1 décembre 2018

Le Coin de la Conjoncture du 1er décembre 2018 – confiance des ménages – taux d’intérêt – relance par les dépenses publiques

Les ménages français de nouveau en mode défiance

Après avoir atteint un point bas en 2012, le moral des ménages était orienté à la hausse depuis 6 ans. L’élection présidentielle de 2017 s’était accompagnée d’une forte progression de l’indice de l’INSEE qui mesure la confiance des ménages sur la situation économique. Mais, depuis le début de l’année, cet indice est en baisse. La question du pouvoir d’achat et le mouvement des « gilets jaunes » ont certainement pesé sur son évolution au mois de novembre. L’indice de l’INSEE a perdu 3 points au mois de novembre et se trouve à son plus bas niveau depuis février 2015. Il est désormais nettement au-dessous de sa moyenne de longue période (100). Cette chute est un mauvais présage pour la croissance de fin d’année d’autant plus que l’indicateur sur le climat des affaires est également en berne.

Les ménages sont moins confiants en ce qui concerne leur situation financière future. L’indicateur perd deux points et demeure inférieur à sa moyenne de longue période. L’opinion des ménages sur leur situation financière passée est quasi stable et le solde correspondant reste inférieur à sa moyenne.

Mauvais signe pour la consommation et les fêtes de fin d’année, la proportion de ménages estimant qu’il est opportun de faire des achats importants diminue fortement. Le solde correspondant perd 8 points et se situe au-dessous de sa moyenne de longue période pour la première fois depuis décembre 2015.

Ce pessimisme a une conséquence en matière d’épargne. En novembre, l’opinion des ménages sur leur capacité d’épargne future diminue fortement. Le solde correspondant perd 6 points et repasse au-dessous de sa moyenne de longue période. En revanche, le solde sur la capacité d’épargne actuelle des ménages est quasi stable et se maintient au-dessus de sa moyenne de longue période.

La part des ménages estimant qu’il est opportun d’épargner est quasiment stable. Le solde correspondant demeure au-dessous de sa moyenne de longue période.

 Sans surprise, la part des ménages qui considèrent que le niveau de vie futur en France va s’améliorer au cours des douze prochains mois diminue fortement. L’indicateur perd 11 points nettement restant nettement au-dessous de sa moyenne de longue période.

Le solde d’opinion des ménages sur le niveau de vie passé en France continue également de se dégrader : il perd 5 points et s’éloigne de sa moyenne. Dans un contexte de ralentissement de la croissance, les craintes des ménages concernant l’évolution du chômage augmentent très fortement en novembre. Le solde correspondant gagne 21 points et se situe à son plus haut niveau depuis novembre 2016. Il demeure cependant au-dessous de sa moyenne de longue période.

Toujours en phase avec le ressenti sur le pouvoir d’achat, en novembre, les ménages estimant que les prix ont augmenté au cours des douze derniers mois sont plus nombreux que le mois précédent. En revanche, les ménages estimant que les prix vont augmenter au cours des douze prochains mois ne sont pas plus nombreux que le mois précédent : le solde correspondant est quasi stable, nettement supérieur à sa moyenne de longue période.

 

Les taux d’intérêt remonteront-ils un jour ?

Les taux d’intérêt sont historiquement bas au regard des taux de croissance et d’inflation. En valeur réelle, l’État emprunte à dix ans, en négatif d’au moins d’un point. La Banque centrale européenne a annoncé qu’elle ne remonterait pas ses taux d’intérêt directeurs avant le mois de septembre de l’année prochaine. La question est de savoir si elle pourra alors les remonter compte tenu de l’évolution de la croissance.

Depuis le mois de mars 2016, le taux des dépôts des banques est de -0,4 %. Le taux de refinancement est de son côté à 0 % et cela depuis le mois de mars 2016. Les principaux taux des marchés monétaires à moins de trois mois sont stables et se situent autour de -0,35 %.

La BCE pourra-t-elle accroître ses taux d’intérêt à partir de septembre 2019 ? Pour le moment, les analystes financiers pensent que la hausse des taux d’intérêt n’interviendra qu’en 2020.

Plusieurs facteurs pourraient, en effet, dissuader la BCE d’augmenter les taux, et particulièrement la faible croissance de la zone euro.

