2 juin 2018

Le Coin de la Conjoncture du 2 mai 2018

Le moral des ménages français en mode pause

Pour le 4ème mois consécutif, la confiance des ménages français dans la situation économique est restée stable selon l’indice calculé par l’INSEE. Cet indice reste donc à 100, c’est-à-dire sa valeur moyenne de long terme. Sur la situation personnelle passée des ménages, l’indice gagne un point quand il en perd un en ce qui concerne la situation future.  Les deux soldes se situent au-dessous de leur moyenne de long terme. Le moral des ménages après avoir connu une forte progression de fin 2016 à 2017 s’est stabilisé. Un certain attentisme est de mise au regard des évolutions des prix et de la croissance.

Cette prudence se traduit par une proportion de ménages estimant qu’il est opportun de faire des achats importants en baisse de 2 points en mai. Cet indicateur retrouve ainsi son niveau de mars. Le solde correspondant reste néanmoins bien au-dessus de sa moyenne de longue période.

Malgré tout, le solde d’opinion des ménages sur leur capacité d’épargne future s’améliore nettement en gagnant 6 points. Il se situe désormais au-dessus de sa moyenne de long terme. Le solde sur leur capacité d’épargne actuelle est quasi stable (+1 point) et demeure légèrement au-dessus de sa moyenne de longue période. La part des ménages estimant qu’il est opportun d’épargner augmente sensiblement en mai (+5 points). Le solde correspondant demeure néanmoins nettement au-dessous de sa moyenne de long terme. Cette volonté d’épargner davantage est en phase avec les résultats de l’assurance vie et du Livret A.

Les Français commencent à douter de la pérennité de l’amélioration économique. En effet, en mai, les ménages sont moins optimistes quant au niveau de vie futur en France. L’indice perd 4 points et atteint son plus bas niveau depuis octobre 2016. Il repasse ainsi légèrement au-dessous de sa moyenne de longue période. Les ménages sont également moins nombreux à considérer que le niveau de vie passé en France s’est amélioré au cours des douze derniers mois ; le solde correspondant perd 3 points, mais se maintient au-dessus de sa moyenne de long terme.

Les Français intègrent de plus en plus l’idée d’une augmentation des prix. Le solde correspondant gagne 7 points et se situe nettement au-dessus de sa moyenne de long terme. Les ménages sont également plus nombreux qu’en avril à estimer que les prix ont augmenté au cours des douze derniers mois.

 

 

Le fordisme est-il mort ?

Le fordisme est avant tout un modèle d’organisation de développement des entreprises. Pour le lancement de sa nouvelle voiture la Ford T, Henry Ford, décide de révolutionner le mode de production en recourant à une organisation scientifique du travail. Il s’appuie sur les travaux de l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor. La mise en œuvre de la spécialisation du travail avec l’apparition des chaînes de montage génère des gains de productivité.

L’autre axe du fordisme est de relier les salaires aux gains de productivité. Les salariés bénéficient ainsi d’une partie des résultats de leur travail. Henry Ford indiquait qu’il voulait que, grâce à leur rémunération,  ses salariés puissent acheter les voitures qu’ils produisaient. Les fondamentaux du fordisme seront théorisés par Keynes.

Le fordisme a été au cœur des 30 Glorieuses. Le développement de la consommation des ménages était directement couplé à la progression des salaires. Elle était également la conséquence du plein emploi et de l’émergence des classes moyennes rendue possible par l’existence de l’ascenseur social. La progression du revenu de la classe moyenne procure des débouchés aux entreprises, permettant de distribuer les biens et services nouveaux sur une grande échelle.

Le fordisme rime, pour beaucoup, avec croissance et répartition équilibrée des revenus au sein de la population.

Depuis une vingtaine d’années, le système fordiste ne fonctionnerait plus au sein des pays avancés. La répartition des fruits de la croissance serait moins favorable aux actifs du fait d’une préférence donnée aux actionnaires ou à la redistribution sociale.

Aux États-Unis, depuis 1998, la productivité par tête a progressé de plus de 20 % plus vite que le salaire réel par tête. Au Japon, l’écart est sur la même période de 15 % quand pour l’Europe il est simplement de 3 %. En Chine, en revanche, les salaires ont, en 20 ans, été multiplié par 5,5 quand la productivité ne l’a été que par 3.

