24 juin 2017

Le Coin de la Conjoncture du 24 juin 2017

Croissance, c’est presque l’Amérique….

Plusieurs indicateurs et résultats économiques semblent confirmer la bonne orientation de la croissance à l’échelle mondiale.

La France ne fait pas exception avec des résultats encourageants après des années difficiles. Malgré un déficit public restant élevé, +3,2 % sur les trois premiers mois de l’année, et un déficit commercial en augmentation, plusieurs signes encourageants laissent espérer que la croissance pourrait se rapprocher de 1,8 %, un score inconnu depuis 2011.

Cette confiance restaurée trouve son illustration avec l’indicateur mesurant le climat des affaires élaboré à partir des réponses des chefs d’entreprises. Cet indicateur a gagné un point au mois de juin. Il s’élève à 106 soit son plus haut niveau depuis l’été 2011. Il augmente de quatre points dans le commerce de détail, où il est au plus haut depuis début 2008. Il gagne un point dans le bâtiment, à un niveau sans précédent depuis six ans. Il est quasi stable dans l’industrie, bien au-dessus de sa moyenne de long terme. Il est stable dans les services tout en étant au-dessus de sa normale. Par ailleurs, le climat de l’emploi reste en juin 2017 sur une tendance haussière, porté ce mois-ci par le commerce de détail. L’indicateur gagne ainsi un point et se situe à 109, à un plus haut depuis mi-2011.

Même si les indicateurs PMI services et composite des directeurs d’achat sont en léger recul pour la France en ce mois de juin, la tendance de fond est à l’optimisme. Après près d’une décennie de crise, les Européens veulent croire au début d’un nouveau cycle. Les récentes élections aux Pays-Bas et en France ainsi que celles au Royaume-Uni semblent prouver que l’esprit européen n’est pas mort. Thesera May a atténué ses positions en ce qui concerne les négociations en cours pour le Brexit en admettant de trouver une solution digne pour les ressortissants européens travaillant au Royaume-Uni.

L’amélioration du moral des dirigeants économiques et des consommateurs n’est pas sans lien avec le fait qu’il n’y a plus de pays membres du G20 en récession. Le Brésil et la Russie ont, en effet, renoué avec la croissance. Par ailleurs, les craintes sur l’avenir de la croissance chinoise ne se sont pas matérialisées. Son atterrissage s’effectue en douceur avec un pilotage monétaire et budgétaire de la part des pouvoirs publics, jugé plutôt efficace. L’Inde tend, par ailleurs, à devenir un moteur économique non négligeable.

Malgré tout, certains économistes considèrent que la croissance de l’économie mondiale ainsi que celle de l’Europe a atteint un maximum. Compte tenu du niveau insuffisant de l’investissement, de la faiblesse des gains de productivité et de l’évolution des salaires, les marges d’accroissement de l’activité seraient réduites. Les Etats-Unis et la Chine devraient, à leurs yeux, connaître un ralentissement. Par ailleurs, la rechute des prix du pétrole devrait avoir les mêmes effets qu’en 2016. Les pays producteurs à forte population comme le Nigeria, l’Algérie ou l’Arabie saoudite devraient réduire leurs importations. Le secteur pétrolier devrait également souffrir ainsi que les acteurs financiers qui y sont investis.

 

La reprise en France, l’INSEE y croit

Après plusieurs années de stagnation (2013-2015) suivies d’une légère reprise (2016) l’INSEE croit au retour de la croissance. Dans sa note de conjoncture du mois de juin, l’Institut statistique prévoit, en effet, que le taux de croissance du PIB au 2e et au 3e  trimestre sera de 0,5 % contre 0,4 % au 1er trimestre. Sur l’année, le taux de croissance pourrait atteindre 1,6 % quand il était attendu il y a encore quelques semaines à 1,5 %.

La bonne nouvelle de cette fin de premier semestre provient de la progression de l’investissement qui jouerait le rôle de locomotive pour la croissance. La consommation devrait également augmenter mais de manière plus faible qu’en 2016 du fait de la moindre progression du pouvoir d’achat. Le commerce extérieur devrait peser de manière moins négative  sur la croissance grâce à une progression soutenue des exportations qui restera néanmoins inférieure à celle des importations mais

La production industrielle en hausse

Avec l’amélioration du climat des affaires, la production industrielle devrait s’accroître de 1,5 % sur l’ensemble de l’année après une hausse de 0,8 % en 2016. La production agricole après une contraction de 5,6 % l’année dernière en raison de conditions climatiques défavorables, devrait enregistrer, en 2017, une petite progression. Les services marchands devraient enregistrer une expansion de 2,4 % et cela malgré le ralentissement de la consommation des ménages. La construction devrait renouer avec une croissance franche, +1,8 % en 2017 contre +0,1 % en 2016. La construction avait connu deux années de fort recul en 2014 et 2015.

