18 février 2017

Le Coin de la conjoncture du 18 février 2017

Petit train de sénateur pour la croissance européenne

 La Commission de Bruxelles a publié, lundi 13 février, ses prévisions de croissance qu’elle a révisées à la hausse malgré les nombreuses incertitudes. La Commission souligne que la zone euro a renoué avec la croissance depuis 15 trimestres. Elle anticipe une croissance de 1,6 % en 2017 et de 1,8 % en 2018 (révision de +0,1 point). Le rythme de croissance resterait donc assez stable ; en 2016, elle a été, en effet, de 1,7 %. Tous les pays enregistreraient au cours des deux prochaines une croissance de leur PIB.

Pour ce qui est de l’ensemble de l’Union européenne, la croissance du PIB devrait suivre une évolution similaire pour s’établir à 1,8 % cette année et l’an prochain (prévisions de l’automne 2016 : 1,6 % en 2017 et 1,8 % en 2018).

La Commission a révisé ses prévisions à la hausse car elle a pris en compte les perspectives de relance budgétaire aux États-Unis et l’amélioration de la situation des pays émergents. Elle s’attend à une augmentation des exportations européennes de biens et de services qui étaient en perte de vitesse en 2016.

La Commission européenne considère que l’inflation sera orientée à la hausse en 2017 et 2018, tout en restant en deçà de l’objectif des 2 %. L’inflation sous-jacente, qui exclut les prix volatils de l’énergie et des denrées alimentaires, ne devrait augmenter que progressivement. L’inflation dans la zone euro devrait passer de 0,2 % en 2016 à 1,7 % en 2017 et à 1,4 % en 2018. Dans l’ensemble de l’Union, les prévisions tablent sur une hausse des prix qui, de 0,3 % en 2016, s’établirait à 1,8 % en 2017 et à 1,7 % en 2018.

L’amélioration de la situation de l’emploi devrait entraîner celle de la demande intérieure. La hausse des salaires nominaux, en particulier en Allemagne, devrait conforter cette tendance. Néanmoins, la croissance de la consommation privée est appelée à ralentir car l’inflation va augmenter et limiter la hausse du pouvoir d’achat des ménages cette année et l’année prochaine.

Malheureusement, l’investissement devrait progresser faiblement (voir infra). Il devrait augmenter dans la zone euro de 2,9 % cette année et de 3,4 % en 2018 (2,9 % et 3,1 % dans l’UE), soit une hausse de 8,2 % depuis le début de la reprise au début de 2013. La part des investissements dans le PIB reste inférieure à son niveau d’avant crise (20 % en 2016 par rapport à 22 % en 2000-2005).

Le taux de chômage dans la zone euro devrait continuer à reculer, passant de 10,0 % en 2016 à 9,6 % cette année et à 9,1 % en 2018. Pour ce qui est de l’Union européenne, le chômage devrait diminuer, de 8,5 % en 2016, à 8,1 % en 2017 et à 7,8 % en 2018. Ces chiffres du chômage sont les plus bas depuis 2009, mais restent supérieurs aux niveaux d’avant la crise.

Pour la Commission européenne, le déficit public de la zone euro devrait reculer, de 1,7 % du PIB cette année à 1,4 % en 2017 et 2018. Cet allègement s’explique par des dépenses moins importantes au titre des intérêts imputables à des taux d’intérêt exceptionnellement bas. Les recettes fiscales augmenteraient du fait de l’augmentation du nombre de personnes ayant un emploi. Le ratio de la dette au PIB devrait baisser progressivement pour passer de 91,5 % en 2016 à 90,4 % en 2017 et à 89,2 % en 2018. La Commission de Bruxelles s’inquiète de l’évolution du déficit français. Celui-ci pourrait conformément à ce qui a été programmé redescendre à moins de 3 % cette année, mais il pourrait repartir à la hausse dès 2018 sachant que pèsent sur son montant de nombreuses incertitudes notamment électorales.

