23 juin 2018

Le Coin de la Conjoncture du 23 juin 2018

Le climat des affaires stable en juin

Pour le mois de juin, selon l’INSEE, le climat des affaires reste stable et demeure à un niveau relativement élevé. L’indicateur qui le synthétise se situe à 106, au-dessus de sa moyenne de longue période (100). Cet indicateur est stable dans l’industrie manufacturière et les services. Il augmente d’un point dans le bâtiment et dans le commerce de détail. Il demeure au-dessus de sa moyenne de longue période dans chaque secteur.

En juin 2018, le climat de l’emploi s’améliore à nouveau après un fléchissement en avril. L’indicateur qui le synthétise gagne deux points ; il se situe à 110 et retrouve ainsi son niveau de février, bien au-dessus de sa moyenne de longue période. Cette hausse résulte surtout du rebond du solde d’opinion sur l’emploi passé dans les services hors intérim.

L’indicateur de retournement pour l’ensemble de l’économie repasse dans la zone indiquant un climat conjoncturel favorable.

 

La conjoncture économique s’obscurcit-elle ?

Dans sa note de conjoncture du mois de juin, l’INSEE évoque un ciel voilé en Europe pour qualifier la conjoncture économique en ce premier semestre de l’année 2018. L’institut statistique intègre que plusieurs inflexions se sont produites au cours du premier trimestre jouant en défaveur de la croissance. Ainsi, après une très bonne année 2017, le commerce mondial croît moins vite du fait d’un ralentissement assez marqué au sein des pays avancés. La croissance aux États-Unis est ainsi passée de + 0,7 % à +0,5 % du dernier trimestre 2017 au premier trimestre 2018. Pour la zone euro, elle est passée de 0,7 à 0,4 %. Au Japon, le PIB s’est contracté de 0,2 % après + 0,3 %. Le pays avait enregistré, par ailleurs, une croissance inédite depuis 2013 avec un gain de 1,7 %.

Les principales économies européennes connaissent une baisse de régime en début d’année, qu’il s’agisse de l’Allemagne (+ 0,3 % après + 0,6 %), de la France (+ 0,2 % après + 0,7 %) et du Royaume-Uni (+ 0,1 % après + 0,4 %). L’Espagne et l’Italie ont quant à elles conservé leur rythme de croissance, soutenu pour la première (+ 0,7 % à + 0,9 % par trimestre depuis trois ans), plus modeste pour la seconde (+

0,3 % à + 0,4 % par trimestre depuis le printemps 2017).

En 2017, la croissance du produit intérieur brut français (+ 2,3 %) a été la plus forte depuis 2007. Elle a principalement été soutenue par le dynamisme de l’investissement des entreprises (+ 4,4 %) et des ménages (+ 5,6 %). Mais, au premier trimestre 2018, l’investissement des entreprises a stagné (+ 0,1 % contre + 1,2 % au cours du dernier trimestre 2017). Ce ralentissement provient essentiellement du repli de l’investissement en biens manufacturés. En revanche, l’investissement en services continue de progresser.  La consommation des ménages a crû modérément en 2017 (+ 1,1 %) et a conservé au premier trimestre 2018 le rythme atone de fin d’année 2017 (+ 0,1 %). Les échanges extérieurs se sont légèrement repliés en début d’année après des exportations vigoureuses fin 2017 (+ 2,3 %). Celles-ci avaient notamment conduit à une forte contribution du commerce extérieur à la croissance au quatrième trimestre 2017 (+ 0,7 point) ; cette contribution est devenue nulle au premier trimestre 2018.