Dans les pays occidentaux, la pauvreté ne recule plus. Dans les pays émergents, du fait de la forte croissance, elle recule rapidement. Elle a été divisée par 10 en Chine en vingt ans. Néanmoins, dans ce dernier pays, les inégalités restent très fortes.

La proportion du revenu national reçu par les 1 % de la population ayant les revenus les plus élevés a progressé aux États-Unis passant de 18 à 22,5 % de 1998 à 2018 quand elle est restée relativement stable au sein de la zone euro. En Chine, elle est passée de 10 à 14 % sur la même période.

Le fordisme semble être en recul au sein de l’économie mondiale. La progression des inégalités aux États-Unis et en Chine, le partage à la défaveur des salariés des gains de productivité témoigne d’un changement de modèle. Pour certains, cette évolution est la conséquence de la mondialisation et de la digitalisation qui ont provoqué une diminution des emplois de la classe moyenne. Pour d’autres, c’est la victoire du consommateur qui dicte ses conditions aux producteurs. Les gains de pouvoir d’achat ne passent plus par les salaires mais par les prix des biens de consommation. Par ailleurs, l’analyse centrée sur les salaires des actifs est trop réductrice. En effet, à la différence des années 60, ces derniers doivent financer un nombre croissant de retraités. Il convient de prendre en compte les charges fiscales et sociales sur les actifs, directes et indirectes (par exemple cotisations salariales et employeurs) pour mesurer le partage des gains de productivité. Le versement de pensions à 16 millions de retraités n’est pas sans incidence économique.

 

La politique économique face au sablier du Président

Un an, c’est 20 % d’un mandat présidentiel. Un an, c’est court pour impulser une politique économique d’autant plus que la concertation en amont puis l’adoption des mesures réduisent le temps disponible. Depuis son élection, le Président de la République a mené une politique économique reposant sur un savant dosage entre offre et demande dans un contexte budgétaire toujours complexe. L’affermissement de la croissance, en 2017, lui a permis, plus vite que prévu, de faire passer le déficit public en-dessous de la barre des 3 % et a ainsi donné des gages de sérieux aux partenaires européens.

Une politique orientée en faveur de l’offre

Le Gouvernement depuis le mois de mai 2017 tente de favoriser l’investissement afin de conforter la reprise économique. À cet effet, il a supprimé l’ISF sur les valeurs mobilières et institué le Prélèvement Forfaitaire Unique à 30 % sur les revenus financiers. En diminuant la fiscalité sur le capital, un message est adressé tout autant aux investisseurs nationaux qu’à ceux résidant à l’étranger.

Toujours dans le cadre de la politique de l’offre, le Gouvernement a réformé le code du travail dans en prolongeant la loi de la Ministre du Travail de François Hollande, Myriam El Khomri. Les ordonnances Travail ont, par ailleurs, renforcé le niveau de la branche pour les négociations concernant la protection des salariés. Les indemnités légales de licenciement ont été accrues. Le droit au télétravail a été renforcé.

La transformation du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, instauré en 2013) en une baisse pérenne des cotisations sociales interviendra en 2019 (-6 points sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC). Une diminution des cotisations sociales au niveau du SMIC (-3,9 points, dégressif jusqu’à 1,6 SMIC) qui s’inscrit dans le cadre de la politique d’abaissement des charges sur les bas salaires, pratiquée depuis vingt-cinq ans en France.

Le Gouvernement a également obtenu du Parlement la baisse, par étapes, du taux de l’impôt sur les sociétés, de 33,3 % aujourd’hui à 25 % d’ici 2022, ce qui placera la France dans la moyenne européenne.

Une maîtrise très raisonnée des finances publiques

Le Gouvernement a pris les dispositions pour contenir le déficit en-dessous des 3 % en recourant à des augmentations de taxes qui, en outre, obéissent à des considérations de santé publique (tabac, gazole). L’effort de réduction du déficit public est concentré sur les deux dernières années du mandat avec un retour à l’équilibre prévu pour 2022. Le Gouvernement devrait présenter au mois de juin son plan de réduction des dépenses publiques.

