1 janvier 2016

Le Coin de la Conjoncture du 2 janvier 2016

Que souhaitez-vous à l’économie mondiale en 2016 ?

De la croissance…

En 2016, la croissance de l’économie mondiale franchira-t-elle la barre des 3 % ? Plusieurs institutions économiques internationales y croient même si la prudence est de mise. Plusieurs facteurs devraient y contribuer. Après une année 2015 difficile, la croissance des pays émergents serait en hausse. Le plus fort du ralentissement chinois semble être derrière nous même si la transition vers une croissance tirée par la demande intérieure et par les services signe une moindre augmentation du PIB. Certes, les faibles cours du pétrole risquent de pénaliser de nombreux pays émergents en réduisant leurs capacités d’importation. Le pari des 3 % sera d’autant plus facile à relever si le Brésil et la Russie arrivent à rebondir en cours d’année.

La croissance américaine se situerait autour de 2,5 %, un ralentissement n’est attendu qu’en 2017. En revanche, la croissance européenne devrait accélérer pour atteindre 1,9 % soit le taux le plus élevé enregistré depuis 2010. Une telle croissance suppose une progression de la demande intérieure et en particulier de l’investissement. L’arrivée de plus de 800 000 réfugiés en Allemagne devrait soutenir la demande. Par ailleurs, le vieillissement des équipements des entreprises devrait contribuer à leur renouvellement. Ce taux de 1,9 % serait d’autant plus facile à atteindre si les embargos avec la Russie étaient levés au cours de cette nouvelle année.

Des matières premières bon marché mais pas trop

Faut-il que le prix du pétrole remonte ? Oui, car ce sera la preuve que l’économie mondiale se porte mieux. Faut-il qu’il remonte vite et trop fortement ? Non, car l’économie mondiale ne le supporterait pas.

Une augmentation du baril autour de 60 dollars est souhaitable à la fois pour éviter le report d’investissements concernant les énergies renouvelables dont la rentabilité est mise à mal. Par ailleurs, un baril et plus généralement des matières trop bon marché réduisent la croissance de certains pays émergents, pays émergents qui, aujourd’hui, représentent plus de la moitié du PIB mondial.

Des taux d’intérêt sous contrôle

Les taux ont atteint, France, un niveau historiquement bas en 2015 avec la mise en place du Quantitative Easing de la BCE et la faible inflation. Si depuis le mois d’avril, les taux sont passés de 0,4 à près de 1 % pour les obligations d’Etat à 10 ans, il n’en reste pas moins que les taux sont toujours dans les tréfonds. La décision de la BCE de reporter la fin du QE en 2017, la chute du prix du pétrole et la lente reprise devrait allonger cette période de faibles taux. La répression financière selon laquelle les épargnants sont amenés à payer une partie des dettes accumulées en acceptant une faible rémunération de leur épargne restera d’actualité. Après des années de forts rendements sur les produits de taux, rendements qui dépassaient nettement, sur moyenne période, le taux de croissance de l’économie, il est possible que nous soyons entrés dans un cycle de correction.

Nous ne pouvons néanmoins que souhaitez une augmentation progressive des taux. En effet, cela matérialiserait un relèvement de l’inflation sous-jacente et une reprise pérenne de l’économie. La décision de la FED de relever ses taux directeurs s’inscrit dans ce schéma.

 Une gouvernance revisitée et réinventée

Depuis la crise financière de 2008/2009 qui avait donné lieu à une mobilisation internationale sans précédent à travers le G20, la gouvernance fait depuis du surplace. Néanmoins, à la fin de l’année 2015, le Congrès américain a entériné la réforme du FMI qu’il bloquait depuis 2010. Cette réforme aboutit à doubler les ressources de l’organisation internationale et s’accompagne d’une refonte des droits de vote. Le poids des pays émergents, et, en premier lieu, de la Chine, augmente quand celui des pays occidentaux diminue. Néanmoins, en conservant 16,5 % des droits de vote, les Etats-Unis conservent leur droit de veto (applicable avec 15 % des droits de vote). Par ailleurs, la monnaie chinoise est entrée dans le panier des Droits de Tirage Spéciaux. Les Etats-Unis étaient de plus en plus isolés en refusant d’adopter la réforme du FMI. Plusieurs pays émergents sous la conduite de la Chine avaient mis en place des institutions concurrentes au FMI et à la Banque Mondiale pouvant menacer, à terme, ces dernières.

Compte tenu des risques de guerre de changes et de la montée des courants protectionnistes, la question du renforcement de la gouvernance économique mondiale pourrait se poser à nouveau. Par ailleurs, la mondialisation de la pollution nécessite l’instauration de mécanismes de surveillance et de régulation mondiale. Actuellement, cette mission est assurée par l’ONU qui a, à titre d’exemple, la responsabilité des réunions sur le climat (COP).