La Commission admet, à juste titre, que ces prévisions sont fragiles du fait de nombreux facteurs pouvant peser sur la croissance dans les prochains mois. La politique de la nouvelle administration américaine doit être encore clarifiée. Le cycle électoral qui s’engage en Europe peut également provoquer quelques secousses. En outre, l’ouverture des négociations avec le Royaume-Uni, en vertu de l’article 50 du Traité, pourrait avoir quelques effets sur l’investissement de part et d’autre de la Manche. La Commission indique que le relèvement des taux aux Etats-Unis pourrait influencer négativement les économies émergentes en raison de l’augmentation des transferts de capitaux. Elle s’inquiète également du niveau de plus en plus élevé de l’endettement en Chine.

 

L’investissement des entreprises, toujours le maillon faible

 

L’engagement d’un véritable cycle de croissance au sein des pays avancés suppose une réelle reprise de l’investissement des entreprises.

 

Depuis la crise de 2008, l’investissement enregistre de faibles taux de progression. Si aux Etats-Unis, le niveau en volume de l’investissement a dépassé dès 2014 celui de 2008, il a fallu attendre 2016 pour la zone euro. Aux Etats-Unis, avec le recul du prix du pétrole à partir de 2014, la croissance de l’investissement des entreprises est devenue nulle. Au sein de la zone euro, le taux de progression, malgré les taux d’intérêt très bas, reste faible.

Les facteurs jouant contre l’investissement

Une croissance érodée

Les dirigeants d’entreprise investiraient avec parcimonie du fait de l’affaissement de la croissance potentielle. Celui-ci est notamment lié à la diminution de la croissance voire à la contraction de la population dans un grand nombre de pays. L’augmentation des dépenses sociales et des prélèvements constitue également un frein à la croissance. La demande au sein des pays avancés progresse moins vite et repose sur le renouvellement. Par ailleurs, la réduction des dépenses d’investissement contribue elle-même à la réduction de la croissance potentielle et alimente ainsi un cercle vicieux. La croissance potentielle serait orientée à la baisse en raison de moindres gains de productivité et d’une plus faible efficience de la recherche.

Le poids des menaces internationales

La prudence des chefs d’entreprise s’expliquerait également par la montée des incertitudes au niveau internationale. Les tensions avec la Russie, les évènements au Moyen Orient, le Brexit, l’arrivée de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis ainsi que les prochaines élections européennes constituent autant de raisons pour reporter des investissements. Les risques de change rendent, par ailleurs, complexes les calculs de rentabilité en cas d’exportation d’une partie de la production. En outre, les tentations protectionnistes participent à la montée de ces incertitudes.

Chat échaudé craint l’eau froide

L’aversion aux risques des dirigeants d’entreprise et des investisseurs a, depuis la crise de 2008, augmenté. Les entreprises privilégient la distribution de dividendes et le rachat d’actions afin de favoriser les cours. Les investissements réalisés sont souvent d’ordre défensif ou limités afin de conserver les parts de marché. Le digital a entraîné un surcroit d’investissement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni mais pas au sein de la zone euro où un rattrapage est attendu.

Une économie plus tertiaire

La baisse de l’investissement s’explique enfin par le changement de structures des économies des pays avancés. Le poids de l’industrie y a fortement reculé ces vingt dernières années avec son transfert, en partie, au sein des pays émergents. Le secteur tertiaire représente au sein de l’OCDE plus de 75 % du PIB. Or, le secteur tertiaire est moins générateur d’investissement que le secteur industriel. Par ailleurs, l’investissement est de plus en plus immatériel et donc moins bien identifié. Les économies avancées se sont spécialisées dans la recherche, le process, le marketing, la communication, la production étant réalisée par des entités au sein des pays émergents. Certes, avec la digitalisation de certaines tâches intellectuelles, le secteur tertiaire est amené à réaliser des investissements (informatique, robotique). En raison de l’éclatement de ce secteur et du grand nombre d’entreprises qui le composent, la montée en puissance de l’investissement y est plus lente que dans l’industrie.