Une dose de politique de la demande

Pour améliorer le revenu des ménages, le Président de la République a décidé de supprimer la taxe d’habitation sur trois ans. Il a également prévu une revalorisation de certaines prestations (minimum vieillesse, allocation adulte handicapé, prime d’activité, chèque énergie). L’allègement des cotisations sociales est prévu en deux temps : le premier a été réalisé au 1er janvier quand le second interviendra au 1er octobre. De ce fait, l’effet sur la demande ne jouera qu’à la fin de l’année.

Compte tenu de ce calendrier, les hausses d’impôts l’emportent sur les baisses au premier trimestre 2018, le rapport s’inversant au quatrième trimestre. Le frein à la consommation et à la croissance ressenti en début d’année devrait se relâcher en fin d’année. Ce surcroît de prélèvements est d’autant plus fortement ressenti qu’il intervient au moment où le prix du pétrole augmente.

Un transfert de charges entre les générations

La hausse de la CSG aboutit à un transfert de charges entre les générations. En effet, les retraités contribuent à un allègement de charges dont bénéficient les actifs. Cette mesure a pour objectif d’accroître le pouvoir d’achat des personnes qui travaillent et de demander aux retraités mais aussi aux épargnants de participer un peu plus au financement de la Sécurité sociale. Le transfert est évalué à près de 4 milliards d’euros sur les 7 milliards d’euros de gains générés par la hausse de la CSG. Les épargnants comptent également parmi les contributeurs.

Le taux normal de CSG sur les revenus d’activité est ainsi passé à 9,2 %, celui sur les pensions de retraite et d’invalidité à 8,3 % et celui sur les revenus de l’épargne et du capital à 9,9 %. Le taux normal de CSG sur les allocations chômage (6,2 %) et le taux réduit sur les retraites, les allocations chômage et les pensions d’invalidité (3,8 %) sont restés identiques.

Les impacts des réformes à venir

ü  Le projet de loi PACTE

Le projet de loi PACTE (plan d’action en faveur de la croissance et de la transformation des entreprises) dont la présentation est censée intervenir au mois de juin, vise à faciliter le financement des entreprises françaises, à relancer l’épargne salariale et l’épargne retraite ainsi qu’à modifier l’objet de l’entreprise. Il devrait également prévoir des privatisations d’entreprises publiques et comporter des mesures de soutien à l’innovation.

ü  La réforme de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’assurance chômage

La réforme de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’assurance-chômage serait insérée dans le projet de loi qui intitulé « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Le Gouvernement entend simplifier et modifier la gouvernance. L’objectif serait de faciliter l’accès à la formation comme à l’apprentissage. Le compte personnel de formation (CPF) serait désormais crédité en euros et non plus en heures. 15 milliards d’euros prélevés sur le grand plan d’investissement doté de 57 milliards d’euros seront affectés à la formation. Ces sommes seront notamment consacrées au million de jeunes sortis du système scolaire, sans emploi ni formation et aux chômeurs peu qualifiés.

La réforme de l’assurance-chômage vise à rendre ce dernier plus universel : extension sous certaines conditions aux démissionnaires, et aux indépendants, renforcement des contrôles. Le Gouvernement souhaite que les partenaires sociaux s’entendent au niveau des branches d’ici la fin 2018, pour limiter le recours aux contrats à très courte durée, faute de quoi il a indiqué son intention de rétablir le système de bonus-malus sur les cotisations chômage des employeurs. Le projet de loi pourrait modifier les règles du cumul chômage-emploi, le mode de gouvernance de l’assurance chômage avec l’instauration d’un tripartisme associant plus étroitement l’État aux partenaires sociaux.

ü  La réforme des finances publiques

Le Président de la République s’est engagé à diminuer de 4 points de PIB la part des dépenses publiques au sein du PIB et à diminuer les prélèvements obligatoires. Un comité dédié (Comité Action Publique 2022) a été chargé de conduire une revue des missions et des dépenses publiques pour identifier les pistes possibles d’économies et leurs montants. Ses conclusions sont annoncées pour juin. Des marges de manœuvre devront être trouvées pour financer l’augmentation de certaines dépenses publiques et pour compenser les manques à gagner fiscaux. La suppression de la taxe d’habitation, la création éventuelle du service civique, la reprise de la dette de la SNCF, les différents plans d’investissement pèseront essentiellement en fin de mandat. La facture pourrait être alourdie par l’exonération de cotisations (patronales et salariales) sur les heures supplémentaires.

