20 janvier 2018

Le Coin de la Conjoncture du 20 janvier 2018

 

Donald Trump peut-il triompher sur le plan économique ?

Dans les prochains mois, les États-Unis sont censés connaître un ralentissement de la croissance du fait du plein emploi et de la stagnation du taux d’activité. À défaut de pouvoir rapidement améliorer le niveau de productivité, la croissance devrait atteindre ses limites naturelles. Les enquêtes de conjoncture (les indicateurs cycliques) montrent aujourd’hui des signes contradictoires au sujet d’un éventuel retournement. Ainsi, en 2017, la croissance aurait atteint 2,3 % soit 0,8 point de plus que celle de 2016. En 2018 et 2019, elle pourrait dépasser 2,5 %.

La politique économique de l’Administration américaine peut-elle empêcher le ralentissement de la croissance ou réduire le risque d’une récession à moyen terme ?

Le programme d’allègement des impôts pesant sur les entreprises limitera la baisse attendue des profits liée au ralentissement de l’activité. En effet, la réduction du taux d’imposition de 35 % à 21 % favorise le maintien à un haut niveau du cours des actions. Or, aux États-Unis, la valeur des titres joue un rôle important sur le comportement des consommateurs. Ces derniers intègrent dans leurs revenus les gains futurs potentiellement réalisables sur les marchés. Cette baisse des impôts pourrait donc contribuer à la poursuite de la hausse de l’investissement. Ce dernier se serait accru de 3,7 % en 2017 contre + 0,7 % en 2016. Pour 2018 et 2019, la progression pourrait atteindre respectivement +3,8 et +4,1 %. De même, le secteur de la construction connaîtrait une expansion soutenue. Sa croissance pourrait être en 2018 de 2,2 % contre 1,3 % en 2017.

L’épée de Damoclès du plein emploi

La poursuite du cycle actuel de croissance est menacée par le plein emploi et la stagnation du taux d’activité. Le taux de chômage s’élève désormais à 4,1 %. Les capacités de baisse deviennent très faibles. Un plancher autour de 3,75 % est envisageable. Quand le taux de chômage ne pourra plus baisser et que le taux de participation ne pourra plus augmenter aux États-Unis, ce retour au complet plein emploi conduira nécessairement à un amoindrissement de la croissance, sauf accroissement des gains de productivité. Actuellement, ces gains avoisinent 1,8 %, en légère progression par rapport à la moyenne des sept dernières années. Depuis 2016, le taux de participation à l’emploi peine à atteindre 63 % quand, en 2002, il dépassait 66%. Le vieillissement de la population et l’allongement des études expliqueraient cette diminution. La population active augmenterait au mieux de 0,5 % par an. Dans ce contexte de faibles marges de manœuvre en matière d’emploi, pour plusieurs experts, la croissance potentielle de l’économie américaine se situerait autour de 1,5 %.

 Des indicateurs contradictoires

Même si un léger rempli est constaté depuis quelques mois, les indices PMI restent bien orientés pour les États-Unis.

La question du déficit

Le plan fiscal du Président devrait provoquer un accroissement de 1 % du PIB du déficit public. Il considère que ce coût devrait être compensé par les gains générés par la croissance. Si cela n’était pas le cas, la dette publique augmentera plus rapidement.

La question des taux

La Banque centrale américaine a annoncé son intention de relever les taux d’intérêt à au moins trois reprises au cours de l’année 2018. Cette augmentation sera plus importante que celle de l’inflation attendue. Il devrait en résulter un coût plus élevé de l’argent tant pour l’État fédéral et les entreprises, ce qui pourrait peser sur l’activité.

La menace du déficit commercial

La relance forcée de l’économie américaine aurait comme conséquence l’augmentation du déficit de la balance commerciale qui devrait passer de 452 à 531 milliards de dollars de 2016 à 2019. La politique économique de l’administration américaine va ainsi à l’encontre de l’objectif de rééquilibrage de la balance commerciale prôné par le Président américain durant sa campagne.

L’incertitude des salaires

Le plan fiscal du Président se concentre sur l’amélioration de la profitabilité des entreprises. De ce fait, les revenus des ménages évolueront essentiellement en fonction des salaires versés. Or, malgré le plein emploi, leur progression reste mesurée. La hausse a dû être de +2,4 % en 2017 contre +2,5 % en 2016. Pour 2018, elle est attendue à +3,1 %. En prenant en compte l’inflation, la hausse du salaire réel serait donc de 0,7 %.

La décorrélation des salaires et du taux de chômage serait imputable à l’évolution du marché de l’emploi. Depuis une vingtaine d’années, une polarisation de l’emploi est constatée. Aux États-Unis, les emplois de la classe moyenne sont passés, entre 1972 et 2016, de 60 à 45 % au sein de l’emploi total. Sur cette même période, les emplois à faible qualification ont fortement augmenté quand ceux exigeant au contraire un niveau de compétences ont également augmenté mais dans une moindre proportion. L’évolution de la structure de l’emploi a conduit mécaniquement à une moindre croissance de la masse salariale. Par ailleurs, les emplois nouvellement créés l’ont été au sein de structures de petites tailles et à faible présence syndicale. Le pouvoir de négociation est devenu moins favorable aux salariés. L’externalisation et le recours croissant au travail indépendant pèsent également sur la progression des salaires.

Cette évolution des salaires pourrait, à terme, entraver le processus de croissance d’autant plus que, avec le relèvement des taux, les marges d’endettement des ménages pourraient se restreindre.