Une relance de la construction européenne

Face à la montée des mouvements anti-européens qu’ils soient d’extrême gauche ou d’extrême droite et face à l’arrivée de nouvelles vagues de migrants en provenance de Syrie et de Lybie, les gouvernements des Etats européens jouent de plus en plus en solitaire. Depuis cinq ans, les seules initiatives communes ont été adoptées pour régler l’affaire grecque. Même si la mise en place de fonds de soutien, d’un système de régulation bancaire et de mécanismes de contrôle budgétaire des Etats constituent des petites révolutions, l’Europe reste discrète sur les sujets sociaux ou fiscaux. Les tentatives d’harmonisation ou de création d’un régime européen de sécurité sociale ont été vite remisées. L’instauration d’un dispositif pour les travailleurs détachés, tout comme la mise en place d’une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés, ont été abandonnées faute d’un minimum de consensus. Si la Commission de Bruxelles a décidé l’engagement d’un plan en faveur de l’investissement (plan Juncker), son montant demeure faible. En outre, l’Europe ne s’est toujours pas dotée d’un fonds conjoncturel pour faire face à un choc asymétrique frappant une ou plusieurs régions voire un Etat membre. En ce qui concerne l’Espace Schengen, l’année 2016 sera cruciale. Il y a un risque de délitement du système à moins que les Etats membres confirment leur volonté de renforcer les moyens communautaires dévolus pour la surveillance des frontières.

En cas de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ou pour éviter sa sortie, une initiative de la part des Etats membres apparaît nécessaire. Plusieurs options sont imaginables mais complexes à définir car le Royaume-Uni refuse justement tout accroissement des mécanismes de solidarités. La solution pourrait être l’institutionnalisation d’une Europe à plusieurs vitesses avec la création de structures spécifiques. Néanmoins, l’Allemagne regarde à l’Est quand la France cherche sa voie. Le débat sur la ratification du traité transatlantique pour instaurer un espace de libre échange entre les Etats-Unis, la Canada et l’Europe sera compliqué entre les tenants du libre-échange et les défenseurs d’un marché commun protégé.

La monnaie chinoise n’a pas encore tout d’une grande !

Malgré son premier rang mondial pour la production industrielle et pour les exportations, la Chine ne dispose pas encore d’une devise à rayonnement international.

En 2015, un pas important a été franchi. En effet, le Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé le lundi 30 novembre dernier, l’introduction de la monnaie chinoise, le renminbi (RMB) ou yuan, dans les droits de tirage spéciaux (DTS), le panier de devises qui sert d’actif de réserve international à l’institution. A compter du 1er octobre 2016, les 188 Etats membres du FMI pourront échanger des DTS contre les cinq monnaies dites « librement utilisables » – dollar, euro, livre sterling, yen et désormais le RMB pour équilibrer, le cas échéant, leur balance des paiements. Le yuan devrait représenter 10,92 % du panier.

Les autorités du FMI ont considéré que la devise chinoise répondait aux conditions à remplir pour intégrer le panier DTS. Pour intégrer le panier DTS, une devise doit jouer un rôle tant sur les marchés commerciaux à l’international que sur les marchés de changes.

En répondant favorablement à la demande des autorités chinoises qui datait de 2009, le FMI juge que ces dernières ont procédé aux réformes économiques et financières nécessaires pour libéraliser le secteur financier.

Au niveau international, la devise chinoise joue encore un rôle modeste. Elle ne représente que 2,5 % des transactions internationales, contre 3 % pour le yen, 29 % pour l’euro et 43 % pour le dollar américain. Néanmoins, la Chine a multiplié les opérations de prêts sous forme de swaps car sa devise était jusqu’à maintenant peu convertible.

A la fin du mois de mai 2015, la valeur totale des accords avec 32 pays et régions dépassait 3 000 milliards de yuans (469 milliards de dollars). L’intégration du yuan dans le panier DTS devrait accélérer son internationalisation. Elle renforce surtout le poids politique de la Chine au sein du FMI et vise à réduire la tentation de constitution d’un système financier parallèle au FMI et à la Banque Mondiale.

Cette décision devrait inciter les dirigeants chinois à poursuivre la libéralisation progressive du système financier et de l’économie. Le contrôle des capitaux, par exemple, devrait être maintenu, le gouvernement souhaitant maîtriser les sorties de capitaux.

Avec le ralentissement économique, avec l’augmentation des coûts, de plus en plus d’entreprises et d’investisseurs chinois investissent en-dehors des frontières conduisant à une réduction des réserves de change. Si cette évolution est assez incontournable, les autorités chinoises tentent de la maîtriser. Les réserves de change sont passées de 4 000 milliards de dollars en 2014 à 3 500 en 2015.

 2016, année Olympique

Le Japon a-t-il raison de parier sur les Jeux Olympiques ?

