. Mercredi 13 septembre, le taux d’intérêt de l’OAT à 10 ans était de 0,692 % soit le même niveau que le 31 décembre 2016 (0,687 %). Le taux du titre américain était en milieu de semaine nettement inférieur à son niveau de fin d’année 2016 (2,193 contre 2,454 %). Le Bund allemand fait exception (0,402 % le 13 septembre 2017 contre 0,208 % le 31 décembre dernier).

Malgré le plein emploi, malgré une croissance présente depuis plus de 6 ans, les autorités monétaires américaines n’ont engagé le processus d’augmentation des taux qu’avec retard et parcimonie. Tous les arguments sont bons pour différer les hausses ou pour en limiter l’ampleur. Les professionnels intègrent de plus en plus que l’appréciation des taux sera assez limitée

La principale limite à l’augmentation des taux d’intérêt est liée au niveau d’endettement des Etats qui dépasse 100 % du PIB aux Etats-Unis, au Japon, en Italie et qui s’en rapproche en France ou en Espagne. Une remontée des taux au-dessus du taux de croissance nominale potentielle des pays pourrait amener une crise des dettes. La croissance potentielle est calculée en prenant en compte les tendances constatées en matière de gains productivité, d’augmentation de la population active et de celle des prix.

Etant donné que la croissance potentielle varie de 1 à 2 % pour les grands pays de l’OCDE, le plafond de taux se situe, selon l’économiste Patrick Artus, autour de 3 % aux Etats-Unis, de 2 % pour la zone euro et de 0,7 % pour le Japon. Il en résulte que les marges d’appréciation des taux sont faibles,  de l’ordre de 100 à 150 points de base.

Si, par ailleurs, les taux devenaient supérieurs aux taux d’intérêt moyens des portefeuilles obligataires détenus par les intermédiaires financiers, ces derniers pourraient être confrontés à de graves problèmes. Dans ce cas, les portefeuilles obligataires des intermédiaires passeraient en moins-values. Les clients détenteurs de vieux contrats demandent alors d’en sortir afin d’en ouvrir de nouveaux. Le taux d’intérêt moyen des portefeuilles obligataires est aujourd’hui, toujours selon Patrick Artus, d’environ 3,5 % aux Etats-Unis ; de 2,3 % dans la zone euro, de 2,8% au Royaume-Uni et de 0,7% au Japon. Ce deuxième plafond est pour le moment supérieur à celui de la croissance potentielle et ne joue donc pas. Ce n’est qu’en cas de relèvement de la croissance par amélioration des gains de productivité qu’il pourrait servir de limite maximale.

 

L’OCDE enjoint la France de réformer

L’OCDE dans sa dernière étude sur l’économie française a revu sensiblement à la hausse sa prévision de croissance pour 2017 qui passe ainsi de 1,3 à 1,7 %.  L’organisation occidentale souligne que ce taux sera le plus élevé enregistré depuis six ans. Elle considère que « grâce à l’efficacité du système de protection sociale et à l’existence d’un salaire minimum », la pauvreté est inférieure en France à celle de ses principaux partenaires.

Lors de la présentation de l’étude sur la France, le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, a appuyé la démarche du ministre français de l’Économie et des Finances visant à rendre la fiscalité plus favorable à la création d’emplois et à la productivité, et le marché du travail plus inclusif. Il a insisté sur le fait de lutter contre les discriminations à l’embauche et sur la nécessité d’améliorer la situation des populations des quartiers défavorisés et marginalisés.

L’OCDE soutient les réformes du marché du travail lancées par le Gouvernement d’Edouard Philippe

L’étude souligne que, par rapport à ses partenaires, la France se caractérise par un fort taux de chômage qui concerne même les  personnes qualifiées. Elle pointe du doigt les inégalités scolaires marquées, qui nuisent à la mobilité sociale. Les experts de l’OCDE approuvent la teneur des ordonnances du Gouvernement en réclamant une adaptation du code du travail afin de favoriser l’emploi et la productivité. Ils considèrent nécessaire d’introduire de la souplesse dans les négociations sur les conditions de travail et les salaires.

Sans surprise, les auteurs de l’étude considèrent le système de formation peu performant. Les auteurs recommandent de simplifier le système de formation, complexe. Ils demandent que les pouvoirs publics mènent une politique plus favorable à l’apprentissage dans des lycées professionnels et dans les entreprises. Pour lutter contre les problèmes récurrents des banlieues, ils proposent que la rémunération des enseignants prenne mieux en compte la situation des territoires. Ils préconisent une modernisation des techniques pédagogiques.

L’ardente et nécessaire maîtrise des finances publiques

L’OCDE rappelle que les dépenses publiques de la France, à 56.4 % du PIB en 2016, sont les plus élevées de tous les pays de l’OCDE, ce qui se traduit inévitablement par une charge fiscale ayant un coût économique et social élevé. Elle mentionne que des efforts doivent être entrepris afin de réduire tout à la fois les dépenses, le déficit, la dette et les prélèvements obligatoires.