L’augmentation très rapide de la bourse américaine commence à inquiéter (l’indice Dow Jones a gagné plus de 1000 points en moins de 10 séances). Pour certains, cette valorisation reste en phase avec les dividendes à venir ; pour d’autres, elle traduit la spéculation qui concerne les GAFA et les autres entreprises intervenant dans le secteur du digital. L’augmentation constatée peut apparaître déraisonnable au regard de la croissance. Certaines études soulignent la stagnation du secteur des NTIC aux États-Unis. Son poids en termes de valeur ajoutée et d’emploi tend à se stabiliser.

La politique du Président Donald Trump pourrait bien retarder la survenue du retournement du cycle économique ou atténuer les effets d’un éventuel ralentissement. En revanche, elle pourrait accroitre les déséquilibres de l’économie américaine, avec des déficits croissants (commercial et budgétaire) et l’augmentation des inégalités sociales.

 

La France, une « start-up nation » ?

Après plusieurs années de faible croissance, la France a renoué avec une croissance de 2 %, gage d’amélioration de la situation de l’emploi et des comptes publics. L’actuel gouvernement fera-t-il mentir la loi des séries en refusant de s’engager dans le débat de l’utilisation de la cagnotte fantôme qui serait alimentée par les fruits retrouvés de la croissance ? En 2000 et en 2006, Lionel Jospin et Dominique de Villepin n’avaient pas échappé à cette épineuse question. Le niveau actuel du déficit et de la dette publique devrait inciter à la prudence mais en la matière, et après plusieurs années de dure stagnation, rien n’est certain.

Pour maintenir un rythme de croissance autour de 2 %, le développement du secteur digital constitue une priorité. Les pouvoirs publics rêvent de créer un environnement favorable pour l’essor des start-up et rattraper notre retard en la matière.

Si la France est distancée pour la valeur ajoutée et les emplois dépendant du numérique, en revanche, elle arrive en deuxième position pour les levées de fonds. En 2017, 2,56 milliards d’euros ont été levés dans l’Hexagone pour 605 opérations en capital-risque. Avec 18 % des montants levés en Europe, la France se situe, selon le cabinet EY, derrière le Royaume-Uni (40 %) mais devant l’Allemagne (12 %). L’Île-de-France est la première région d’accueil de ces investissements (77 %) suivie par la Auvergne-Rhône-Alpes (4 %) et PACA (3,9 %). Dans 25 % des opérations de levée de fonds, des grands groupes ont pris des participations en jouant ainsi leur rôle d’incubateur.

Lors du salon « Consumer Electronic Show  » (CES) de Las Vegas de ce début d’année, dans l’espace dédié aux start-up, la France comptait presque autant de représentants que les États-Unis (275 contre 289), tandis la Chine n’en avait que 50, le Royaume-Uni 30 et l’Allemagne 20. Une trentaine de start-up françaises ont bénéficié de nominations dans les différents concours du CES 2018, et deux ont été primées (Blue Frogs Robotic pour un robot domestique et Lancey Energy Storage pour un radiateur « intelligent »). Les entreprises françaises ont été remarquées dans les domaines de la maison connectée, de la santé et des transports. Elles sont reconnues pour leur innovation et leur capacité à associer technologie et confort d’utilisation.

Néanmoins, comme pour le reste de l’économie, les entreprises du digital sont freinées par leur petite taille. Les levées de fonds françaises peinent à dépasser les 100 millions d’euros, contrairement aux start up britanniques (qui ont réalisé 8 opérations comprises entre 100 et 500 millions en 2017). La France compte peu de jeunes entreprises valorisées à plus d’un milliard d’euros quand elles sont une quinzaine au Royaume-Uni et une dizaine en Allemagne.

Par ailleurs, la Commission européenne publie un classement annuel  (European Innovation Scoreboard), fondé sur une trentaine d’indicateurs (intégrant R & D, brevets, emplois, création de richesse) selon lequel la France ne figure qu’au 11e rang au sein de l’Union européenne loin derrière l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et les pays scandinaves.

Si la France, se caractérise depuis une dizaine d’années par un niveau élevé de créations d’entreprise (cf. supra), ce dynamisme ne se traduit pas par une montée en puissance du secteur des technologies de l’information et de la communication. Même si, à juste titre, elles sont mises en avant, les start-ups représentent une faible part des créations. A l’échelle macroéconomique, la taille du secteur des Nouvelles Technologies reste faible. L’investissement des entreprises dépendant des NTIC pèse 0,5 % du PIB contre 1,5 % aux États-Unis.

Les NTIC sont à l’origine de 4,3 % de la valeur ajoutée des entreprises françaises. Ce poids devrait atteindre 5 % d’ici 2020. Néanmoins, les entreprises butent sur des goulots d’étranglement en matière de main d’œuvre.

Le problème des compétences

Selon plusieurs organismes internationaux, la croissance française est de plus en plus entravée par les mauvais résultats de son système de formation. Cette situation rejaillit tant sur les jeunes actifs que sur l’ensemble de la population active.

La France arrive en 35e position pour les performances des enfants de CM1 en mathématique et en 34e position pour les performances des enfants de CM1 en compréhension écrite.

La France, pays essentiellement tertiaire et de TPE, est moins avancée que l’Allemagne ou les pays d’Europe du Nord sur la robotisation de la production. Le nombre d’entreprises recourant à des systèmes informatiques (robots, cloud, gestion connectée des stocks, gestion connectée des flux) y est plus faible qu’en Europe du Nord.

Pour le moment, le fourmillement de start-up ne modifie pas la situation macroéconomique de la France qui se caractérise toujours par une dégradation de sa balance commerciale et par un retard en matière d’intégration des nouvelles technologies. Les questions de financement et donc de croissance des start-up françaises peuvent également expliquer le léger décrochage de la France vis-à-vis des NTIC. En règle générale, les phénomènes de rattrapage s’effectuent par à-coups. Une possible mise à niveau est donc attendue même si la question de formation des actifs constitue un réel handicap.