27 mai 2017

Le Coin de la Conjoncture du 27 mai 2017

Zone euro, de la concurrence à la coopération, une marche à franchir

 Nul ne s’enquiert en France du déficit commercial de la Corse ou de la région la Nouvelle Aquitaine vis-à-vis de l’Ile-de-France ? L’équilibre des comptes s’effectue grâce aux transferts financiers réalisés quotidiennement. Ces transferts prennent la forme de dotations publiques ou de prestations sociales. Par ailleurs, grâce à un espace financier commun, de l’épargne en provenance des régions excédentaires s’investit dans les régions déficitaires. Au sein de la zone euro, il n’y a pas d’outils de gestion quotidienne des déséquilibres. La zone euro ne fonctionne pas sur le mode coopératif mais sur le mode de la concurrence. Les dispositifs de solidarité existent non pas au sein de la zone euro mais au sein de l’Union européenne. Le budget européen affecte via le Fonds de Développement Régional des sommes au profit des régions en retard économiquement ou des régions devant faire face à des contraintes particulières (régions ultrapériphériques).

L’édification de l’euro a reposé sur un tout autre système. Les États se doivent, pour adhérer à la monnaie commune, de respecter certains critères, inflation, déficits, dettes, indépendance de la banque centrale. Par ailleurs, ils doivent, autant que possible, rester vertueux après leur adhésion. En cas de choc économique, le retour à l’équilibre s’effectue de manière interne en agissant sur les coûts, la fiscalité, les dépenses publiques. L’intervention des autres États membres n’est pas prévue sauf évènement extraordinaire. Le Mécanisme Européen de Stabilité Financière n’a été créé qu’après la crise de la dette grecque. Il n’intervient que sous la forme de prêts et sous conditions. Le mode de règlement des problèmes économiques au sein de la zone euro est la concurrence. C’est ainsi que l’Espagne et l’Irlande ont réussi à endiguer leur crise au prix de fortes baisses de leurs coûts de production. L’Allemagne avait fait de même entre 2000 et 2007. La France mène depuis 2014 une politique d’abaissement des charges sociales que le nouveau Président de la République devrait poursuivre.

De nombreux économistes et hommes politiques de la zone euro se prononcent en faveur de la mise en place de politiques économiques coopératives dans la zone euro. Ce mode coopératif reposerait sur la création d’un Ministère des Finances et d’un budget de la zone euro, avec des ressources fiscales propres et avec éventuellement une dette fédérale de la zone euro. Il pourrait également être imaginé que des prestations sociales soient communautarisées. Cela pourrait concerner l’indemnisation du chômage.

Une telle avancée fédérale entraînerait des transferts de charges au sein de la zone euro. Ainsi, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la Finlande pourraient voir leur contribution au budget européen augmenter quand la Grèce, le Portugal, l’Espagne et l’Italie pourraient être bénéficiaires. Les taux d’intérêt pratiqués sur la dette pourraient augmenter pour l’Allemagne quand ceux de la dette grecque baisseraient. Pour la France, la contribution au budget européen serait en légère augmentation accompagnée ; les taux d’intérêt pratiqués sur la dette publique seraient en légère augmentation.

La création d’un budget commun avec des investissements publics financés en commun rétablirait la circulation des capitaux entre les pays de la zone euro. L’épargne des pays excédentaires sur le plan de la balance des paiements courants serait affectée au financement d’investissements qui pourraient se situer dans des pays en difficulté. Aujourd’hui, depuis la crise de la zone euro de 2011-2013, les pays périphériques de la zone euro n’ont plus accès à l’épargne des pays ayant de tels  excédents extérieurs.

La zone euro n’est pas en soi une institution européenne. Tous les États membres de l’Union européenne sont censés intégrer la zone euro et utiliser la monnaie commune. Certes, le Royaume-Uni et le Danemark ont obtenu une dérogation à ce principe. De même, plusieurs États qui respectent les critères de Maastricht ont reporté leur adhésion. Il s’agit en particulier de la République tchèque et de la Pologne. De ce fait, l’idée d’une institutionnalisation de la zone euro avance. Doit-elle s’accompagner d’une montée en puissance du fédéralisme ? L’Allemagne était assez hostile à une communautarisation de peur d’être amenée à payer pour les autres. La France si elle soutenait le principe pour obtenir le soutien des États du Sud de l’Europe était, dans les faits, assez hostile. En effet, le fédéralisme était pour nos représentants tout à la fois synonyme de surcoûts budgétaires et financiers et d’une perte de pouvoir. Toute avancée fédérale pose le problème de la gouvernance. L’Allemagne qui est la première puissance économique et celle qui aurait le plus à perdre d’une mise en commun de moyens budgétaires et fiscaux ne pourrait que revendiquer une place de choix dans la direction des instances fédérales ce qui pourrait générer chez ses partenaires une certaine méfiance voire défiance. Ainsi se reposerait le dilemme, de « l’Europe allemande ou de l’Allemagne européenne »

