20 août 2016

Le Coin de la Conjoncture du 20 août 2016 – FMI vs BCE et l’âge de la retraite en Allemagne

Le bilan en creux des taux d’intérêt négatif selon le FMI

Le Fonds Monétaire Internationale (FMI) et la Banque Centrale Européenne (BCE) ne sont pas toujours les meilleurs amis du monde comme le prouvent leurs positions divergences en ce qui concerne le règlement de la dette grecque même si, en la matière, il ne faut pas nier l’existence d’un savant jeu de rôle.

Les deux institutions semblent également diverger au sujet des effets des politiques monétaires accommodantes mises en œuvre depuis la Grande Récession par plusieurs banques centrales. Ainsi, dans une note du 10 août dernier, le FMI attire l’attention sur les dangers de la politique des taux d’intérêt négatifs que pratique la BCE.

Cette analyse intervient au moment même de l’annonce par la banque coopérative allemande, la Raiffeisenbank de la mise en œuvre d’une commission de 0,4 % sur les dépôts à vue de ses clients dont les avoirs dépassent 100 000 euros. En Allemagne, les épargnants grognent de plus en plus face à l’érosion du rendement de leurs placements. Cette commission est la traduction pour les particuliers de la mise en place par la BCE de taux négatifs sur les dépôts réalisés par les banques auprès d’elle, il y a plus de deux ans. L’abaissement des taux par la BCE avait comme objectif de ramener le taux d’inflation aussi près que possible de sa cible des 2 % et de ranimer une économie en pleine stagnation. Initialement, cette politique était temporaire ; désormais son terme est prévu au mieux dans le courant de 2017. En appliquant des taux directeurs négatifs, les banques commerciales sont censées réduire au maximum leurs excédents de liquidités qui sont placés à la BCE et donc prêtées aux consommateurs et aux entreprises. Les consommateurs seraient ainsi incités à acquérir davantage de biens, et les entreprises à investir dans de nouvelles capacités de production. Ce surcroît d’activité est supposé générer une hausse des prix qui devrait déboucher sur une remontée des taux d’intérêt.

La barre du zéro a constitué longtemps un plancher non franchissable. La crainte était que les banques commerciales appliquent justement des taux négatifs à leurs clients ce qui pourrait entraîner des retraits d’argent. Pendant longtemps, nombre d’économistes et de décideurs ont estimé que les banques centrales ne pouvaient pas abaisser leurs taux directeurs en dessous de zéro (Bech and Malkhozov, 2016). Mais, cet interdit pose problème en période d’inflation nulle et de faible croissance. En effet, les taux d’intérêt réels (hors inflation) peuvent dans ce cas être élevés et freiner la consommation et l’investissement. Afin de contrecarrer la menace déflationniste, la BCE s’est résolue à franchir le rubicond. Le risque de bank-run a été jugé limité car le coût de conservation du numéraire est supérieur à l’application de taux négatif de -0,4 % choisi par la BCE. En outre, dans la vie économique courante, le paiement en numéraire s’est fortement réduit.

Le FMI admet que le bilan de la politique de taux d’intérêt négatifs est globalement positif. La baisse du taux a assoupli les conditions financières, en réduisant le coût de l’emprunt, à la fois pour les banques et pour leurs clients. L’organisation internationale souligne également que l’emprise de la BCE sur la fixation des taux du court au long terme sort renforcée. Le FMI admet même que la politique monétaire de la banque centrale a permis un petit regain d’inflation et s’est traduite par une progression du crédit aux particuliers et aux entreprises.

Toutefois, à ses yeux, les taux négatifs dans la zone euro ne sont pas sans engendrer des difficultés particulières. Dans la mesure où la BCE ne facture des intérêts que sur les excédents de liquidités, ce sont les pays dont les banques détiennent les plus forts excédents de réserves qui sont facturés le plus. Ces pays sont en général ceux qui affichent d’importants excédents de leurs transactions courantes vis-à-vis d’autres membres de l’union monétaire. Sont concernées, en premier lieu, les banques allemandes ou néerlandaises.

