29 avril 2017

Le Coin de la Conjoncture du 29 avril 2017

La réforme fiscale de Donald Trump est-elle rationnelle ?

Après l’échec de son décret anti-immigration, après le rejet du Congrès de remettre en cause l’Obamacare, Donald Trump a décidé de contre-attaquer en présentant son projet de réforme fiscale qui, à ses yeux, est le plus ambitieux que les États-Unis aient connu depuis Ronald Reagan. Il pourrait porter sur 2 000 milliards de dollars.

Ce projet prévoit d’abaisser fortement le taux d’imposition des sociétés qui passerait ainsi de 35 % à 15 %. Les États-Unis qui, avec la France ont, aujourd’hui un des taux les plus élevés, se rangeraient parmi les pays à faible taux comme l’Irlande. Il convient néanmoins de souligner que le taux actuel est atténué par l’existence de nombreuses exemptions et déductions. Donald Trump envisage aussi de permettre aux entreprises de rapatrier leurs liquidités détenues à l’étranger en ne s’acquittant qu’une seule fois de l’impôt sur cette opération. Le taux qui sera appliqué aux entreprises qui décident de rapatrier les milliards de dollars détenus actuellement à l’étranger n’a, par ailleurs, pas encore été fixé et fait l’objet de discussions avec le Congrès.

Par ailleurs, le Président des États-Unis a également prévu de réduire de 7 à 3 les tranches d’imposition. Les taux appliqués aux ménages seront de 10 %, 25 % et 35 % et la déduction forfaitaire dont bénéficient tous les ménages sera doublée. Des déductions seront aussi prévues pour les enfants et les frais de garde. Aujourd’hui, le taux marginal est de 39,6 %.

Barème de l’impôt sur le revenu pour un célibataire

 

REVENU TAUX D’IMPOSITION
Jusqu’à 8 925 $ 10 %
De 8 926 à 36 250 $ 15 %
De 36 251 à 87 850 $ 25 %
De 87 851 à 183 250 $ 28 %
De 183 251 à 398 350 $ 33 %
De 398 351 à 400 000 $ 35 %
Supérieur à 400 000 $ 39,6 %

Cette réforme ambitieuse sera prochainement discutée par le Congrès. Les élus républicains pourraient l’amender d’autant plus qu’ils ne sont pas disposés à accepter une dérive du déficit public. Initialement, les économies réalisées sur l’Obamacare devaient financer en partie cette réforme .Or, en l’état, ce n’est plus le cas.

Cette diminution des prélèvements est-elle utile sur le plan économique ? Les États-Unis sont en situation de plein emploi avec une croissance correcte. Par ailleurs, le budget fédéral est loin d’être à l’équilibre. Pour l’exercice 2016, pour la première fois depuis 2011, le déficit budgétaire a même été en hausse. Selon les chiffres du Trésor américain publiés, le déficit de l’État fédéral a atteint 587 milliards de dollars contre 439 milliards en 2015, soit une progression de 34 %. Le déficit représente dans ces conditions 3,2 % du PIB contre 2,5 % en 2015, ce qui était son niveau le plus bas en huit ans. Cette dégradation est imputable à l’augmentation des dépenses de l’assurance santé pour les plus âgés « Medicare » et les plus démunis « Medicaid » (+ 7 %), à celle des dépenses liées aux retraites (+3 %) et au service de la dette (les intérêts de la dette fédérale se sont accrus de 7 % avec une dette en progression de 1 052 milliards de dollars et qui a atteint, fin 2016, 14 168 milliards de dollars).

Le plan fiscal de Donald Trump pourrait amener le déficit au-delà de 5 % du PIB d’autant plus que, selon une étude récente du Bureau du budget du Congrès, toute chose étant égale, le déficit budgétaire fédéral américain pourrait plus que tripler d’ici à trente ans tandis que l’endettement doublerait pour atteindre un nouveau record historique en 2047.