L’année 2016 sera marquée par les Jeux Olympiques à Rio de Janeiro. Ils se dérouleront dans un pays qui est en proie à une sévère récession. Le PIB a reculé de plus de 3 points de PIB en 2015. Pour 2016, la contraction pourrait atteindre 1,9 %. L’effet « Jeux » ne se fait sentir que négativement sous forme d’augmentations des salaires qui pèsent sur la compétitivité des entreprises brésiliennes.

Le Japon, de son côté, croit  à la relance économique par les Jeux Olympiques qui seront organisés à Tokyo en 2020. Selon la Banque du Japon (BoJ), les jeux devraient générer 0,2 à 0,3 point de croissance en plus chaque année entre 2015 et 2020. Pour cette évaluation, la Banque centrale a pris en compte l’apport des constructions et l’augmentation attendue des touristes qui pourraient dépasser 33 millions contre 20 millions en temps normal.

Le montant total des travaux (directs et indirects) est évalué par la BoJ à 10.000 milliards de yens (75 milliards d’euros au cours actuel).

La Banque centrale considère que de nombreuses femmes entreront dans les prochaines années sur le marché du travail. En effet, le Japon doit faire face à une pénurie de main d’œuvre compte tenu de sa structure démographique déclinante. Selon différentes études réalisées, il faudra pourvoir à 700 000 emplois supplémentaires d’ici 2018.

Le taux de chômage devrait descendre progressivement pour tomber en 2018 à 2,5 % de la population active (contre environ 3,3 % en 2015). La Banque centrale souligne néanmoins qu’après 2018 il y a un risque de diminution assez rapide de la croissance du fait que le gros des chantiers sera terminé.

Les Jeux Olympiques sont-ils une bonne opération financière ?

Entre le dossier de candidature et la fin des jeux, depuis Seoul, une dérive des budgets est constatée. Par ailleurs, les Jeux ont tendance à devenir de plus en plus coûteux. Les Jeux de Séoul en 1988 qui devaient coûter 4 milliards de dollars ont finalement occasionné une dépense de plus de 8,3 milliards d’euros. La palme de la dérive est pour Pékin. Le montant des Jeux a atteint 32 milliards de dollars pour un budget initial de 2,6 milliards de dollars. Parmi les moins rigoureux figurent aussi Athènes et Londres avec un doublement des budgets. Atlanta, en 1996, a presque respecté l’enveloppe prévue dans le dossier de candidature (3,3 milliards de dollars contre 2,5 milliards). Les Jeux d’Hiver n’échappent pas également à l’inflation des budgets. Ainsi, ceux de Sotchi, en 2014, ont été les plus dispendieux de l’histoire, avec un budget total de 36 milliards d’euros.

Les Gouvernements et les Comités Olympiques nationaux ont tendance à sous-estimer les coûts et à multiplier les promesses afin de remporter les Jeux avec, de ce fait, une dérive quasi automatique des budgets.

Pour les jeux de 2024, le Comité français du sport international (CFSI) a fixé un chiffre de 6,2 milliards d’euros pour le budget prévisionnel. Ce montant apparaît, en l’état déjà impossible à respecter.

Pour éviter ces dérives, le Comité International Olympique s’est engagé à examiner la faisabilité financière des projets.

Le bilan économique des Jeux est très difficile à évaluer. Il y a un évident « effet construction » mais qui est éphémère à quoi s’ajoute donc l’ « effet touristes ». Du fait des craintes en matière de saturation des transports, les Jeux ne génèrent pas immédiatement un afflux de touristes surtout quand la ville bénéficie déjà d’une forte renommée internationale comme Londres ou Paris. En revanche, les Jeux ont un évident effet « image » qui permet justement d’asseoir la notoriété d’une ville et d’un pays. Un évènement sportif à dimension internationale a un effet mobilisateur et fédérateur pour la population concernée. Ce fut le cas en France avec la Coupe du Monde de 1998. Ce fut également le cas en Chine mais aussi à Londres.

Par ailleurs, il convient de relativiser les coûts car les Jeux contribuent à accélérer la réalisation d’investissements qui étaient de toute façon programmés. Les infrastructures routières et ferroviaires des Jeux d’Albertville en 1992 étaient prévues mais, maintes fois reportées, pour des raisons budgétaires ou écologiques. Londres a également utilisé les Jeux Olympiques pour remodeler l’est de la ville. Ce réaménagement nécessaire était dans les cartons depuis de nombreuses années.

Selon une étude du cabinet Sport+Markt, les Jeux olympiques auraient, depuis 1980,  rapporté plus qu’ils n’ont coûté. 220 millions de dollars de bénéfice pour Los Angeles et Séoul, 10 millions pour Atlanta, et même 145 millions pour Pékin. Le bénéfice le plus important a été atteint par Sydney, en 2000, avec 1,75 milliard de dollars.