Le gouvernement allemand a besoin de retisser des liens au sein de l’Union. Il s’est retrouvé isolé sur la question des migrants du fait de la position de la France et des pays d’Europe centrale. La montée des votes anti-européens aux Pays-Bas, en France, en Italie mais aussi en Allemagne, a souligné qu’il avait besoin de modifier les discours et les politiques pour éviter une explosion de l’Union. L’Allemagne a conscience qu’économiquement elle dépend des autres États européens. Par ailleurs, elle n’entend pas jouer un rôle de puissance internationale au regard de son passé. La Seconde Guerre mondiale et la division du pays durant 44 ans ont laissé des traces. Pour le moment indélébiles. Le Brexit modifie, au-delà du départ des Britanniques, les lignes de force. L’Allemagne hésite toujours entre l’Europe libérale et l’Europe sociale-démocrate. Forte de son excédent commercial, elle a, ces dernières années, défendu l’idée d’une Europe réduite aux acquêts. Dans les prochaines années, l’Europe continent, plus coopérative pourrait être de retour. Angela Merkel n’est pas une Européenne de formation. Elle a été formée à l’école soviétique de l’autre côté du Rideau de Fer. Elle n’a découvert l’Europe, ses arcades, ses chausse-trappes qu’en 1989 à la chute du mur. Elle a laissé à Wolfgang Schäuble le rôle de premier plan et celui du défenseur des grands équilibres, sachant que son Ministre des Finances est malgré tout un « europhile ». Il est possible qu’une inflexion intervienne après les élections au Bundestag programmées le 24 septembre prochain afin d’éviter un délitement préjudiciable de l’Union. Si la Chancelière accède à un 4e mandat consécutif, elle voudra certainement achever sa carrière politique en leader européen, si le SPD remporte l’élection, la politique économique de l’Allemagne ne sera pas réellement modifiée, d’autant plus que ce parti devra constituer une coalition mais une inflexion en faveur de l’Europe est probable au regard des prises de position de Martin Schulz.

 

Pétrole, demain est un autre monde

Le sommet de l’OPEP qui s’est tenu à Vienne, le 25 mai dernier, a, sans surprise, abouti à une prolongation de neuf mois de l’accord de novembre 2016. À court terme, cette simple prorogation est jugée insuffisante pour peser à la hausse sur les cours du pétrole. Néanmoins, contre toute attente, l’Iran pourrait accepter de signer cet accord ce qui en renforcerait la portée.

Par-delà les négociations de cet accord, le pétrole a connu, en ce début de mois de mai, un petit accès de faiblesse, à 48 dollars le baril qui traduit bien les doutes des investisseurs sur l’évolution du marché. Les experts se divisent en trois blocs, le premier considère qu’un choc est inévitable à moyen terme en raison du sous-investissement, le deuxième parie pour une augmentation progressive des cours de 50 à 60/70 dollars quand le troisième penche en faveur d’une longue période de stagnation du fait de la montée en puissance des pétroles alternatifs.

La baisse des cours enregistrée de mi-avril à mi-mai est imputable à une augmentation, ces derniers mois, rapide de la production américaine, de non dégonflement des stocks dans un contexte de reprise modérée de la demande.

Contrairement aux souhaits et aux prévisions des Saoudiens, les producteurs américains ont plutôt bien résisté à la chute des cours. Il avait été un peu rapidement admis que le prix d’équilibre de production du pétrole de schiste se situait à au moins 60 dollars le baril ; or il apparaît qu’il pourrait, pour de nombreux gisements, être en-deçà de ce niveau. Par ailleurs, de nombreux petits producteurs ont fait l’objet de rachats de la part de compagnies plus importantes permettant des rendements d’échelle. Les nouveaux gisements sont d’une gestion assez souple. La production s’adapte très rapidement à la demande et aux variations de prix. Les gisements peuvent être ouverts rapidement, ce qui contribue à peser sur les prix. Selon une synthèse effectuée par Bloomberg, la production de brut pourrait avoir ainsi progressé de 1,4 million de barils par jour (Mb/j) en 2017, soit l’équivalent des efforts consentis par les partis ayant ratifié l’accord de l’OPEP. Le cabinet Rystad et AlphaValue estime de son côté l’augmentation de production à 1 Mb/j, quand JP Morgan l’estime à 800 000 b/j.

