19 mars 2016

Le Coin de la Conjoncture du 19 mars 2016

Toute chose étant égale par ailleurs, la croissance mondiale est sous contraintes

Ces quinze dernières années, la Chine et plus globalement les pays émergents ont porté la croissance de l’économie mondiale. Le ralentissement de la Chine, la récession au Brésil et en Russie ne peuvent que peser sur l’activité. La croissance mondiale éprouve désormais les pires difficultés à franchir la barre des 3 %.

Plusieurs facteurs structurels jouent en défaveur d’une progression de la croissance.

La tertiarisation croissante de l’économie constitue indéniablement un frein. Les services génèrent moins de gains de productivité que l’industrie. Le développement des services, au sein des pays émergents et en premier lieu en Chine, nécessite la mise en place d’infrastructures  (réseaux de distribution). Par ailleurs, les augmentations des coûts provoquées par l’augmentation des salaires et de la couverture sociale ont amoindri la compétitivité de la Chine.

Cette érosion de la croissance est également imputable au vieillissement de la population mondiale. La planète comptera, en 2030, un milliard de personnes de plus de 65 ans contre 500 millions aujourd’hui. Il est communément admis que le vieillissement de la population est synonyme de moindre gains de productivité et de moindres prises de risque

Nous assistons à une déformation du partage des revenus au niveau mondial au détriment des salariés, un phénomène générateur d’une perte de croissance de la consommation.

Le désendettement ne contribue pas positivement à l’activité. La forte progression des dettes publiques et privées dans les années 90 et 2000 peut être assimilée à l’achat de croissance à crédit. Or, cet investissement se révèle moins rentable que prévu. Le surcroit de croissance n’est pas au rendez-vous car les crédits ont plus servi à financer des frais de fonctionnement qu’à préparer l’avenir. Cet endettement s’accompagne ou est la conséquence d’un excès d’épargne provoqué par des excédents commerciaux sans précédent et par des transferts financiers de pays à fortes capacités de consommation au profit de pays à faibles capacités de consommation. Le taux d’épargne mondiale est passé de 27 % du PIB en 2000 à 31 % du PIB en 2015. De plus, le désendettement actuel accentue ce phénomène. .

La crise financière de 2008 et la réplique de 2011 en Europe ont, enfin, accentué l’aversion aux risques. Or, sans prise de risque il n’y a pas de croissance. Il y a aujourd’hui une tendance lourde soit à réduire le risque, soit à le déporter sur les maillons en bout de chaîne (ubérisation de l’économie, sous-traitance, auto-entrepreneurs….).

Ces facteurs ont donc tendance de réduire la croissance potentielle. Les faibles gains de productivité, générés par la révolution du digitale et des réseaux constituent, par ailleurs, un élément à prendre en compte. On voit des objets connectés et du big data partout sauf dans les statistiques économiques pour paraphraser Robert Solow (Prix Nobel d’Economie.)

 

Les 3 000 qui font en partie la France

L’INSEE a réalisé une étude sur les 3000 entreprises représentant le cœur de l’économie française. Les entreprises concernées interviennent dans le secteur marchand mais l’INSEE a exclu de son champ d’investigation les secteurs agricole et financier ce qui est regrettable compte tenu du poids important de ces deux secteurs au sein de notre économie.

En 2013, les 3,3 millions d’entreprises françaises du secteur marchand  réalisent une valeur ajoutée de 986 milliards d’euros, soit plus de la moitié de la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie. Les 3 000 premières entreprises sont à l’origine de 52 % de la valeur ajoutée des secteurs principalement marchands (509 milliards d’euros), soit près d’un quart du produit intérieur brut. Elles sont à l’origine de83 % des exportations, de 70 % de l’investissement et de 58 % de l’excédent brut d’exploitation du champ. Elles emploient 5,1 millions de salariés en équivalent temps plein soit 43 % des salariés de ces secteurs et près de 20 % de l’emploi total en France.

Contrairement à certaines idées reçues, parmi les 3 000 entreprises si 240 sont des grandes entreprises, 2 030 sont des entreprises de taille intermédiaire (ETI), 590 sont des petites et moyennes entreprises (PME) hors microentreprises, et 140 sont des microentreprises (PME-MIC). Mais attention ces chiffres cachent une autre réalité. De nombreuses PME sont des filiales de grands groupes.

Il y a une grande stabilité au sein de ce groupe des 3 000. Plus de huit sur dix entreprises étaient déjà, « au cœur de l’économie française » en 2012 dont la quasi-totalité des grandes entreprises et des ETI, et les deux tiers des PME. En revanche, très peu de PME-MIC étaient aussi présentes en 2012. Les PME qui apparaissent dans ce classement sont bien souvent des unités ne portant que ponctuellement des investissements pour des groupes ou des administrations publiques.

