26 mai 2018

Le Coin de la Conjoncture du 26 mai 2018

 

5e mois consécutif de baisse du climat des affaires

En mai 2018, le climat des affaires se replie pour le 5e mois consécutif, tout en demeurant à un niveau relativement élevé. Calculé par l’INSEE à partir des réponses des chefs d’entreprise des principaux secteurs d’activité marchande, l’indicateur s’élève désormais à 106, soit deux points de moins qu’en avril. Il retrouve ainsi son niveau de juin 2017 et reste néanmoins au-dessus de sa moyenne de longue période (100).

L’indicateur de climat des affaires perd six points dans le commerce de gros, quatre points dans les services, un point dans le commerce de détail ; il est stable dans le bâtiment et l’industrie manufacturière. Le climat des affaires demeure au-dessus de sa moyenne de longue période dans chaque secteur.

Tendance incertaine pour l’économie

L’indicateur de retournement qui mesure la tendance à venir pour l’ensemble de l’économie reste dans la zone d’incertitude conjoncturelle.

Le climat de l’emploi est un peu moins favorable

En mai 2018, le climat de l’emploi est également en baisse. En se situant à 107, il perd un point par rapport à avril mais reste au-dessus de sa moyenne de longue période. Cette baisse résulte surtout d’un fléchissement des soldes d’opinion sur l’emploi passé dans les services hors intérim, et sur l’emploi prévu dans le commerce de détail.

Depuis le début d’année, le climat des affaires s’érode en phase avec les résultats économiques. Les indices PMI de la société d’études Markit sont également orientés à la baisse, confirmant que l’économie européenne est entrée dans un attentisme. La croissance bute-t-elle sur des goulots d’étranglement ou est-elle en train de s’étioler du fait d’un retournement de cycle ? Il y a encore quelques mois, de nombreux experts dont ceux du FMI et de l’OCDE estimaient que l’activité devrait se maintenir en Europe autour de 2 % en 2018 et 2019 avec un ralentissement attendu au cours de l’année prochaine. La hausse du prix du pétrole et le retour du protectionnisme américain semblent changer la donne.

 

La France peut-elle dépasser ses limites ?

La France et plus généralement l’Europe sont-elles engagées dans un nouveau cycle de croissance ou cette dernière n’est-elle que le résultat de facteurs extérieurs réversibles ? La question se pose au vu des résultats du PIB au 1er trimestre et des indicateurs de confiance publiés ces derniers jours.

Après trois années de stagnation, l’activité a amorcé un redécollage au cours de l’année 2016. La force de la reprise a surpris mais au regard du retard de croissance accumulé depuis 10 ans, elle peut apparaître faible surtout si elle s’étiole dans les mois à venir.

Le regain d’activité est avant tout la conséquence de trois facteurs :

  • L’accélération du commerce mondial ;
  • La baisse des taux d’intérêt ;
  • La contraction du prix du pétrole.

La croissance du commerce mondial a un effet rapide et élevé sur la croissance. Elle se traduit par une augmentation des exportations et des importations. Or, si le commerce extérieur a connu un repli de 2013 à 2016, il est en nette progression depuis. La sortie de crise de la zone euro ainsi que du Brésil ont contribué au redémarrage du commerce extérieur. En outre, la remontée du prix du pétrole à partir de la fin de l’année 2016 a relancé la consommation des pays exportateurs, surcroît de consommation se traduisant par une augmentation des importations.

Les exportations de la France qui étaient en quasi recul ont renoué avec la hausse fin 2016. Leur croissance a atteint près de 4 % à la fin de l’année dernière. Or, une augmentation de 1 % des exportations conduit à une progression de 0,49 % des importations. Selon l’économiste de Natixis, Patrick Artus, l’accélération du commerce mondial a permis au total une hausse de 1,2 point de la croissance de la France entre 2016 et 2017.

