30 avril 2016

Le Coin de la Conjoncture du 30 avril 2016

La vie économique n’est pas un long fleuve tranquille

L’Europe est à peine sortie d’une de ses plus longues récessions que certains experts pensent à la prochaine en soulignant qu’il est indispensable de trouver de nouveaux outils afin de pouvoir la combattre.

Une croissance sous contraintes

Même si le PIB est aujourd’hui supérieur à son niveau d’avant crise, certains doutent de la réelle sortie de la récession de la zone. Des facteurs extérieurs ou artificiels ont permis de sortir de la récession sans pour autant enclencher un cycle de croissance.

Les faibles gains de productivité enregistrés depuis la crise de 2008 prouveraient que l’Europe est incapable, sans stimuli, de créer de la richesse. La croissance annuelle de la productivité peine à atteindre 1 % quand le taux avant crise était de 2 %. Cette baisse de la croissance de la productivité n’est pas spécifique à l’Europe mais elle y est plus forte qu’ailleurs. Tous les instituts de conjoncture abaissent leurs prévisions pour les gains de productivité. Le digital déçoit pour le moment. Il offre de l’agrément sans pour autant déboucher sur de la croissance à moins qu’il y ait une erreur d’appréciation, une incapacité à mesurer les effets induits. Il n’en demeure pas moins que pour paraphraser Robert Solow, nous voyons des datas et des objets connectés partout sauf dans les statistiques économiques.

La reprise de la zone euro en cours repose  sur la chute du prix du pétrole. Sans cette chute, la croissance aurait été de 0,3 et de 0,6 %. Respectivement en 2014 et 2015. Deux autres facteurs exceptionnels ont également contribué à la croissance, les taux d’intérêt historiquement bas et la dépréciation de l’euro.

Compte tenu du retard pris en matière de consommation et d’investissement, la reprise apparaît bien modeste. Les agents économiques, par aversion aux risques, refusent de dépenser la totalité de leurs gains. Les ménages n’ont que partiellement utilisé les gains de pouvoir d’achat générés par la baisse du prix de pétrole pour consommer ; de même les entreprises rechignent à investir malgré l’amélioration de leurs marges. L’empreinte de la crise reste forte et continue à peser sur les comportements des acteurs économiques.

La faible inflation contraint par ailleurs les agents endettés à épargner plus fortement qu’auparavant. En effet, la dette accumulée ne se dévalorise pas.

La croissance est également entravée par le maintien dans plusieurs pays de la zone euro d’un fort taux de chômage.

Quels sont les facteurs qui pourraient provoquer une nouvelle récession en Europe ?

Une hausse rapide du cours des matières premières et du pétrole pourrait remettre en cause la reprise européenne. En l’état actuel, il est peu probable que le déséquilibre entre offre et demande de pétrole ne se réduise rapidement. De ce fait, la survenue d’un choc pétrolier serait plutôt la conséquence d’une crise au Moyen Orient. Si pour 2016, un choc pétrolier n’est guère probable, après 2017, en raison du désinvestissement au sein du secteur pétrolier, les cours du pétrole pourraient vite remonter. Un remontée rapide du pétrole de 40 à 90 dollars le baril aurait un impact évident sur l’activité des pays européens surtout si les salaires ne faisaient pas l’objet de relèvement.

La croissance européenne pourrait pâtir d’un ralentissement accentué de la croissance chinoise. Si elle était amenée à passer sous la barre des 5 %, cela pourrait avoir des incidences non négligeables sur les exportations européennes. Un point de croissance de moins en Chine, c’est entre un quart à un tiers de point de moins pour la zone euro.

Une augmentation forte des taux d’intérêt pourrait également toucher l’Europe, même si ce scénario n’est pas le plus probable. Une hausse des taux américains provoquerait une dépréciation de l’euro ce qui pourrait favoriser les exportations. En revanche, elle obligerait, sauf à accroître le quantitative easing, à un relèvement des taux européens, ce qui serait préjudiciable à la croissance.

Comment les États européens pourraient réagir face à une menace de récession ?

En 2008 / 2009, les États européens ont utilisé l’arme budgétaire et l’endettement pour contrecarrer la récession. Or, au vu du niveau atteint par la dette publique, les marges de manœuvre sont faibles sauf pour l’Allemagne.

Pour surmonter cet écueil, les États européens pourraient demander à l’échelon européen d’intervenir en adoptant un super plan Juncker de soutien à l’activité. Cela reviendrait à faire accepter un pas en avant vers le fédéralisme souhaité par certains. La zone euro ou l’Europe pourrait se doter d’un fond d’action conjoncturelle pourvue d’une ligne de crédit.