L’investissement qui était en fort recul depuis 2014 est reparti à la hausse. Ainsi, selon certaines études, 100 milliards de dollars devraient être, en 2017, investis dans le pétrole de schiste aux États-Unis. Le nombre de plates-formes de forage actives dans le pétrole, qui était passé de 1609 en octobre 2014 à 81 en mai 2016, est depuis remonté à 720. Par ailleurs, la productivité des puits augmente d’année en année. De janvier 2014 à janvier 2017, la productivité aurait triplé. Les puits de pétrole de schiste seraient rentables avec un baril à 35 dollars contre 60 dollars, il y a peu. Certains imaginent que la production de pétrole de schiste pourrait doubler d’ici cinq ans passant de 4,5 à 9 Mb/j.

L’accord de régulation, un effort payant mais pour combien de temps

En 2016, l’Arabie Saoudite constatant l’échec de sa bataille tarifaire pour reprendre en main le marché pétrolier a accepté la mise en place d’un accord de réduction de l’offre. Au mois de novembre 2016, l’OPEP s’était ainsi engagée à baisser sa production de 1,2 million de barils par jour (Mb/j). L’organisation a été rejointe, en décembre dernier, par des pays non-OPEP comme la Russie qui ont accepté de réduire leur production de de 600.000 b/j. L’écart entre offre et demande de pétrole qui avait atteint, en 2014, deux millions de barils jours s’est réduit pour descendre en-dessous d’un million. Au premier trimestre 2017, il se serait même contracté à 300 000 barils jour. L’accord a réussi à replacer le prix du baril au-dessus de 55 dollars mais l’équilibre est très précaire comme l’ont prouvé les évènements du début de mois de mai.

Les acteurs du marché pétrolier doutent du respect scrupuleux de l’accord. Plusieurs parties prenantes à cet accord sont susceptibles de jouer double jeu. Ainsi, la Russie a accepté une diminution de 300 000 barils/jour mais celle-ci est intervenue après que la production ait atteint un pic historique, l’effort est donc tout relatif. L’Iran, la Lybie et le Nigéria bénéficient de clauses favorables leur permettant d’échapper aux mesures coercitives. L’Irak a décidé d’intégrer l’accord mais pourrait aussi être tenté de ne pas le respecter scrupuleusement. Toute augmentation incite ces pays producteurs à en profiter en accroissant leurs ventes afin d’engranger des recettes supplémentaires.

La demande fera le prix du pétrole

Le pétrole est aujourd’hui bon marché car l’offre est pléthorique. Pour autant, une des clefs du prix du pétrole repose sur l’évolution de la demande. Cette dernière est censée selon les experts de l’Agence Internationale de l’Énergie augmenter de 1,3 million de barils/jour. Une prolongation des quotas permet de rééquilibrer totalement le marché et de commencer à réduire les stocks qui ont atteint des niveaux historiques. Ils pourraient revenir à la fin de l’année à leur niveau moyen de longue période.

Quels sont les facteurs pouvant contrecarrer l’augmentation du prix du pétrole ? La moindre croissance de l’économie mondiale et en particulier des pays émergents peut évidemment influer le cours de la demande de pétrole. Néanmoins, le développement de l’Afrique et l’augmentation du nombre de voitures devraient peser positivement sur la demande. A contrario, le vieillissement de la population mondiale jouera en défaveur de la consommation d’énergie. En effet, une population âgée achète plus de services et moins de biens d’équipement. Elle se déplace, par ailleurs, moins. L’autre point d’interrogation concerne la capacité des pays signataires de la COP21 de respecter leurs engagements de réduction des gaz à effet de serre. Pour éviter un dérapage de la température au-delà des deux degrés entérinés, une substitution d’énergies décarbonées aux énergies fossiles est nécessaire. Mais, le faible prix du baril du pétrole ralentit le développement des énergies dites renouvelables. Il encourage même par ricochet la consommation des sources d’énergie les plus polluantes comme le charbon ou le lignite. Il retarde la restructuration du paysage énergétique et dissuade la mise en œuvre de programmes d’économies.

