23 mars 2019

Le Coin de la Conjoncture du 23 mars 2019

La France résiste au ralentissement économique

Selon la note de conjoncture INSEE du mois de mars, la croissance de l’économie française devrait être de 0,3 % pour le premier comme pour le deuxième trimestre. La France s’en sort mieux que nombre de ses partenaires en raison de sa moindre exposition au commerce extérieur, à la moindre importance de son secteur industriel et aux mesures de soutien annoncées par le Président de la République au mois de décembre. La bonne résilience de la conjoncture française ne la met cependant pas à l’abri d’éventuels chocs extérieurs (envenimement de la guerre commerciale américano-chinoise, Brexit, problèmes sociaux et politiques en France, en Italie ou en Espagne, remontée du prix du baril de pétrole).

Un petit rebond de la consommation

Compte tenu de l’évolution des revenus et de la démographique, la consommation des ménages augmenterait de 0,5 % au premier trimestre 2019 puis de 0,4 % au deuxième. L’INSEE considère que les mesures exceptionnelles du Gouvernement et le retour d’une certaine dose de confiance au sein des ménages devraient favoriser un léger rebond de la consommation.

L’investissement des entreprises est attendu à la hausse, celui des ménages à la baisse

L’investissement des entreprises était en décélération fin 2018, du fait du repli d’activité constaté dans l’industrie automobile. Le retour à des volumes d’immatriculations moins déprimés permettrait à l’investissement manufacturier de rebondir au premier semestre (+0,5 % au premier trimestre puis +0,6 % au deuxième). L’investissement en services devrait augmenter de plus de 1 % par trimestre. Il permettrait à l’investissement total des entreprises d’augmenter de 0,7 % au premier trimestre, puis de 0,8 % au deuxième.

Les entreprises devraient enregistrer une amélioration de leur taux de marge en raison de la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en réduction pérenne de cotisations sociales patronales qui aboutira en 2019 à un double gain, l’ancien dispositif étant attribué avec une année de décalage. Le gain attendu est d’un point. Le taux de marges pourrait atteindre 33,3 % au printemps 2019.

L’investissement des ménages devrait, en revanche, diminuer jusqu’à la mi-2019. Si le nombre de permis de construire s’est récemment redressé, la baisse passée des mises en chantier pèse toujours sur l’investissement en bâtiment tandis que le volume des transactions de logements anciens demeure élevé mais n’augmente plus. En moyenne annuelle, la hausse de l’investissement des ménages avait été de 1,9 % en 2018 et de 5,6 % en 2017. Il pourrait enregistrer une baisse de 0,6 % en 2019.

La baisse du chômage devrait se confirmer

La situation du marché de l’emploi pourrait poursuivre son amélioration au cours du premier semestre. Les créations d’emploi pourraient atteindre 85 000 au premier semestre 2019, soit un rythme équivalent à celui de 2018 mais inférieur à 2017 (respectivement 164 000 et 342 000). Le taux de chômage pourrait diminuer de 0,4 point sur un an et se replier à 8,7 % au printemps.

Une inflation plus faible

L’inflation qui a été de +1,3 % en février 2019 est en repli d’un point par rapport au niveau atteint au milieu de l’année 2018. La baisse des prix de l’énergie est à l’origine de ce ralentissement. L’inflation d’ensemble reviendrait autour de 1,0 % en glissement annuel au cours du premier semestre. L’inflation sous-jacente, mesurée à +0,6 % en février, atteindrait +1,1 % d’ici juin 2019.

Un pouvoir d’achat en hausse

Le pouvoir d’achat des ménages est en hausse depuis la fin de l’année 2018 en raison des réductions de la taxe d’habitation et de cotisations salariales. Il devrait profiter au premier semestre du repli de l’inflation et des mesures de soutien du gouvernement.

Le revenu disponible brut des ménages progresserait donc de 0,7 % au premier puis 0,3 % au deuxième trimestre 2019. La hausse des prix étant plus modérée en début d’année du fait de la baisse des prix de l’énergie et du gel des taxes associées, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages gagnerait 0,7 % en début d’année avant de se stabiliser au deuxième trimestre 2019. Les gains de pouvoir d’achat de 2019 devraient être supérieurs à ceux de 2017 et 2018.

Un taux d’épargne élevé

L’INSEE prévoit le maintien d’un fort taux d’épargne des ménages dans les prochains mois. Au cours de l’automne dernier, dans un contexte anxiogène, le taux d’épargne s’est élevé à 15,3 % du revenu disponible brut. Ce taux baisserait à 15,2 % au printemps, après avoir atteint un point haut à 15,5 % durant l’hiver.

La France pourrait obtenir de meilleurs résultats en 2019 que l’Allemagne qui est davantage touchée par le ralentissement des commandes industrielles. La production industrielle allemande a ainsi reculé de 0,8 % au mois de janvier. La croissance française connaît des variations plus faibles que celle de ses partenaires. Les dépenses sociales jouent un rôle d’amortisseur. Le caractère tertiaire de son économie la protège également. Malgré tout, la poursuite des manifestations violentes le samedi pourrait avoir des incidences sur les recettes liées au tourisme.

L’érosion des gains de productivité, une fatalité aux États-Unis

Les États-Unis connaissent une érosion de leurs gains de productivité. En vingt ans, le taux de croissance de la productivité du facteur travail est ainsi passé de 3 à 1 %. Cette baisse concerne tous les secteurs y compris celui des nouvelles technologies. Les États-Unis ont construit leur modèle sur leur capacité à développer et à diffuser des innovations. Leur moindre performance en la matière est une source d’affaiblissement de la croissance et pourrait remettre en cause leur attractivité tant pour les capitaux internationaux que pour les chercheurs.