La confiance en la croissance s’érode

Selon les enquêtes de conjoncture européennes, une dégradation du climat des affaires est constatée dans les quatre principaux pays de la zone euro et dans l’ensemble des secteurs (industrie, services, commerce) à l’exception de la construction. Cette similitude de réaction semble prouver que les facteurs du ralentissement sont en partie commun aux pays avancés. L’augmentation du prix du pétrole de 50 % de la mi 2017 à juin 2018 constitue sans nul doute la raison la plus tangible de l’affaiblissement de la croissance. Celle-ci est également contrainte par la faiblesse de l’investissement de ces dernières années et par l’apparition de goulots d’étranglement (production et main-d’œuvre). Dans le prolongement du premier trimestre 2018, la croissance du PIB de la zone euro serait donc modérée au deuxième (+ 0,4 %). Après avoir atteint en 2017 un rythme de croissance inédit depuis 2010 (+ 0,7 % par trimestre), la zone euro retrouverait une cadence plus modérée en 2018. La croissance trimestrielle du PIB à partir du deuxième trimestre serait ainsi de + 0,5 % en Allemagne (+ 0,4 % en fin d’année, en léger ralentissement sous l’effet des contraintes d’offre), + 0,3 % en Italie et + 0,6 % en Espagne. Après une croissance de 2,6 % en 2017, le PIB de la zone euro progresserait de 2,1 % en 2018. Malgré tout, l’emploi en zone euro progresserait de 1,5 % en 2018 (après + 1,3 %) et les salaires réels accéléreraient (+ 0,9 % après + 0,2 %), si bien que les gains de pouvoir d’achat excéderaient ceux de 2017 (+ 2,1 % après + 1,4 %). Après avoir progressé de 0,5 % au premier trimestre, la consommation des ménages ralentirait au deuxième trimestre (+ 0,4 %) et accélérerait à + 0,5 % par trimestre au second semestre. L’investissement devrait renouer avec une forte progression au cours du second semestre. Pour l’ensemble de l’année 2018, il pourrait augmenter de + 4,5 %, un peu en deçà de celle de 2017 (+ 5,4 %).

La croissance française en repli

La croissance française est à la peine depuis le début de l’année avec une consommation et un investissement atones. Ce ralentissement est à la hausse du prix du pétrole et à la montée des incertitudes. Par ailleurs, les tensions sur l’offre continuent de progresser ou se maintiennent à des niveaux élevés. Ainsi, le taux d’utilisation des capacités de production dans l’industrie est toujours au-dessus de 85 %, son plus haut niveau depuis l’été 2008. Dans la construction, il dépasse même 89 % prouvant l’existence de goulots d’étranglement.

  • La production industrielle en mode pause

La production manufacturière, particulièrement allante en fin d’année 2017, s’est contractée au premier trimestre (– 1,0 % après + 1,3 %). Elle progresserait moins rapidement qu’en 2017 au cours des trois trimestres suivants. Sur l’ensemble de l’année, la production manufacturière augmenterait deux fois moins vite qu’en 2017 (+ 1,2 % en moyenne annuelle en 2018).

  • Le secteur des services en croissance

La production de services marchands hors commerce continuerait sa progression soutenue de + 0,4 % à + 0,5 % par trimestre jusqu’à la fin d’année 2018, suivant un rythme toutefois moins dynamique que l’an dernier. Dépendant de la conjoncture de l’industrie et des services, le commerce connaîtrait également une expansion moins rapide en 2018 qu’en 2017.

  • La construction, victime de la baisse de l’investissement

La construction progresserait un peu moins vite qu’en 2017 à partir du printemps (de + 0,3 % à + 0,4 % par trimestre), du fait notamment du ralentissement de l’investissement des ménages en bâtiment.

  • Les grèves et les jours fériés responsables d’une moins-value de croissance

Les grèves dans les transports associées à un mois de mai comportant un nombre important de jours fériés en milieu de semaine devraient amputer de 0,2 à 0,3 point de PIB la croissance de l’année 2018.

  • Révision à la baisse du taux de croissance

Espéré à 2 % par le Gouvernement, le taux de croissance ne serait, selon l’INSEE, que de 1,7 % en 2018. La Banque de France prévoit de son côté 1,8 %.

Après 0,2 % au 1er trimestre, le PIB augmenterait de 0,3 % au deuxième et de 0,4 % au troisième comme au quatrième trimestre.

