21 avril 2018

Le Coin de la Conjoncture du 21 avril 2018

Une croissance mondiale forte mais fragile

En atteignant 3,8 %, la croissance mondiale en 2017 a été la plus rapide depuis 2011. Ce rebond a été porté par l’investissement. Les conditions financières demeurent favorables, en dépit de la volatilité récente sur les marchés boursiers et des hausses des rendements obligataires après des signes d’un affermissement de l’inflation dans les pays avancés. Selon le dernier rapport du FMI, le PIB mondial devrait, de ce fait, s’accroître de 3,9 % tant en 2018 qu’en 2019, soit une révision à la hausse de 0,2 point par rapport aux précédentes prévisions. Les pays avancés connaîtront une croissance supérieure au potentiel cette année et l’année prochaine. Les pays de la zone euro devraient réduire leurs capacités excédentaires grâce à une politique monétaire accommodante et les Etats-Unis, en raison d’une politique budgétaire expansionniste, pourraient être en situation de surchauffe. Dans les pays émergents d’Asie et d’Europe de l’Est, la reprise de l’activité devrait être forte quand pour les pays exportateurs de produits de base, elle serait plus modeste après trois années de faiblesse.

Le FMI considère que la reprise de l’investissement au sein des pays avancés et de réels progrès en matière d’emploi permettent le maintien d’une croissance plus forte que prévue.

Au-delà de 2019, la croissance mondiale devrait ralentir. La plupart des pays avancés devraient retrouver une croissance potentielle bien en deçà des moyennes d’avant la crise. Ce tassement serait la conséquence du vieillissement de la population et de l’atonie de la productivité.

La croissance américaine ralentira au-dessous de son potentiel avec l’affaiblissement à compter de 2020 des effets de la réforme fiscale. La déductibilité des investissements sera, par ailleurs, éliminée à partir de 2023.

La croissance devrait rester médiocre dans plusieurs pays émergents et pays en développement, y compris dans quelques pays exportateurs de produits de  base qui continuent de faire face à des besoins considérables d’assainissement des finances publiques. En Chine, la transition de l’économie avec une tertiarisation de l’activité devrait entraîner une réduction progressive de la croissance d’autant plus que la politique budgétaire et monétaire devrait être moins expansive dans les prochaines années.

Le FMI indique dans son rapport que plusieurs menaces planent sur la croissance de l’économie mondiale. Il mentionne le durcissement des conditions financières, un affaiblissement de l’appui des populations à l’intégration économique mondiale, une aggravation des tensions commerciales et l’adoption de politiques de repli sur soi, ainsi que les tensions géopolitiques.

L’augmentation des taux aux États-Unis risque d’avoir de réelles conséquences sur les autres pays, notamment par le biais d’une réduction des flux de capitaux vers les pays émergents. Les besoins de financement américains devraient augmenter en raison de la politique budgétaire expansive et du déficit important de la balance des paiements courants.

Le FMI s’inquiète de la montée du populisme et de l’aversion de la population vis-à-vis de la mondialisation et du progrès technique. Cette anxiété croissante de l’opinion publique peut favoriser la montée du protectionnisme et le repli sur soi, ce qui ne peut que conduire à un affaiblissement de la croissance. La polarisation des revenus et des emplois, c’est-à-dire l’augmentation des hauts revenus associée à l’augmentation du nombre d’emplois à faibles salaires et progression du nombre d’emplois sous qualifiés combines avec le rétrécissement des emplois de classes moyennes, ne peut qu’accentuer les tensions politiques et sociales.

L’organisation internationale souligne que les risques liés aux atteintes à la cybersécurité et ceux en relation avec le réchauffement climatique pourraient peser sur la croissance de l’économie mondiale

Le FMI invite les Etats à veiller à ce que la croissance soit plus inclusive. Il demande également de restaurer les marges de manœuvre budgétaires et monétaires pour faire face, le cas échéant, à la prochaine récession. Il invite à améliorer la coopération économique entre les Etats et à renforcer la stabilité financière mondiale.