La baisse du chômage enclenchée

En matière d’emploi, l’INSEE table sur 203 000 créations nettes comme en 2016. En intégrant les emplois non-marchand, les créations pourraient atteindre cette année 222 000. Dans ces conditions, le taux de chômage devrait être de 9,4 % à la fin de l’année. Avec l’arrivée sur le marché du travail, de générations un peu moins importantes, le taux de chômage devrait poursuivre son processus de baisse et permettre à la France de combler en partie son écart avec les pays de la zone euro.

Le très léger retour de l’inflation érode le pouvoir d’achat des ménages

L’INSEE prévoit une inflation en fin d’année de 1,1 % sachant qu’au mois de mai elle était de 0,8 % contre 0 % un an auparavant. L’accalmie de la hausse des produits pétroliers et la faiblesse de l’inflation sous-jacente pèsent sur l’indice des prix.

Les gains de pouvoir d’achat seraient de 1,1 % cette année contre 1,8 % l’année dernière. Les revenus salariaux du secteur marchand progresseraient de 1,6 % et ceux de la fonction publique connaîtraient une augmentation plus importante grâce à la revalorisation intervenue avant les élections.

Du fait de cette moindre progression du pouvoir d’achat, la consommation n’augmenterait, cette année, que de 1,2 % contre +2,1 % en 2016. L’INSEE croit à une baisse du taux d’épargne qui passerait en-dessous de 14 % ce qui serait le taux le plus bas enregistré depuis 1990. Ce recul serait imputable à la diminution du taux de chômage et au retour de la confiance.

La bonne surprise de l’investissement

L’investissement des entreprises devrait fortement augmenter. Une progression de 2,9 % est attendue portant le taux d’investissement à son plus haut niveau depuis 2008. Au deuxième trimestre, un recul est attendu en raison de la fin du dispositif de suramortissement. L’augmentation de l’investissement reposerait sur le retour de la confiance, sur le niveau bas des taux d’intérêt et sur les bonnes perspectives de demande. L’amélioration du taux de marge et du taux d’autofinancement des entreprises favorise cette reprise.

Les ménages renouent avec l’investissement qui devrait progresser de 3,7 % en 2017, une hausse sans précédent depuis 2009. Cet essor se traduit par d’importants achats immobiliers.

L’enclenchement d’un cycle de croissance est-il possible ?

L’année 2017 pourrait donc se traduire par l’enclenchement d’un cycle autoalimenté de croissance. La France commence ainsi à effacer les stigmates de la crise de 2008 à la réserve près que le chômage et la dette publiques sont supérieurs à leur niveau d’avant crise. Le retard de croissance accumulé, ces dernières années, est important. La question est de savoir si la France a la capacité économique de hausser son niveau de croissance au-dessus de 2 %. La réponse repose sur le maintien ou pas du rythme de progression de l’investissement. Par ailleurs, plusieurs incertitudes pourraient contrarier la croissance. Une crise financière et politique en Italie pourrait évidemment générer d’importantes tensions en Europe. De même, l’engagement d’un processus protectionniste aux Etats-Unis pourrait avoir des effets en chaine. L’endettement en Chine constitue également une menace même si pour le moment celle-ci semble être contenue.

Pourquoi les taux d’intérêt n’augmentent pas au cœur de l’Europe ?

Malgré la hausse des taux directeurs de la FED, malgré la reprise économique au sein de la zone euro, malgré la baisse du chômage, malgré le léger redressement des taux d’inflation, les taux d’intérêt des obligations des pays du cœur de l’Union européenne restent faibles. En effet, l’Etat allemand empruntait à moins de 0,3 % le 16 juin dernier, ce qui signifie que les investisseurs ne croient ni au réel retour de l’inflation, ni à l’affermissement de la croissance. Dans ces conditions, leurs achats d’obligations à de tels taux obéissent à d’autres considérations. Ne commettent-ils pas une erreur d’appréciation ?