  • La croissance de l’emploi ralentirait en 2018

183 000 créations d’emploi sont attendues en 2018 après plus de 288 000 en 2017. Au premier semestre, l’emploi salarié marchand croîtrait à un rythme inférieur à celui de l’année précédente (+ 83 000), rythme qu’il garderait en seconde moitié d’année (+ 80 000). Les créations d’emploi dans le tertiaire marchand hors intérim ralentiraient (+ 134 000 sur l’année, après + 175 000 en 2017). L’industrie devrait perdre à nouveau des emplois et l’intérim devrait enregistrer une forte décrue de sa croissance. L’emploi non marchand enregistrerait une faible croissance cette année.

Dans ces conditions, le taux de chômage continuerait de baisser en 2018, pour s’établir à 8,8 % en fin d’année après 9,0 % fin 2017 et 10,0 % fin 2016.

  • Une inflation pétrolière

Après avoir atteint, en moyenne, 1,0 % en 2017, l’inflation pourrait atteindre 2,0 % en mai en raison du renchérissement des prix de l’énergie et du relèvement des prix du tabac. Si l’inflation sous-jacente a également augmenté (passant de + 0,5 % en moyenne en 2017 à + 0,8 % en avril 2018), elle demeure faible. Elle pourrait remonter d’ici la fin de l’année jusqu’à + 1,1 %. L’inflation d’ensemble atteindrait 2,3 % durant l’été puis refluerait autour de + 1,7 % à la fin de l’année.

Les salaires nominaux par tête dans le secteur marchand non agricole augmenteraient, en 2018 de 2,1 % après + 1,7 %, compte tenu des difficultés de recrutement déclarées par les employeurs. Du fait de la hausse de l’inflation, les salaires réels ne progresseraient que de 0,5 %. Dans la fonction publique, le gel du point d’indice pèsera sur l’évolution des traitements.

  • Un pouvoir d’achat miné par la hausse des prix

Grâce aux créations d’emploi, les revenus d’activité progresseront de près de 3 % en 2018. Le revenu disponible brut des ménages devrait donc progresser de + 2,6 % en 2018 après + 2,7 % en 2017. Mais en prenant en compte l’inflation, la hausse du pouvoir d’achat serait limitée à 1 % contre + 1,4 % en 2017. Le pouvoir d’achat des ménages devrait baisser sur le premier semestre du fait du relèvement de la CSG mais s’améliorer au cours du second semestre avec la suppression du reliquat de cotisations d’assurance chômage pour les salariés et de la réduction de la taxe d’habitation pour les ménages concernés.

Malgré des gains de pouvoir d’achat relativement soutenus en 2017, la consommation des ménages a crû modérément (+ 1,1 %) au regard de la situation économique favorable. Les ménages ont maintenu un fort effort d’épargne. Cette modération se poursuivrait en 2018, la consommation ne progressant que de 1,0 % en moyenne sur l’année. Leur taux d’épargne s’établirait ainsi à 15,1 % en fin d’année, après un creux à 13,6 % au premier trimestre 2018.

  • L’investissement des ménages en recul

Après une progression de 5,6 %, un record depuis 1999, l’investissement des ménages connaîtrait une augmentation bien plus mesurée en 2018 (+ 1,6 %). Les ventes de logements anciens ainsi que les permis de construire seraient en léger recul.

Après avoir fortement progressé en 2017, l’investissement des entreprises non financières (ENF) resterait dynamique en 2018 (+ 3,1 % après + 4,4 %), malgré la baisse de régime temporaire au premier trimestre (+ 0,1 %). Au deuxième trimestre, il progresserait de 0,9 % puis de + 0,6 % par trimestre au second semestre. Cela porterait fin 2018 le taux d’investissement des entreprises non financière à 22,4 %, un point au-dessus de son précédent sommet de 2008.

Après cinq années de repli, l’investissement public a rebondi en 2017. Il accélérerait en 2018 (+ 2,4 % après + 1,6 %) profitant notamment des dépenses associées aux chantiers du Grand Paris Express.

  • Les échanges extérieurs français accéléreraient au cours de l ‘année 

Au premier trimestre 2018, les exportations françaises ont baissé, après un bon dernier trimestre 2017 (– 0,3 % après + 2,3 %), en particulier pour les matériels de transport. La demande mondiale adressée à la France, qui croîtrait de 4,3 % en moyenne en 2018, soutiendrait les exportations, qui progresseraient de 4,4 % en moyenne sur l’année (après 4,7 % en 2017).