Le renforcement du potentiel de croissance est jugé indispensable et suppose la mise en œuvre de réformes structurelles visant à accroître la productivité. Le FMI met l’accent sur la diffusion des nouvelles technologies et sur la formation.

Le Fonds Monétaire International met en garde les Etats-Unis sur les dangers d’une politique économique pro-cyclique qui peut aboutir à accentuer les déséquilibres dont souffrent le pays (déficit public, dette, déficit commercial, montée des inégalités). En s’adressant à tous les Etats, il recommande une meilleure maîtrise de l’endettement et une réorientation des dépenses publiques en faveur de l’investissement. Les pays émergents devraient, de leur côté, continuer de surveiller leur exposition aux dettes en monnaies étrangères. La Chine est invitée à freiner le crédit pour éviter la multiplication de créances douteuses en période d’atterrissage de la croissance. Le FMI s’oppose à la banalisation de la dette. L’organisation internationale rappelle que la précédente crise est venue d’un excès d’endettement. La Chine est actuellement le pays qui connaît la progression la plus rapide de l’endettement. Les autorités tenteraient de différer de manière artificielle la baisse tendancielle de la croissance. De nombreux investissements réalisés ces dernières années ne sont pas rentables. De nombreux centres commerciaux, implantés dans les grandes agglomérations, sont déserts. En raison du caractère très régulé de l’économie chinoise, un risque d’éclatement de la bulle immobilière à la manière des Etats-Unis ou de l’Espagne n’est pas pour le moment imaginable mais pour certains experts, cela n’est pas sans danger à moyen terme. En effet, la correction pourrait être alors plus violente. Au regard de l’évolution de la dette dans plusieurs pays, les économistes du FMI estiment que la France a commencé à résoudre le problème, en prévoyant une décrue d’ici quelques années.

Malgré tout, les économistes du FMI demeurent optimistes en soulignant que la croissance se rapprochera des 4 % tant en 2018 et 2019. Néanmoins, le rapport d’avril souligne que les menaces se font plus précises. Le danger du protectionnisme est pointé du doigt. L’organisation internationale se révèle très critique vis-à-vis des Etats-Unis. Elle condamne de manière toute diplomatique la politique économique de Donald Trump. Elle invite, par ailleurs, la Banque centrale américaine, à gérer la remontée des taux avec prudence afin de ne pas déstabiliser l’ensemble de l’économie mondiale.

 

Une nouvelle ère pour le commerce international ? 

Le commerce international a retrouvé quelques couleurs depuis la fin de l’année 2016. Il bénéficie de la sortie de récession de tous les grands pays du G20. L’année dernière, la Russie et le Brésil ont, en effet, renoué avec la croissance. La croissance du volume des échanges en 2017, la plus forte depuis 2011, est principalement due à des facteurs conjoncturels, en particulier l’augmentation des dépenses d’investissement et de consommation. Si l’on considère la situation en termes de valeur, les taux de croissance en dollars américains courants en 2017 (10,7 % pour les exportations de marchandises, 7,4 % pour les exportations de services commerciaux) étaient plus élevés, reflétant à la fois les quantités croissantes et la hausse des prix.

Le relèvement du prix du pétrole a eu un effet valeur sur le montant des biens échangés et a amélioré la santé des pays exportateurs. Ces derniers ont ainsi augmenté leurs achats à l’étranger. Malgré tout, le commerce international est loin d’avoir retrouvé son dynamisme d’avant crise.

L’OMC anticipe une croissance du volume des échanges de marchandises de 4,4 % en 2018, mesurée par la moyenne des exportations et des importations, soit juste un peu moins qu’en 2017 (+4,7 %). Pour 2019, l’organisation internationale prévoir une expansion de 4 %, soit moins que la moyenne constatée depuis 1990 mais supérieure à la moyenne enregistrée depuis 2009 (+3 %).