Pour le moment, peu d’acteurs anticipent un réel rebond du prix du pétrole ce qui pourrait conduire par erreur d’anticipation à un choc très violent à moyen terme. Cette mauvaise appréciation du risque de remontée du cours du baril entraîne des erreurs d’anticipation sur les prix et sur les taux d’intérêt.

Les tenants de la thèse de la hausse violente des prix du pétrole tablent sur une augmentation rapide des besoins des pays émergents en raison de la forte croissance de leur parc automobile et de la progression du transport aérien. Dans le même, temps, ils considèrent que le pétrole de schiste atteindra rapidement ses limites d’autant plus que les cours seront bas durant une longue période. Le sous-investissement du secteur pétrolier serait la principale cause de ce choc. En deux ans, les investissements en exploration et en production de pétrole sont passés à l’échelle mondiale de 700 à 400 milliards de dollars. Le niveau élevé des stocks de pétrole masque la réalité des prix du pétrole. Ils atteignaient, fin 2016, au niveau de l’OCDE 4,7 milliards de barils contre une moyenne de 4,2 milliards en 2014.

 La productivité en danger même si la France reste sur le podium

Selon l’OCDE, la progression du taux d’emploi, constaté ces dernières années, est la conséquence d’une augmentation du nombre de postes à temps partiel au sein des services. La France et les Etats-Unis sont les plus concernés par cette évolution. Cette structuration de l’emploi contribue à la baisse des gains de productivité. Si l’amélioration du taux d’emploi est considérée comme une bonne nouvelle, le fait qu’elle ne se traduise par une amélioration de la productivité du travail est préoccupant pour les perspectives économiques à long terme. Selon l’OCDE, la productivité demande de « travailler plus intelligemment » – ce que mesure la productivité multifactorielle – et non de « travailler plus dur ». Elle reflète la capacité d’une entreprise à mieux combiner ses facteurs de production pour produire davantage, grâce à de nouvelles idées, et à des innovations technologiques, de  procédé et d’organisation, comme les nouveaux modèles économiques.

Or, la croissance de la productivité multifactorielle (PMF), un déterminant important de celle de la productivité du travail (mesurée en PIB par heure travaillée) avant la crise, continue de perdre de la vitesse dans de nombreux pays. S’agissant des membres du G7, elle a été négligeable aux États-Unis et au Royaume-Uni après la crise, et plus faible encore en France, ainsi qu’en Italie, où elle est négative depuis deux décennies. La croissance de la productivité multifactorielle a en revanche repris en Allemagne,  au Canada et au Japon.

Le fléchissement général de la croissance de la productivité du travail résulte aussi de la faiblesse des investissements dans les machines et les équipements, en ralentissement dans tous les pays du G7 depuis la fin de la crise. Les dépenses engagées par les entreprises dans les produits de la propriété intellectuelle – en particulier la recherche et le développement –, bien que plus résilientes, ont elles aussi ralenti par rapport à leurs niveaux d’avant la crise.

Ces dernières années, la fragilisation de la croissance de la productivité du travail a touché tous les secteurs. Les baisses ont toutefois été les plus marquées dans le secteur manufacturier, les services de l’information et des communications, la finance et les assurances.

Dans les pays de l’OCDE, la productivité du travail du secteur manufacturier a surtout ralenti ces dernières années en Corée, en Finlande et en République tchèque. Dans les services du secteur des entreprises, cette tendance est la plus notable en Estonie, en Grèce, en Lettonie et, dans une moindre mesure, au Royaume-Uni.

S’agissant des pays du G7, la productivité du travail a été la plus élevée aux États-Unis, où le PIB par heure travaillée s’établissait en 2015 à 68,3 dollars (à parités de pouvoir d’achat courantes) en 2015, juste devant la France, à 67,5 dollars, et l’Allemagne, à 66,6 dollars. C’est le Japon qui enregistre le plus faible niveau du G7, à 45,5 dollars, soit moins que la moyenne de l’OCDE, de 51,1 dollars. Malgré les problèmes que rencontre l’économie française, elle a réussi à maintenir un haut niveau de productivité. Cette productivité serait très concentrée sur le secteur manufacturier et sur le secteur financier.

Dans le secteur des services, la croissance de la productivité depuis la crise est généralement plus vigoureuse dans les petites entreprises que dans les grandes, même si ces dernières affichent un meilleur rythme de croissance de l’emploi. Dans le secteur manufacturier, la croissance de la productivité est de même ordre dans les grandes et les petites entreprises.