 

  • La difficile réduction des dépenses de personnel

L’OCDE pense que le Gouvernement devrait s’astreindre à diminuer le poids des dépenses de personnel du secteur public. Par ailleurs, elle juge difficile de maintenir un tel niveau de dépenses de retraite. Elle juge positivement l’idée de passer à un système de retraite unique qui « permettrait d’accroître la mobilité de la main-d’œuvre et d’abaisser les coûts de gestion ». L’étude préconise par ailleurs un relèvement progressif de l’âge minimum de départ à la retraite aligné sur l’espérance de vie.

Pour les dépenses de santé, la maitrise des dépenses pourrait être obtenue par une amélioration de la coordination entre les prestataires de santé, en particulier pour les maladies chroniques, et par un renforcement de leur rôle en matière de prévention. Le rapport préconise également une meilleure rémunération des professionnels de la santé.

Pour l’ouverture de plusieurs chantiers fiscaux

L’OCDE préconise la réduction des prélèvements pesant sur le travail en particulierpour les bas salaires. Elle demande aussi un réel allégement des impôts sur les revenus du capital. Concernant la fiscalité, les auteurs de l’étude souhaitent que les niches fiscales soient réduites. Ils jugent indispensables d’élargir les assiettes d’imposition, que ce soit pour les impôts sur le capital que pour ceux sur les revenus et la consommation. Si les charges sur le travail doivent être baissées, l’OCDE n’est pas opposée à une augmentation de l’impôt sur le revenu en abaissant en particulier le seuil de l’impôt progressif sur le revenu. L’objectif serait d’augmenter le nombre de redevables en instituant une nouvelle tranche, ce qui reviendrait à revenir sur la suppression de celle à 5 % décidée par l’ancienne majorité.

  • Des assiettes plus larges, des taux plus faibles

Après avoir atteint un sommet en 2013, le nombre de redevables de l’impôt sur le revenu est en baisse. Le nombre de contribuables à l’impôt sur le revenu est passé de 52,3 % en 2013 à 42,8 % en 2016.

De 2010 à 2013, deux millions de ménages étaient devenus imposables en raison du gel du barème, de l’assujettissement des revenus de l’épargne au barème, à de la suppression de la demi-part dont bénéficiaient les veufs ayant eu des enfants, et de la réduction du plafond du quotient familial.

A partir de 2013, afin d’inverser cette tendance, plusieurs mesures ont été prises aboutissant à une réduction rapide du nombre d’assujettis (suppression de la tranche de 5 %, ristourne applicable sur la décote, etc.). De 2013 à 2016, trois millions de ménages ont été ainsi exonérés de l’impôt sur le revenu.

La suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu a concerné les ménages gagnant moins de 9690 euros et a conduit à sortir de l’impôt un millions de personnes. En 2016, les nouveaux allègements d’impôts votés pour 2 milliards d’euros supplémentaires ont permis d’exonérer 1,1 million de foyers.

La concentration de l’impôt sur le revenu est fréquemment critiquée. 10% des ménages les plus aisés payaient 70% de l’impôt sur le revenu collecté. Or ils ne représentent que 34% du revenu imposable global. 1% des foyers (370.000 ménages) payent 30% du total.

Si 52 % des Français échappent à l’impôt sur le revenu, il convient de souligner que plus de 75 % paient la CSG. En effet, à l’exception de ceux qui ne touchent que des minimas sociaux ou qui n’ont pas de revenus, tous les ménages acquittent de la CSG qui rapporte plus que l’impôt sur le revenu.

  • Pour une TVA plus efficace

La France s’enorgueillit d’avoir inventé la TVA mais elle l’applique mal. La Taxe sur la Valeur Ajoutée  a été adoptée le 10 juin 1954 par l’Assemblée nationale sur la base d’un projet élaboré par un inspecteur des finances, Maurice Lauré. Le caractère ingénieux de cet impôt provient du fait que les entreprises peuvent déduire la TVA payées sur les achats auprès de leur fournisseur. La TVA est de ce fait une taxe sur le consommateur final. Son introduction a supprimé les taxes en cascade sur le chiffre d’affaires. Si la France a réussi à exporter son impôt dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE, cela ne l’empêche pas de ne pas l’appliquer de manière optimale. La multiplication des taux réduits réduit les rentrées de TVA et fausse le bon fonctionnement de cet impôt.

L’OCDE se montre assez critique vis-à-vis de la France en demandant de nombreuses réformes concernant tout à la fois l’éducation, l’emploi, les finances publiques et les quartiers en difficulté. En revanche, ses propositions apparaissent en phase avec les projets en cours d’élaboration par le nouveau Gouvernement.