3 février 2018

Le Coin de la conjoncture du 3 février 2018

La France manque de peu la barre des 2 % de croissance en 2017

La France a-t-elle tourné le dos à la plus longue phase de stagnation depuis la Seconde Guerre mondiale. Il est trop tôt pour l’affirmer. D’autant que, au vu du retard accumulé ces dernières années, le taux de croissance de 1,9 % en 2017 n’est pas en soi extraordinaire. Certes, ce taux de croissance est le meilleur que notre pays ait enregistré depuis 2011. Mais la France demeure toujours à la traîne de l’activité européenne. En outre, plusieurs indicateurs soulignent que les stigmates de la crise sont loin d’être totalement effacés. Le chômage n’a pas diminué à son niveau d’avant crise tout comme le niveau de vie par unité de consommation. La situation des finances publiques et du commerce extérieur reste préoccupante.

Un bon dernier trimestre

Comme attendu, la croissance française a conservé le rythme qui est le sien depuis le début de l’année 2017 avec une progression de 0,6 % au quatrième trimestre. Le produit intérieur brut  en volume a augmenté de +0,6 %, après +0,5 % au troisième trimestre. Depuis le dernier trimestre 2016, la croissance trimestrielle a toujours été égale ou supérieure à 0,5 %.

Le retour en force de l’investissement  

Au 4e trimestre, la croissance a été tirée par l’investissement avec un gain de 1,1 % après +0,9 % au 3e trimestre. L’investissement en construction lié au logement a enregistré une hausse de +0,4 % après +0,5 %. L’investissement dans l’industrie manufacturière est en net progrès, +1,9 % après +1,3 %. L’investissement en services marchands demeure également soutenu (+1,5 % après +1,0 %), notamment en information-communication (édition de logiciels). Au total, l’investissement des entreprises non financières accélère ce trimestre (+1,5 % après +1,1 %), tandis que celui des ménages ralentit un peu (+0,7 % après +1,0 %). Sur l’ensemble de l’année 2017, l’ensemble de l’investissement enregistre un gain de 3,7 % après +2,7 % en 2016. Cette reprise est une bonne nouvelle pour la croissance des prochaines années. En effet, le sous-investissement a nui à la compétitivité de l’économie française. L’investissement a un effet multiplicateur pour la croissance.

Le léger réveil du commerce extérieur en fin d’année

Bonne nouvelle, le solde extérieur a joué positivement au 4e trimestre avec un gain de 0,6 point contre  -0,5 point au trimestre précédent, les exportations ont cru plus rapidement que les importations, +2,6 % +0,7 %.  Sur l’année 2017, les exportations progressent +3,5 % (après +1,9 % en 2016) quand, dans l’intervalle, les importations croissent quasiment au même rythme qu’en 2016 (+4,3 % après +4,2 %). Au bilan, le solde extérieur a pesé négativement sur la croissance de 0,4 point en 2017 quand il était de -0,8 point en 2016. Néanmoins, le solde de la balance commerciale s’est dégradé en 2017. Sur l’année, les importations ont progressé du fait de l’augmentation de la consommation.

L’effet des variations de stock

La contribution des variations de stocks à l’activité est négative (−0,5 point après +0,3 point) sur le dernier trimestre 2017. Néanmoins, sur l’année, elle s’établit en moyenne à +0,4 point (après -0,1 point).

La production industrielle a retrouvé quelques couleurs 

Au quatrième trimestre 2017, la production totale accélère légèrement (+0,8 % après +0,7 %), du fait notamment de l’industrie manufacturière (+1,5 % après +0,8 %). En revanche, la production d’énergie se replie un peu. Dans les services, la production augmente globalement de nouveau (+0,7 % après +0,6 %).

En moyenne sur l’année, la production totale accélère (+2,3 % après +0,9 %), notamment dans l’industrie manufacturière (+2,0 % après +0,8 %) et la construction. La production agricole se redresse également (+2,3 % après −5,6 %), après une année 2016 marquée par des conditions climatiques défavorables.

Petite décélération de la consommation  

La consommation des ménages a légèrement décéléré +0,3 % après +0,6 %. La demande intérieure finale (hors stocks) a contribué à la croissance du PIB pour +0,5 point au quatrième trimestre 2017 (après +0,6 point). Les dépenses de consommation ont été moins vives en fin d’année du fait d’une érosion du pouvoir d’achat avec une très légère reprise de l’inflation. Par ailleurs, le taux d’épargne est resté élevé, les ménages maintenant un fort volant d’épargne de précaution.

Ce ralentissement de fin d’année se ressent également sur le résultat annuel. Après avoir progressé de 2,1 % en 2016, la consommation enregistre une hausse plus mesurée, de 1,3 % en 2017.

Les résultats du dernier trimestre 2018 sont de bon augure pour la croissance de 2018 qui part avec un capital appréciable. Les trois énigmes pour l’activité de cette année proviendront de la baisse du chômage, de l’évolution de la demande extérieure adressée à la France et de celle de l’investissement des entreprises. Deux facteurs devront être également pris en compte : les prix du pétrole qui sont en cours d’affermissement ; l’euro dont l’appréciation pourrait handicaper certains exportateurs français.

 

Études, Chômage, Logement, le retour des « Tanguy »

Selon une récente enquête de l’INSEE, en 2013, en moyenne, près d’un jeune de moins de 30 ans vivait au moins un mois chez ses parents (46,1 %). Certains peuvent résider en permanence chez leurs parents quand d’autres peuvent également résider dans un autre logement ou dans un foyer d’étudiants ou de travailleurs. Néanmoins, 85,5 % des 18-24 ans et 92,8 % des 25-29 ans qui habitent chez leurs parents y vivent toute l’année ou presque. La part des jeunes adultes vivant chez leurs parents décroît de façon continue avec l’âge, à mesure de leur insertion sur le marché du travail. Si deux jeunes adultes sur trois cohabitent entre 18 et 24 ans, un sur cinq est dans ce cas entre 25 et 29 ans.