Les importations ont également baissé en début d’année 2018 mais retrouveraient une progression supérieure à 1,0 % par trimestre à partir du deuxième trimestre. Au total, le commerce extérieur contribuerait positivement à la croissance en fin d’année 2018. En moyenne annuelle, il contribuerait à hauteur de + 0,5 point à la croissance du PIB.

Des nuages sur la croissance

L’INSEE souligne de nombreux risques économiques et financiers pouvant provoquer l’enrayement de la croissance de l’économie mondiale.

Le durcissement progressif des politiques monétaires, compte tenu des niveaux d’endettement et des marchés boursiers, pourrait provoquer quelques tensions notamment au sein des pays émergents. La politique budgétaire expansive menée aux États-Unis est, en outre, de nature à augmenter ce risque.

Les incertitudes politiques persistent en Europe (en Italie et en Espagne, au Royaume-Uni), les tentations protectionnistes pèsent également tout à la fois sur la croissance en minant la confiance et sur la vigueur des échanges internationaux (en particulier entre les États-Unis, la Chine et l’Europe). Par ailleurs, les marchés pétroliers pourraient pâtir du regain de tensions au Moyen-Orient.

Certains pays, notamment l’Allemagne, ont atteint des niveaux inédits de contraintes sur leur appareil productif. Pour l’instant, l’absence de net regain d’inflation (qu’il s’agisse des prix ou des salaires) suggère que leur activité économique peut se poursuivre à un rythme encore solide. Mais ces contraintes pourraient à terme venir grever leur croissance.

 

La difficile bataille de l’investissement

En 2017, la reprise économique a reposé, en partie, sur le rebond de l’investissement des entreprises et des ménages. La poursuite de ce rebond conditionne la croissance de 2018 et des années à venir.

La formation brute de capital fixe (FBCF) de l’ensemble des agents économiques accélère nettement en 2017 (+ 4,5 % après + 2,8 % en 2016). Son niveau dépasse désormais en volume celui de 2008. L’investissement des ménages progresse très fortement (+ 5,6 % après + 2,8 %), du fait à la fois d’achats très dynamiques de logements neufs et du nombre record de transactions enregistrées dans l’ancien. Malgré une diminution des livraisons de matériels militaires, l’investissement public accélère en 2017 (+ 1,4 % après + 0,2 %), porté par les dépenses en bâtiment et en travaux publics. Déjà dynamique en 2016 (+ 3,4 %), l’investissement des entreprises non financières (ENF) accélère encore en 2017 (+ 4,1 %) : si les achats de biens manufacturés ralentissent légèrement en 2016 (+ 4,9 % après + 5,5 %), les dépenses des ENF retrouvent des couleurs dans la construction (+ 0,9 % après – 0,5 %) et, surtout, restent vigoureuses dans l’information et la communication (+ 8,3 % après + 7,2 %) ainsi que dans les services aux entreprises (+ 2,7 % après + 0,7 %).

Rapporté au PIB, l’investissement des entreprises françaises à 12,9 % du PIB en 2016, est proche de la moyenne européenne (12,5 %) et supérieur à celui des firmes allemandes, italiennes ou anglaises. Seules les entreprises tchèques, suédoises et espagnoles investissent davantage. Ces dernières années, la France a privilégié les investissements de remplacement ou d’augmentation des capacités existantes au détriment des équipements de modernisation et de rationalisation. La baisse du taux de marge des entreprises entre 2007 et 2013 et le coût de l’immobilier élevé expliquent ces choix. Ce dernier a contribué à la diminution des gains de productivité. Il conduit à l’inadaptation d’une partie de l’offre productive française au regard de la compétition mondiale. L’offre productive française, trop concentrée sur les produits de moyenne gamme à faible contenu technologique, engendre un déficit commercial structurel qui a été de plus de 68 milliards d’euros en 2018.