Les entreprises industrielles demeurent un moteur essentiel de l’économie nationale, même si l’industrie en France connaît un lent repli depuis plusieurs décennies. Les 1 140 principales entreprises industrielles représentent environ 40 % des effectifs salariés, de la valeur ajoutée, de l’investissement et de l’excédent brut d’exploitation des 3 000 entreprises. Elles représentent 69 % aux exportations de ces entreprises, ce qui correspond à 57 % des exportations des 3,3 millions d’entreprises implantées en France.

 

Le Royaume-Uni peut-il être un modèle ?

Le Royaume-Uni dépasse, depuis 16 ans, la zone euro en termes de croissance. L’écart de croissance depuis 1998 est entre la zone euro et le Royaume-Uni de 14 points en faveur de cette dernière. Le taux de chômage qui était supérieur d’un point en 2009 au Royaume-Uni par rapport à celui de la zone euro, y est désormais deux fois plus faible.

Les créations d’emploi au Royaume-Uni  ont été favorisées par la faible protection de l’emploi, la faiblesse des cotisations sociales des entreprises et par le développement de formes très flexibles d’emploi. Par ailleurs, le système britannique repose sur un système de protection sociale bien moins large que celui en vigueur en Europe continentale. Ainsi, les prestations sociales représentent moins de 15 % du PIB contre plus de 18 % en zone euro et 33 % du PIB en France.

Par ailleurs, depuis 2007, le salaire réel par tête au Royaume-Uni a tendance à diminuer quand il a tendance à poursuivre, même à vitesse réduite, sa progression au sein de la zone euro. Le salaire réel britannique a perdu plus de 10 points de 2007 à 2016 en passant d’un indice 137 à 123 (indice 100 en 1998) quand le salaire réel par tête moyen de la zone euro a gagné près de 3 points.

Pour autant, la consommation des ménages progresse plus vite au Royaume-Uni qu’en zone euro. L’écart depuis 1998 est de 15 points en faveur du premier. Etant donné que le salaire par tête a plutôt tendance à baisser, les Britanniques puisent dans leur épargne. De 2010 à 2016, le taux d’épargne est passé de 12 à 4 % du revenu disponible brut. Après avoir progressé de 2008 à 2013 ce dernier se réduit fortement depuis. Par ailleurs, les ménages sont plus endettés au Royaume-Uni qu’en zone euro, 140 % du PIB contre 96 %. En revanche, les entreprises britanniques se sont fortement désendettées, leur niveau de dettes est revenu à celui du début du siècle (contraction de 20 points du PIB depuis la crise de 2008).

La croissance britannique n’empêche pas la poursuite du déclin industriel. La valeur ajoutée du secteur manufacturier représente 8 % du PIB au Royaume-Uni contre 14 % au sein de la zone euro. Depuis 1998, le poids du secteur manufacturier a diminué de 4,5 points de PIB Outre-Manche quand il est resté stable au sein de la zone euro.

Le solde commercial du Royaume-Uni s’est fortement dégradé. Il est passé de -2 % à -6 % du PIB de 1998 à 2015. Les exportations britanniques progressent moins vite que celles de la zone euro.

Au niveau économique, le Royaume-Uni se caractérise par le poids important de l’immobilier – surtout depuis 2010 – et du  secteur financier.

Les effets de richesse immobilière sont bien plus importants au Royaume-Uni que dans la zone euro, les prix de l’immobilier qui ont fortement augmenté tirent la consommation des ménages et l’activité de construction. Depuis 1998, les prix de l’immobilier ont été multipliés par trois au Royaume-Uni quand la hausse au sein de la zone euro a été de 80 %. En revanche, en ce qui concerne l’immobilier commercial, le Royaume-Uni et la zone euro connaissant, depuis 1998, la même hausse (multiplication par près de 4).

L’autre caractéristique du Royaume-Uni provient du poids de son secteur financier qui a réussi à surmonter la crise de 2008 même si le trend de croissance est inférieur à celui du début des années 2000. Néanmoins depuis 1998, la valeur ajoutée de ce secteur a doublé au Royaume-Uni quand la hausse n’est que de 30 % en zone euro.

La structure des emplois et des activités traduit une véritable spécificité britannique qui la rend difficilement imitable par les pays de la zone euro. Par ailleurs, le modèle de développement britannique demeure assez fragile. Il dépend tout à la fois de la construction, du financier et du développement d’emplois faiblement qualifiés et rémunérés.