Quels sont les facteurs pouvant expliquer cette dégradation de la productivité ?

Le vieillissement de la population active est un des facteurs mis fréquemment en avant. Il est admis qu’une population active comportant plus de personnes de plus de 45 ans entrave la croissance des gains de productivité. Les plus de 55 ans représentent désormais 35 % de la population de plus de 15 ans contre 26 % en 1999.

Le niveau des dépenses de R&D demeure élevé. Malgré tout, il ne progresse plus depuis une dizaine d’années et se situe autour de 2,9 % du PIB. La question de leur efficience est posée. Les dépenses de recherche seraient de moins en moins rentables. En raison du coût croissant de la recherche, des contraintes liées à la réglementation, à la nécessité de respecter des process de plus en plus complexes, les dépenses de recherche tendent à augmenter rapidement en particulier dans le domaine de la santé. La rentabilisation des innovations est difficile d’autant plus que leur obsolescence tend à s’accélérer.

La baisse des gains de productivité serait imputable à une trop forte concentration des entreprises, au développement de monopoles ou d’oligopoles. Les entreprises en position dominante ne sont pas incitées à améliorer leur productivité et sont surtout attachés à sécuriser leurs rentes de situation. L’indice de concentration aux États-Unis se serait accru de 16 % en 20 ans (Patrick Arthus – Natixis). Dans les secteurs de la haute technologie et en particulier dans celui du digital, les positions dominantes sont fréquentes avec des situations de rente avérées. Depuis trois ou quatre ans, la productivité dans le secteur des NTIC stagne tout comme les effectifs. En 2018, ces derniers représentaient 3,5 %, de la population active contre 4 % en 2000. La valeur ajoutée de ce secteur atteint 4,5 % du PIB et les gains de productivité par tête lissés sur cinq ans sont passés de 12 à 4 % de 2007 à 2017. Certes, ce secteur bénéficie encore de gains importants. La moyenne des gains est de 0,5 % pour l’économie hors NTIC.

Les faibles taux d’intérêt permettent le maintien artificiel en activité d’entreprises peu rentables ce qui évidemment nuit à l’obtention de gains de productivité. Les intérêts payés par les entreprises au titre de leurs dettes sont passés de 6 à 2,5 % du PIB. Ce faible coût des crédits favorise certes l’investissement mais l’exigence de rentabilité est moindre, ce qui est défavorable à la croissance.

La lutte contre les monopoles avec une remise au goût du jour des lois antitrust ainsi qu’un retour à des taux d’intérêt plus en phase avec le niveau de la croissance seraient susceptibles de peser favorablement sur les gains de productivité. L’idée du rendement décroissant de la recherche développement, partagé par les tenants de la théorie de la stagnation séculaire (Gordon, Lammers), est aujourd’hui constatée. Pour autant, le développement du digital avec le recours à des algorithmes auto-apprenant devrait permettre la réalisation de progrès pour tester des innovations et les enrichir er cela à moindres coûts.

Quand les déficits sont des juges de paix !

De 1999 à 2008, les écarts de taux entre les États membres de la zone euro étaient insignifiants, semblant ainsi prouver que le risque était partagé de manière égale entre tous les acteurs économiques. La crise de 2008 et surtout celle de 2011 concernant les dettes souveraines ont replacé les écarts de taux au cœur du débat économique européen.

Avant 2008, les taux faisaient partie intégrante de la mesure de la santé d’un pays. Ils étaient également liés au taux de change des monnaies nationales. Pour contrer une défiance vis-à-vis de leur monnaie, les banques centrales, fréquemment sur demande de leur État, augmentaient leurs taux directeurs. Entre 1992 et 1996, les taux d’intérêt en France dépassèrent les 13 % pour suivre la hausse décidée par les Allemands pour faire face à la réunification et éviter un dérapage inflationniste.

Par ailleurs, les taux évoluaient en fonction de l’offre et de la demande de capitaux en intégrant des primes de risque.

Avec la monnaie unique, la contrainte du taux de change a disparu pour les États membres d’autant plus que l’ensemble de la zone est largement excédentaire. En revanche, depuis la crise, les taux de chaque État dépendent du niveau de son déficit public, de sa dette et de son évolution.

Pour la Grèce, les marchés avaient également tenu compte du déficit extérieur. En revanche, ce n’est pas le cas pour la France ou l’Italie. Pour la première, le déficit aurait pu amener une prime de risque supérieure quand, pour la seconde, les excédents auraient dû jouer en sa faveur. Or, tel ne fut pas le cas. Malgré la politique monétaire très expansionniste de la banque centrale, la solvabilité budgétaire des pays est un critère de plus en plus important comme en témoigne la sensibilité des taux italiens face aux hésitations du Gouvernement. Les règles de marché apparaissent actuellement bien plus sévères que celles imposées par le traité de Maastricht que les États contournent depuis vingt ans.

La contrainte budgétaire pèse de plus en plus sur les États d’Europe du Sud et peut être demain sur la France. La relance budgétaire ne peut venir que d’États disposant de marges suffisantes comme l’Allemagne. L’autre voie serait un programme de monétisation poussée de la dette publique afin de libérer des marges de manœuvre dans le Sud de l’Europe. Pour le moment, la BCE ne peut pas racheter de la dette d’un seul pays. En cas de crise dans un ou quelques États, la question de lever ce verrou se posera.