Dans les DOM (hors Mayotte), le taux de cohabitation est plus élevé (63,3 %) qu’en métropole. Dans ces départements, habiter chez ses parents est plus fréquent quel que soit l’âge des enfants (77,3 % des 18 à 24 ans et 39,7 % des 25 à 29 ans), en partie du fait de taux d’emploi plus faibles. Des raisons culturelles et sociales peuvent également l’expliquer. Ainsi, en Guyane, les cohabitations entre parents et enfants sont fréquemment plus durables et dépourvues de ruptures significatives au cours de la vie

L’économie, le social et les études, les grands facteurs de la cohabitation

Le taux de cohabitation avec les parents a augmenté jusque dans les années 90 avec l’augmentation du nombre de jeunes accomplissant des études supérieures. Le nombre d’étudiants est passé de 851 000 à 2,4 millions de 1970 à 2013. D’autres facteurs ont conduit également à la progression du nombre de jeunes cohabitants. La crise du logement, l’augmentation des loyers, les difficultés croissantes d’insertion dans la vie professionnelle expliquent cette tendance. Par ailleurs, la réduction des conflits entre générations facilite la présence au sein du domicile familiale de jeunes majeurs. Dans les années 60 et 70, l’émancipation passait par la possession d’un logement. Aujourd’hui, cette règle demeure mais de manière moins intangible.

Une autre explication de l’augmentation des cohabitations provient du recul de l’âge de l’installation des jeunes en couples. Mais cette installation conduit à un changement de domicile. Seuls 1,5 % des 18-24 ans et 5,2 % des 25-29 ans vivent en couple chez les parents de l’un des deux membres. La stabilisation des relations sentimentales intervient de plus en plus tard. Si, autrefois, le mariage était l’évènement qui marquait la séparation avec ses parents, son recul a modifié les comportements.  Ces proportions étaient un peu plus élevées il y a 40 ans, mais la part des jeunes adultes vivant en couple était alors plus importante. Par ailleurs, leur plus grande mobilité, tant au niveau des études qu’au niveau professionnel, conduit les jeunes à conserver des attaches avec leur domicile familial.

La baisse du nombre de cohabitants dans les années 90 est liée au développement des aides personnelles au logement qui ont permis aux jeunes de prendre leur indépendance vis-à-vis de leurs parents. La remontée du nombre de jeunes habitants chez leurs parents depuis 2006 est imputable à la dégradation de la situation économique. Le fort taux de chômage, proche de 25 % depuis 2012, en constitue l’une des principales explications. L’indépendance résidentielle intervient en effet au moment de l’accès à l’emploi. Par ailleurs, durant les périodes de faible croissance, les jeunes sont incités à allonger leurs études tant pour retarder l’arrivée sur le marché du travail que pour améliorer leur niveau de formation. L’augmentation des prix de l’immobilier, très rapide depuis une dizaine d’années, freine l’accès au logement des jeunes qu’ils soient étudiants ou actifs.

Les parents contribuent au financement du logement de leurs enfants

Les jeunes adultes qui ont quitté le domicile parental reçoivent une aide financière de leurs parents soit sous forme d’une aide directe et régulière, soit sous forme d’une pension alimentaire ou du paiement du loyer. Le soutien financier des parents diminue avec l’âge. 68,6 % des 18-19 ans vivant en logement indépendant reçoivent une aide régulière, contre 9,7 % des 24-25 ans et 3,4 % des 28-29 ans. Parmi les plus jeunes, ce sont surtout les étudiants qui bénéficient de cette aide. Chez les 25-29 ans, ce sont surtout les chômeurs.

Les « Tanguy »

Au-delà de 30 ans, à peine 2 % de personnes cohabitent encore avec leurs parents. Ils sont alors plus souvent (12 %) les occupants en titre du logement que les moins de 30 ans (moins de 5 %).

85 % des personnes qui logent chez leurs parents ne sont jamais parties vivre ailleurs. 15 % effectuent des allers-retours du fait d’une perte d’un emploi, d’un divorce ou d’une séparation. La nécessité de venir en aide à un parent en situation de maladie ou de dépendance explique également le retour au sein du domicile parental.

Les cas de retour chez les parents ne constituent pas uniquement des situations transitoires. Pour près de 80 % des plus de 30 ans concernés, ce retour dure au moins un an.

Cohabitation volontaire et cohabitation subie

Neuf personnes sur dix qui ont toujours habité chez leurs parents n’envisagent pas de s’installer dans un logement indépendant au cours des 6 mois à venir. La plupart, notamment les plus jeunes, ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour cela, même en bénéficiant d’une aide familiale. Même s’ils avaient les moyens financiers pour partir, près des trois cinquièmes resteraient chez leurs parents.

La situation de ceux qui sont revenus vivre chez leurs parents pour d’autres raisons que pour y passer les vacances est différente. Au sein des moins de 30 ans, 40 % envisagent de partir à court terme, la moitié n’en ayant cependant pas les moyens financiers. La majorité de ceux qui n’envisagent pas de partir manquent des moyens financiers nécessaires. S’ils disposaient de ces moyens, une large part d’entre eux quitterait le logement parental (74 % avant 30 ans, 58 % à partir de 30 ans).