3 septembre 2016

Le Coin de la Conjoncture du 3 septembre 2016 – Etats-Unis, les sept points chauds de la rentrée

États-Unis, de la consommation, de l’emploi mais pas d’investissement

 L’économie américaine est en plein doute. Le rythme de création d’emplois demeure, depuis six ans, à un niveau élevé. Entre mai et août, le nombre de créations a été en moyenne de 182 000 emplois. Même si la hausse est jugée insuffisante, le salaire médian, de juillet 2015 à juillet 2016, a néanmoins progressé de 3,4 %, selon la Federal Reserve Bank d’Atlanta.

 Du fait de l’augmentation de la masse salariale, la consommation connaît une vive expansion. Au deuxième trimestre, la consommation par personne a augmenté à un rythme annuel de 5,5 %, ce qui équivaut à sa croissance la plus rapide en une décennie. Mais, dans le même temps, le PIB réel n’a progressé sur un an que de 1,2 %. Les deux coupables sont le commerce extérieur et surtout l’investissement des entreprises qui a diminué pendant trois trimestres consécutifs. Il est maintenant inférieur de 1,3 % à son niveau de 2015, soit la contraction la plus importante enregistrée depuis le début de l’année 2010.

 Les États-Unis sont donc confrontés à une énigme : les entreprises embauchent et les consommateurs dépensent mais l’investissement se dérobe tout comme la croissance.

 L’explication pétrolière

 Les États-Unis ont une économie totalement dépendante du pétrole. La chute des cours a offert un gain de 1 300 dollars de pouvoir d’achat aux ménages mais a provoqué la chute de 50 %, entre 2015 et 2016, des investissements au sein du secteur pétrolier. Initialement, le découplage a été causé par la baisse prolongée des prix du pétrole.

 Mais, même en excluant le secteur pétrolier, l’investissement a légèrement diminué dans la première moitié de l’année 2016. Compte tenu de l’importance du secteur pétrolier, sa mauvaise santé a un effet de contagion chez les fournisseurs et chez les investisseurs. Les entreprises financières ont investi environ 21 % de moins au premier trimestre 2016 que l’année précédente. Mais des secteurs n’ayant que très peu de liens avec les pétroliers diminuent également leurs investissements.

 Quelles sont les raisons possibles de ce  peu d’appétence pour l’investissement ?

 Les entreprises américaines sont prudentes du fait de l’absence de visibilité économique et financière. Le ralentissement des pays émergents les incite à revoir à la baisse leurs plans d’investissement. Elles sont par ailleurs pénalisées par l’appréciation du dollar au niveau de leurs exportations.

Les entreprises anticipent un resserrement du crédit. Les banques commencent à être plus exigeantes, ce qui freine par nature l’investissement. Néanmoins, cette explication est à relativiser car les entreprises américaines disposent d’importantes liquidités.

 La baisse de la productivité

 Le point central du recul de l’investissement pourrait reposer sur la baisse de la productivité. Les entreprises différeraient leurs projets car leur rentabilité ne serait pas satisfaisante au regard des expériences passées. Elles s’attendent en outre à un retournement de cycle. De 2005 à 2015, la production par heure travaillée a augmenté de seulement 1,3 % par an, contre une croissance de 3 % par an entre 1995 et 2005. Au deuxième trimestre de 2016, la productivité a même diminué, de 0,4 %.

 La croissance américaine comme celle des autres pays avancés est entravée par la faible progression de la population active. Le Bureau des statistiques du travail prévoit que la population active n’augmentera en moyenne que de 0,5 % par an entre 2014 et 2024 (la progression était de 1,2 % par an entre 1994 et 2004).

 Actuellement, aux États-Unis, les entreprises embauchent avant d’investir ; dans le passé, c’était l’inverse. Le nouveau mode de croissance repose sur des emplois à faibles qualifications exigeant peu de capital (emplois de services, de logistique).

 

Les sept interrogations de la rentrée économique

 À la recherche des 3 % de croissance

 Le taux de croissance de l’économie mondiale peine à dépasser les 3 %. Il était de 2,8 % au deuxième trimestre. Il faudrait une accélération assez sensible au cours du second semestre. Or, pour le moment, aucun signe tangible ne permet de garantir une telle reprise. La réduction des gains de productivité qui concernait les pays avancés touche désormais les pays émergents. La question est de savoir si un rebond est possible avec l’émergence de nouvelles technologies ou process.

Mais où est passée l’industrie ?