 

L’automobile en pleine effervescence

L’automobile, l’industrie symbole du 20e siècle, redevient tendance. Au-delà du projet de rachat d’Opel par le groupe PSA, tout le secteur est en ébullition. De l’équipement des populations des pays émergents aux voitures sans pilote en passant par le recours à la motorisation électrique, les entreprises automobiles doivent faire face à une série de défis. En 1914, le parc mondial de véhicules à moteur se limitait à 500 000 unités. Il était de 50 millions en 1940. Il est passé à 300 millions en 1971 avant d’atteindre un milliard en 2010. Chaque année, il est désormais produit plus de 80 millions de véhicules. Si dans les pays avancés, la place de l’automobile est contestée, au sein des pays émergents avec l’élargissement des classes moyennes, le marché est en pleine croissance. D’un milliard de personnes en 2015, les classes moyennes pourraient compter près de 3 milliards de personnes en 2030. Dans ces conditions, le parc d’automobile devrait doubler d’ici le milieu du siècle. L’Asie, avec évidemment la Chine et l’Inde, ainsi que l’Afrique devraient connaître les plus fortes progressions.

L’automobile mobilise d’importants moyens au niveau de la distribution et de la production. L’incorporation d’éléments de plus en plus technologique nécessite un effort accru en Recherche & Développement. Pour amortir les coûts, les constructeurs doivent avoir une masse critique suffisante en termes de vente. Même les constructeurs de véhicules de luxe sont obligés d’avoir des gammes de plus en plus étoffées et d’être intégrés à des groupes. Les deux derniers survivants sont BMW mais qui est présent sur le créneau des petites voitures avec Mini et Mercedes qui possède néanmoins Smart. Porsche et Audi appartiennent à Volkswagen, Ferrari et Alfa Roméo à Fiat, etc.

Les concentrations dans le secteur automobile avaient été importantes dans les années 60 et cela jusque dans les années 80. Ainsi, Citroën avait racheté Panhard et Maserati avant d’être acquise par Peugeot. Ce dernier avait également repris, dans les années 70, les filiales européennes de Chrysler dont Simca. Fiat avait de son côté acheté Alfa Roméo et Ferrari quand Volkswagen avait acquis Audi et Seat avant d’acquérir un peu plus tard Skoda et Porsche. Ford avait, de son côté, acheté Volvo (1999) et General Motors, Saab. L’internationalisation du marché avec l’arrivée des marques japonaises a contribué à ce mouvement de fusion.

Dans les années 90 et 2000, hormis le dépeçage de Rover et l’alliance Renault-Nissan, les lignes entre grands constructeurs bougèrent peu. Il faut néanmoins souligner que ces derniers ont acquis de nombreuses marques dans les pays d’Europe de l’Est et ont posé quelques jalons, avec, à la clef, quelques déconvenues en Chine. Cette période s’est surtout traduite par des délocalisations (Europe du Sud, Europe de l’Est, Maghreb, etc.). La crise de 2008 a eu pour conséquence de mettre en difficulté les trois grandes entreprises américaines qui ont dû vendre de nombreuses participations (Saab en faillite a été repris par le chinois Donfeng). Tata a racheté Range Rover et Volvo a été cédée par Ford au groupe chinois Geely (Zhejiang Geely Holding Group).

Depuis quelques années, les cartes sont donc rebattues. Le développement des marchés chinois et indiens avec la montée en puissance des marchés locaux, l’arrivée des géants du numérique comme Google ou Apple ainsi que celle de de start-up comme Tesla provoquent de nouvelles concentrations ou de nouvelles alliances. Les constructeurs d’automobile sont persuadés du fait du caractère capitalistique de leur secteur qu’ils peuvent résister à une rupture technologique. L’arrivée de nouveaux entrants est compliquée car ils devront mettre en place des réseaux de distribution, des centres de réparation sur de vastes territoires. Par ailleurs, l’achat de voitures repose sur la notoriété, sur le design.

Au regard des autres grands marchés, le marché européen reste encore peu concentré. Cohabitent au moins six grands groupes généralistes, Volkswagen, Renault-Nissan, PSA, Ford, Opel, Fiat et de quelques marques installées sur des niches principalement de luxe, essentiellement BMW et Mercedes. Aux Etats-Unis, le marché est dominé par trois grands groupes (Chrysler, General Motors et Ford) et au Japon par deux (Nissan et Toyota). Sur le modèle américain, les constructeurs européens regroupent un nombre croissant de marques permettant de couvrir les différents types de clientèles. Ainsi, Volkswagen est présente, sur le low-cost, avec Skoda et sur le marché du luxe avec notamment Porsche et Audi. Renault-Nissan a suivi la même stratégie avec Dacia sur le low-cost et Infinity pour le haut de gamme (Nissan). Renault a, par ailleurs, décidé de relancer la marque de sport Alpine afin de mieux couvrir les différents segments du marché. Le groupe PSA est moins avancé en la matière. La mise en place de la marque DS sur le créneau mi- haut de gamme est pour le moment un demi-échec. La marque reste trop nationale et ne bénéficie pas d’une notoriété suffisante.