La méfiance vis-à-vis de la reprise

Le taux d’intérêt reflète un rendement escompté du capital. Sur longue période, son montant tend à être la somme du taux de croissance et du taux d’inflation projeté à laquelle une prime de risque est ajoutée. Certes, de multiples facteurs interfèrent sur cette définition comme l’offre et la demande de capitaux, la politique monétaire de la banque centrale, les politiques économiques mises en œuvre, etc.

Les taux d’intérêt sur les obligations d’Etat sont actuellement inférieurs, en Allemagne, d’au moins 2 points à leur niveau naturel.

L’excès d’épargne favorise le maintien de taux bas, d’autant plus que les investisseurs échaudés par la crise de 2008 et celle de 2011 ne veulent prendre aucun risque. Ils privilégient les titres des pays du cœur de l’Europe au détriment des pays périphériques.  Cet excès d’épargne est alimenté par les ménages du fait de leur vieillissement et par les excédents commerciaux (allemands en particulier). Le faible niveau de l’investissement et la diminution de transferts financiers au sein de l’Europe ne favorisent pas sa résorption. Une nette reprise de l’investissement constituerait un point important pour une remontée à terme des taux. En effet, elle augmenterait les besoins en capitaux et serait susceptible de relever le taux de la croissance potentielle qui est prise en compte pour la fixation des taux d’intérêt.

Les investisseurs ne croient pas à un rebond durable de la croissance. La faible croissance démographique, la réduction de l’investissement et le manque de progrès dans l’unification européenne constituent d’indéniables freins à une forte croissance. De ce fait, ils considèrent que la croissance devrait se situer entre 1 et 1,5 % sur moyenne période et non au-dessus de 2.

Une inflation qui se laisse désirer

Le maintien de taux bas au cœur de la zone euro est imputable au maintien de très faibles niveaux d’inflation et à l’absence d’anticipation de hausse à moyen terme. L’inflation anticipée est proche de l’inflation sous-jacente observée, ce qui implique que les investisseurs ne croient ni à l’accélération des salaires dans le futur malgré le retour du taux de chômage vers le taux de chômage structurel dans la zone euro, ni à la hausse du prix du pétrole malgré la progression rapide de la demande mondiale de pétrole.

Plusieurs facteurs structurels peuvent contribuer au maintien d’une faible inflation. Les salaires sont pour le moment contraints en raison de l’existence, dans plusieurs pays d’Europe, d’un chômage élevé. Par ailleurs, la concurrence des pays émergents limite également les augmentations salariales. La mutation digitale en augmentant la concurrence ne favorise pas l’augmentation des prix. De même, avec le numérique, les risques de goulots d’étranglement sont faibles. Commander cent fois ou cent mille fois une application de jeu ne génère pas les mêmes coûts que pour la commande de cent ou cent mille voitures.

Au niveau comportemental, ces dernières années, les ménages ont accru leur effort d’épargne de précaution et ont limité d’autant la consommation, ce qui limite les tensions inflationnistes.

Le cours du pétrole qui est une des principales sources potentielles d’inflation éprouve les pires difficultés à remonter et à se maintenir au-dessus des 50 dollars, en raison d’un excès d’offre depuis trois ans. Cette situation peut perdurer quelques temps mais ne saurait préjuger de ce qu’il en sera à moyen et long terme. En effet, la demande de pétrole continue à s’accroître quand, dans le même temps, les investissements dans la recherche pétrolière sont au plus bas. Un retournement des cours n’est pas, de ce fait, impensable après 2020.

Quels sont les autres facteurs qui, à terme, pourraient générer une hausse des prix ? Le vieillissement de la population pourrait jouer un rôle non négligeable. En effet, les retraités et les plus âgés d’entre eux sont avant tout des consommateurs de services à la personne. La forte demande en la matière pourrait amener à une hausse de leur prix d’autant plus que la population active sera amenée à baisser voire à diminuer dans de nombreux pays avancés. De manière plus générale, à partir du moment où le plein emploi sera de retour, la pénurie de main d’œuvre devrait provoquer une hausse des salaires. En Allemagne comme aux Etats-Unis, un frémissement est constaté en la matière mais il reste à confirmer. Certes, il sera possible de robotiser certains services mais cela ne sera qu’une réponse partielle. Le Japon qui est en avance sur l’Europe en matière de vieillissement prouve que ce phénomène ne s’accompagne pas d’une remontée des prix. Le moindre besoin d’équipements, d’infrastructures, de logements pèse sur les prix. Ainsi, la valeur de l’immobilier pourrait être amenée à se contracter en raison d’un plus grand nombre de décès et de la mise sur le marché d’un volume croissant de logements.