L’autre voie possible passerait par une politique monétaire encore plus accommodante. Une augmentation des rachats d’actifs pourrait être envisagée et concerner les titres privés. Enfin, en dernière instance, selon Peter Praet, chef économiste de la BCE, « toutes les banques centrales » peuvent imprimer des billets et les faire parvenir à tout un chacun. Cette solution prend le nom d’helicopter money. Des comptes bancaires se trouveraient ainsi crédités d’une certaine somme. Les comptes en question pourraient être ceux des collectivités publiques, voire des particuliers. Dans ce dernier cas, l’objectif serait de relancer la consommation. En l’état actuel, la Banque Centrale Européenne n’a pas mandat pour mener une telle politique. Certes, elle pourrait souligner que son action vise à lutter contre la déflation. L’attribution directe d’argent aboutirait à doter la Banque Centrale de pouvoirs budgétaires. Il est donc peu probable que la BCE s’engage directement sur cette voie.

 

Le déclin relatif de l’industrie française

De 1970 à 2014, la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière française, près de 214 milliards d’euros, a fortement augmenté (multiplication par 8,6) mais son poids dans l’ensemble de l’économie a été divisé par deux passant de 22,3 à 11,2 %. Sur cette période, la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie a été multipliée par plus de 17. La contraction de la valeur ajoutée industrielle est imputable avant tout à la baisse des prix relatifs. Les gains de productivité ont plus été rapides dans l’industrie manufacturière que dans l’ensemble de l’économie. La crise de 2008 marque une rupture. Le recul de l’industrie n’est plus relatif mais bien réel avec, à la clef, une diminution de la valeur ajoutée.

La baisse des prix de l’industrie manufacturière a donc été permise par des gains de productivité plus importants dans cette branche que dans le reste de l’économie. De 1970 à 2014, la productivité apparente du travail s’est accrue de 3,2 % en moyenne dans l’industrie manufacturière contre + 1,7 % dans l’ensemble de l’économie. Dans le même temps, la part des services, principalement marchands hors commerce, a fortement progressé dans la valeur ajoutée de l’économie de 31,7 % en 1970 à 45,4 % en 2014. Celle du commerce s’est légèrement réduite de 12,5 % à 10,3 %.

Le recul de l’industrie doit être relativisé car les entreprises ont procédé à des externalisations au profit des services. Les consommations intermédiaires de services marchands ont fortement augmenté. Elles se sont accrues plus rapidement que la production, pesant sur la valeur ajoutée. Ces externalisations ont essentiellement eu lieu dans les années 90. Par ailleurs, à partir des années 80, la mondialisation des échanges internationaux a modifié en profondeur le secteur industriel. De plus en plus de biens intermédiaires ont été achetés à l’extérieur. En outre, les délocalisations et la concurrence étrangère ont conduit à des fermetures d’établissements.

De 1970 à 2014, la production manufacturière a progressé nettement en valeur et en volume, mais beaucoup moins que les importations. En valeur, la production s’est accrue de 5,2 % en moyenne par an et les importations de 8,4 %. Au total, la part des importations dans les produits manufacturés atteint 36 % en valeur courante en 2014, contre 13 % en 1970. C’est de 1979 à 1989 que la progression est la plus marquée.

La mondialisation des échanges a également abouti à une forte croissance des exportations de produits manufacturés français. De 1970 à 2014, la hausse annuelle est de 8,1 % en valeur et de 5,1 % en volume. La France exporte des biens industriels de fortes valeurs dont les prix augmentent quand elle importe des produits courants enregistrant des baisses de tarif. Néanmoins, sur la période, le solde extérieur des produits manufacturés s’est dégradé après un excédent record en 1997, et devient déficitaire à partir 2007. Le déficit est maximal en 2011, avant de se réduire régulièrement depuis.

Du fait que le marché des biens industriels est de plus en plus un marché de renouvellement et non d’équipement et en raison du vieillissement de la population, de 1970 à 2014, la demande intérieure finale de produits manufacturés progresse moins vite que celle de services (5,8 % contre 7,7 % en valeur). Cette moindre progression s’explique par ailleurs par un effet prix, les biens industriels augmentant moins vite que les services et par un effet revenu (plus un ménage a des revenus élevés, plus il consomme des services).

L’industrie française a donc réussi à résister jusque à la crise de 2008 en maintenant son niveau de production. Elle n’arrive pas, depuis le choc généré par cette crise, à récupérer ses positions.