Cette politique a comme conséquence que les banques ne peuvent plus dégager des revenus d’intérêts sur chaque euro d’actifs d’autant qu’elles n’ont pas pu répercuter les taux négatifs sur leurs clients. Dans plusieurs grands pays, les emprunts sont en général indexés sur le taux directeur (prêts dits «à taux variable»). Dans ces pays, les banques sont confrontées à une diminution de leurs marges non seulement sur les nouveaux engagements de prêts mais aussi sur les encours existants.

 

Les banques ont réussi dans une certaine mesure à compenser la baisse de leur rentabilité par une augmentation de leur volume de prêts et une baisse de leurs charges d’intérêt, ainsi que par les plus-values issues de la gestion de leurs investissements. Elles ont également réduit leur provisionnement pour risque et augmenté leurs frais et commissions. Selon le FMI, les banques n’auraient plus guère de marges de réduction de leurs coûts sauf à s’attaquer à certains sureffectifs générés par le développement du digital.

Le FMI estime que la BCE a atteint les limites dans sa politique de taux. Une accentuation de la chute des taux pourrait mettre en danger la sphère financière. Elle  pourrait même être contreproductive en conduisant les banques à réduire leur volume de prêts en particulier si elles sont porteuses d’un grand nombre de créances improductives et que leurs fonds propres sont faibles.

En conclusion, le FMI incite fortement la BCE à privilégier le canal des achats d’actifs. Selon l’organisation internationale, « privilégier les achats d’actifs permettrait de faire monter leurs prix ainsi que la demande globale, tout en facilitant également le crédit bancaire. Cela permettrait aussi de voir l’amélioration des conditions de financement des banques se répercuter plus facilement sur l’économie réelle ».

 

69 ans, le bel âge pour la retraite ?

La Chancelière allemande, Angela Merkel, au début de son troisième mandat, en 2013, avait décidé d’atténuer à la marge le dispositif de report de l’âge de départ à la retraite à 67 ans en introduist un dispositif assimilable à celui en vigueur en France pour les carrières longues. Le patronat allemand avait vivement critiqué ce relâchement dans la rigueur. La bonne santé financière des caisses de retraite et le souci de conclure une alliance avec le SPD ont justifié alors cette décision. Dans la perspective des futures élections au Bundestag qui auront lieu au second semestre 2017, la question de l’âge de la retraite revient au premier plan. La Bundesbank a ainsi dans un récent rapport proposé de porter l’âge de départ à la retraite à 69 ans d’ici 2060 (les 67 ans seront en vigueur en 2030). Les opposants à tout report de l’âge de la retraite ont souligné que la Bundesbank se faisait le porte-parole de Francfort et des grandes entreprises. Steffen Seibert, porte-parole du Gouvernement, a déclaré que le gouvernement « soutient la retraite à 67 ans » et il n’a pas souhaité prendre position sur la retraite à 69 ans.  Il a ajouté que la retraite à 67 ans est « une disposition raisonnable et nécessaire, compte tenu de l’évolution démographique en Allemagne ». La confédération syndicale DGB a, quant à elle, vivement rejeté le concept de retraite à 69 ans.

Compte tenu de la bonne santé des caisses de retraite allemandes, l’ouverture d’un débat sur l’âge de départ ne se justifie pas pour de nombreux acteurs publics et privés. Néanmoins, la Bundesbank souligne qu’à partir de 2030 la situation des caisses de retraite se dégradera rapidement et fortement. Selon les experts de la Banque centrale allemande, le relèvement de l’âge de la retraite à 69 ans permettrait une stabilisation du niveau des pensions reçues à 44 % du revenu moyen, un niveau qui sera atteint en 2030 alors qu’il est encore à 48 % aujourd’hui. Si rien n’est fait, les actifs de 20 ans ne pourront compter en 2060 que sur un niveau de retraite équivalant à 40 % du salaire moyen. Le niveau des pensions par rapport aux revenus d’activités servies par les régimes de base est, en Allemagne, inférieur de près de 10 points à celui constaté en France.

Depuis une dizaine d’années, afin de limiter la perte de pouvoir d’achat des futurs retraités, les gouvernements allemands incitent les actifs à souscrire à un régime de retraite complémentaire, le régime dit « Riester » qui a été introduit en 2002. Pour ceux qui ont souscrits à de tels régimes, le niveau de la pension à l’horizon 2030 doit demeurer au-dessus de 50 % du salaire moyen. Aujourd’hui, à peine un actif sur deux y a souscrit.