Le vieillissement et la problématique du financement des retraites conduisent les ménages à accroître leur effort d’épargne, ce qui réduit d’autant leur consommation limitant ainsi l’inflation.

Au regard de ces différentes remarques, les investisseurs ne se tromperaient pas en estimant que le risque « inflation » est faible à court et moyen terme.

La lente sortie du quantitative easing

 

Les investisseurs estiment que la Banque centrale européenne ne sortira que lentement du Quantitative Easing. La sortie ne commencerait qu’en 2018, de manière très progressive. La hausse des taux sera donc diluée dans le temps. Le niveau d’endettement de plusieurs Etats, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la France, constitue un indéniable frein à une remontée téléguidée par la BCE des taux d’intérêt.

Les faibles taux enregistrés en Allemagne comme en France sont également imputables à un retour du risque politique ou du risque souverain dans les pays périphériques de la zone euro et tout particulièrement en Italie. Le niveau des créances douteuses des banques, le poids de la dette publique et les incertitudes politiques en Italie incitent les investisseurs à privilégier les titres allemands et français.

 L’énigme de la productivité française

La France se caractérise par un très haut niveau de productivité horaire ou par tête dans l’industrie. Il est comparable à celui constaté aux Etats-Unis ou en Allemagne. Cet avantage comparatif indéniable ne débouche pas sur des résultats flamboyants tant au niveau des marges, des exportations et de l’emploi. La productivité manufacturière par tête et par heure s’élevait, en France, à 80 dollars en 2016 contre 78 dollars aux Etats-Unis et 76 dollars en Allemagne. Certes, en moyenne annuelle, les Américains reprennent largement la tête (160 000 dollars par tête) mais la France (116 000) devance l’Allemagne (103 000).

Les parts de marché à l’exportation de l’industrie française ont été divisées par deux en une dizaine d’années. Par ailleurs, la production industrielle stagne depuis la crise financière.

Malgré ce haut niveau de productivité, l’industrie française produit des biens de gamme moyenne à la différence de l’Allemagne, des Etats-Unis ou des pays d’Europe du Nord. 22 % seulement de la production industrielle française se situent dans le haut de gamme contre 45 % pour l’Allemagne. Le niveau de gamme de l’industrie française est plus proche de celui de l’Espagne, de la Chine que de celui de l’Allemagne, des pays d’Europe du Nord ou des Etats-Unis. Ce mauvais positionnement se traduit par des élasticités prix élevés. Une augmentation des tarifs provoque une baisse forte des ventes à la différence de l’Allemagne. Les taux d’élasticité-prix des exportations sont de 0,26 aux Etats-Unis ; 0,38 en Allemagne contre 0,59 en France.

Ce mauvais positionnement de l’économie française est imputable à une moindre modernisation du capital. Le niveau global de l’investissement productif est presque aussi élevé en France qu’en Allemagne, mais l’investissement en Nouvelles Technologies ou en robots est faible en France. La France est en retard en matière de robotisation de l’industrie. Les entreprises ont concentré leur effort d’investissement sur la réduction du nombre d’emplois. En France, il y a eu une substitution de capital au travail pour des productions industrielles de milieu et de bas de gamme.

Cette mauvaise spécialisation de l’outil productif français n’est pas sans lien avec la politique d’exonération des charges sociales centrée sur les bas salaires. Compte tenu des effets de seuil, les employeurs sont dissuadés d’augmenter les salaires et d’accroître la part des emplois qualifiés.

Le redressement de la compétitivité de l’économie française passe par une modernisation des équipements et celle-ci doit avoir comme objectif non pas une diminution des effectifs mais une élévation du niveau de gamme. Les écarts de coût du travail ne peuvent pas justifier des différences en termes d’exportations aussi importants entre la France, les Pays-Bas ou les Etats d’Europe du Nord. Les freins inhérents au droit du travail existent mais ils sont tout aussi forts en Allemagne voire plus. Le niveau de protection de l’emploi est en effet, selon l’OCDE, plus élevé chez notre partenaire allemand.