La croissance européenne patine depuis le début de l’année 2018. Après un très bon quatrième trimestre en 2017, l’activité a ralenti en raison de l’existence de goulots d’étranglement au niveau de la main-d’œuvre et du fait de l’augmentation des cours du pétrole. En 2018, plus de 3 % des entreprises n’arrivent pas à recruter quand ce taux était nul en 2014. Par ailleurs, la demande interne demeure contrainte par la faiblesse des revalorisations salariales. En outre, le freinage du commerce international a pesé sur l’activité de certains pays dont l’Allemagne.

Les anticipations de croissance sont désormais négatives. Les indicateurs économiques se sont retournés dans la grande majorité des États membres de la zone euro. L’indicateur PMI composite établi en fonction des réponses des directeurs d’achat de tous les secteurs d’activité a retrouvé son niveau de 2015. Le ralentissement économique, les hausses successives des taux directeurs par la FED et la menace d’une fin de cycle aux États-Unis pèsent sur la valeur des actions. Une augmentation des taux d’intérêt en Europe ne ferait qu’accentuer cette tendance.

L’inflation reste plus que contenue en Europe. Son passage au-dessus des 2 % au cours du premier semestre n’était que la conséquence de la remontée du cours du baril de pétrole. Le plein emploi au sein de plusieurs pays de la zone euro n’a conduit qu’à une très légère hausse des salaires. Cette progression ne passe pas dans les prix de vente des entreprises en raison de l’intensité de la concurrence. De ce fait, aucune spirale inflationniste n’est à l’œuvre. L’inflation sous-jacente qui est calculée en excluant les biens et services à forte volatilité de prix peine à rester au-dessus de 1 %. De ce fait, elle est encore loin de l’objectif cible fixé par la Banque centrale, ce qui pourrait la dissuader de relever ses taux.

La situation italienne constitue un autre facteur pouvant inciter la Banque centrale européenne à différer le relèvement des taux. L’atonie de l’activité et l’augmentation du déficit budgétaire ainsi que les relations conflictuelles avec la Commission de Bruxelles devraient aboutir à accroître l’écart de taux avec l’Allemagne. Si la BCE augmentait ses taux directeurs, cela pourrait mettre en difficulté tant l’État que ses partenaires européens.

Même si son indépendance est affirmée par le Traité de Maastricht, la BCE devra tenir compte des résultats des élections européennes du 26 mai 2019. Une montée des partis anti-européens pourrait la conduire à opter pour une politique monétaire plus accommodante. Certes, les partis populistes qui ont le vent en poupe sont loin d’avoir les mêmes positions. En Allemagne, l’opinion est favorable à un relèvement des taux afin d’améliorer le rendement de l’épargne. Dans les pays d’Europe du Sud, le maintien des taux bas est souhaité afin de favoriser une reprise de la croissance et garantir un minimum de solvabilité aux États.

Cette incapacité à relever les taux ne serait pas sans conséquences. Elle empêche la banque centrale de disposer de marges de manœuvre en cas de survenue d’une nouvelle crise. Par ailleurs, elle affaiblit les établissements financiers dont la profitabilité recule quand la courbe des taux est plate.

 

Faut-il relancer la dépense publique au sein de la zone euro ?

La Commission de Bruxelles est accusée d’être à l’origine des politiques d’austérité mises en œuvre au sein de la zone euro. Les États membres auraient réalisé des efforts inutiles et coûteux. Les États-Unis, le Japon, la Chine seraient bien moins vertueux et se porteraient mieux. Pour réduire les déséquilibres budgétaires et commerciaux, certains appellent de leurs vœux l’engagement rapide d’une politique de relance. Quelle forme devrait-elle prendre ? Plusieurs solutions sont envisageables : une augmentation des dépenses courantes ou des investissements publics, un relèvement des prestations sociales ou une baisse des impôts ?

La zone euro souffre d’un déficit de croissance depuis la crise de 2008. En 10 ans, le PIB s’est accru de 25 points aux États-Unis, contre 10 points pour la zone euro. Depuis l’instauration de la monnaie unique, le PIB américain a cru de 50 % contre 31 % pour la zone euro. L’écart a commencé à se matérialiser en 2003 et n’a pas cessé de s’accroître à l’exception des années 2008/2009.

Ce déficit de croissance a de multiples causes. La segmentation de la zone euro avec en particulier l’absence d’un véritable marché financier joue en sa défaveur tout comme le vieillissement de sa population. Le manque de profondeur du marché intérieur ne favorise pas l’émergence d’entreprises digitales.

La politique monétaire depuis 2015 est devenue accommodante. Les très faibles taux d’intérêt ont facilité une reprise de l’investissement qui au regard du retard accumulé entre 2008 et 2016 demeure limitée. La dépréciation de l’euro depuis quatre ans favorise les échanges extérieurs. La balance commerciale de la zone euro est excédentaire de plus de 2 % du PIB.