 Ces prévisions établies, sans prendre en compte les projets du nouveau Président, prévoient donc un déficit de près de 10 % en 2047. Cette dérive des comptes publics est imputable au vieillissement de la population américaine, qui augmente les dépenses de retraite (Social Security) et de santé, (Medicare), mais aussi à la hausse prévisible des taux d’intérêt. L’endettement fédéral, qui atteint 77 % du PIB aujourd’hui, atteindrait  150 % du PIB dans trente ans.

La relance fiscale de Donald Trump pourrait également conduire à une aggravation du déficit commercial américain. En 2016, celui-ci a atteint son plus haut niveau depuis 2012, -502 milliards de dollars (470 milliards d’euros). Une augmentation du pouvoir d’achat des ménages devrait conduire à une augmentation de leurs dépenses de consommation et donc à celle des importations. Cela fera le bonheur de l’Allemagne, de la Chine et du Mexique. Cela ne pourra que renforcer les tentations protectionnistes de Donald Trump. Du fait des tensions sur le marché du travail ainsi que sur certains marchés de biens et services, le plan de Donald Trump devrait accentuer l’inflation. Avec l’augmentation de l’endettement public, cette politique devrait amener à un relèvement des taux d’intérêt qui pourrait freiner l’économie contrairement aux objectifs énoncés par l’exécutif.

 

L’excès d’épargne est-il structurel ?

Les taux d’intérêt sont historiquement bas en raison des politiques monétaires menées depuis la crise financière par les banques centrales mais aussi du fait de facteurs plus structurels. L’excès d’épargne constitue un des points clefs pour comprendre l’évolution des taux.

Depuis 2005 et donc avant la crise financière de 2008, le taux d’épargne mondial tend à progresser. Il s’élevait à 25,5 % du PIB en 2016 contre 23,2 % en 1998. Cette augmentation est imputable en grande partie aux pays dégageant d’importants excédents commerciaux. Le taux d’épargne des ménages en Chine atteint ainsi près de 50 %. Ces derniers thésaurisent une partie conséquente de leurs revenus par précaution, le système de protection sociale étant peu développé. Par ailleurs, le système économique en vigueur en Chine ne favorisait pas jusqu’à maintenant la consommation. Par ailleurs, et cela concerne autant la Chine que les pays dits avancés, le vieillissement de la population contribue à expliquer l’augmentation du taux d’épargne. De 2000 à 2016, la part des plus de 60 ans est passée de 10 à 12 % à l’échelle de la population mondiale. En 2030, leur poids dépassera 17 %. Plus une population vieillit, plus elle tend à mettre de l’argent de côté, plus elle réduit ses achats d’équipement. Ce vieillissement s’accompagne d’une stabilisation voire d’une diminution de la population dans un certain nombre d’État, en particulier en Europe. De ce fait, les besoins d’infrastructures diminuent ce qui pèse négativement sur l’investissement. L’aversion aux risques des investisseurs s’est, par ailleurs, accrue. Ils recherchent des placements liquides et sûrs, ce qui conduit à une baisse des taux sur les produits obligataires.

L’économie mondiale repose de plus en plus sur le secteur tertiaire qui est moins consommateur d’investissement que celui de l’industrie. La digitalisation des activités accentue ce phénomène. Il en résulte un moindre besoin de capitaux.

Cet excès d’épargne, conséquence d’une offre de capitaux abondante et d’une demande faible, peut conduire à une allocation d’actifs peu performante et contreproductive pour la croissance. Compte tenu des taux bas, des investissements à faible rentabilité peuvent être réalisés. La progression de l’immobilier pourrait suggérer que les investisseurs privilégient ce type de placements qui génère de faibles gains de productivité. En Chine, les investissements immobiliers représentent plus de 30 % du PIB contre 25 % en 2004.

L’amélioration de la croissance potentielle passe par une reprise de l’investissement des entreprises accompagnée d’une diminution ou, du moins d’une stabilisation de celui dans l’immobilier. Compte tenu du retard accumulé en Europe dans le digital, un effet de rattrapage serait le bienvenu. A cette fin, une augmentation des taux pourrait inciter les investisseurs à délaisser la pierre au profit des entreprises.