La croissance de 2017 et certainement celle de 2018 marquent-elles le retour à la situation qui prévalait avant crise ou n’est-ce qu’un effet rattrapage ? Historiquement, les volumes du commerce mondial de marchandises ont augmenté environ 1,5 fois plus vite que le PIB réel mondial aux taux de change du marché. Le ratio de la croissance du commerce sur la croissance du PIB (appelé « élasticité du commerce par rapport au revenu ») a dépassé 2,0 dans les années 1990, mais est retombé à 1,0 dans les cinq années suivant la crise financière (2011-2016). Cette mesure d’élasticité a rebondi de 0,8 en 2016 à 1,5 en 2017, ce qui est proche de la moyenne historique. La stagnation voire le recul du commerce international, ces dernières années, s’explique par la récession de la zone euro qui est la première région commerciale mondiale, par la baisse du prix du pétrole et par le ralentissement économique de nombreux pays émergents (récession au Brésil et en Russie). Mais au-delà de ces facteurs conjoncturels, plusieurs facteurs structurels contribuent à la moindre croissance du commerce international.

L’économie mondiale se tertiarise avec en contrepartie une moindre progression des échanges de biens. Avec l’élévation du niveau de richesse au sein des pays émergents, le poids du secteur tertiaire augmente. Ainsi, en Chine, l’industrie représente moins de 50 % du PIB. Le développement de la classe moyenne a comme conséquences une demande accrue de services (commerce, assurance, tourisme, santé).

La perte de compétitivité-coût des pays émergents réduit l’intérêt des délocalisations ou de l’éclatement des chaines de valeur. La progression des salaires en Chine comme dans les autres pays d’Asie modifie les flux d’échange. Les pays émergents tendent à être de plus en plus consommateurs de services aux entreprises pour améliorer leur efficacité. La croissance des exportations chinoises ralentit au point de se rapprocher de celle du Japon, des Etats-Unis ou de la zone euro.

La montée du protectionnisme

La mondialisation a été un phénomène extrêmement rapide. En une génération, les pays émergents et en développement ont accru leur poids au sein du PIB mondial de plus de 20 points au point qu’ils en sont responsables pour plus de la moitié. La part des pays de l’OCDE au sein du commerce international est passée de 75 à 60 % de 1995 à 2015. La Chine est devenue le premier exportateur mondial devant l’Allemagne et le Japon.

La mondialisation, aidée en cela par la digitalisation, a donné la primauté au consommateur au détriment du producteur, en particulier occidental. La conséquence, ces dernières années, a été la montée en puissance des courants protectionnistes et populistes. Le Brexit, l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, les succès électoraux des mouvements d’extrême gauche et d’extrême droite en Europe traduisent tout à la fois une peur des migrations mais aussi une contestation croissante du système économique actuel. Si nul n’imagine un réel retour en arrière, cette contestation pourrait à terme freiner le développement du commerce international. L’adoption de mesures protectionnistes pourrait, bien évidemment, contribuer à cette moindre croissance.

Dans le passé, les périodes de remise en cause du libre échange se sont assez mal terminées. Le protectionnisme mis en œuvre par la Chine au 16e siècle a marqué le début de son déclin. Il en a été de même pour le Portugal. Le décollage des pays émergents ne s’est pas réalisé à travers par la mise en place d’une industrie lourde telle que cela été préconisé par les penseurs soviétiques mais par l’immersion dans le commerce international.

Selon le dernier rapport de l’OMC, « la forte croissance des échanges que nous connaissons aujourd’hui sera essentielle pour la croissance économique et la reprise et pour soutenir la création d’emplois, mais ces progrès importants pourraient être rapidement compromis si les gouvernements recouraient à des politiques commerciales restrictives, en particulier dans le cadre d’un processus de négociation. Un cycle de représailles est la dernière chose dont l’économie mondiale a besoin Les problèmes commerciaux urgents auxquels sont confrontés les Membres de l’OMC sont mieux traités par une action collective ». La tendance actuelle est de mettre un terme au multilatéralisme et de revenir au bilatéralisme. C’est la victoire du donnant/donnant sur le principe de la nation la plus favorisée. En vertu de ce dernier principe, les Etats étaient censés généraliser les avantages commerciaux qu’ils concédaient à certains pays. Dis autrement, « les pays ne peuvent pas, en principe, établir de discrimination entre leurs partenaires commerciaux ».