Recul de l’investissement public

Depuis la Seconde Guerre mondiale, la France se caractérisait par le poids important des investissements publics. Avec le développement rapide de la dette publique qui atteint désormais 97 % du PIB contre 21 % en 1980, les pouvoirs publics ont réduit leurs efforts en la matière. Depuis 2013, l’investissement réalisé à plus de 60 % par les collectivités territoriales a reculé de plus de sept milliards. Les replis les plus significatifs ont concerné les secteurs des transports et de l’enseignement. Malgré tout, le niveau des investissements publics reste, en France, parmi les plus élevés d’Europe au regard du PIB. En 2016, l’investissement public s’est élevé à 78 milliards en France, soit 3,4 % du PIB contre une moyenne de 2,7 % du PIB au sein de l’Union européenne. L’investissement public représente 2,1 % du PIB en Allemagne comme en Italie et 1,9 % en Espagne (1,9 %), Le niveau français est proche de celui enregistré aux Pays-Bas ou en Pologne mais est nettement inférieur à celui de la Suède (4,4 %).

Recherche et développement, la France pourrait mieux faire

Au regard des enjeux à venir, les efforts de recherche et de développement sont nettement insuffisants et nécessiteraient une meilleure articulation avec le monde économique : les dépenses intérieures de R&D ont reculé à 2,25 % en 2016. La France est en retrait par rapport aux autres grands pays qui, par ailleurs augmentent leurs efforts. La recherche-développement a atteint 2,74 % du PIB en 2016 en France et 2,94 % du PIB en Allemagne.

Malgré les aides directes et le crédit impôt recherche, les entreprises françaises sont distancées par leurs homologues étrangères. Leur plus petite taille, leur caractère moins industriel, leurs problèmes d’accès à des sources de financement expliquent en partie ce retard. En 2016, leurs efforts de recherche s’élevaient à 1,45 % du PIB. Si les effectifs dédiés à la recherche progressent sur une longue période, leur hausse tend à ralentir dans le secteur privé depuis 2013. Par ailleurs, les diplômés titulaires d’un doctorat peinent à s’insérer sur le marché du travail. C’est pourquoi, sans changements radicaux, la cible européenne de 3 % de R&D en part de PIB en 2020 paraît pour le moment hors de portée.

 Du programme d’investissement d’avenir au Fonds pour l’innovation et l’industrie

Dans son programme de campagne, Emmanuel Macron avait pris l’engagement d’engager un Grand Plan d’Investissement portant sur 57 milliards d’euros avec pour objectifs le financement d’actions concernant la transition écologique, la formation, la compétitivité des entreprises et la transformation de l’État.

Le 4 juillet 2017, à la suite de la remise du rapport Pisani Ferry, le Premier Ministre a annoncé le Grand Plan d’Investissement qui reprend la troisième tranche du programme des Investissements d’avenir (PIA) lancé par Nicolas Sarkozy en 2010 et poursuivi sous François Hollande en 2013, dont les crédits n’avaient pas été consommés.

Dans le cadre de ce plan, la transition écologique devrait bénéficier de 20 milliards d’euros de crédits, la société des compétences de 15 milliards d’euros, la compétitivité sur l’innovation de 13 milliards d’euros et la modernisation de l’État de 9 milliards d’euros. Sur un total de 57 milliards destinés à l’investissement sur la période 2017-2022, l’État doit accorder 5 milliards pour soutenir la compétitivité et l’innovation des filières agricoles comme annoncé dans le cadre des États généraux de l’Alimentation ; dans le même temps, 10 milliards seront alloués aux collectivités locales.

L’ampleur du grand plan d’investissement est à relativiser car les mesures véritablement nouvelles ne s’élèvent qu’à 35 milliards, soit 60 % de l’ensemble des sources de financement. Le Grand Plan d’Investissement intègre de nombreux redéploiements de crédits, avec par exemple des transferts destinés à la formation des agents publics vers le développement des métiers publics au numérique. Au total, les mesures nouvelles seraient inférieures à 7 milliards par an sur le quinquennat, soit 0,3 % du PIB par an.