Au niveau des effectifs, du fait des externalisations, des délocalisations et des fermetures, l’industrie française a fortement réduit ses effectifs. La France a perdu 2 millions d’emplois industriels en 30 ans. L’industrie représentait, en 1973, 28 % de l’emploi total quand ce taux est de moins de 12 % en 2015. Il convient de souligner que l’Allemagne a également connu, sur la même période, une fonte de ses effectifs industriels de 15 points tout comme les États-Unis.

Le Royaume-Uni, futur géant démographique de l’Union européenne, à condition d’y rester !

La France, sauf poursuite du flux de migrants au profit de l’Allemagne, sera le pays plus peuplé de la zone euro en 2060, avec près de 75,6 millions d’habitants (66 millions en 2015). L’Allemagne ne compterait alors que 71 millions d’habitants contre 80,7 millions en 2015. Mais au niveau de l’Union européenne, c’est le Royaume-Uni qui devrait devenir l’État le plus peuplé avec 79,9 millions d’habitants en 2060 contre 64,6 millions en 2015. Le Royaume-Uni devrait dépasser la France en 2030. Forte de sa puissance démographique, le Royaume-Uni pourrait avoir un poids plus important au sein de l’Union européenne avec comme risque de voir sa contribution s’élever.

Parmi les autres grands États, l’Espagne resterait assez stable avec une population passant de 46,4 à 46,1 millions d’habitants de 2015 à 2060. Sur la même période, l’Italie passerait de 61 à 66,3 millions d’habitants quand la Pologne passerait de 38,5 à 33,3 millions d’habitants. Le déclin démographique est marqué essentiellement dans les pays d’Europe centrale (République tchèque, Roumanie, etc…).

 Taux d’emploi, la France peut encore mieux faire !

Le taux d’emploi constitue un élément important dans l’équilibre des régimes de retraite. Il conditionne le montant des cotisations versées aux différentes caisses. Par ailleurs, un taux d’emploi élevé chez les seniors et tout particulièrement au-delà de 60 ans signifie non seulement plus de cotisations mais aussi moins de prestations retraite.

En 2015, au sein de l’Union européenne, le taux d’emploi des 20-64 ans s’est établi à 70,1 %. En France, ce taux est de 70 %. Il a progressé de 0,1 point par rapport à 2014.Ce taux est nettement inférieur au taux suédois (80,5 %), allemand (78 %) et à celui du Royaume-Uni (76,9 %). La France est, par ailleurs, encore assez loin de l’objectif qui lui a été assigné par la Commission de Bruxelles (75 %) pour 2020. Les meilleurs taux d’emploi sont rencontrés essentiellement dans les pays d’Europe du Nord. Les taux d’emploi les plus faibles sont observés en Grèce (54,9 %) et en Italie (60 %).

Par rapport à 2014, le taux d’emploi des 20-64 ans est en hausse dans quasiment tous les États membres en 2015, plus particulièrement en Hongrie, en Estonie ou en Espagne.

La progression de l’emploi des seniors au nom de l’intérêt des retraités

Avec le report des âges de la retraite ou l’allongement de la durée de cotisation, l’emploi des seniors progresse dans la quasi-totalité des pays européens. Le taux d’emploi des 55-64 ans est désormais de 53,3 % contre 38,4 % en 2002.

La croissance a été plus forte chez les femmes (de 29,1 % en 2002 à 46,9 % en 2015) que chez les hommes (de 48,2 % en 2002 à 60,1 % en 2015). En conséquence, l’écart entre le taux d’emploi des femmes et celui des hommes de 55 à 64 ans dans l’UE s’est réduit, passant d’une différence de 19,1 points de pourcentage en 2002 à 13,2 pp en 2015.

Le taux d’emploi des 55-64 ans est le plus élevé en Suède (75,5 %) suivie par l’Allemagne (66,2 %) et le Danemark (64,7 %). Les taux les plus bas sont observés en Grèce (34,3 %), en Slovénie (36,6 %) et au Luxembourg (38,4 %). En France, le taux d’emploi des seniors continue de progresser à vitesse rapide en raison du report à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Ainsi, il est passé de 47 à 48,7 % de 2014 à 2015. Il demeure néanmoins inférieur au taux de 50 % préconisé par l’Europe. Ce taux était, en France, de 38 % au début du 21ème siècle. Le taux d’emploi des 60-64 ans est passé en France de 12 à 22 % de 2003 à 2014.