Une hausse des dépenses publiques courantes ou une baisse des impôts des ménages, même s’il y a excédent extérieur, ne paraît pas efficace puisque le problème essentiel de la zone euro est la faiblesse des gains de productivité, de la croissance potentielle, avec l’insuffisante modernisation des entreprises et des compétences de la population active.

Pour certains, la politique budgétaire est jugée trop restrictive. En 2018, le déficit public des États de la zone euro est passé en-dessous de 1 % du PIB quand il dépassait 6 % en 2009. Les États membres ont réalisé des efforts conséquents pour assainir leurs finances publiques. Plusieurs pays dont l’Allemagne sont désormais en excédent budgétaire. L’Espagne, l’Italie et la France figurent parmi ceux qui n’ont pas réussi à réellement maîtriser leur déficit public. Des experts économiques et des dirigeants politiques réclament la mise en œuvre d’une politique budgétaire expansionniste, en particulier en Allemagne afin de fortifier la croissance. Une telle relance réduirait l’excédent de la balance des paiements et du budget de l’Allemagne. Mais, il n’est pas garanti que cela améliorerait la situation des autres États et donc de l’ensemble de la zone euro. L’augmentation des dépenses publiques a de fortes chances d’alimenter avant tout les importations.

La longue stagnation des revenus commence à atteindre ses limites dans plusieurs États. Elle conduit à la montée du vote extrémiste, au rejet de l’Europe transformé en bouc émissaire et, à l’exemple des « gilets jaunes » en France, à de nouvelles formes d’oppositions non structurées. Pour le moment, les entreprises ne sont pas jugées responsables de la faible revalorisation des revenus. Ce sont les États à travers la hausse des impôts ou la non revalorisation des prestations sociales qui sont accusés. Du fait du niveau élevé de l’endettement et de la faiblesse des gains de productivité qui sous-tendent la croissance, les marges de manœuvre apparaissent, en l’état, inexistantes en Europe.

La zone euro est caractérisée par la faiblesse de l’investissement en Nouvelles Technologies, par la faiblesse de la robotisation des entreprises et par la faiblesse des compétences de la population active.

L’écart entre la zone euro et les États-Unis n’a pas cessé de se creuser depuis 1999 concernant les investissements dans les NTIC. Ils s’élevaient à 0,8 % du PIB aux États-Unis en 1999 contre 0,7 % en zone euro ; en 2018, ces taux sont respectivement passés à 1,7 et 1,1 % du PIB. Pour les robots industriels, l’Europe est largement distancée par la Corée du Sud et le Japon. Les États-Unis sont légèrement devant les Européens avec, une fois de plus, un écart qui se creuse sur la durée. Les dépenses publiques d’éducation et en faveur de la recherche sont en baisse au sein de la zone euro depuis la crise de 2008. Elles sont passées de 5,8 à 5,35 % du PIB quand elles sont en progression en Asie et stables aux États-Unis.

Les États membres de la zone euro devraient concentrer leurs efforts sur la formation, la recherche et le développement tout en améliorant le fonctionnement de leur marché intérieur.

Une baisse du niveau des prélèvements obligatoires pour les ménages pourrait être souhaitée même si son effet économique structurant pourrait être dans un premier temps faible. Les prélèvements obligatoires acquittés par les ménages ont atteint un sommet historique en zone euro, en 2017, à 29,5 % du PIB contre 27 % avant crise. Compte tenu de l’accroissement de la concurrence internationale, les gouvernements ont tendance à réduire les prélèvements sur les entreprises et sur le facteur travail ; en contrepartie, les ménages ont été plus fortement imposés.

Au-delà de la nécessité politique de lâcher du lest, l’objectif reste l’augmentation de la croissance potentielle qui est de 1 % au sein de la zone euro. Compte tenu des contraintes démographiques, un relèvement de la productivité est indispensable. En 2018, la croissance de la productivité par tête n’est que de 0,5 %. Entre les demandes de l’opinion et les impératifs de politique économique, une divergence apparaît. En effet, si le problème est lié à l’offre, il faudrait poursuivre les allègements de fiscalité sur les entreprises afin qu’elles accroissent leurs investissements. Au niveau des dépenses publiques, l’accent devrait être mis non pas sur les dépenses sociales ou les dépenses courantes mais sur l’investissement, la recherche et la formation.