La décision de la Banque centrale européenne de s’engager dans la mise en œuvre d’une politique monétaire non conventionnelle avait comme premier objectif d’éviter la déflation. La BCE considérait à demi-mots que la baisse des taux contribuerait à relancer l’économie. Son effet fut plus long à se dessiner en Europe qu’aux États-Unis. La diminution des taux a amélioré sensiblement la situation budgétaire des États européens. En France, le poids du service de la dette est passé de 3 % à 1,8 % du PIB de 2002 à 2017 quand, dans le même temps, la dette publique progressait de plus de 1 000 milliards d’euros. La chute des taux a également réduit le coût de l’endettement des entreprises expliquant en grande partie la hausse de leur profitabilité. Le poids des intérêts payés par les entreprises représente 2 % du PIB en 2017 contre 5 % en 2002. En 2017, les profits représentaient 10 % du PIB contre 8,5 % en 2015. Certes, la profitabilité des entreprises a été également améliorée par le pacte de responsabilité mis en œuvre par François Hollande et par notamment le CICE. Par ailleurs, l’amélioration des résultats des entreprises a facilité la reprise de l’investissement.

La baisse du prix du pétrole entre 2014 et 2016 a accru le pouvoir d’achat à hauteur de 1 000 euros par ménage. Avec la baisse des taux d’intérêt, ce facteur a favorisé la reprise de la consommation. En 2015 et 2016, cette dernière a progressé respectivement de 1,5 et 2,1 %. En 2017, avec le retournement du prix du pétrole, la progression n’est plus que de 1 %.

Ces différents facteurs favorables à la croissance française peuvent se retourner assez rapidement et donc peser sur le niveau de l’activité.

La hausse du pétrole qui s’est enclenchée depuis 2016 pourrait pénaliser l’économie française comme celle des autres grands pays consommateurs.  Avec le passage en un an du prix du Brent de 45 dollars le baril à 80 dollars, le revenu réel pourrait baisser de l’équivalent de 0,7 point de PIB aux États-Unis, de 1,5 point de PIB dans la zone euro, de 0,9 point de PIB au Japon et de 1,9 point de PIB dans les pays émergents non-exportateurs de pétrole. Pour la France, la diminution du revenu net pourrait être 1,2 % du PIB. Par ailleurs, l’inflation devrait augmenter de 0,6 point aux États-Unis, de 0,4 point de la zone euro, de 0,5 point au Japon et de 0,6 point dans les pays émergents. La possible anticipation de la hausse des prix devrait accentuer l’augmentation des taux d’intérêt.

Le retour de la croissance au sein des différentes zones économiques mondiales ne s’est pas accompagné d’une diminution des déséquilibres commerciaux. Les pays déficitaires comme les États-Unis ou la France doivent faire face à des déficits extérieurs croissants. Conformément à ses engagement, Donald Trump a annoncé des augmentations des droits de douane sur l’acier, l’aluminium et les automobiles. Ces mesures visent surtout la Chine et l’Europe. Ces annonces visent à imposer des négociations commerciales bilatérales afin de réduire le déficit commercial américain. Elles sont par nature contraires aux accords commerciaux négociés dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). La multiplication des guerres commerciales entre les trois premières puissances économiques pourrait avoir un effet délétère sur la croissance.

Les réformes structurelles peuvent-elles contrarier le ralentissement économique ?

L’objectif poursuivi par Emmanuel Macron est d’augmenter la croissance potentielle de l’économie française qui est faible actuellement, de l’ordre de 1 %. Cette croissance est calculée en prenant en compte les fondamentaux de l’économie, évolution de la population active, investissement et gains de productivité. Le Président de la République entend favoriser l’arrivée d’investissement d’origine étrangère en abaissant la fiscalité pesant sur les entreprises (18 % du PIB en 2017 contre 16 % en 2008) et sur le capital. Il espère une réorientation de l’épargne vers les entreprises au détriment des produits de taux et de l’immobilier.

Pour améliorer la croissance potentielle, les pouvoirs publics ont entendu réduire les contraintes pesant sur le marché du travail (ordonnances travail). Toujours dans le même esprit, les réformes de la formation professionnelle, de l’apprentissage et du système éducatif ont été engagées.

Ces réformes n’auront des effets que d’ici plusieurs années, en particulier pour celles qui concernent les compétences de la population active. Les investisseurs français et internationaux ont été échaudés par les allers-retours permanents de la législation française. Ils attendent la confirmation des annonces des réformes.