Si le Premier ministre Édouard Philippe a démenti tout nouvel allégement en faveur des entreprises d’ici 2020, plusieurs chantiers fiscaux demeurent d’actualité. Le premier concernera le sujet très sensible de la fiscalité locale d’autant plus que, à partir de 2020, s’engagera le cycle des élections locales. La mise en œuvre de la retenue à la source pour l’impôt sur le revenu, à compter du 1er janvier 2019, ne s’accompagne pas d’une réforme de cet impôt. En lissant les prélèvements sur 12 mois au lieu de 10 pour les contribuables mensualisés et au lieu de 3 pour ceux ayant conservé le paiement par tiers, la retenue à la source génère un léger gain de trésorerie. En supprimant l’année de décalage, elle facilitera la gestion du budget des familles, ce qui pourrait, après une phase d’adaptation, être favorable à la consommation. Les personnes qui partent à la retraite en 2018 seront par ailleurs avantagées en n’ayant pas à acquitter d’impôts sur leur dernière année de revenus professionnels (à l’exception des revenus exceptionnels et prime de fin de carrière).

ü  La réforme des retraites

Dans le quotidien « Le Parisien » du 31 mai, Jean-Paul Delevoye a légèrement précisé les modalités de la réforme visant instituer un futur régime universel. Au niveau du calendrier, il a précisé que 2018 serait consacrée à la concertation avec les partenaires sociaux mais aussi avec l’ensemble des citoyens à travers une consultation sur Internet. Les orientations de la réforme seraient connues à la fin de l’année ou au début de l’année 2019. L’examen par le Parlement devrait intervenir au cours de l’été 2019. La mise en œuvre débuterait en 2025 avec un étalement possible pour certaines caisses sur 10 ans. Le Haut-Commissaire en charge de la réforme des retraites a confirmé que le régime universel serait à points. Il semble avoir exclu l’idée d’un système en comptes notionnels. Dans le cadre de cette réforme, il souhaite une clarification du financement des dépenses relevant à ses yeux de la solidarité (droits familiaux, réversion, etc.). Ces dépenses devraient relever de l’impôt et non des cotisations professionnelles. Dans son interview, il n’a pas mentionné les régimes complémentaires certainement par prudence car ils relèvent du paritarisme. En revanche, il a précisé que les actifs cotiseraient dans la limite de 3 fois ou 4 fois le plafond de la Sécurité sociale, à charge pour ceux ayant des rémunérations supérieures de cotiser à des régimes supplémentaires pouvant être par capitalisation.

Avec le système par points, la notion de durée de cotisation disparaît. En revanche, l’âge légal de départ à la retraite resterait fixer à 62 ans. Par ailleurs, Jean-Paul Delevoye a précisé que l’enveloppe budgétaire affectée à la retraite devrait rester constante autour de 14 % du PIB. Compte tenu de l’augmentation du nombre de retraités qui passera de 16 à 25 millions de 2018 à 2040, il faut espérer sur la période une croissance d’au moins 2 % en moyenne pour maintenir autant que possible le pouvoir d’achat des retraités.

La France devra gérer la cohabitation entre l’ancien et le nouveau régime. Les modalités de transferts des « droits » de l’un à l’autre pour ceux qui ont déjà commencé à travailler seront sans nul doute sujettes à d’âpres débats. Il en sera de même pour l’intégration des régimes spéciaux et des fonctions publiques dans le nouveau système. La question de la gouvernance du futur régime universel devra être, par ailleurs, réglée.

Les avantages du régime universel sont la simplification des règles de calcul des pensions et une gestion beaucoup plus facile de l’assurance vieillesse. En jouant sur les valeurs d’achat et de rachat des points, les pouvoirs publics auront la possibilité d’équilibrer le régime sans avoir l’obligation de présenter un projet de loi.

Si 2018 est une « année blanche » pour l’imposition des revenus (année blanche toute relative), elle l’est aussi au niveau électoral. 2018 est la seule année du quinquennat à ne pas comporter d’élection. En revanche, à compter de l’année prochaine, tous les ans, des élections sont prévues (élections européennes en 2019, élections municipales en 2020, élections régionales et départementales en 2021). Ces rendez-vous électoraux sont toujours délicats pour un pouvoir en place. Ils aboutissent à des inflexions au niveau des politiques mises en œuvre. À partir de 2020, la future présidentielle commencera à dicter son calendrier.