La production industrielle mondiale stagne avec une croissance qui tourne autour de 1 % quand elle dépassait 5 % avant la crise de 2008. La faute aux pays émergents dont le taux de croissance a été divisé par deux mais aussi aux États-Unis dont l’industrie souffre depuis 2014 en raison de la chute des cours du pétrole et de la hausse du dollar. Par ailleurs, cette moindre croissance de l’industrie est le signe d’un changement de modèle. L’enrichissement de la population et son vieillissement favorisent le développement des services au détriment de l’industrie. La tertiarisation s’accompagne d’une baisse des gains de productivité et donc de croissance. Cette règle pourrait-elle être contredite avec la montée en puissance du digital, du big data et des objets connectés ?

 Le commerce international en pleine léthargie

 Depuis cinq ans, les exportations mondiales stagnent voire diminuent. En valeur mensuelle, les exportations des 54 principaux pays s’établissaient au mois de juin dernier à 1192 milliards de dollars contre près de 1400 il y trois ans. Cette baisse est imputable à la diminution des cours des matières premières et de l’énergie ainsi qu’à la faible croissance des pays avancés. La moindre augmentation de la demande en biens industriels et la forte concurrence expliquent également que le montant, en valeur, des exportations décline. Est-ce une pause ou une évolution des relations économiques internationales après la montée en puissance de la mondialisation dans les années 1990 et 2000 ?

 Énergie et matières premières : la remontée différée des prix ?

 Le baril de pétrole est censé retrouver, à court terme, les 60 dollars. Pour le moment, il surfe sur la vague des 50 dollars. La forte élasticité de la production rend difficile une augmentation des cours sauf si un accord intervenait entre pays producteurs OPEP et non-OPEP. Si en début d’année, la production mondiale de pétrole brut était passée de 96,5 à 95,5 millions de barils jour, elle a depuis plus que compensé cette baisse et se situe à un niveau historique. Pour mémoire, la production avant la crise de 2008 atteignait 88 millions de barils jour. Le ralentissement des pays émergents et la faible croissance des pays avancés ne poussent pas les cours vers le haut. Du fait du sous-investissement des compagnies pétrolières, il est néanmoins admis qu’une hausse à moyen terme du prix du pétrole est incontournable. Les cours des matières premières restent à un niveau faible même si une augmentation a été constatée entre la fin de l’année 2015 et le premier trimestre 2016. Depuis, une nouvelle décrue est constatée.

 L’inflation toujours aux abonnées absentes

 Le taux d’inflation de l’économie mondiale était selon le FMI, au mois de juillet, de 2,5 %. Il était de 0,5 % pour les pays développés et de 4,1  pour les pays en voie de développement. La chute de l’inflation intervenue depuis 2014 est en grande partie imputable à l’évolution des cours des matières premières et de l’énergie. Malgré la mise en œuvre de politiques monétaires non conventionnelles de la part de plusieurs grandes banques centrales, la hausse des prix demeure mesurée. Une très légère inflexion est constatée au sein des pays avancés depuis le milieu de l’année 2015 mais les prix sont avant tout dépendants du pétrole.

 La bourse, l’épargne et les taux : un casse-tête

 Les déséquilibres commerciaux et financiers tardent à se résoudre. L’Allemagne continue ainsi à battre des records d’excédents commerciaux et le taux d’épargne, en Chine, demeure toujours très élevé. Par ailleurs, le couple liquidités et aversion aux risques génèrent des soubresauts sur les marchés financiers.

 Même si elle est en baisse depuis 2014 en raison de la baisse des places chinoises, la capitalisation boursière mondiale reste  à un niveau élevé proche de son record historique. Au mois de juillet, elle atteignait plus de 57 757 milliards de dollars (source : World Federation of Exchanges). Plusieurs bourses dont celle de New-York continuent de battre records sur records. Certains jugent qu’une correction n’est pas impossible surtout en cas de relèvement des taux par la FED. Avec un taux de chômage à 4,8 % mais avec une croissance moyenne et une inflation entre deux eaux, autour de 1,4 %, la question de l’augmentation des taux directeurs par la banque centrale américaine donne toujours lieu à autant de supputations.

Le Brexit en mode arlésienne

 Les Britanniques ont décidé de sortir de l’Union européenne mais il n’était pas précisé quand ce départ aurait lieu. Nos voisins d’Outre-manche sont connus pour leur patience et leur pragmatisme. Il n’est donc guère étonnant et cela est dans leur intérêt (et peut être le nôtre) qu’ils prennent leur temps afin de négocier le moins mauvais accord possible avec l’Union européenne.

 Quel traitement commercial et financier s’appliquera au Royaume-Uni et quelle réponse auront les Européens du fait du départ d’un membre ? Sur ce dernier point, les divergences entre l’Allemagne et la France ainsi que le calendrier électoral chargé ne favorisent pas la prise d’initiatives ambitieuses.

 2017, une année de changement politique 

 Nouveau Président ou nouvelle Présidente aux États-Unis, élections incertaines en France comme en Allemagne, les considérations nationales primeront au détriment peut-être à moins qu’une crise n’oblige les unes et les autres à intervenir….