En suivant le modèle de Volkswagen, les constructeurs développent à partir d’une même plateforme de nombreux modèles pouvant appartenir à différentes marques. Il en résulte des économies de développement et de production. Renault mutualise ainsi un nombre croissant de pièces avec Nissan. De plus, les constructeurs interviennent en marque blanche. Ils fabriquent tout ou partie de véhicules pour le compte d’autres groupes.

Renault produit ainsi des utilitaires pour le compte de Fiat et de General Motors ainsi que pour Mercedes. Il fournit également en moteurs de nombreux autres constructeurs dont Daimler-Mercedes. Ces productions en marque blanche représenteraient plus de 15 % du chiffre d’affaires de Renault.

Une course de vitesse s’est engagée entre les constructeurs sur le terrain des véhicules autonomes. Ford a pris une participation dans la start-up de robotique Argo Al pour développer une plate-forme de véhicule autonome. Ford devrait investir sur ce projet un milliard de dollars au cours des 5 prochaines années. Argo Al a été créé par Bryan Saleski qui était le directeur du développement hardware de Google Car et par Peter Rander, ancien responsable des technologies chez Uber. La nouvelle plateforme logicielle serait prête en 2021. Auparavant, General Motors avait également investi 1 milliard de dollars pour racheter Cruise Automation dans le but de créer un véhicule autonome. Ce groupe a, par ailleurs, pris une participation de 500 millions d’euros dans Lyft, un concurrent américain d’Uber. Ce dernier a justement signé un partenariat avec Daimler (Mercedes) sur la fourniture et la gestion de véhicules autonomes. Fiat-Chrysler a, de son côté, signé un contrat avec Waymo, une filiale de Google toujours pour développer une flotte de voitures sans pilote.

Renault a installé un centre de recherche en Californie, en partenariat avec la start-up CloudMade afin de développer des logiciels d’aide à la conduite. Renault-Nissan a pris une participation dans Sylpheo dans le but de mettre au point un véhicule connecté et autonome. Le Groupe PSA s’est engagé à proposer dès 2018 des véhicules équipés de fonction de conduites autonomes. Enfin, Toyota a de son côté décidé la création d’un centre de recherche, le Toyota Research Institut, doté d’un milliard de dollars pour développer de nouveaux logiciels de conduite dans le cadre d’u partenariat avec deux universités américaines, le MIT et Stanford.

Les voitures ressemblent de plus en plus à des ordinateurs sur roues. II y a 10 ans, les logiciels représentaient 3 % de la valeur d’un véhicule ; aujourd’hui, c’est en moyenne 10 %. En 2020, ce sera 30 %. Les voitures sont de plus en plus connectées aux réseaux et bénéficient de dispositifs d’aides à la conduite de plus en plus poussés : freinage automatique, assistance parking, adaptation de la vitesse aux conditions de circulation, correction de trajectoire, GPS, etc. La cartographie est devenue un enjeu majeur pour les constructeurs dans la lutte avec Google ou Apple. C’est ainsi que Volkswagen, BMW et Daimler ont racheté HERE la filiale de cartographie de Nokia. Renault a, de son côté, développé R-Link en partenariat avec TomTom.

Le secteur de l’automobile devrait rester, dans les deux prochaines décennies, un poids lourd de l’activité économique. La mobilité reste une priorité pour un nombre croissant d’individus. L’automobile a toujours été un secteur de pointe. L’évolution des voitures depuis la fin du 19e siècle est assez impressionnante avec comme axes de développement, la sécurité, le confort et la facilité d’utilisation. Par ailleurs, en quelques décennies, la fiabilité s’est renforcée au point que la durée de vie des véhicules a augmenté. Le développement des véhicules connectés et autonomes constitue un aboutissement pour cette filière. L’autre défi qu’elle doit relever est d’ordre énergétique et environnemental étant donné que le nombre de véhicules est amené à s’accroître de manière exponentielle en Asie, en Afrique et en Amérique latine.