Dans le cadre de ce programme présenté au mois de janvier dernier figure également la création d’un Fonds pour l’Innovation et l’Industrie. À ce titre, le projet de loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation de l’Entreprise) comporte plusieurs mesures pour le rendre opérationnel. Ce fonds devrait être doté de 10 milliards d’euros d’actifs n’ayant pas vocation à être consommés. Il est censé intervenir à partir des recettes annuelles que génèreront ses actifs. Elles ont été évaluées entre 200 et 250 millions d’euros par an. Ce fonds a pour missions de financer des dispositifs de soutien à l’innovation de rupture ou des projets à forte intensité technologique. Une première enveloppe, d’environ un tiers des revenus, sera consacrée au financement de startups à forte intensité technologique. Elle sera distribuée sous forme d’aides individuelles (subventions, avances remboursables et prêts) spécifiquement calibrées pour répondre à leurs besoins. Une seconde enveloppe, des deux tiers restants, soutiendra le financement de grands défis thématiques. Il s’agira de financer des programmes répondant à des défis à forts enjeux technologiques identifiés comme prioritaires (approche top down), du point de vue de leur impact sociétal ou sur la souveraineté nationale et mettant en prise laboratoires, PME et grands groupes. À ce titre, l’intelligence artificielle recevra 100 millions d’euros et la nanoélectronique 25 millions d’euros par an.

 Le Gouvernement prévoit la création d’un Conseil de l’innovation pour piloter les financements de projets. Ce Conseil sera coprésidé par la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et le ministre de l’Économie et des Finances. Le Conseil de l’innovation définira les grandes lignes de la politique en faveur de l’innovation et proposera les principaux arbitrages budgétaires ainsi que l’emploi des revenus du Fonds pour l’innovation et l’industrie.

Le plan d’investissement d’Emmanuel Macron s’inscrit dans la logique du Programme d’Investissement d’Avenir lancé en 2010 et qui était issu du rapport Juppé / Rocard de 2009. Le Programme d’Investissement d’avenir devait également préparer la France aux défis de demain en accordant la priorité à l’enseignement supérieur, à la recherche et l’innovation, à l’économie numérique et au développement durable. Ce plan portait initialement sur 47 milliards entre 2010 et 2014, montant qui a été porté postérieurement à 57 milliards d’euros.

Les grands plans mis en œuvre par l’État ont des résultats bien souvent contrastés. Le montage des dossiers prend du temps, le saupoudrage des crédits est de mise afin de satisfaire les demandes diverses et variées. Le suivi des programmes n’est pas toujours bien réalisé. Il en résulte tout à la fois une sous-consommation des crédits, un gaspillage et une efficience moyenne.

L’investissement également une priorité européenne

Annoncé en juillet 2014 et opérationnel depuis septembre 2015, le plan Juncker vise à relancer l’industrie et à compenser le déficit d’investissements dont souffre l’Union européenne. Il porte sur une enveloppe de projets de 315 milliards d’euros. Cet objectif a été relevé à 500 milliards d’euros pour l’horizon 2020. Il repose sur la création d’un « Fonds européen pour les investissements stratégiques » (FEIS), doté de 21 milliards, 16 milliards étant financés par le budget européen et 5 milliards par la Banque européenne d’investissement (BEI). Il est ciblé sur certains secteurs clés : infrastructures stratégiques, éducation et formation, R&D, énergies renouvelables et efficacité énergétique, etc.

Début 2018, la France a été l’un des premiers bénéficiaires du plan avec 8,7 milliards de financements reçus, devant l’Italie (6,6 milliards) et l’Espagne (5,6 milliards). La France a centré ses projets sur la lutte contre le réchauffement climatique. Certains think tanks, même s’ils approuvent ces plans, doutent néanmoins de leur impact sur l’économie. Pour l’institut Montaigne, le grand plan d’investissement est bien orienté mais ne prend pas suffisamment en compte les problématiques liées à l’intelligence artificielle et à la santé. L’OFCE estime qu’il faudrait 19 milliards d’euros supplémentaires sur la période 2015-2050 pour favoriser la transition énergétique. Des experts mettent l’accent sur la faiblesse des crédits destinés au système éducatif qui nécessiterait un effort supplémentaire évalué à plus de 1,4 % du PIB (soit environ 30 milliards).